C’était la dernière journée d’école avant les vacances d’hiver, et les élèves de la classe de Natalie Passerose étaient en train de ranger. Natalie était à quatre pattes sous un pupitre, tentant d’attraper une coquille de noisette.
— Elle doit être là depuis notre cours de cuisine de la semaine dernière, dit-elle en étirant davantage le bras.
Son amie Éva Brouillard-Matinal jeta un coup d’œil sous le pupitre.
— Essaie de la pousser vers Aimée, Nat !
Natalie donna un coup sur la coquille. Celle-ci glissa sur le plancher jusqu’à leur amie la souris, Aimée Lavandin, qui était en train de ramasser des miettes près de la porte.
— Bien visé, Nat ! cria-t-elle.
Elle lança ensuite la coquille à Florence Couvresol, une jeune lapine, qui se tenait près de la corbeille.
Florence attrapa la coquille et la jeta à la poubelle.
— Y en a-t-il d’autres ? dit-elle en haussant la voix pour se faire entendre au-dessus du tumulte.
Tout le monde était bien excité à l’idée de partir en congé, et la classe résonnait de rires et de conversations plus sonores qu’en temps normal.
— Non, c’est la dernière, répondit Éva d’une voix tout aussi forte. Tu veux un coup de main pour sortir, Nat ?
Elle souleva un côté du pupitre, afin que Natalie puisse ramper sans s’accrocher les épines.
— Merci !
En se relevant, Natalie regarda à la ronde dans la classe. Régis, le petit frère d’Éva, et son ami Pierrot lançaient des avions de papier depuis l’autre côté de la pièce, et elle se baissa pour en éviter un.
Hervé et Albin, les frères jumeaux d’Aimée, faisaient un combat de torchons à épousseter.
— Ces deux-là, franchement ! grommela Aimée comme elle s’approchait avec Florence.
— Heureusement que monsieur Lanoix est de bonne humeur, dit Éva.
Leur enseignant fredonnait joyeusement en rangeant son bureau.
— Il est probablement heureux de ne pas avoir à te rappeler sans cesse de faire tes devoirs pendant un certain temps, dit Aimée.
— Je les fais quelquefois, dit Éva en riant.
Matys Ducharme, une musaraigne, passa à côté d’elle en transportant un marron.
— Comment se porte ton fabuleux museau de prévisions météorologiques, Matys ? poursuivit-elle. Est-ce que nous aurons bientôt de la neige ?
— Un museau qui fait des prévisions météorologiques ? répéta Natalie, perplexe.
— Oui, son museau le démange, lorsqu’il est sur le point de neiger, expliqua Éva. Hiver après hiver, Matys ne se trompe jamais. Mais bien sûr, tu ne peux pas le savoir, car tu es toujours endormie pour l’hiver, quand ça arrive. Pas de chance !
Natalie et ses parents hibernaient chaque hiver dès qu’il se mettait à faire froid, et ils ne se réveillaient qu’au printemps.
— Je sais ! soupira Natalie. Je manque tous les plaisirs de l’hiver.
— Et alors, cette neige, Matys ? demanda Éva. Aucun signe ?
— Pas encore, répondit Matys en frottant son museau allongé.
— Il va sûrement neiger bientôt, dit Florence. Jamais il n’a fait aussi froid, à la fin du semestre.
— Je me sens déjà fatiguée, dit Natalie en réprimant un bâillement. Et ce matin, mon père parlait de commencer à hiberner dans quelques jours.
— Oh non ! dit Florence, déçue. J’espérais que tu pourrais jouer dans la neige avec nous cette année, Nat.
— Peut-être neigera-t-il demain, dit Aimée avec espoir.
Au même moment, monsieur Lanoix tapa dans ses mains, et tout le monde se retourna pour le regarder.
— Merci à tous, dit-il. La salle est maintenant bien propre. J’aimerais vous souhaiter de très belles vacances d’hiver. La classe est terminée. N’oubliez pas de vous emmitoufler chaudement ; il fait très froid, dehors.
En poussant des cris de joie et en chahutant, tous les élèves se dirigèrent vers les porte-manteaux. Natalie saisit son épais manteau de laine et sortit dans le froid. C’était une journée ensoleillée, et le ciel était d’un bleu pur, sans nuages.
«Le nez de Matys ne s’est pas trompé », pensa-t-elle.
Elle était certaine que pour qu’il neige, il fallait que le temps soit nuageux.
Régis et Pierrot passèrent la porte en trombe.
— Le premier rendu à ma maison ! cria Régis. Le dernier arrivé est une noix de muscade !
Ils évitèrent Natalie de peu, puis partirent en flèche.
— Hourra ! s’exclama Éva. Pas d’école jusqu’au printemps !
Bras dessus, bras dessous, les quatre amies sautillaient dans le sentier qui menait au pré aux Primevères.
— J’espère qu’il va neiger bientôt, dit Florence. J’ai si hâte de faire de la luge.
— Et des combats de boules de neige, dit Éva.
— Et d’aller patiner ! s’exclama Aimée.
— Tout ça semble si merveilleux, dit Natalie avec mélancolie.
— Ça l’est ! répondirent ses amies en chœur.
«Si seulement je pouvais faire tout ça avec elles, pensa Natalie. Si seulement il y avait un moyen que je reste éveillée… »
— Tu nous manques vraiment, lorsque tu hibernes, Natalie, dit Florence.
Natalie soupira.
— Et moi, j’ai toujours l’impression d’avoir raté quelque chose, lorsque je me réveille au printemps. Non pas que ça me dérange que vous vous amusiez, reprit-elle vivement. Seulement, j’aimerais m’amuser avec vous.
— Croisons les doigts pour que la neige arrive demain ; comme ça, nous pourrons jouer ensemble dans la neige.
Soudainement, Natalie eut une idée.
«Et si je restais éveillée plus longtemps que d’habitude, cette année ? Juste quelques jours, pour que je puisse aller glisser, patiner et lancer des boules de neige. »
Il faisait si froid qu’il allait sûrement neiger d’un jour à l’autre.
Un frisson d’excitation lui traversa les épines. Elle ne pouvait penser à rien qu’elle aimerait mieux que jouer dans la neige avec ses amies. Mais elle allait devoir convaincre ses parents de lui permettre de rester éveillée.
— Tu es si tranquille, Nat, dit Éva. Est que ça va ?
— Oui, ça va. C’est juste que… je dois aller chez moi.
Ses amies la regardèrent avec surprise.
— Pas pour longtemps, dit Natalie à la hâte.
Elle ne voulait pas leur parler de son idée maintenant, afin qu’elles ne soient pas déçues si ça ne fonctionnait pas.
— Veux-tu que nous venions avec toi ? demanda Florence.
— Non. Je vais vous rejoindre plus tard. Où serez-vous ?
— Il fait trop froid pour jouer dehors, dit Aimée en soufflant dans ses pattes pour les réchauffer. Allons à notre refuge. Il y fera plus chaud, et il est bien possible que nous ne puissions plus y aller pendant un moment une fois qu’il aura commencé à neiger.
— Je vous y vois bientôt, promit Natalie.
« Et j’espère avoir de bonnes nouvelles à vous annoncer », pensa-t-elle en se dépêchant à travers bois.