900 (l’histoire générale du monde)

À Walter Benjamin, Bernard D.

L’histoire générale du monde

est écrite sur des racines rampantes

sur le dos des chèvres errantes

sur la loque des loques

 

L’encre de sa plume

se répand sur les murs

en graffitis arborescents

sur le front des mendiants

ces oubliés

effacés du monde

évacués du patrimoine

dans le geste commun

du revers de la main

 

Une marque furtive

au seuil des portes détruites

palais bicoques

 

Une trace disparue

un trou noir fait d’oubli

des gestes quotidiens

Un feu sans ardeur

qui se consume au-dessus des falaises

des faiblesses humaines

illuminant la chute

l’ombre et le corps

le malaise des charniers

le dépotoir monumental

 

Une histoire qui ne compte pas

n’existe pas

ne réchauffe plus

 

Au-dessus de l’histoire générale

s’élève l’Histoire officielle

arnaque des vainqueurs

 

Un vol surprenant

au-dessus des biopsies de l’âme

des biosphères de Petri

là où les mutations du génome humain

comme les naufragés d’un grand bateau

s’agitent dans les eaux glacées

des océans innommés

 

Une belle peinture

accrochée

au mur parfait de la dérision

 

Morote Jime!

Katate Jime!

Un dernier éclatement

 

Des mots marins

voyageurs du monde ancien

à genoux devant l’inconnu

attendent le monde moderne

 

Une virgule pèlerine inquiète

devant le soleil de l’extrême

s’étire interminablement

Fil transparent

forme indiscernable coulante

silhouette fragile

dans l’éternelle beauté de l’optimisme

qui se tient debout

derrière elle

en poussant

 

Des points de ténèbres

des taches d’huile

dansent dans l’eau limpide…