Je viens de me chicaner avec Michaël. Super, ça ne fait même pas trois jours qu’on sort ensemble !
Il y a trop de trucs qui accrochent et il fallait que je lui en parle.
La première chose qui me tape sur les nerfs, c’est sa jalou sie.
Il dit qu’il n’est pas jaloux. Me semble ! Si ce n’est pas de la jalousie, je me demande ce que c’est !
Savoir que je parle à Mathieu, ça le rend fou. On dirait que parce que je sors avec lui, je n’ai plus le droit d’avoir des amis masculins.
Je voyais bien que depuis quelques jours Mathieu l’énervait, mais je n’en faisais pas trop de cas. Je pense que c’est un peu normal qu’il y ait une forme de rivalité entre eux. Moi aussi, ça m’arrive d’être jalouse. Mais je suis capable de me contrôler. Je ne m’impose pas aux autres.
On tchattait et Michaël m’a demandé comment il se faisait que je ne lui répondais pas immédiatement. J’ai dit que c’était parce que je clavardais avec « quelqu’un ».
Mic amoureux ! : J’te gage que c’est avec l’autre.
Mic amoureux ! : L’autre gars.
Nam : Matou ?
C’est le surnom que j’ai donné à Mathieu. Je suis la seule qu’il autorise à l’appeler comme ça. Comme il dit, un surnom, ça atteint sa « virilité ».
Mic amoureux ! : Matou ? C’est qui ?
Nam : Laisse faire. Je tchatte avec Kim.
Mic amoureux ! : C’est Mathieu, n’est ce pas?
Nam : C’est Mathieu. Je l’appelle comme ça.
Mic amoureux ! : OK, vous êtes tellement proches que vous vous êtes donné des surnoms.
Nam : Ouais.
Quelques minutes plus tard :
Nam : T’es là ?
Il ne répondait pas. Est-ce qu’il boudait ? J’ai appelé chez lui, il a répondu.
– Qu’est-ce se passe ? Pourquoi tu ne réponds pas ?
– Parce que.
La réponse qui tue (et me tue !).
– Parce que je t’ai parlé de Mathieu ?
– Peut-être.
– C’est quoi le problème ?
– Rien. Laisse faire.
– Non, il n’y a pas rien. Quoi, tu voudrais que j’arrête de parler à Mathieu juste pour te faire plaisir ?
– Laisse faire.
Je lui ai souhaité bonne nuit et j’ai raccroché.
Vendredi, quand j’ai appris que la mort de Zac était due à une négligence, j’étais bouleversée. J’aime encore Zac et je crois que je l’aimerai toute ma vie. Comme Madeleine, ma psychologue, m’a dit, dans ma tête, Zac aura toujours 13 ans, il aura toujours à mes yeux une image parfaite. Parce que j’étais follement amoureuse de lui quand il est parti, je l’ai idéalisé un peu. Genre, il sera toujours l’amoureux parfait (parfait parce qu’il ne pourra jamais me contrarier ou me décevoir puisqu’il est mort !).
Il ne faut pas que je m’accroche à cet amour éternel. Je dois faire mon deuil et passer à autre chose, sinon je ne pourrai pas évoluer. Il se pourrait que je n’arrive jamais à faire la paix avec son départ, m’a dit Madeleine. L’important, c’est de vivre ce que j’ai à vivre, de ne pas ignorer mes sentiments et de les communiquer. Si je garde ça en moi, ça va pourrir.
J’ai donc parlé à Michaël de ce que je ressentais. Et sa réaction a été, comment dire ? Brutale.
Il m’a dit : « Reviens-en ! »
Ouche.
Tandis que lorsque j’en ai parlé avec Mathieu, hier, il m’a demandé comment j’allais, comment je me sentais et s’il pouvait faire quelque chose pour moi.
Est-ce que j’ai fait le bon choix ?
Est-ce moi qui ai fait le choix ou est-ce que je n’ai pas plutôt subi celui de Michaël ?
Tous mes proches sont super heureux que je sois en couple avec lui. C’est genre « normal ». Parce qu’il est clair qu’il m’aime et qu’il est très romantique. Et que par conséquent, je n’ai AUCUNE RAISON de ne pas sortir avec lui.
Hum…
De toute façon, va falloir qu’il se calme les nerfs avec sa jalousie. Je suis libre, moi. Je fais ce que je veux avec qui je veux.
(…)
Cet après-midi, après la rencontre avec Marguerite et Monsieur M., Mathieu m’attendait. Il était assis, le dos à mon casier. Il lisait un roman. Il l’a refermé dès qu’il m’a vue.
– Ça va ?
– Non, j’ai dit.
Puis, comme si sa présence me permettait de me déten-dre, j’ai éclaté en sanglots. Il s’est relevé et m’a ouvert les bras. J’ai collé ma tête sur sa poitrine et je me suis laissée aller à pleurer. Et ça m’a fait du bien. La boule d’anxiété que j’avais dans le ventre s’est rapidement dissoute.
– C’est complètement absurde, a dit Mathieu. C’est telle ment n’importe quoi, comme accusation. Comment t’aurais fait pour avoir les informations avant le match ?
– Je ne sais pas. Mais tu ne le dis à personne, d’accord ? Ça reste entre toi et moi.
Il a fait oui de la tête. Et nous sommes sortis.
Je n’en ai parlé à personne d’autre, pas même à Michaël.
Ces accusations n’ont aucun sens. Mais les personnes qui vont l’apprendre vont sûrement se dire qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Et que je suis probablement impliquée dans une histoire louche.
Dans l’autobus, pour changer de sujet, j’ai demandé à Mathieu si c’était lui qui avait téléversé l’horrible vidéo de l’accident ridicule de mon frère.
– Non, je l’ai envoyée à Tintin comme il me l’a demandé.
Ahhh ! J’allais me plaindre qu’à cause de lui, ma vie n’est plus la même depuis que je l’ai vue quand il m’a dit :
– Tu sors avec, n’est-ce pas ?
J’ai joué à la fille au quotient intellectuel plus bas que la température moyenne de l’Antarctique :
– Tintin ? j’ai demandé en faisant l’innocente. Non, pas du tout.
Mathieu m’a regardée avec l’air de dire : « Cette réponse n’est pas digne de toi, jeune fille resplendissante et pleine de vie. »
J’ai baissé les yeux :
– Ouais, je sors avec, mais…
– Pas besoin de te justifier.C’est correct.
Il n’avait pas l’air fâché, ni déçu. J’aurais aimé avoir un indice sur ce qu’il ressentait.
– Je ne me justifie pas. C’est juste que je ne veux pas que tu aies de la peine.
– C’est inévitable.
Schnoute !
– Je n’aime pas cette situation. Je sais que tu souffres et ça me désole.
– Vis ce que tu as à vivre avec lui.
Mathieu a appuyé sur le bouton pour avertir le chauffeur qu’il voulait sortir au prochain arrêt. Il s’est rapproché. Je croyais qu’il allait m’embrasser ! Non (malheureusement)! Mais il m’a chuchoté dans l’oreille :
– Je t’aime.
Et il est parti.
(…)
La journée n’a pas été si catastrophique. Une chance !
Kim et moi avons été super surprises en découvrant l’état du local des Réglisses rouges. Killer l’a tout repeint comme on le lui avait demandé. Quand on est allées le voir pour le remercier, il nous a dit qu’il a terminé le travail à minuit !
Super extra !
Ce qui reste à faire : créer une affiche et imaginer une idée malade mentale pour en faire la promotion.
Idée malade mentale que j’ai eue : donner des réglisses rouges aux élèves avec un petit papier indiquant à quoi sert le local.
Monsieur M. nous a donné cent dollars de budget. Cent dollars de réglisses rouges ! Miam ! Je me demande si ça en fait assez pour remplir une piscine pour que je puisse nager dedans…
Après l’école, Kim devait m’accompagner dans le magasin de bonbons d’un parent de Monsieur M. qui est censé nous faire un bon prix.
Finalement, Kim y est allée seule. Elle m’a écrit tantôt, elle a commandé pour cent dollars de réglisses rouges. Il n’en avait pas assez en magasin, il a fait une commande spéciale.
J’espère que le monsieur a bien compris et qu’il ne va pas commander une seule réglisse rouge de cent dollars. Genre une réglisse immense et longue comme un cargo.
Mon frère a besoin de l’ordi.
Il est retourné à l’école, d’ailleurs. Et sous prétexte qu’il est en béquilles, il se permet d’arriver en retard aux cours.
Mais il pousse un peu sa chance. Sa prof de maths a laissé un message dans la boîte vocale : quand il a mis son plâtre dans la classe aujourd’hui, il ne restait que quinze minutes au cours.
Qu’est-ce qu’il a fait pendant les 60 minutes précédentes ? Je comprends qu’il n’est pas super vite avec sa cheville cassée, mais on ne le force pas à tirer un autobus avec ses cheveux !
Il me décourage.