Chapitre Vingt-Cinq

Le lendemain matin, la première chose que je fais, c’est récupérer Précieux pour voir si j’ai reçu des messages de Vlad.

Non. Silence radio.

Je regarde ensuite mes e-mails du boulot et découvre un message de Sandra, qui me demande de faire un autre point avec elle. Je lui demande si ça ne la dérange pas de le faire demain. Tant que je n’aurai pas eu de nouvelle de Vlad, je ne pourrai pas lui dire en toute honnêteté que tout est en bonne voie.

J’ai aussi reçu un e-mail de Mike Ventura – alias Butt Head, et peut-être aussi Phantom.

Tu veux qu’on discute demain à 11 h 30 ?

Alors que j’y réfléchis, Sandra me répond que ma suggestion lui convient.

J’organise un rendez-vous avec elle à onze heures, puis je dis à Mike que je suis d’accord pour onze heures trente. Comme ça, je ferai d’une pierre/d’un employé deux coups.

Précieux sonne, annonçant un texto.

Mon cœur bondit dans ma poitrine.

C’est Vlad.

Tu es levée ?

D’une main tremblante, je lui réponds : Oui. Et sans gueule de bois. Et toi ?

Il m’appelle plutôt que de répondre avec un message.

— Salut, dis-je.

— Salut.

Je me racle la gorge et commence :

— Écoute, à propos d’hier…

— Est-ce qu’on peut organiser le goûter des cochons d’Inde aujourd’hui ? me demande-t-il presque en même temps. Oracle a l’air de se sentir seule, ce matin.

Je n’hésite qu’une seconde avant de répondre :

— Bien sûr. À quelle heure veux-tu…

— Nous sommes en chemin, répond-il. As-tu déjà pris un petit-déjeuner ?

— Pas encore.

— Tu veux quoi ?

Avec une sensation un peu surréaliste, je lui dis que je ne serais pas contre quelques muffins aux myrtilles.

— Prends un en-cas en attendant. J’arrive bientôt.

— D’accord.

Mais il a déjà raccroché. Zut.

Je dois me rendre présentable, et vite. Au moins, mon appartement est encore propre depuis sa dernière visite.

J’attaque avec mon kit de maquillage, ce qui me rappelle la débâcle de sourcils d’hier soir. Est-ce à cause de ça qu’il a arrêté de m’embrasser, ou pas ? Quoi qu’il en soit, j’applique les tatouages temporaires en second choix, avant de commander une autre paire de perruques de sourcils pour plus tard, au cas où mon propre sourcil ne repousserait pas assez vite.

Alors que je suis en train de me tortiller pour enfiler un jean propre, Précieux se met à sonner. Je manque trébucher en me précipitant pour décrocher.

C’est peut-être Vlad.

Non.

C’est Ava. Elle exige que je lui raconte les derniers développements, ce que je fais.

— Incroyable, dit-elle quand j’ai terminé. Comment deux personnes peuvent-elles se donner autant d’orgasmes sans même avoir dépassé la première étape ?

Je roule des yeux.

— Ce n’est pas la troisième étape, les sex-toys ? Et les éjaculations faciales, ça ne compte pas aussi comme une étape ?

Elle part d’un petit rire.

— Tout ce que je dis, c’est que tu aurais dû aller jusqu’au bout.

Je pousse un soupir.

— Je ne pense pas qu’il avait envie de moi. Il me trouve peut-être répugnante.

— Répugnante ? répète Ava d’un ton moqueur. Toi ? Tu es…

La sonnette retentit à la porte.

— Je dois y aller, lancé-je dans le téléphone avant de raccrocher.

— Qui est-ce ? demandé-je ostensiblement en approchant de la porte.

— Vlad, répond-il avec une note approbatrice dans la voix.

J’ouvre.

Mince. Pourquoi est-ce que son physique me surprend toujours à ce point ?

À bout de souffle, j’étudie ses boucles noires désordonnées – y compris la mèche rebelle qu’il me démange de toucher avec les doigts – et la jolie forme de ses lèvres. Ses yeux sont d’une teinte de bleu très foncé derrière ses lunettes à monture d’écaille, et il porte sa tenue inspirée de Matrix. Il tient la cage d’Oracle dans une main et un sac en papier brun dans l’autre.

Je ravale ma salive.

— Entre, je t’en prie, dis-je en faisant un signe vers le salon.

Il retire à nouveau ses chaussures, suspend l’imperméable près de la porte et approche la cage de la cabane de Monkey.

— Tiens, dit-il en me tendant un muffin. Ça te dérange si je les place dans la zone de jeux ?

— Vas-y.

J’attaque mon muffin avec appétit.

Miam. Soit il s’est arrêté à la meilleure pâtisserie de New York, soit j’avais vraiment très faim.

Tout en mangeant, je regarde Oracle et Monkey se frotter le nez.

— Je leur ai apporté à manger aussi, dit Vlad en produisant un légume vert que je n’avais encore jamais vu. Ça ne te dérange pas ?

— Pas du tout. Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Des pousses de houblon, répond-il en mordant dans le sien. Ils sont lavés. Tu veux goûter ?

Avec un haussement d’épaules, je goûte le légume. Ça me fait penser au chou, avec un léger arrière-goût de noisette.

— C’est bon. Pourquoi est-ce que je n’en ai jamais vu au supermarché ? Ni au restaurant ? C’est un aliment spécial pour cochons d’Inde ?

Et si c’est le cas, pourquoi est-ce qu’on vient d’en manger ?

Il dépose une longue pousse dans le terrarium et explique :

— Le processus requis pour la récolte de ce truc est assez complexe, alors c’est un peu coûteux pour la plupart des gens.

En voyant la pousse, Oracle l’attrape et commence à la mâchonner.

Monkey grignote l’autre bout. Elle doit adorer ça, parce qu’elle commence à tirer assez vigoureusement sur la tige verte.

Presque avec violence.

En retour, Oracle tire de son côté.

Cela se transforme en bras de fer hilarant – pour moi, en tout cas.

Vlad, lui, fronce les sourcils.

— J’avais oublié combien Oracle aimait ça. J’ai peut-être créé une friction par inadvertance.

Il a raison.

Lorsqu’elles ont arraché la plante en deux et fini de la manger, Oracle se met à pourchasser Monkey en couinant tout du long.

Lorsqu’elle parvient finalement à acculer Monkey, elle la monte et commence à ruer.

Euh, d’accord. Quand Vlad a parlé de friction il y a une seconde, je ne pensais pas qu’il voulait dire dans le sens sexuel. Mais pourquoi se montent-elles ? Ce sont toutes deux des femelles, ne serait-il pas plus logique que l’une d’elles lèche l’autre, ou elles pourraient essayer une position en ciseaux – enfin, je ne suis pas sûre que leurs corps soient conçus pour ça.

— Tu as dit qu’Oracle était une femelle, remarqué-je, réprimant un rire lorsque les ruades s’intensifient. Il ne faut pas des membres masculins pour faire ça ?

— C’est un acte de domination, répond-il avant de jeter les deux morceaux de légumes de deux côtés différents du terrarium.

Comme pour confirmer ses paroles, Monkey se dégage vivement d’Oracle, fait demi-tour et tente à son tour de soumettre sa compagne.

— Les cochons d’Inde doivent être sexistes, dis-je en souriant. Pourquoi celui qui se fait monter serait-il le moins dominant ? Et en quoi est-ce que ça les aide à décider de qui aura le plus de goûter ?

Il me retourne mon sourire et répond :

— Et pourtant, ce serait drôle, n’est-ce pas, si les gens faisaient ça en salle de conférence ?

Nous observons les deux cochons d’Inde, qui finissent par se lasser de se monter l’un l’autre et se contentent de manger une pousse de houblon chacun.

— Je pense que c’est une trêve, dit Vlad. Aucun n’essaie de voler l’autre.

— Où est-ce que je pourrais me procurer ces pousses de houblon ? demandé-je. Apparemment, Monkey adore.

— Mon père connaît quelqu’un, répond Vlad en laissant tomber d’autres légumes devant les deux cochons d’Inde. Mais comme je l’ai dit, c’est un peu cher.

— Ça ne peut pas coûter tant que ça, remarqué-je en étudiant le légume d’apparence quelconque.

— Avec la remise de papa, c’est quatre cents dollars pour quatre cent cinquante grammes, dit-il d’un air sérieux.

Un peu cher ?

Bouche bée, je regarde les cochons d’Inde, puis lui.

— Sérieusement ?

Il hoche la tête.

— Est-ce qu’ils vont pondre un œuf en or, maintenant ?

Il émet un petit rire.

— Il y a peu de chances.

— C’est comme donner du caviar à un chat, dis-je en secouant la tête.

Un sourire apparaît sur son visage.

— Ma mère faisant ça avec son chat, elle n’a arrêté que parce que la litière devenait trop odorante, à ce qu’elle disait.

La vache.

— Je ne dois pas être une bonne maîtresse. Je ne peux pas imaginer donner à Monkey un légume qui coûte plus cher qu’une paire de chaussures.

— Est-ce que tu l’achèterais pour toi-même ? demande-t-il en me tendant une autre pousse de houblon.

Je goûte à nouveau.

— Non. Pas à moins d’être malade et qu’il s’agisse du seul remède. En fait, je l’achèterais pour Monkey aussi, dans ce cas-là. Comme médicament.

— Eh bien, ne t’en fais pas, dit-il en jetant le restant de la nourriture dans le terrarium. J’en apporterai à tous les goûters, pour que Monkey puisse continuer à en profiter.

Oooh. Il veut que les filles se revoient. Par conséquent, il est prêt à passer plus de temps avec moi.

C’est peut-être le bon moment pour parler d’hier.

— Écoute, commencé-je, fière d’avoir réussi à vraiment me lancer. Je voulais te demander quelque chose.

Il m’accorde toute son attention.

Je rougis.

Les mots refusent de sortir.

J’imagine que je dois avorter la mission. Je suis clairement en train de me dégonfler.

— Qu’y a-t-il ? demande-t-il, l’air un peu inquiet, maintenant.

— Les tests, lâché-je avec désespoir. Puisque tu es ici, et que faire ça en face à face ne nous pose plus de problèmes, je me demandais si tu voudrais être productif.

Aïe. J’ai failli dire « reproducteur ».

Il prend un air songeur.

Zut. S’il me trouve répugnante, il va trouver une excuse pour ne pas le faire.

— Bien sûr, répond-il. Allons-y.

J’imagine que c’est bon signe, mais ça ne prouve rien de définitif. Il fait peut-être juste ça pour sa sœur.

Le meilleur moyen de le savoir, ce serait de l’étudier de près pendant les tests, pour voir s’il prend plaisir à m’observer.

Le rouge de mes joues s’accentue.

— Tu veux le faire maintenant ?

Il jette un œil aux cochons d’Inde. Ils sont redevenus les meilleurs amis du monde et se toilettent mutuellement avec enthousiasme.

— D’accord.

Je me précipite dans ma chambre, avant de revenir avec la valise décorée d’organes génitaux. Je l’ouvre en grand sur le sol, devant le canapé, et passe mes choix en revue.

Une expression prudente sur le visage, il examine la valise avec moi.

Sentant que je commence à perdre mon sang-froid, je désigne un gros vibromasseur qui ressemble à une baguette.

— Pourquoi pas celui-là ?

Les battements de mon cœur montent en flèche lorsque je prends la parole, et je dois me rappeler que j’ai choisi le jouet le moins cochon du lot. Ce genre de truc est vendu en supermarché sous le nom de « masseur ».

Bon sang, ma mère m’en a même acheté un, une fois. Elle appelait ça un Vibronator.

— Ça me va, répond-il en levant les yeux de la valise pour les poser sur mon visage. Devrais-je détourner le regard, comme hier ?

Il serait difficile de le séduire s’il se retourne, mais je n’ai pas non plus le cran de me déshabiller, alors je réponds :

— Et si je l’utilisais par-dessus mon jean ? Ça devrait être assez puissant pour fonctionner même comme ça.

Visiblement hésitant, il sort l’appareil de la valise.

Se demande-t-il si c’est à lui que revient le rôle de maintenir ce truc en place ? Ai-je seulement envie qu’il le fasse ?

— Tiens, dit-il en me le tendant, à ma grande déception. Je vais préparer l’application.

Pendant qu’il pianote sur son téléphone, je me couche sur le canapé et écarte un peu les jambes – juste assez pour avoir l’air aguicheuse tout en prenant une position crédible pour que le vibro fasse son œuvre.

Quand il relève les yeux vers moi, sa respiration semble se bloquer un instant dans sa gorge.

Un point pour moi.

Soudain, je ressens un élan de courage.

— Viens, dis-je en tapotant le canapé à côté de moi. Ça ne s’est pas bien passé, la dernière fois qu’on a fait ça debout.

Il s’assoit et les effluves sensuels de son eau de Cologne titillent mes narines.

— Fais-moi savoir quand Mina sera prête, murmure-t-il.

— Mina ?

A-t-il oublié que je m’appelais Fanny ? Et pourquoi parler de moi à la troisième personne, tout à coup ?

Ses lèvres sexy esquissent un sourire.

— Mina était la femme de qui Dracula était amoureux. Je me suis dit que, puisque tu avais nommé le mien, j’allais t’aider à nommer la tienne.

Nom d’un vampire ! C’est tellement parfait. Aucun de mes ex n’a jamais joué le jeu, trouvant mon penchant pour les surnoms carrément stupide.

Je fais de mon mieux pour dissimuler ma joie et hausse l’un des tatouages temporaires qui me tiennent lieu de sourcils.

— Tu devrais me laisser m’occuper des surnoms. Mina est un très mauvais choix.

— Vas-y, dans ce cas, renomme-la.

Hum, un défi.

J’espère pouvoir le relever. L’adrénaline continue son travail de sape et je fais chou blanc. Mais ensuite, l’inspiration me vient.

— Que dis-tu de Gizmo ?

Il jette un bref coup d’œil à mon entrejambe.

— Ce gadget électrique avec lequel on aurait envie de jouer ?

— Non, répliqué-je avec un sourire. La créature mignonne des Gremlins. Tu sais… qui devient dangereuse si elle est mouillée.

Il émet un grognement, et nous éclatons tous deux de rire.

Quand nous nous arrêtons, il me montre l’appli prête à démarrer sur son écran.

— On y va ?

Encore grisée par ces rires, je me sens plus audacieuse.

— Je me demandais si tu pouvais tenir la baguette pour moi.

Son sourire disparaît.

— Tu es sûre ?

Mon visage est brûlant, mais je hoche la tête.

— S’il te plaît, dis-je en lui tendant l’objet.

Il l’active grâce à l’application, et elle se met à rugir comme une tronçonneuse dans ma paume. Enfin, il me la prend.

J’émets un hoquet et prends une profonde inspiration.

C’est bien réel.

Nom d’une baguette, c’est vraiment en train d’arriver !

Il pose son téléphone avant de se pencher en avant et de presser le jouet vibrant contre mon jean.

Tout l’air s’échappe de mes poumons. Même à travers les couches de vêtements, la vibration est incroyable – et elle me provoque un orgasme presque aussitôt, m’arrachant un gémissement bruyant.

Ses pupilles se dilatent et je vois qu’il est sur le point d’écarter la baguette, alors j’agrippe son poignet pour la maintenir en place. J’ai envie d’un autre orgasme, que je sens déjà monter en moi. La tension s’accumule dans mon bas-ventre, ma peau me picote et mes tétons durcissent dans mon soutien-gorge.

Son visage est un masque de pure satisfaction masculine, et ses paupières sont alourdies par l’excitation.

L’orgasme me heurte de plein fouet, me faisant pousser un cri. Il est éhonté et effronté, mais je m’en fiche. J’aime la manière dont cela l’affecte. Il y a une bosse énorme dans son pantalon, à seulement quelques centimètres de moi.

Devrais-je baisser sa braguette et libérer Dracula ?

Pas encore.

Pour l’instant, j’attrape son autre main et la place sur Minus tout en ruant des hanches contre la baguette pour intensifier les sensations qui grandissent à nouveau impitoyablement.

Son regard s’assombrit et il étreint ma chair d’un air appréciateur, juste au moment où un autre orgasme me secoue, me faisant fermer les yeux et gémir à nouveau.

Alors que les secousses se dissipent, j’ouvre les yeux – et me retrouve face à face avec mes parents.