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Franz von Stuck,
Le Gardien du Paradis, 1889.

Huile sur toile. Museum Villa Stuck, Munich.

 

 

Les Artistes de la Sécession munichoise

 

Les membres les plus importants de la Sécession de l’époque, pour n’en citer que quelques-uns parmi d’autres, étaient leur premier président (1892), le peintre et sculpteur Bruno Piglhein (1848-1894), ainsi que le peintre, pédagogue et enseignant d’art Louis von Herterich (1856-1932), qui ne fut jamais à la hauteur des espoirs qu’il avait éveillés avec ses peintures Johanna Stegen (1857) et Ulrich von Hutten.

Franz von Stuck, l’un des trois « maîtres de la peinture munichoise » avec Franz von Lenbach et Friedrich August von Kaulbach, s’était fait connaître en tant que sculpteur et était aussi une figure de la Sécession. Se nourrissant de la sombre brutalité de la peinture baroque, des couleurs intensives d’Arnold Böcklin ou encore de la beauté rigide des sculptures antiques du temps archaïque, Franz von Stuck développa son propre style de dessin et de peinture qu’il appliquait à son gré tantôt de manière sévère, tantôt luxueusement, à ses créations fantastiques et libres, aux portraits, aux paysages ou aux natures mortes. Son style de l’époque était particulièrement adapté aux représentations massives comme Fangspiel (Faun und Nymphe) (Jeu de pêche (Faune et nymphe), vers 1904), Kampf um eine Frau (Combat pour une femme, 1905) ou Salomé (1906).

Fritz von Uhde (1848-1911) appartenait également à ce groupe d’élites qui avait joué un rôle de pionnier dans la peinture en plein air à Munich. Il suscita d’abord de l’intérêt, puis provoqua des controverses à cause du contenu de ses tableaux, peints avec une sensibilité profonde et un christianisme social. Plus tard, il impressionna par des solutions magistrales de réalisations purement picturales. Et c’est parce que l’artiste avait une approche véritablement religieuse que ses œuvres sont si impressionnantes. Nous ne citerons ici que Laissez venir à moi les petits enfants (1884), Jésus, sois notre hôte (1886), La Cène (1886) et La Nuit sainte (1889). Mais il peignit également des tableaux qui reflètent son sens naturel des réalités ainsi que son don d’observation rigoureuse de la nature. Citons, à titre d’exemple, Tambours bavarois (1883), Chambre d’enfants (1889), Le Livre d’images (1889) et Couturière à la fenêtre (1890). Comme Fritz von Uhde avait lui aussi exposé à la Sécession viennoise, Ludwig Hevesi disait de lui :

« Et Fritz v. Uhde – dont le magnifique tableau La Cène, l’un de ses chefs-d’œuvre que nous connaissions déjà de Munich, est généralement considéré comme sa meilleure performance – sera lui aussi célébré. [...] En tout cas, c’est le travail le plus remarquable du maître. Uhde revient dans ce tableau au lyrisme fin et gracieux de ses débuts, aux ambiances dans lesquelles tant de choses demeurent inexprimées qui donnent alors une impression d’inexprimable. Il s’est détourné de cette poésie de l’impondérable pour s’intéresser dans les dernières années à des sujets plus palpables. »

Entraîné par l’exemple d’autres artistes, Uhde choisit de s’exprimer dans des formats plus grands. Vers la fin de sa vie, il créa les œuvres les plus fraîches et pittoresques de toute sa carrière, des intérieurs et des tableaux en plein air avec ses trois filles, qui témoignent non seulement de la continuité de ses convictions, mais aussi de l’atteinte du sommet de son art ainsi que de sa place confirmée parmi les artistes les plus importants du XXe siècle.

Des artistes comme le peintre Hans Thoma (1839-1924) et Lovis Corinth (1858-1925) ainsi que l’impressionniste berlinois Max Liebermann (1847-1935) sans oublier Hugo von Habermann (1849-1929), d’abord vice-président puis président, comptent également parmi l’élite artistique munichoise de ces années-là.

Cependant, ce groupe ne répondit pas non plus à toutes les attentes et se divisa encore plusieurs fois avant que la Nouvelle Sécession vît le jour en 1913. Quelques artistes berlinois avaient rejoint la Sécession munichoise, parmi d’autres le portraitiste Reinhold Lepsius (1857-1922) ou encore Max Kruse, marié avec la reine des « poupées »[4] Käthe (1854-1942), de même que Walter Leistikow (1865-1908) né à Bromberg, le Bydgoszcz actuel, qui devait fonder plus tard la Sécession berlinoise.

La Sécession munichoise fut dissoute en 1938 par les nationaux-socialistes au cours de leur « nettoyage culturel ».