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Dans l'aube naissante de son bureau Empire, le commissaire divisionnaire Coudrier songeait à Guernica. Non pas au bombardement de la petite ville basque et à ses deux mille victimes, mais au tableau, évidemment. Non pas à la toile en sa totalité, mais au cheval fou. Le commissaire divisionnaire Coudrier abritait au centre de son crâne une tête de cheval qui tirait une langue exorbitée. Bien qu'il ne fût pas d'humeur à sourire, Coudrier songea que l'expression n'aurait pas déplu à feu Pablo Picasso. Dans l'esprit du commissaire, cette langue sortait bel et bien des yeux de la bête. « A moins qu'elle ne sorte de mes propres yeux... » Une langue tendue qu'il imaginait de pierre. Incandescente, pourtant. Quand l'homme s'applique, même les pierres flambent.

Oui.

Ainsi méditait le divisionnaire Coudrier.

Dans l'aube naissante de son bureau Empire.

Les photos d'une jeune fille en morceaux sur son maroquin.

Une religieuse devenue flic, assise devant lui. Et silencieuse.

Gervaise se taisait.

Le commissaire méditait.

Son oreille accompagna le passage chuinté d'une voiture-brosse sur le trottoir humide.

En fait, à y regarder de plus près, il y avait du chien dans ce cheval. Du chien épileptique, en l'occurrence. Un chien épileptique tirait une langue de pierre dans la tête du divisionnaire Coudrier.

Et sur le maroquin, cette jeune fille éparpillée.

Le commissaire leva les yeux sur Gervaise. Il reprit le fil de leur entretien où sa rêverie l'avait interrompu. Ah ! oui... le suicide du vieux Beaujeu, l'indic bellevillois de l'inspecteur Gervaise Van Thian.

– Couvert de tatouages, m'a dit Silistri... de la base du cou à la plante des pieds.

– Oui, Monsieur.

– L'auteur de ces tatouages ?

Mais Coudrier connaissait la réponse.

– Moi, Monsieur, répondit Gervaise.

Qui expliqua :

– Du temps où mon père enquêtait sur les meurtres des vieilles dames à Belleville, j'avais chargé Cissou de sa protection. Cissou avait de l'influence sur la jeunesse du quartier. On ne toucherait pas à mon père tant que Cissou veillerait sur lui. Ces derniers temps, il me donnait des nouvelles des Malaussène...

Elle dit encore :

– En échange, il voulait le souvenir de Belleville sur sa peau. C'était son unique salaire. Il m'apportait les photos des maisons disparues.

La porte à soufflet s'ouvrit sur le plateau à café d'Elisabeth, secrétaire à vie du commissaire divisionnaire Coudrier. Et qui prendrait silencieusement sa retraite dans trois jours. Comme lui.

– Je vous remercie, Elisabeth.

La voiture-brosse tournait au coin du quai. Toilette de l'aube.

– Gervaise, je sais que vous n'êtes pas café, mais quand on a veillé un mort toute la nuit, on en boit deux tasses au matin, sans sucre. C'est ma règle.

– Bien, Monsieur.

« Elle m'appelle Monsieur, songea brièvement le commissaire. Avec la majuscule qu'y mettait Pastor. »

Dans trois jours, la retraite aurait raison de cette majuscule.

– Je ne vous ai jamais posé la question, Gervaise, mais où avez-vous appris l'art du tatouage ?

– En Italie, Monsieur, à Notre-Dame de Lorette, pendant les fêtes de Marie. Les pèlerins s'y font tatouer.

Le commissaire divisionnaire Coudrier connaissait la suite. Religieuse à Nanterre dans un foyer de michetonneuses repenties (l'expression était de l'inspecteur Van Thian son père), Gervaise convertissait les dames et leurs tatouages. Il n'y avait qu'elle au monde pour métamorphoser une érection sanguine en Sacré-Cœur radieux, les armoiries d'un maquereau en Colombe de l'Arche, une bacchanale sur peau de jeune fille en plafond de la Sixtine.

Bien entendu, la hiérarchie de sœur Gervaise avait élevé des protestations horrifiées : ces pratiques, non, vraiment... répulsion à quoi sœur Gervaise avait opposé les tatouages des premiers chrétiens, sainte Jeanne de Chantal, fondatrice de la Visitation, tatouée au nom de Jésus, et tous les Croisés de la vraie foi tombés en terre infidèle, une croix tatouée sur le cœur.

Vaincue par l'Histoire, la hiérarchie de sœur Gervaise lui avait reproché ses fréquentations, sa garde prétorienne de maquereaux pénitents, et qu'elle logeât rue des Abbesses, à Pigalle, un quartier maudit de Dieu. A quoi sœur Gervaise avait répondu qu'on ne surveille pas l'enfer du paradis, et que si les anges peuvent déchoir, c'est que les anges déchus peuvent se sauver. Sœur Gervaise parlait peu, mais ses réponses étaient toujours des réponses.

Pour l'heure, Gervaise et le commissaire se taisaient.

Café.

Petites tasses cerclées d'or, frappées du N impérial.

Le commissaire et son inspecteur se brûlaient le bout des lèvres.

Gervaise s'était assise pour la première fois dans ce même bureau deux jours après la mort de son père, l'inspecteur Van Thian, abattu dans un hôpital, l'année précédente. Religieuse en rupture avec sa mère supérieure, sœur Gervaise était venue le trouver lui, le commissaire divisionnaire Coudrier, chef direct de son père mort, pour s'enrôler dans les forces de police. Elle avait exhibé à cet effet une licence en droit quelque peu défraîchie mais dûment homologuée. Le divisionnaire Coudrier, qui avait d'abord soupçonné un syndrome de filiation (lubie d'orpheline, continuation de l'œuvre paternelle...), avait entrepris d'examiner la vocation de la postulante. Point de vocation. Juste de la détermination. Sœur Gervaise était déterminée : on lui enlevait ses putes, ses repenties disparaissaient les unes après les autres. Pourquoi les siennes ? Il fallait les retrouver. Elle avait quelques pistes qui, toutes, menaient au pire. Elle se déclarait prête à les suivre jusqu'au bout. Sœur Gervaise ne demandait pas la protection de la police, elle demandait à devenir la police.

Le commissaire divisionnaire Coudrier avait fait subir une épreuve orale à la candidate. Sœur Gervaise avait écarté d'emblée les questions théoriques pour annoncer ce qu'elle savait en matière de délinquance urbaine. Le commissaire l'avait écoutée. Et il avait entendu une religieuse lui apporter la solution d'une demi-douzaine d'affaires irrésolues, qu'il avait lui-même classées : la disparition du fourgon de Rungis, octobre 89, le triple assassinat de la rue Froidevaux, juin de la même année, l'enlèvement et la mort de l'enfant Frémieux février 90, l'assassinat de l'avocat Champfort, mai 93... Nature des crimes, nom des coupables, mobiles et prolongements, tout y était, sœur Gervaise connaissait l'enfer comme sa poche. Mais pourquoi ne pas avoir alerté la police en temps voulu ? C'était un délit, cela ! Parce que les coupables avaient eux-mêmes disparu dans d'autres chaudrons, ou qu'ils s'étaient amendés, voilà pourquoi. Et sœur Gervaise de citer deux ou trois monastères qui abritaient ces rédemptions dans l'éternel secret de leur silence. Tout bien examiné, le divisionnaire Coudrier ne voyait pas d'inconvénient à ce que les assassins se condamnassent eux-mêmes à la perpétuité. Certes... mais sœur Gervaise savait la différence entre les murs incompressibles de la perpète et les horizons de l'Eternel. La plus ouverte des prisons est hermétique comme une tabatière, quand le plus clos des monastères donne tout entier sur le ciel. La conversation avait pris un tour crypto-théologique, et le commissaire divisionnaire Coudrier, insensiblement, s'était senti moins seul. L'inspecteur Pastor lui manquait. Le vieil inspecteur Van Thian, père putatif de Gervaise, lui manquait davantage encore.

Bref, le commissaire divisionnaire Coudrier avait usé de son influence pour que Gervaise Van Thian accédât dans la semaine à la dignité d'inspecteur stagiaire, et qu'elle fût versée dans son service. Le divisionnaire Coudrier était devenu la mère supérieure de sœur Gervaise.

La frangine, comme l'appelait le vieux Beaujeu.

Le vieux Beaujeu.

Cissou la Neige.

Victime d'une illusion d'optique... autosacrifié au « paradoxe ultime de l'art plastique » (l'expression était dans le journal).

Le divisionnaire Coudrier s'en excusa auprès de feu Cissou la Neige, mais penser à son suicide le distrayait de la jeune fille découpée sur son maroquin.

– Triste affaire, ce suicide... un affreux quiproquo... une victime de l'Art...

Gervaise approuva de la tête.

– Le suicide est une imprudence.

Cela dit sans sourire. Un propos de l'âme.

– Et ce n'est jamais un argument, ajouta le divisionnaire.

Ils laissèrent le silence retomber.

Le commissaire demanda :

– Vous avez trouvé le temps de prévenir les Malaussène ?

– Oui, Monsieur, j'y suis allée avec l'inspecteur Titus, pendant que Silistri attendait l'ambulance.

*

COUDRIER : Comment se porte le crâne de Titus ?

GERVAISE : Un gros hématome. Il est resté chez lui, aujourd'hui. Il doit passer une radio, je crois.

COUDRIER : ...

GERVAISE : Envisagez-vous une sanction, Monsieur ?

COUDRIER : J'envisage une engueulade. Si Caregga ne l'avait pas assommé à temps, Titus aurait assaisonné deux ou trois de ces cinglés, et il serait en prison pour meurtre, à l'heure qu'il est.

GERVAISE : ...

COUDRIER : Je ne supporte pas l'idée que mes hommes prennent le risque de se faire embastiller.

GERVAISE : ...

COUDRIER : Trop besoin d'eux.

GERVAISE : ...

COUDRIER : J'ai détaché Titus et Silistri du grand banditisme pour votre protection personnelle, Gervaise... Charge à vous de les tenir un peu.

GERVAISE : ...

COUDRIER : ...

GERVAISE : ...

COUDRIER : Votre deuxième tasse.

*

C'était sa sanction à elle. Le café d'Elisabeth tenait du rituel de passage. Une coupe d'allégeance au commissaire divisionnaire Coudrier. Celui qui buvait cela expiait tout. Et pouvait affronter tous les dangers.

Le jour s'était levé. Le divisionnaire Coudrier, dont la double fenêtre restait ouverte sur toutes les nuits de la ville, alla fermer les lourds rideaux de velours vert où butinaient les abeilles impériales et alluma sa lampe à rhéostat. L'or des abeilles et le liseré des tasses rutilèrent dans la pénombre. Le bronze de l'Empereur se mit à luire d'un éclat sombre. Les membres de la jeune fille dépecée explosèrent sous les yeux du commissaire. Cette blancheur !

Il faudrait pourtant y venir.

Coudrier s'offrit un dernier détour en regardant Gervaise boire son café. Il songea aux chapelets. Ses hommes s'étaient mis à égrener des chapelets pendant les briefings, ces derniers temps. Les uns après les autres. Pourtant, l'inspecteur Gervaise Van Thian, infiniment respectueuse de la laïcité républicaine, s'interdisait tout prosélytisme religieux. Elle en avait fait le serment en prenant ses fonctions. Elle avait juré sur la Sainte Croix. Une sorte d'épidémie, donc. Blouson de cuir, santiagues, gourmettes, holster, menottes... et chapelets. Bien. « Les Templiers de Gervaise ». L'expression courait dans les autres étages de la Maison. Coudrier ne comprenait pas... Si ce n'était... peut-être... oui... cette démangeaison au bout de ses propres doigts...

Suffit.

Allons-y.

Il regarda franchement la photo de la jeune fille morte. Cette blancheur... Bouillie ! Le rapport du médecin légiste Postel-Wagner était formel. De la chair bouillie. On l'avait fait bouillir... vivante.

*

COUDRIER : De vous à moi, Gervaise, j'aurais préféré que Titus les élimine tous.

GERVAISE : ...

COUDRIER : Il y a, parmi ces « témoins » appréhendés, deux ou trois personnalités...

GERVAISE : ...

COUDRIER : ... incontournables, comme diraient mes petits-enfants.

GERVAISE : ...

COUDRIER : Mortes, elles eussent été plus... digestes... pour la Chancellerie.

GERVAISE : Et l'inspecteur Titus aurait été condamné à leur place.

COUDRIER : ...

GERVAISE : ...

COUDRIER : Ces gens-là ne seront pas jugés, Gervaise.

GERVAISE : ...

COUDRIER : On jugera les rabatteurs, l'homme à la caméra, les techniciens du laboratoire de duplication, les fourgueurs de films, tout le réseau sur qui votre action nous a permis de mettre la main... mais, parmi les voyeurs...

GERVAISE : ...

COUDRIER : On ne jugera que les voyeurs les moins voyants. La psychiatrie effacera les autres.

GERVAISE : Et le chirurgien ?

COUDRIER : Introuvable.

GERVAISE : ...

COUDRIER : Ni dans la maison ni dans le quartier qui était soigneusement bouclé, vous pouvez me croire.

GERVAISE : ...

COUDRIER : Nous avons obtenu des aveux, Gervaise...

GERVAISE : ...

COUDRIER : ...

GERVAISE : Des aveux, Monsieur ?

COUDRIER : Les rabatteurs et le cameraman ont parlé. Six de vos filles sont mortes.

GERVAISE : ...

COUDRIER : Le chirurgien en a tué six. En un an.

GERVAISE : ...

COUDRIER : ...

GERVAISE : ...

COUDRIER : Nous avons retrouvé les corps.

GERVAISE : ...

COUDRIER : Je suis désolé.

GERVAISE : Vous avez leurs noms ?

COUDRIER : Marie-Ange Courrier, Séverine Albani, Thérèse Barbezien, Melissa Kopt, Annie Belledone et Solange Coutard, la plus jeune.

GERVAISE : ...

COUDRIER : ...

GERVAISE : Je voudrais encore un peu de café...

*

C'était elle qui lui accordait un répit, cette fois-ci, en s'infligeant cette troisième tasse. Elle lui laissait le temps de trouver les mots pour lui annoncer la suite. Elle but son café à petites gorgées silencieuses. On avait retrouvé les corps, oui. Dépecées vivantes sous l'œil d'une caméra, les protégées de sœur Gervaise, toutes. Cela, elle pouvait l'imaginer seule, il n'aurait pas à le lui expliquer. Une histoire de snuffeurs... En madère de criminalité, rien ne dépasse l'imagination. Qui ne se lasse pas de se dépasser elle-même. A trois jours de sa retraite, il semblait au divisionnaire Coudrier que la République l'avait salarié toute sa vie pour apprendre cela, cela seulement : pas de limite ! A chaque jour sa petite surprise. On ne peut pas parler de monotonie... « Vu de l'extérieur, je ne me suis pas ennuyé, en somme... » Le commissaire divisionnaire Coudrier aurait aimé se voir de l'extérieur. Mais, chaque fois, c'était en lui que cela se passait. Et c'était en lui qu'il tournait en rond, maintenant. A la recherche des mots... Les mots justes... De quoi s'agissait-il, après tout ? Oh, trois fois rien... Apprendre à Gervaise Van Thian qu'en cherchant à les sauver de leur vie dissolue, elle avait elle-même envoyé ces filles à la mort.

*

COUDRIER : Et nous savons pourquoi le « chirurgien » choisit surtout vos filles.

GERVAISE : Pourquoi ?

COUDRIER : ...

GERVAISE : Pourquoi, Monsieur ?

COUDRIER : ...

GERVAISE : ...

COUDRIER : ...

GERVAISE : ...

COUDRIER : Pour vos tatouages, Gervaise. Il découpe vos tatouages, et il les vend à un collectionneur.

GERVAISE : ...

COUDRIER : ...

GERVAISE : ...

COUDRIER : ...

*

Eh bien, voilà... Ce n'était pas plus difficile que ça... Toujours surprenant, les conséquences immédiates d'une mauvaise nouvelle. Dans le cas présent, le tremblement léger d'une tasse à café contre sa soucoupe. Rien d'autre que ce tintement. « On a toujours assez de force pour supporter les maux d'autrui. » Allons bon, voilà que La Rochefoucauld en profitait pour s'asseoir sur le coin du bureau. Comme si c'était le moment ! Le divisionnaire Coudrier envoya paître La Rochefoucauld : « Vous et vos aphorismes, mon cher duc, vous n'êtes qu'un réducteur de têtes. »

Gervaise reposa tasse et soucoupe, le plus doucement possible.

– Continuez, Monsieur.

*

COUDRIER : Combien avez-vous tatoué de filles, Gervaise ?

GERVAISE : Toutes celles qui le souhaitaient. Je leur proposais aussi le détatouage. Mais la plupart préféraient un dessin modifié à une vilaine cicatrice.

COUDRIER : Combien ?

GERVAISE : Cent cinquante, un peu plus, peut-être.

COUDRIER : Vous gardez le contact avec toutes ?

GERVAISE : Non, Monsieur. Beaucoup reprennent leur liberté. Elles changent de vie et de région.

COUDRIER : Une seule chose arrête un collectionneur, Gervaise : la fin de sa collection.

GERVAISE : ...

COUDRIER : Tant que nous n'aurons pas mis la main sur cet esthète, vos filles seront en danger.

GERVAISE : Le chirurgien est traqué. Les choses vont se calmer un certain temps.

COUDRIER : Oui.

GERVAISE : ...

COUDRIER : D'un autre côté, le danger lui permettra d'augmenter ses tarifs. La logique de tous les marchés.

GERVAISE : Alors, il n'en deviendra que plus dangereux.

COUDRIER : Je le crains. Comme tout bon spéculateur.

GERVAISE : ...

COUDRIER : ...

GERVAISE : En Bourse comme ailleurs, on ne spécule que sur la mort des autres. Mon père me répétait souvent cela.

COUDRIER : ...

GERVAISE : ...

COUDRIER : Nous ne vouons pas du même côté, votre père et moi, mais il m'aidait à penser.

GERVAISE : ...

COUDRIER : Reste une autre inconnue.

GERVAISE : Oui, Monsieur ?

COUDRIER : L'identité de la dernière victime. La jeune fille, sur cette photo. Ce n'était pas une des vôtres, n'est-ce pas ?

GERVAISE : Non, Monsieur. Mondine la connaissait peut-être. Je vais l'interroger.

COUDRIER : Prenez garde à vous, Gervaise, vous êtes dans leur ligne de mire. Surtout, surtout, que Titus et Silistri ne vous lâchent pas d'un poil. Ni vos maquereaux non plus.

GERVAISE : Bien, Monsieur. Est-ce tout ?

COUDRIER : C'est tout. Et si vous voulez mon avis, c'est assez.

*

Ce n'était pas assez. Dès que Gervaise Van Thian eut refermé sur elle la double porte à soufflet, le chien épileptique refit son apparition dans la tête du commissaire. Le divisionnaire Coudrier eut à peine le temps de s'en étonner que le téléphone sonna.

Et le força à repousser encore les frontières du pire.

– Oh, non !

On lui confirma que si.

Il se tut un instant, reprit son souffle et dit enfin :

– Apportez-moi ces lettres, et convoquez immédiatement Benjamin Malaussène et Julie Corrençon. « Malaussène », répéta-t-il. Et « Corrençon ». Envoyez l'inspecteur Caregga les chercher, il les connaît. Faites vite.