LES ATELIERS VIENNOIS

 

 

 

Dans une critique d’une étude sur la construction nouvelle d’une église dans le cimetière de Währing, Hermann Bahr écrivait à la fin de l’année 1899 :

« Tout Wagner et tout son art sont intrinsèquement contenus dans ces mots : vaincre « l’image irréfléchie » par une construction en harmonie avec l’apparence de l’humanité moderne. Si l’on se souvient des dernières expositions d’art à Munich, dans notre Sécession ou même à Dresde cette année, et que l’on fait une comparaison avec les quelques années passées, on remarque, comment peu à peu et de plus en plus, l’image est évincée par des chaises, des tables et des boîtes, des aménagements entiers, mille choses de la vie quotidienne. »

Quelques artistes de la Sécession viennoise avaient réfléchi depuis longtemps à la condition de l’artisanat d’art, mais le résultat assurément négatif les poussa alors à fonder en 1903 les ateliers viennois, une communauté d’artisans d’art à Vienne qui exista jusqu’en 1932. Elle suivit ainsi le même développement que le mouvement Arts and Crafts en Angleterre depuis le milieu du XIXe siècle. Comme déjà exposé, ce mouvement, qui connut son apogée entre 1880 et 1920, doit principalement son développement au génie de William Morris (1834-1896), imprimeur, écrivain, poète, conférencier, peintre, dessinateur et architecte britannique et au peintre et historien d’art John Ruskin (1819-1900). En Allemagne, l’artisanat d’art devint un centre de préoccupation avec la fondation du Deutscher Werkbund (association allemande des artisans) en 1907, et plus tard du Bauhaus.

Ludwig Hevesi salua l’événement le 21 janvier 1905 avec les mots suivants :

« L’atelier viennois, nouveauté de la série actuelle, est annoncé pour aujourd’hui sur le programme des randonneurs d’art. Cette entreprise singulière et hautement méritoire fait partie des événements les plus réjouissants créés en faveur du développement des arts décoratifs modernes à Vienne. Rien que le fait que c’est un acte purement privé qui repose sur la confiance de l’exactitude et le bien-fondé des principes observés est à souligner. Nous sommes face à une initiative à succès de l’idéalisme pratique, qui, il y a peu de temps encore, n’aurait pas pu se faire à Vienne.

Tout tranquillement, sans le bruit soi-disant propre au métier, on a créé ici un foyer des arts décoratifs pour des travaux de bon goût, raisonnables et surtout honnêtes, dans différents matériaux. Le principe de l’honnêteté a justement donné cette touche convaincante au nouvel art décoratif, qui, dans notre siècle des machines, de production en masse à l’européo-américaine (la devise étant : mauvaise qualité et bon marché, comme le remarquait déjà Reuleaux[7]) ne se trouve depuis longtemps presque plus qu’au Japon.

La nostalgie de l’honnêteté dans les arts décoratifs finit par imposer le changement chez nous. L’atelier viennois n’est aujourd’hui peut-être qu’un beau début, nous voudrions y croire. En tout cas, elle contient les germes d’une école de santé pour le travail et l’ouvrier, par conséquent aussi pour le public consommateur. »