Chapitre Vingt-Quatre

Waouh.

Je suis une souris minuscule devant un anaconda.

Mowgli a dû ressentir la même chose la première fois qu’il a rencontré Kaa.

M’agrippant à mes boules comme si ma vie en dépendait, je ravale le gallon de salive que mes glandes salivaires ont soudain éjecté dans ma bouche.

Est-ce que j’ai déjà mentionné que « waouh » ?

Dracula est magnifique dans son énormité engorgée. Beaucoup plus gros que Glurp, il risquerait de ne pas entrer en moi, même si cela peut être amusant d’essayer.

L’anneau se crispe et vibre près de la base de Dracula, et je ne sais comment, cela accentue ce spectacle incroyable.

Quelque part au-dessus de moi, Vlad émet un grognement de plaisir.

Merde. J’avais oublié qu’ils étaient reliés l’un à l’autre.

Je commence à reculer – mais à ce moment-là, un liquide crémeux jaillit de Dracula et atterrit sur ma joue.

Je cligne des yeux, incrédule.

Est-ce que… est-ce que ça vient vraiment de se produire ?

D’autres flots jaillissent.

Je ferme instinctivement les yeux alors que le liquide chaud atterrit sur mon front, mon autre joue, mon nez et mon menton.

Une goutte chaude tombe sur Minus, et deux sur Cortex.

Eh bien, maintenant je sais ce que ça fait, quand ça arrive aux stars du porno dans les vidéos de bukkake. Quand Bob a voulu faire exactement la même chose avec moi il y a quelque temps, j’ai refusé, estimant que c’était dégradant. Maintenant, je n’en suis plus si sûre. Peut-être que si…

— Qu’est-ce que tu fais ici ? demande Vlad, interloqué, comme s’il avait vu un fantôme.

Mince. Il a dû finir par ouvrir les yeux.

Je garde mes propres paupières fermées, au risque de mettre mes orbites enceintes, et je me remets sur mes pieds. Mes joues sont si brûlantes que je m’attends presque à ce que le jus de Dracula se mette à grésiller, comme des œufs sur une poêle.

— Ne bouge pas, l’entends-je dire avant de s’éloigner précipitamment.

Est-ce qu’il s’échappe ? Est-ce qu’il veut prendre une photo ? Commander un dîner à emporter ?

Il revient et une main forte prend ma tête entre ses doigts.

Eh bien, voilà qui est agréable.

— L’eau devrait être chaude, murmure-t-il.

Je n’ose pas entrouvrir un œil.

Une serviette en papier me touche le front.

Oh. Il me nettoie. C’est gentil… ou du moins, aussi gentil que ça puisse l’être, compte tenu de la substance en question.

En parlant de la substance, est-il trop tard pour goûter discrètement ?

Non. Il le verrait, et même si la plupart des hommes trouveraient ça sexy, je ne sais pas trop quel est le protocole quand le type en question est votre patron au carré.

— Je suis désolé, dit-il une fois qu’il a fini d’essuyer la zone autour de mes yeux.

Malgré ses paroles, sa voix est terriblement éraillée.

— Je ne sais pas trop comment ça a pu se produire, mais…

— Ce n’était pas ta faute, m’empressé-je de répondre.

J’ouvre les yeux et le regarde finir d’essuyer mes joues et mon menton, avant de baisser les yeux sur mon décolleté d’un air hésitant.

— C’est bon, dis-je, rougissant encore plus si tant est que ce soit possible. Vas-y.

Ses pupilles se dilatent alors qu’il tamponne les quelques gouttes sur Minus et Cortex.

Je baisse les yeux.

Il a remonté sa braguette devant Dracula, mais il semble y avoir une nouvelle bosse à cet endroit.

C’est pratique, j’imagine, au cas où nous déciderions de faire d’autres tests.

Il roule la serviette sale en boule dans sa main.

— Juste pour info, je suis sain. Je me suis fait tester après ma dernière relation, et je n’ai plus été avec personne depuis, alors…

— Je suis saine aussi, lâché-je. Et je prends la pilule.

— C’est bon à savoir, répond-il, les yeux brillants. Mais si je te parle de mes antécédents médicaux, c’est pour que tu n’aies pas à craindre d’attraper de l’herpès sur le visage. Je ne cherchais pas de contrepartie.

Évidemment que c’est ce qu’il voulait dire. Moi et ma grande gueule ! D’abord j’en dis trop, et maintenant j’ai envie de l’embrasser. Est-ce qu’il trouverait ça dégoûtant si je le faisais ? Ma bouche a évité la fontaine de…

Sans crier gare, il penche la tête et colle ses lèvres contre les miennes.

Mon cœur passe en mode supernova et mes genoux menacent de se dérober.

C’est clairement un jour à « waouh ». Ses lèvres sont chaudes et douces, si agréables que j’ai presque un autre orgasme – et que j’en fais presque tomber mes boules. Toute la pièce disparaît autour de moi, et toutes mes craintes semblent s’évaporer. Mes sens se concentrent sur la manière dont sa langue caresse délicatement l’intérieur de ma bouche, et sur la chaleur sucrée et légèrement mentholée de son haleine, sur mon pouls qui bat à mes temps et…

Il s’écarte.

Ma respiration est irrégulière, tout comme la sienne.

— Pourquoi ? demandé-je, à bout de souffle, en levant les yeux vers lui.

— On ne devrait pas, répond-il d’une voix rauque. Nous sommes toujours sous l’influence de l’alcool.

Je recule vivement. Mon excitation s’évapore, remplacée par un élan de colère irrationnel.

Qu’est-ce censé vouloir dire ? Est-il en train d’insinuer qu’il ne m’a embrassée que parce qu’il a une bière – ou un shot de vodka – dans le nez ? Ou bien croit-il que je ne peux pas prendre de décision mature parce que je suis légèrement grisée ?

Avant que je puisse exprimer quoi que ce soit, il a sorti son téléphone pour envoyer un message.

Une milliseconde plus tard, quand la réponse arrive, il annonce :

— Ivan va te ramener chez toi. Viens.

Il me traîne jusqu’à l’ascenseur, m’accompagne à travers le lobby et me tient la portière de la limousine ouverte.

Le trajet de retour se passe dans un brouillard. Un million de questions tournent en boucle dans ma tête, mais surtout deux : Pourquoi s’est-il arrêté ? Et si un simple baiser était aussi incroyable, qu’est-ce que ce serait s’il faisait plus ?

Quand j’arrive chez moi, je laisse tomber les boules dans mon lavabo et me regarde dans le miroir.

Oups. Mon expression bancale est à nouveau un mélange de curiosité, de suspicion et de scepticisme. La colle de ma perruque du sourcil gauche doit avoir cédé à un moment ou à un autre. En tout cas, j’imagine que c’est ce qui s’est passé. Le truc a disparu, il est probablement resté dans la serviette de Vlad.

Pas étonnant qu’il n’ait rien voulu poursuivre avec moi.

Ma première douche est brûlante, et la deuxième glaciale.

Je saute ensuite dans mon lit et me couvre la tête d’un oreiller, cherchant à oublier ce qui vient d’arriver.