Et, je serais debout à côté de mon lit,
Survolant de très haut les flaques du rivage,
Distrait, sentant déjà venir une autre image.
Henri Thomas
Se dérober dans la nuit
pieds nus sur l’asphalte
enveloppé de lune
dans l’air frais de l’été
Le sentier est parsemé
de voltiges humaines
de carcasses défoncées
Des lucioles affamées
scintillent dans le sous-bois
Rite du passage à l’envers
Fugue de la vie à la vie
Il faut
trouver une porte
l’entrouvrir
l’ouvrir
la pousser
(passer inaperçu)
Il faut fuir
cette attente insoutenable
ce présent insupportable
qui vole en éclats
fuir ce filet lumineux
cette caresse du laser
posé sur le front
inquiet du traqué
Il faut partir
en pyjama
se tailler en jaquette
recouverte de fées
de licornes
d’images d’enfants
que nous sommes redevenus
Partir
à la recherche
insenséet existeconfuse
des autres
ils doivent exister quelque part
les autres
ils doivent se demander où nous sommes
les autres
ils s’inquiètent sûrement de nous
des autres
qui sont disparus
dont on ne connaît plus
ni le nom
ni le visage
Le terrain est morcelé
les fragments clairsemés
De tous côtés
des sacrifiés de la raison
des immolés du souvenir
Un véritable champ de bataille oui
mais de quelle bataille?
Il n’y a plus de frais
dispos
apte
il n’y a que las
Un soldat fatigué
un tireur indécis
suspendu dans l’espace
abattu par le temps
Que sommes-nous devenus?
Des fantômes de la nuit
franc-tireurs de l’oubli?
Des coureurs d’infini
poursuivis par de petits enfants
dans les ruelles
les bois
poussés dans le vide
comme des lemmings…?
La langue absurde
vient tout lécher
et les nuages engorgés
du passé distendu
obscurcissent ce qui reste de ciel…