6.

 

Pendant l’heure du déjeuner, je me cache. C’est lâche, je sais, mais quand je me suis retrouvée devant les deux battants de la porte qui mène à la cafétéria, rien que le volume sonore m’a donné la nausée. Je ne supportais pas l’idée d’entrer.

À la place, j’erre dans les couloirs, ignorant mon estomac qui crie famine et mon sentiment de culpabilité quand je songe que j’abandonne Tamra. Mais, au fond, je sais qu’elle saura se débrouiller. En tout cas, je m’en persuade. Elle attend ce jour depuis qu’on est gamines. Depuis que je me suis manifestée et pas elle. Quand Cassian a commencé à la dédaigner et qu’il est devenu pour elle un rêve inaccessible.

Je trouve la bibliothèque. Là, je renifle l’odeur des livres poussiéreux et je savoure le silence. Je me glisse à une table près des fenêtres qui donnent sur la cour et je pose la tête sur le Formica frais jusqu’à la sonnerie.

Pendant tout le reste de la journée, je me laisse porter. Je me dirige vers le dernier cours du jour avec un véritable soulagement. C’est presque fini.

Ma salle de perm de septième heure est bourrée de gens qui sont dispensés d’athlétisme ou qui n’ont pas une moyenne suffisante pour faire du sport. J’apprends ça de Nathan, qui me suit comme mon ombre depuis la cinquième heure.

Il se glisse à côté de moi. Ses lèvres charnues crachent un petit jet de salive à chaque mot.

– Alors, Jacinda, tu vas me dire pourquoi tu es là ?

Je m’écarte en clignant des yeux avant de comprendre. Il ne parle pas de ça, bien sûr. Ce n’est pas possible.

– Euh… je ne sais pas.

– Tu dois te poser la même question pour moi...

Il tapote du pouce son torse bombé.

– Je n’arrive pas à avoir la moyenne en anglais. C’est dommage, parce que notre équipe de foot aurait ses chances de gagner un match si j’étais sur le terrain. Et toi ?

Il louche vers mes jambes.

– Qu’est-ce que tu fais en perm ? Avec ce physique, tu pourrais faire du basket. On a une bonne équipe de filles.

Je range une mèche folle derrière mon oreille. Elle se dégage et me retombe dans la figure aussitôt, comme un ressort.

– Je ne veux pas rejoindre une équipe en milieu de trimestre.

Ni jamais.

Dans cette salle, on a des tables noires. Mr Henke, qui nous surveille, en a une pareille, en plus grand, à l’avant de la salle. Debout derrière, il nous regarde d’un œil hagard et morne, avec l’air de se demander où sont passés les bûcheurs de l’heure précédente.

– Trouvez-vous quelque chose à faire. Pas de bavardages. Travaillez ou lisez en silence, s’il vous plaît.

Il brandit un bloc orange.

– Quelqu’un a besoin d’un laissez-passer pour aller quelque part ? À la bibliothèque ?

Nathan rigole quand la moitié de la classe file faire la queue pour obtenir un laissez-passer. La cloche n’a même pas sonné, mais visiblement, la plupart des gens seront partis avant la sonnerie.

– C’est la débandade !

Nathan me regarde, se penche vers moi d’un air de conspirateur.

– Tu veux qu’on se tire d’ici ? Il y a un Häagen-Dazs pas loin.

– Non. Ma mère vient nous chercher après les cours, ma sœur et moi.

– Dommage.

Nathan envahit mon espace privé. Je m’éloigne vers l’autre bout de la table. Il me couve du regard.

Je fais tomber un de mes livres. Contente de cette diversion, je saute de mon tabouret pour le ramasser. Alors que je suis accroupie sur le carrelage crasseux, le petit duvet de ma nuque recommence à me chatouiller. Ma respiration s’accélère. Je pince les lèvres pour tâcher de ne pas faire trop de bruit. Ma peau me tiraille et se tend, en éveil, et je sais que c’est lui avant même qu’il soit entré dans la salle.

Je le sais. Et je veux que ce soit lui, malgré l’avertissement de Tamra qui résonne dans ma tête. En essuyant mes paumes moites sur mon jean, toujours sous la table, je jette un coup d’œil vers la porte. Je le reconnais, j’en ai la poitrine qui me brûle, mais je reste où je suis, recroquevillée sur le carrelage, pour l’observer.

Je reste immobile, j’attends. Peut-être qu’il va demander un laissez-passer, lui aussi. Et disparaître avec les autres.

Mais il ne rejoint pas la queue. Il s’avance dans la salle, avec un seul cahier qu’il tient mollement à la main.

Soudain, il s’arrête et positionne bizarrement sa tête. Comme s’il avait entendu un bruit. Ou senti une odeur étrange. Il a eu la même attitude dans le couloir tout à l’heure. Juste avant de me voir.

Je tripote mon livre, je presse l’extrémité charnue et sensible de mes doigts sur les coins pointus.

– Hé, ça va ? lance Nathan d’une voix tonitruante au-dessus de moi.

Avec une grimace, je m’oblige à me lever et à regagner mon tabouret, la tête baissée.

– Ouais.

Je ne peux pas me cacher jusqu’à la fin des temps. On est dans le même lycée. Et on a une heure de perm au même moment, apparemment.

Je garde les yeux braqués droit devant moi. Sur le tableau. Sur n’importe quoi sauf lui. Mais c’est impossible. C’est comme si je me forçais à garder les yeux grands ouverts alors que la nature veut que je cille. Je me tourne vers lui.

Son regard tombe enfin sur moi. Il vient vers notre table. Je retiens mon souffle en attendant qu’il passe… Mais non. Il s’arrête, et le crissement de ses semelles qui dérapent sur le sol me scie la colonne vertébrale.

Maintenant qu’il est là, tout près, je le regarde dans les yeux – des yeux qui n’arrivent pas à se décider pour une couleur. Verts, marron, or… À force de les contempler, je me perds, la tête me tourne. Je repense à la grotte – à nous deux confinés dans cet espace humide, exigu. Sa main sur ma peau de draki. Le mot que je crois l’avoir entendu prononcer.

En frissonnant, je m’arrache à son regard et je baisse les yeux vers la table. Je me concentre sur mon souffle, lent et régulier. C’est là que j’entends sa voix. Envoûtée par ce grondement d’une douceur de velours, je relève la tête.

– Ça te dérange si je m’assieds là ? demande-t-il à Nathan sans me lâcher des yeux.

– Boh… non.

Nathan hausse les épaules et me jette un coup d’œil incertain en prenant son sac à dos.

– J’allais à la bibliothèque, de toute façon. À plus tard, Jacinda.

Will attend une minute, les yeux fixés sur le tabouret libre, avant de s’asseoir. Comme s’il pensait que j’allais dire quelque chose. Pour l’en empêcher ? L’y inviter ? Je ne sais pas.

Il pivote légèrement sur son tabouret et sourit. Ce n’est qu’un petit sourire, mais il est adorable. Sexy. Une dangereuse chaleur m’envahit. Elle est indésirable, en ce moment précis. Ma peau me tiraille, impatiente de se muer en peau de draki. La vibration habituelle s’élève dans ma poitrine. Un ronronnement monte du fond de ma gorge. Mon instinct prend le relais et j’ai presque peur de parler dans la langue des drakis, avec ses intonations rauques, si j’ouvre la bouche.

Marrant. Dans ce désert, j’avais peur que mon draki se flétrisse et meure, comme le souhaite maman. Mais je ne me suis jamais sentie aussi vivante, aussi versatile qu’auprès de ce garçon. Je me frotte le bras en exhortant mentalement ma peau à refroidir, mon draki à s’effacer. Pour le moment, au moins.

On reste assis, en silence. C’est très bizarre : il est au courant, pour moi. Enfin, pas moi – il est impossible qu’il sache que ce moi-ci est le même que l’autre moi. Mais il est au courant de notre existence – de l’existence de mon espèce. Il m’a vue. Il sait qu’on existe. Il m’a sauvée. Je veux tout savoir sur lui. Pourtant, je suis incapable de lui parler. Je ne dis rien. Pas un mot. Je suis trop occupée à me concentrer pour préserver la fraîcheur et le calme au fond de mon être. Pour tenir le draki à distance. J’aimerais apprendre à le connaître, ce garçon, mais sans respirer, sans ouvrir la bouche, je ne vois pas comment ce serait possible.

Tout ce qui compte, c’est que sa famille chasse. Je ne dois pas l’oublier. Jamais. Les représentants de mon espèce, ils les tuent ou les vendent aux enkros. Entre leurs sales pattes, nous sommes soit réduits à l’esclavage, soit massacrés. Ma peau se contracte, et je me force à me rappeler qu’il appartient à ce monde funeste. Même s’il m’a aidée à m’échapper, je devrais l’éviter. Et pas parce que Tamra me l’a ordonné. Je devrais rassembler mes affaires et partir m’installer à une autre table.

Au lieu de ça, je reste où je suis, en veillant à garder l’équilibre sur mon tabouret pour éviter que nos corps se touchent.

– Et donc tu es nouvelle, fait-il comme si on était déjà en pleine conversation.

Comme si on se connaissait hyper bien. Je suis prise d’un tic en entendant sa voix – un muscle tressaute près de mon œil.

Je trouve la force de lâcher quelque chose :

– Ouais.

– Je t’ai vue tout à l’heure.

Je hoche la tête et je dis :

– Dans le couloir. Ouais. Moi aussi, je t’ai vu.

Son regard se réchauffe, se promène sur moi.

– Exactement. Et en sport.

Je fronce les sourcils. Je n’ai pas le souvenir de l’avoir vu pendant la quatrième heure de cours, ni de l’avoir senti.

– Tu courais sur la piste, explique-t-il. Nous, on était à la piscine, à l’étage. Je t’ai vue par la fenêtre.

– Ah.

Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’enchante de savoir qu’il m’observait.

– Tu avais l’air de courir drôlement vite.

Je souris. Il me rend mon sourire, et des pattes d’oie se creusent près de ses yeux. Mon cœur bondit de plus belle.

– J’aime bien courir.

Quand je cours à toute vitesse, le vent me fouette le visage et j’arrive presque à croire que je vole.

– Parfois, continue-t-il, les filles et les mecs courent ensemble pendant l’heure de sport. Mais je ne sais pas si je pourrais tenir ton rythme.

Il parle d’une voix basse, séductrice. Des langues de feu me caressent de l’intérieur, s’enroulent au creux de mon ventre.

J’imagine la scène – je nous imagine courant côte à côte, lui et moi. Est-il en train de me dire que ça lui plairait ? Un souffle frémissant s’échappe de mes lèvres. J’adorerais courir avec lui, bien sûr. Mais je n’ai pas intérêt à faire ça. Je n’ai pas le droit. Ce ne serait pas une bonne idée.

Deux retardataires débarquent au moment où la deuxième sonnerie retentit. Ils tournent la tête vers nous. Vers Will, pas moi. Je ne mérite pas leur attention.

Ils marchent l’un derrière l’autre. le premier a des cheveux noir coupés ras, un beau visage, étroit et racé, et des yeux noirs et brillants. J’éprouve un pincement d’appréhension. Il a un regard mortellement froid, calculateur.

Son pote baraqué le suit d’une démarche assurée – ses cheveux sont tellement roux qu’ils me font cligner des yeux.

– Salut.

Le brun fait un signe de tête à Will en s’arrêtant à notre table. Je me recroqueville – curieusement, je me sens menacée.

Will se penche en arrière sur son tabouret.

– Quoi de neuf, Xander ?

Xander semble presque… perplexe. En haussant un sourcil, il reporte son attention sur moi. Et là, ça devient clair. Il ne comprend pas pourquoi Will est assis là. Avec moi.

Moi non plus, je ne le comprends pas. Peut-être qu’inconsciemment Will se souvient de moi, me reconnaît. Mes paumes sont moites de sueur. Je serre les cuisses sous la table.

Le rouquin ne tourne pas autour du pot :

– Tu ne viens pas t’asseoir avec nous ?

Will hausse une épaule.

– Nan.

– Tu fais la gueule ou quoi ? demande le rouquin.

Xander ne dit rien. Il continue à m’observer. Ce regard noir comme de l’encre me met mal à l’aise. Une formule me vient à l’esprit. Le mal incarné. C’est bizarre que je pense ça. Mélodramatique. Mais je suis un draki. Je sais que le mal existe. Il nous traque.

Je m’agite nerveusement sur mon tabouret. De toute évidence, Xander devine ce qui échappe à son copain. Pour une raison quelconque, Will tient à être assis à côté de moi. J’envisage d’aller m’installer à une autre table, mais ça ne ferait qu’attirer encore davantage l’attention sur moi.

Naturelle. Sois naturelle, Jacinda, c’est tout.

– Je m’appelle Xander, me dit le brun.

– Jacinda.

Je sens les yeux de Will rivés sur mon profil.

Xander me sourit. Il a un charme ténébreux qui, j’en suis sûre, marche sur la plupart des filles.

– Enchanté.

Je parviens à afficher un sourire crispé.

– De même.

– Je crois que tu es dans mon cours d’éducation sexuelle1.

Il a une voix suave, mielleuse.

– Tu parles sans doute de ma sœur, Tamra.

– Ah. Des jumelles ?

Il dit « jumelles » comme si c’était quelque chose de savoureux et de décadent – du chocolat dans sa bouche. Je me contente de hocher la tête.

– Cool.

Pendant que son regard s’attarde sur mon visage, je me sens exposée. Enfin, il se détourne de moi, donne une tape dans le dos du rouquin.

– Voilà mon frère, Angus.

J’écarquille les yeux. Ils n’ont rien de commun. À part les ondes de danger qui émanent d’eux.

Il continue :

– Quant à Will, je suppose que tu as déjà fait sa connaissance.

J’acquiesce, même si on n’a pas vraiment fait connaissance.

– On est cousins.

Des cousins. Des chasseurs. Mais pas comme Will.

Une chaleur crépitante gonfle mes poumons. Je retiens mon souffle. J’étouffe le feu qui monte du fond de mon être, la vibration qui gronde en moi. Je ne suis pas étonnée, bizarrement. L’angoisse est là, vive et cuisante, depuis que ces deux types ont débarqué dans la salle. Ils sont différents des autres humains qui m’entourent. Ils représentent un danger. C’est mon instinct qui me le dit.

Xander et Angus ne me laisseraient jamais m’échapper. Ils seraient ravis d’avoir l’occasion de me tuer. Je ne sais plus où me tourner. Face à ces cruels chasseurs, je me sens oppressée. J’ai peur qu’ils lisent la vérité dans mes yeux. Mon regard fuse de tous côtés, cherchant un point sans risque où se poser. Mais je n’arrive pas à l’empêcher de revenir vers eux.

– Vraiment, dis-je d’une voix étouffée. Des cousins. Cool.

Angus affiche un sourire en coin qui dévoile ses dents, et je me rends compte que j’ai l’air d’une idiote. D’une fille insipide.

En haussant les épaules, il adresse un rictus à Will et part vers le fond de la salle. J’ai été recalée. Je respire, mais le soulagement est de courte durée. Xander s’attarde, lui. Avec ses yeux rusés, c’est le plus dangereux. Le plus intelligent des deux.

Son regard va et vient entre Will et moi.

– Tu viens, ce soir ? demande-t-il à Will.

– Je ne sais pas.

Une lueur d’irritation passe dans ses yeux noirs démoniaques.

– Pourquoi pas ?

– J’ai des devoirs.

– Des devoirs ?

Xander lâche ce mot comme si c’était un concept inconnu dont il n’a jamais entendu parler. Pendant un moment, il semble sur le point d’éclater de rire. Puis il retrouve son sérieux et reprend d’une voix dure, mordante :

– On a des trucs à faire. Nos pères comptent sur toi.

Will serre le poing sur la table.

– On verra.

Son cousin le fusille des yeux.

– Oui. On verra.

Ensuite, il se tourne vers moi. Son regard d’encre s’adoucit.

– À la prochaine, Jacinda.

Il tapote négligemment notre table, puis s’éloigne d’un pas tranquille.

Une fois qu’il est parti, je respire mieux.

– Eh bien, dis-je à Will, tes cousins ont l’air… sympas.

Il sourit une seconde, mais son regard est grave.

– Tu ferais mieux de les éviter, réplique-t-il d’une voix basse – et son souffle tiède, franchissant la distance qui nous sépare, vient me caresser la peau.

C’est bien mon intention, mais je lui pose la question quand même. Tout est bon pour mieux le différencier des autres.

– Pourquoi ?

– C’est pas le genre de mecs à fréquenter quand on est une gentille fille.

Il ouvre et ferme le poing, contractant les tendons de son avant-bras.

– C’est des cons. Presque tout le monde te le dira.

J’essaie d’adopter un ton séducteur pour détendre l’atmosphère.

– Et qu’est-ce que presque tout le monde me dira sur toi ? Tu es un mec bien ?

Il se tourne face à moi. Je suis fascinée par ses yeux changeants, qui me rappellent les verts et les bruns luxuriants de chez moi. Il n’a pas un visage doux. Les angles sont durs, comme taillés à la serpe.

– Non. Je ne suis pas un mec bien.

Il se tourne vers l’avant de la salle.

Mr Henke ignore la classe, il tape sur son ordinateur à un rythme saccadé.

J’ai la poitrine qui se comprime, qui me picote. Qui brûle à petit feu.

– Pourquoi tu t’es assis à côté de moi ?

Le silence se prolonge si longtemps que je commence à me demander s’il va me répondre, quand il admet enfin :

– Je ne sais pas. J’essaie encore de le comprendre.

Je ne sais pas ce que j’imaginais qu’il dirait. Que, d’une certaine façon, il me connaît ? Aucun de nous deux n’ouvre son livre. Je respire à peine – j’ai trop peur que la chaleur qui s’amasse en moi trouve le moyen de s’échapper par ma bouche ou mon nez. J’inspire de petites goulées d’air en attendant la sonnerie.

Toute la salle bavarde sans interruption. Dans le bourdonnement monotone, Mr Henke cesse de taper sur le clavier. Je vois ses yeux se fermer et sa tête retomber sur son absence de cou. Ses lunettes glissent sur son nez.

Un éclat de rire strident, derrière moi, me fait sursauter. Je regarde par-dessus mon épaule et je vois une fille, dans le fond, serrée entre les cousins de Will. Angus la chatouille. Elle bondit, et ses longs cheveux blonds volettent dans les airs comme des banderoles. Elle s’agrippe au bras de Xander comme s’il pouvait le faire échapper à cette délicieuse torture.

Xander arbore un sourire paresseux – il a l’air de s’ennuyer. Comme s’il sentait que je l’observe, son regard pivote dans ma direction et son sourire disparaît. Ses yeux noirs me transpercent.

– Retourne-toi.

Mon pouls bondit dans ma gorge quand j’entends cette voix grave. Je me tourne de nouveau vers Will.

Il parle en remuant à peine les lèvres.

– Fais-moi confiance. Tu n’as pas intérêt à faire partie des filles que Xander a remarquées. Ça ne se passe jamais bien pour elles.

– Je lui ai à peine adressé la parole. Je ne pense pas qu’il…

– Je t’ai remarquée, moi...

Un frisson d’excitation me secoue des pieds à la tête. J’essuie mes paumes moites sur mon jean.

Ensuite, Will rigole. Tout bas, doucement. C’est un rire sans joie.

– Alors ouais. Il t’a remarquée.

Sa bouche se tord.

– Je suis désolé.

La cloche sonne. Ce vacarme contre nature me fait sursauter, comme il l’a fait toute la journée.

Là-dessus, Will disparaît. Avant même que j’aie eu le temps de prendre mes affaires ou de lui dire au revoir, il est sorti.


1.  Plus largement, le « cours de santé » (health class) aborde des sujets comme la drogue, l’hygiène, la technique du bouche-à-bouche et du massage cardiaque, etc.