Mon cher ami

 

Puisque vous m’avez gentiment engagé à publier ces méditations, voulez-vous transmettre au lecteur quelques informations utiles ?

La première partie du livre pourrait s’appeler « Système du monde, tome I ». Mais comme ni moi ni les prochaines générations n’écrirons les tomes suivants, j’ai préféré une étiquette plus humble.

Il est inutile de chercher des clefs. J’ai constamment mélangé le souvenir et la fiction. Si ma conversation avec Gustave Charles Toussaint devant l’île de Jan Mayen est à peu près exactement notée, je crains que, dans la Sotie, il ne faille un peu brouiller les personnages, plus précisément réduire les trois Parfaits au seul qui ne l’est pas : après soixante ans, comment aurais-je fait une juste répartition des voix ? En tout cas, le dernier hiver de M. Espopondie, ainsi que nos rapports, auxquels il doit probablement son nom, ont bien été ce que j’en dis. On peut ainsi considérer comme authentique la liasse qui occupe le chapitre II. Mais je dois reconnaître que je l’avais depuis longtemps négligée quand, à la fin de 1968, au troisième étage de la Bibliothèque de l’Université de Princeton, je tirai des rayons un Nostradamus du début du XVIIIe siècle. C’est en y relisant, en y palpant les quatrains sur « Varennes » et sur « Narbon et Saulce » que le problème se ranima en moi et que je décidai de le faire avancer.

Le lecteur voudra certainement recourir au texte. L’édition commentée de Le Pelletier a été élégamment reproduite en 1976 par Jean de Bonnot, 7, faubourg Saint-Honoré. Qu’on se reporte à ces deux volumes.

Mon étude n’eût guère progressé si mes petits-fils et ma belle-fille n’avaient pris à leur compte quantité d’enquêtes philologiques, lexicales, statistiques, historiques. En sorte que si j’ai la responsabilité des arguments, du plan et des conclusions, c’est à eux que revient pour une grande part le mérite de l’opération.

Très cordialement, merci

Georges Dumézil