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Traité sur la tolérance

 

 

 

 

 

 

 

 

Janvier 15, au même titre que l’affaire Dreyfus, la chute du Mur ou le 11-septembre, est de ces cristallisations simples, « bonnes à penser », qui théâtralisent l’engagement intellectuel, et, par là même, le mettent à l’épreuve.

L’intellectuel a reçu son nom de baptême en France, au cœur de l’affaire Dreyfus, même si la chose est à l’évidence plus ancienne que le mot. On en a proposé il y a trente ans une définition1, reprise par d’autres2. L’intellectuel n’est ici ni un statut, comme chez certains sociologues ou dans la constitution soviétique de Staline, ni une position, comme chez Jean-Paul Sartre3, qui le réduit à l’intellectuel de gauche, mais — tant qu’à reprendre une formulation sartrienne — une situation. Preuve vivante de l’auctoritas, l’intellectuel s’autorise d’une légitimité acquise sur le terrain du culturel pour intervenir sur le terrain du politique. Notons que, puisqu’elle est culturelle, cette légitimité peut être philosophique ou scientifique mais aussi artistique — vous êtes alors Raymond Aron ou Albert Einstein, mais aussi Vaclav Havel4 — et à ce stade il importe déjà de signaler que si c’est votre capacité à vous faire reconnaître comme créateur qui la fonde, vos contemporains pourront vous avoir d’abord classé comme « simple » médiateur : pour la société de leur temps Walter Benjamin ou Siegfried Kracauer étaient des journalistes ; ce sont les universitaires qui les ont ramenés ensuite dans leur giron et assimilés à des « philosophes ». L’intervention dans le débat de société fait sortir l’intellectuel de son domaine d’expertise pour une nette montée en généralité — c’est bien là l’« engagement », métaphore militaire (tout comme « avant-garde ») qui signe l’identité tendanciellement polémique du personnage.

 

 

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Depuis Régis Debray5, il est difficile de raisonner de l’intellectuel sans développer une théorie du pouvoir qu’il croit exercer, et qu’en effet il exerce au moins sur un certain public : celui qui croit que les intellectuels ont ce pouvoir. Appliquée à la France cette lecture nourrit une dialectique, en effet très française, entre une rhétorique — celle de la « trahison du clerc », pour parler comme le Julien Benda de 1927 — et un état de fait — celui de ce que l’on pourrait appeler alors la « tradition du clerc ». La double identité catholique et étatique de la France explique à la fois l’épanouissement et la visibilité de cette figure. Ce pays de vieille cléricature fut en effet, parce qu’il était aussi un vieux pays d’État, le grand terrain d’expérience de la sécularisation des clercs en question, que le siècle des Lumières, point d’aboutissement de cette expérience, baptisera « philosophes ». Au-delà du cas français, les sociétés de culture catholique, orthodoxe ou confucéenne sont des sociétés préparées, sinon à la reconnaissance du pouvoir de l’intellectuel, du moins à la croyance en ce pouvoir : toute la différence avec les sociétés de culture protestante, où la sécularisation a eu lieu plus tôt, dans une perspective théologique maintenue et dans le cadre d’un État faible, ce qui explique que si le personnage n’en est pas absent — de Jeremy Bentham à Noam Chomsky en passant par Bertrand Russell —, son audience, en revanche, reste singulièrement plus limitée. Quant à la rhétorique de la trahison, elle n’aura de sens que dans le premier cas de figure, l’intellectuel standard apparaissant aux yeux de ses dénonciateurs comme toujours menacé par l’abandon des bonnes valeurs — qui dans ce langage de clercs sont toujours universelles — au profit des mauvaises — qui dans le même langage sont toujours particulières : nation, classe, race… On notera au passage que Benda, ébranlé par la Seconde Guerre mondiale, « trahissant » ses principes, terminera compagnon de route du parti communiste.

La déclinaison postmoderne de cette rhétorique s’appellera « silence des intellectuels »6, le silence en question précédant, d’après certains analystes, non la reprise de parole mais la mise au « tombeau », avec toute l’ambiguïté voulue de ce dernier terme7. Dans l’entre-deux siège une thèse plus courante, celle qui ne mettra en avant ni silence ni trahison mais, sans se prononcer plus au fond, diagnostiquera le déclin de l’intellectuel, sous sa forme classique, réunissant formation académique et engagement généraliste, au profit de l’« intellectuel médiatique » et / ou des experts. Ce diagnostic répandu pose cependant plus de problèmes qu’il n’en résout.

Le constat d’une crise n’est pas niable, puisqu’il ne s’agit jamais que du constat d’un discours de crise. Mais à l’orée du XXIe siècle, il a d’autant plus d’audience qu’il se greffe sur un autre discours, celui d’une décadence nationale. Thématique récurrente et assez mondialement partagée, en fonction des pays, des périodes et des secteurs — on repère déjà un discours nostalgique dans le plus ancien texte littéraire de l’humanité, l’épopée de Gilgamesh — la déploration d’une décadence — rejointe en flanc-garde par sa délectation morose — n’est pas un phénomène nouveau en France. La nouveauté tient à l’ampleur prise par le phénomène qui, à la veille de Janvier 15, finissait par être le seul point d’accord entre des analyses partant, pour parvenir à ce diagnostic, de lectures idéologiques par ailleurs radicalement opposées. Signe des temps, un mot spécifique sera forgé pour réunir dans une même catégorie intellectuelle ces discours différemment argumentés et orientés : le « déclinisme »8. Depuis le début du siècle — disons depuis le 11-septembre —, les deux voix les plus remarquées par les médias classiques avaient été celles de Nicolas Baverez et d’Éric Zemmour, qui, au reste, avaient redoublé leurs coups : La France qui tombe, 2003, puis Réveillez vous !, 2012 pour le premier, Mélancolie française, 2010, puis Le suicide français, 2014, pour le second. À cette jérémiade, au sens étymologique du terme, à caractère général s’ajoutait la troupe plus nombreuse encore des déclinistes spécialisés, orientant leur feu, par exemple, ici vers l’école (Jean-Paul Brighelli, Peter Gumbel…), là vers la gauche, avec des points de vue parfois totalement opposés comme, sur la seconde cible, ceux de Bernard-Henri Lévy (Ce grand cadavre à la renverse) et de Philippe Corcuff (La gauche est-elle en état de mort cérébrale ?).

Mais, au-delà de cette observation, tout est beaucoup plus discutable. D’abord parce qu’il est nécessaire de faire remarquer que ce qui définit l’intellectuel, ce n’est pas qu’il pense — attribut assez répandu —, ni même qu’il pense le monde, mais qu’il est conduit, d’abord, à médiatiser cette pensée, ensuite à en tirer des conséquences politiques. Sur le premier point tout a été posé dès les travaux de Régis Debray dans leur phase la plus « médiologique » : si peu que ce soit, l’intellectuel est un communicant, homologique des états successifs de la médiation. Il y a donc autant de types d’intellectuel que de grands âges des médias : intellectuel de l’oralité, de l’imprimé rare, de l’imprimé de masse, de l’audiovisuel, aujourd’hui d’Internet, et ainsi de suite. On voit, à ce stade, que, loin d’être éclipsé par le journaliste, le personnage tirerait plutôt bien son épingle du jeu, à l’heure où la plus évidente victime du triomphe d’Internet n’est pas le blogueur mais le journaliste professionnel.

La thèse du triomphe de l’expert sur l’intellectuel généraliste se défend mieux mais elle n’a pas nécessairement la signification négative que ce discours entend lui donner. D’un côté l’expertise n’est en soi nullement contradictoire avec l’ambition théorique et assurément jamais étrangère aux choix idéologiques des experts en question, ce que vérifient aisément les querelles internes — qui s’extériorisent parfois — aux différentes sciences sociales, en particulier celles des économistes et des sociologues, les premiers dominés par l’idéologie libérale, les seconds par l’idéologie antilibérale. Ainsi du politologue Laurent Bouvet attaqué par Philippe Corcuff ou du géographe Christophe Guilluy attaqué par l’anthropologue Jean-Loup Amselle. De l’autre, et plus radicalement, il apparaît avec le recul que les intellectuels généralistes — qui sont, de fait, eux-mêmes des experts, mais de culture littéraire ou philosophique — n’ont guère prouvé dans les générations antérieures leur aptitude à penser le monde, en particulier pendant cette grande ordalie intellectuelle qu’a été la guerre froide. Ainsi les lectures et engagements de plusieurs « grands intellectuels » occidentaux face à la Chine maoïste n’ont-ils pas résisté en face de la production « experte » d’un seul Simon Leys. La contre-performance — mais compensée par une large audience, au moins dans l’immédiat — d’Emmanuel Todd confirmerait que la montée en généralité (la légitimité scientifique initiale, ici, résidait dans la démographie) est bien l’examen d’entrée dans le club, aux risques et périls du postulant.

Dans le temps, en effet, la thématique du déclin renvoie à une idéalisation des lointains qui pose comme âge d’or de l’intellectuel classique des situations de polémiques qui apparaissent pourtant, quand on se plonge dans les textes d’époque, avoir été plus propices au dogmatisme qu’à la finesse critique. Dans l’espace, cette façade argumentative semble vouloir ignorer une autre crise, peu mise en avant, même par les déclinistes — peut-être parce que l’admettre c’est entraîner dans un même gouffre tous les acteurs de ces débats, de gauche comme de droite, généralistes comme experts, déclinistes comme volontaristes : le déclin international de la référence française, indépendamment de toute analyse de contenu, de toute supposée « qualité » du débat. Face à un doute sérieux sur la supériorité conceptuelle des intellectuels des générations antérieures — et surtout sur son indémontrabilité —, on en est donc réduit à soupçonner que, plus encore que le recul de la place accordée au débat idéologique dans la société — il suffit de se plonger dans les blogs et forums pour constater que le débat fait rage et qu’il a toutes les caractéristiques dogmatiques et polémiques du débat à l’ancienne —, c’est la conscience du faible écho des états d’âme français au-delà des frontières nationales qui mine de l’intérieur l’image de soi de l’intellectuel français maintenu.

Le déclin d’aujourd’hui éclaire et explique au reste et a contrario l’audience d’un Camus ou d’un Sartre après la Seconde Guerre mondiale : deux personnalités accumulant sur leur tête les légitimations culturelles (Sartre loin devant) dans une république des lettres internationale toute prête à les suivre ou à les insulter, donc à les reconnaître. Ce n’est pas par hasard si l’influence intellectuelle française a été à son apogée dans cet après-guerre : elle a été comme exhaussée par l’affaiblissement à partir de 1918 puis l’anéantissement à partir de 1933 de ce qui était depuis Kant et Hegel la grande référence philosophique mondiale. L’hégémonie philosophique allemande a été d’autant plus aisément remplacée par une hégémonie intellectuelle française que la part qu’y prirent les philosophes fut plus importante que jamais — dans l’entre-deux-guerres encore le rayonnement des intellectuels français était essentiellement de source littéraire, entre Romain Rolland et Paul Valéry — et, surtout, parce qu’elle en assurait la continuité structurelle, la production philosophique française modèle 1945 étant très largement une « philosophie allemande de langue française », souverainement indifférente, c’est-à-dire hostile, à la production anglo-saxonne.

Janvier 15 est survenu à un moment où cette double courbe déclinante — celle de la référence culturelle française en général et celle, en ce pays, de la référence philosophique allemande — était déjà bien avancée, parce qu’elle était à la fois cause et effet d’un retournement quant à lui nettement idéologique, bien propre à changer la configuration du terrain sur lequel cette intelligentsia affaiblie était supposée s’engager. La révolution de 1975 clôt le cycle des Trente Glorieuses, qui auront été, sur le plan intellectuel, les trente glorieuses du progressisme. En art comme en idéologie, au retournement des courbes économiques allait en effet répondre la grande révision des valeurs modernistes, la fin de la dynamique des « avant-gardes », mot commun un temps à l’histoire de l’art et à celle du mouvement ouvrier. Au moment même où, au Viet Nâm, une guérilla léniniste triomphait de la première superpuissance militaire, la dernière grande contribution française au débat intellectuel international allait être le relais assuré par ce pays à L’archipel du Goulag — c’est en effet en France que sortit la première édition russe du livre, fin 1973, suivie dès juin 1974 de la première traduction en langue étrangère : la traduction française — et « ceci allait tuer cela ».

La première dénonciation, dix ans plus tard, du silence des intellectuels témoignait de ce décrochage, puisque ledit silence signifiait surtout, sous le regard d’une gauche encore régie par une alliance PS-PC, un sensible infléchissement des intellectuels les plus en vue, désormais orientés non sur une hypothèse progressiste mais sur un combat antitotalitaire. Accessoirement ce constat affligé des nouveaux dirigeants confirmait un diagnostic qui remettait assez profondément en cause les fondations du supposé pouvoir intellectuel puisqu’il confirmait a contrario que la gauche politique, écartée du pouvoir central pendant plus de vingt ans à une époque de forte visibilité des intellectuels, avait, au fond, gagné les élections de 1977 et de 1981 à contre-courant du trend des intellectuels français. De là à conclure à l’innocuité politique desdits intellectuels, il n’y avait qu’un pas, qu’aucun observateur ne franchit, si fort était, de l’extrême gauche à la « nouvelle droite », la conviction très française du poids de cette cléricature. Quinze ans plus tard, la chute du Mur ne faisait que parachever politiquement la victoire intellectuelle du libéralisme. Le dernier grand attentat gauchiste (l’assassinat du président de la Deutsche Bank) avait lieu quelques jours après. La chronique des attentats allait passer à l’islamisme radical. Le radicalisme n’était pas mort, mais il changeait (radicalement) de forme.

Une trentaine d’années plus tard le processus de dislocation du statut de l’intellectuel classique était suffisamment avancé pour que, dès lors qu’on cherchait à repérer des leaders d’opinion exerçant ce type de magistère, on se retrouvât devant un paysage très éclaté où l’occupation d’un espace de valeurs spécifique, passant par la maîtrise des nouveaux instruments de médiation (télévision, Internet, plutôt qu’imprimerie), était le fait d’étroites mais denses tribus. On se sera fait mieux comprendre en citant deux noms, à titre d’exemple : Alain Soral et Tariq Ramadan. Le premier est le type achevé du « maître », s’exprimant depuis un lieu restreint en direction d’un nombre très élevé d’internautes, le second, le type achevé de l’intellectuel « global », présent sur plusieurs terrains à la fois, en termes géographiques et en termes thématiques. On peut penser que leur audience respective, même clivante et clivée et sans doute parce que clivante et clivée, est plus profonde que celle de n’importe quel intellectuel classique, produit de la méritocratie républicaine et écouté de la presse écrite. S’en rapprocherait la figure de Michel Onfray, précisément parce qu’il partage avec eux la marginalité de l’itinéraire, en termes académiques, et le recours à des moyens de communication alternatifs de la chaire traditionnelle, même s’il n’a pas, sur ce second point, la modernité des deux précédemment cités : au fond, la part importante de l’oralité dans son mode de transmission — et dans sa popularité — le rattache aux plus anciennes formes du magistère philosophique.

Les traditions de la guerre froide intellectuelle rendaient déjà rares les débats ouverts avec échanges entre points de vue opposés, au profit des monologues juxtaposés. Internet, sous son apparence d’interactivité, durcirait plutôt la tendance. Citons cependant, à titre d’exemple, ce qui a pu y ressembler au lendemain et à propos de Janvier 15 : le dialogue entre Jacques Rancière et Jacques-Alain Miller en avril 2015, en trois temps classiques : entretien du premier à l’Obs le 2 sur la thématique, structurante de l’extrême gauche, de la perversion des idéaux de gauche dans le sens de l’exclusion, sociale d’abord, ethnique par voie de conséquence ; réponse, sur le site de La Règle du Jeu, le 7, de Jacques-Alain Miller — et enfin réponse de Rancière à Miller, sur le même site le 10. La qualité de l’échange occultait un fait : les contradicteurs étaient deux septuagénaires, apparentés par d’anciens combats communs, des exemples parfaits de cette génération de 68 dont les voix prédominantes du débat du XXIe siècle ont choisi de faire leur tête-de-Turc.

 

 

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Poursuivant un travail de démolition engagé depuis une quarantaine d’années, la lumière noire des attentats de Janvier 15 et des manifestations qui les suivirent parut dès lors parachever la mise en crise de ce qui restait en France, non pas d’un pouvoir intellectuel, mais de certains des présupposés progressistes sur lesquels il avait pu vivre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, prolongée, sur ce plan, par les combats de la décolonisation. Le parachèvement tenait d’abord à la nécessité où deux « principes de réalité » (l’actualité concentrée des attentats et l’actualité étendue de Daech) obligeaient la pensée anticolonialiste à affronter le constat d’un renversement d’image négative, au visage des damnés de la terre se superposant celui des mêmes, toujours damnés mais en même temps assassins, totalitaires, intolérants, gynophobes, homophobes, etc. Plusieurs problématiques antiprogressistes sortaient renforcées de cette double actualité : celle du « sanglot de l’homme blanc », lancée par Pascal Bruckner en 1983, et celle du « choc des civilisations », lancée par Samuel Huntington dix ans plus tard.

On insistera un peu plus sur l’ébranlement d’un autre système de pensée, à la fois plus fondamental encore et plus violemment rattachable à cette double actualité. Cet ébranlement peut se résumer, on l’a vu, dans le constat d’un lien consubstantiel entre toute une démarche intellectuelle et la figure même de la Terreur. De ce lien consubstantiel témoigne la formule, d’usage essentiellement polémique, de « terrorisme intellectuel ». La question de la généalogie de la Terreur a déjà été évoquée. Il s’agit simplement ici de la reprendre à nouveaux frais sous l’angle de la participation des clercs aux idéologies, aux politiques et, si les circonstances s’y prêtent, aux institutions de terreur, de la république des comités de 1793 à l’utopie khmère rouge, en passant par toute l’histoire des intelligentsias fascistes et communistes. Sur terrain français, ce radicalisme s’est nourri de la richesse de deux traditions politiques longtemps très présentes dans l’histoire du pays, la monarchiste et la montagnarde. La première, vivace au XIXe siècle, survit péniblement à l’échec de Vichy et à la défaite du fascisme, la seconde résiste à l’effritement jusqu’à la révolution de 1975 parce qu’au contraire de la précédente elle n’accède jamais au pouvoir d’État et peut donc se réincarner plus facilement dans les successives utopies blanquiste et communiste.

L’intellectuel radical — de gauche comme de droite — est un héros culturel de la modernité, qui s’épanouit dans la rupture, non dans la célébration, et, sous un costume collectif, un individualiste qui assimile absolutisme et égotisme. De cette tradition de l’intellectuel radical, le fleuron fut certainement Jean-Paul Sartre, à partir du moment (1941) où, prenant symboliquement le relais de son « petit camarade » Nizan, dont il apprend alors la mort, il abandonne — et jusqu’à sa propre mort — le non-engagement anarchisant qui était son choix politique depuis l’adolescence9. Tout un pan de l’histoire — et, plus encore, de la mythologie — des intellectuels est une histoire, une mythologie du radicalisme, situant, pour prendre le cas le plus représentatif en 2015, un Alain Badiou, resté ferme sur les positions léninistes qui sont les siennes depuis 1967, dans la continuité d’un Charles Maurras, resté ferme sur ses positions monarchistes à partir de 1895. Dans cette perspective, le choix radical s’accompagne de choix seconds très reconnaissables, dans lesquels le lecteur reconnaîtra bien des figures, bien des itinéraires — peut-être le sien.

On y trouvera d’abord, bien entendu, la posture puriste. Celle-ci stigmatise les positions modérées et assimile le compromis à une compromission. Le discrédit attaché à des caractérisations comme celles de « réformiste », « social-démocrate » ou « centriste » en témoigne éloquemment. La chanson de geste révolutionnaire préférera toujours les expériences radicales qui ont vite échoué (la Commune de Paris ou le spartakisme) aux expériences réformistes qui ont duré (la Troisième République ou la social-démocratie scandinave). Cette réécriture de l’histoire conduit à des historiographies extrêmes comme celle qui produit un mythe bolchevique de l’histoire russe, déjà évoqué. Tous les moments et tous les lieux de radicalisme politique ont reçu la visite, plus ou moins prolongée, d’intellectuels radicaux. Dans l’Entre-deux-guerres, les formations extrémistes de droite et de gauche attirent plus volontiers les intellectuels de renom que les formations du centre. Le phénomène est bien connu du côté communiste, mais il ne doit pas faire oublier l’attractivité intellectuelle, à la même échelle mondiale, de toutes les extrêmes droites, depuis l’Action française jusqu’aux partis fasciste italien et national-socialiste allemand — dont une certaine vulgate veut oublier le grand nombre d’artistes et d’intellectuels qu’ils surent attirer — en passant par les extrêmes droites roumaine — à laquelle, entre autres, adhèrent un Mircea Eliade ou un Emil Cioran —, espagnole, portugaise ou brésilienne. Cette préférence affichée et revendiquée pour l’extrême nourrit tout un discours de politique culturelle qui éclaire l’éloignement de certains intellectuels à l’égard d’expériences qui leur paraissent trop communiantes, pas assez clivantes — c’est, par exemple, l’attaque dont sera victime Jean Vilar au milieu des années 1950, face non à Bertolt Brecht mais au brechtisme, puis en 1968, face au gauchisme.

Confrontée à des stratégies d’alliance des opposés contre un ennemi commun — forme classique de la stratégie politique depuis, au bas mot, l’Antiquité mésopotamienne — l’intelligentsia radicale refuse de jouer ce jeu. C’est, à la fin des années 1930, la position convergente des radicaux pacifistes et des radicaux fascistes, au moins d’accord sur un point : que l’alliance des démocraties entre elles est un choix beaucoup plus condamnable que celui de laisser Hitler et Mussolini libres d’asservir plusieurs peuples d’Europe centrale. En Janvier 15, c’est une logique de ce type qui met en avant la présence de Benjamin Netanyahou dans le défilé du 11 pour refuser de défiler contre le terrorisme — sans, au reste, prendre en compte la présence, aussi, de Mahmoud Abbas, assimilé, du coup, à un collaborateur du sionisme, ce qui correspond tout à fait aux positions du Hamas et de Daech. Le purisme met en lumière l’assimilation, coutumière à l’intellectuel standard puisque homologique de son statut, entre idéologie et politique, autrement dit (plus haut) entre les simples systèmes de valeurs et les rapports de forces que l’agent politique introduit dans ce jeu « pur et parfait ». On comprend mieux le déphasage récurrent entre les engagements intellectuels dominants et l’état politique d’une société : l’apogée du prestige intellectuel de l’Action française, vers 1920, celui du parti communiste français, vers 1950, sont contemporains d’une conjoncture politique qui certifie, au contraire, qu’ils sont politiquement en train d’échouer.

On y trouvera ensuite la valorisation de la démarche hypercritique, assimilée à une preuve d’objectivité supérieure. « Ne pas être dupe », lutter contre les « mystifications » conduira à prendre le contre-pied du discours de l’establishment. La forme avancée de l’hypercritique sera le conspirationnisme, qui connaît, au reste, des formes plus sophistiquées — l’identification d’un adversaire unique ou principal, puissant et ramifié — le capitalisme, le communisme, les juifs, l’islam… — ou chimiquement pures — les Sages de Sion, l’œil de Moscou, la franc-maçonnerie… Quelle qu’en soit la modalité, le conspirationnisme rassure le citoyen inquiet et excite l’intellectuel radical. Pour l’un comme pour l’autre il donne du sens à ce qui semble au premier regard obscur (citoyen inquiet), à ce que le commun ne veut pas voir (intellectuel radical). Il est la grande ressource des intellectuels s’interprétant eux-mêmes comme des vaincus, provisoires ou définitifs, à tout le moins comme des victimes. C’était, aux origines du conspirationnisme moderne, la situation d’un Augustin Barruel, inventeur, au début du XIXe siècle, de la thèse du « complot judéo-maçonnique » ; c’est celle, aujourd’hui, d’un Alain Soral, qui recycle en mode moderne (new age) les classiques de cette école de pensée, par exemple, y compris les Illuminati — droit ressortis de l’attirail contre-révolutionnaire des années 1790 comme n’importe quel comte Dracula ressurgissant de son tombeau carpatique après deux cents ans d’hibernation.

Les grands événements meurtriers de l’histoire la plus contemporaine, comme le 11-septembre, ont immédiatement suscité une lecture conspirationniste, dont la diffusion à l’échelle mondiale s’est trouvée facilitée par les formes modernes de médiation. Janvier 15 n’y a pas échappé, mais cette forme extrême de la logique radicale est l’arbre qui cache la forêt des groupements intellectuels — aujourd’hui cristallisés autour de sites Internet et autres blogs — se contentant de la posture puriste simple — position, par exemple, d’une bonne partie des cercles je-ne-suis-pas-Charlie, bien décidés à ne rien lâcher, même après les deux massacres, de leur dénonciation prioritaire, voire exclusive, de l’« islamophobie ».

Plus au fond — c’est-à-dire plus dans la forme —, l’intellectuel radical se posera dans l’arène du débat en posture agonistique. Il aimera les situations de guerre ouverte et, à défaut, cultivera les guerres froides. Il affectionnera les formulations tranchantes et entre deux mots choisira toujours le plus gros. La production intellectuelle de l’extrême droite des années 1930 ou de l’extrême gauche des années 1950 offre à son lecteur un vaste corpus d’insultes, de procès d’intention ou d’attaques ad hominem, signés du nom de personnalités cultivant par ailleurs un habitus d’homme de lettres (Robert Brasillach), d’artiste (Louis Aragon) ou de savant (Henri Lefebvre). La forme sophistiquée de cette posture se manifestera par l’admiration a priori pour la parole pamphlétaire — la violence du ton étant vue comme un certificat d’indépendance, l’attaque contre les installés comme un signe de liberté. L’aboutissement de la rhétorique radicale a bien été mis en scène par George Orwell, quand dans 1984 il dessine une société dans laquelle triomphent les mots d’ordre « La liberté, c’est l’esclavage » ou « L’ignorance, c’est la force ».

De ce triple choix puriste, hypercritique et agonistique découle, dans la pratique quotidienne, le soutien que l’intellectuel radical apportera périodiquement à des expériences étrangères radicales, du Moscou de 1920 au Pékin de 1970, en passant par Rome ou Berlin. Ce soutien ne commence à tiédir que lorsque l’expérimentation elle-même tiédit (Chine) ou s’effondre (Cambodge). La fable que représente à cet égard le face-à-face Sartre-Camus confirme le privilège accordé par l’intelligentsia française aux positions intransigeantes précisément au moment où l’expérience totalitaire bat son plein, le rapport de forces ne se transformant qu’après l’effondrement du monde soviétique. Dans la France de 2015, Alain Badiou représente un cas intéressant, car désormais (ou pour l’instant) rare, de soutien indéfectible non plus au présent mais au passé des grandes expériences totalitaires de gauche. C’est d’ailleurs en se réclamant de « la sagesse de Robespierre » que, dans Le Monde du 27 janvier, il repart au combat contre la « pensée unique » et la mystificatrice mobilisation du 11, désigne le véritable ennemi, le « capitalisme prédateur », et en appelle à la parousie d’une « incarnation historico-politique de l’idée communiste ». Le travail systématique visant à rabattre les phénomènes du XXIe siècle sur des catégories anciennes (le djihadiste serait alors un « fasciste », discours symétrique d’une pensée libérale qui assimile le stalinien à un « fasciste rouge ») signe le caractère daté de la démarche.

Cette triple configuration éclaire la convergence des extrêmes — dont l’histoire intellectuelle française offre sans doute le plus bel exemple avec Georges Sorel, qui meurt en admirateur de Lénine, salué par Mussolini comme son « maître ». Elle éclaire encore mieux le passage d’un extrême à l’autre, toujours plus facile que le passage au centre (Maurice Blanchot, Massimo Bontempelli…), ou les oscillations permanentes de l’un à l’autre (Pierre Drieu La Rochelle, Curzio Malaparte…). Là aussi l’intelligentsia française offre un cas d’école, avec l’itinéraire d’un Roger Garaudy, mort en 2012 dans la peau d’un musulman négationniste après avoir été successivement, ou simultanément, mais toujours à un très haut niveau de virulence — et de responsabilité organique (directeur de revues, député, sénateur…) — protestant, léniniste de modalité stalinienne, communiste dissident et catholique.

Ramené à sa signification idéologique fondamentale, Janvier 15 apparaît alors comme la rencontre mortelle de deux radicalismes, opposés par leurs représentations mais apparentés par leurs valeurs, où des révolutionnaires massacrent des rebelles, où c’est à l’ultra-gauche et chez les islamistes radicaux que se retrouvent les antisionistes les plus virulents, désormais très tentés de passer avec armes et bagages à la judéophobie.

 

 

3

 

On ne saurait cependant limiter la lecture intellectuelle de Janvier 15 à ces considérations stratégiques et sociologiques. L’analyse de la production culturelle qui l’a suivi permet aussi de voir derrière cette mise en crise une mise au jour. La mise au jour de possibilités de refondation du débat intellectuel, par le moyen d’une mise à jour. Dans l’immédiat, en effet, l’événement a produit un retour réflexif sur quelques concepts longtemps renvoyés à l’obsolescence, voire au discrédit. Le discrédit, de tradition marxiste, jeté sur les « libertés formelles » de la culture bourgeoise était déjà, on l’a vu à propos de la liberté d’expression, lui-même entré en crise depuis la révolution de 1975. À la veille de Janvier 15, ce qui reste de ce discours s’exprime surtout dans une tradition sociologique, lectrice ou relectrice de Pierre Bourdieu et de Michel Foucault, qui focalise son attention sur les limites de l’État de droit, la manipulation des médias et par les médias, les innombrables pièges du contrôle social10.

Le massacre d’artistes « progressistes » au nom de la religion, de juifs parce que juifs et la polémique autour de « Charlie Coulibaly » redonnent au principe de liberté un caractère d’autant plus fondateur qu’il n’a rien d’absolu, on l’a vu, mais est borné par l’État de droit, dressé devant la loi des armes. Même revalorisation antiradicale avec les valeurs de laïcité et de fraternité, dressées comme antidotes à la guerre civile et qui apparaissent dès lors, ce qui n’est pas habituel, comme organiquement liées, la première comme neutralisation passive, la seconde comme neutralisation active. Pour celle-ci, la préférence, après les tentatives sans lendemain mais significatives d’un Abdennour Bidar (Plaidoyer pour la fraternité) ou d’un Patrick Viveret (Fraternité, j’écris ton nom !), pour la formulation « vivre-ensemble » confirme l’ampleur du recul des diverses traditions, de droite comme de gauche, valorisant le clivage, qu’il s’agisse du nationalisme xénophobe ou de la lutte des classes. Les marches républicaines des 10 et 11 janvier ont donné force sociale à cette logique fondant le collectif sur la reconnaissance des diversités, dans la continuité des manifestations en faveur du mariage pour tous.

La tonalité dominante des commentaires mais plus encore des pratiques culturelles, dans les semaines qui suivirent les attentats, confirmait le retour en grâce d’une acception à la fois morale et libérale de la philosophie politique. Le passage, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, du discours critique dominant sous hégémonie marxiste avait mis en avant, au titre de la négativité, « exploitation » et « aliénation », notions rejointes à l’époque de la décolonisation par « racisme » et « exclusion ». Janvier 15 a lesté d’un poids considérable « terreur », « intolérance » et « fanatisme ». Il n’est, pour le coup, pas besoin d’être grand clerc pour y retrouver la généalogie du siècle des Lumières, mais pas n’importe laquelle : sa branche voltairienne, libérale et sceptique, au détriment de la branche rousseauiste, démocrate et mélancolique, déjà affaiblie par son rattachement, total ou partiel, depuis les « nouveaux philosophes » des années 1970 jusqu’à Michael Sandel, au lignage totalitaire.

Un éditeur témoignera : « En librairie les lecteurs ont énormément réagi, dès le lendemain de l’attaque de Charlie Hebdo. Les libraires ont joué leur rôle en ressortant des livres sur la tolérance, par exemple. Ça a très bien marché. Il y a eu une vraie attente du public, les gens étaient vraiment désemparés11. » « Les gens » : ici non pas les jeunes des banlieues mais les chalands de librairie issus d’une culture de gauche classique, durablement ébranlés. Pendant que les magazines les plus lus consacraient leurs couvertures et leurs hors-séries à la liberté d’expression12, au fanatisme13 ou à Voltaire14. Plus remarquable encore est l’imprévisible succès de librairie du Traité sur la tolérance dudit Voltaire. Publié pour la première fois en 1763, disponible en livre de poche chez Gallimard, il est retiré en urgence devant la demande et se serait vendu à 90 000 exemplaires en l’espace de trois mois. La force de l’ouvrage — outre son titre, la renommée de son auteur et la relative brièveté du texte — tient à son ancrage dans un combat concret — pour la réhabilitation de Jean Calas —, la vivacité de son style et l’élargissement progressif de son argumentation. Mais ce n’est pas tout. L’auteur de Mahomet, oublié depuis longtemps au profit de Candide, ressurgissait comme l’obstiné — et très dénoncé — contempteur du monothéisme, qu’il fût juif, chrétien ou musulman. En redonnant, contre Rousseau, à la critique du religieux une vertu libératrice, le paradigme voltairien remettait sur le devant de la scène un débat très enfoui sur le lien qui unirait intolérance et monothéisme. À la revalorisation, encore discrète, du « génie du paganisme » par certains anthropologues (Marc Augé, 1982) ou à la relance d’une historiographie remettant en lumière l’étendue de la violence chrétienne dans son entreprise de liquidation du polythéisme d’État (Ramsay MacMullen, Polymnia Athanassiadi) s’ajoutait désormais, sur le plan proprement philosophique, le travail systématique, cette fois bien médiatisé, mené par Michel Onfray, de reconstruction d’une histoire de la philosophie — matérialiste et vitaliste — autre que celle qui prédomine dans l’enseignement occidental depuis Kant et Hegel. Par ses effets, sinon par ses origines, cette tendance convergeait avec l’inédite valorisation dans l’espace philosophique français de la tradition anglo-saxonne, toujours marginalisée dans ce pays, qu’il s’agisse des Lumières britanniques ou de la philosophie analytique. En témoignait la fortune discrète mais croissante de l’œuvre la plus cohérente à cet égard, celle de Ruwen Ogien. De la difficulté de tout un discours philosophique français traditionnel à rendre compte de l’événement Janvier 15 en général et, au fond, de sa double nature — à la fracture sociale et culturelle du 7-9 répondant la mobilisation massive et individuelle du 10-11 — témoignera le fait qu’à chaud, dans les premiers jours, le discours de tradition humaniste ait été pris en charge non par un philosophe mais par un artiste, en l’espèce le Prix Nobel de littérature J.M.G. Le Clézio, pointant du doigt le défaitisme de « certains intellectuels désabusés », la complaisance de ceux qui « ont pris pour de la religion ce qui n’était que de l’aliénation » et appelant à faire en sorte que ne puisse pas continuer à « se construire une étrangeté à l’intérieur de la nation »15.

Reste que cette hypothèse d’une refondation intellectuelle, donc d’un changement à la fois profond et durable, demeure, avec un recul d’à peine quelques mois, assez aventurée. 1789, révolution libérale démocratique qui débouche en quatre ans sur le despotisme des comités et se termine en dix ans sur une dictature militaire, est fort éloignée de 1688, révolution libérale-aristocratique qui n’oscillera jamais au-delà d’une alternative entre conservatisme nobiliaire et social-démocratie. Il faudrait que l’identité catholique-étatique française fût bien ruinée, sous les coups non du capitalisme ou du fondamentalisme mais sous ceux de l’individualisme et du tribalisme, pour que l’intelligentsia nationale renonçât à sa vocation cléricale de « tribun de la plèbe ». Pour lors, elle peine à faire émerger un discours qui tienne compte, d’un côté, des progrès continus de l’individualisme — sensible, sur le plan politique, par la popularité des « lanceurs d’alerte » — tous, significativement de culture anglo-saxonne (Julian Assange, Bradley Manning, Edward Snowden…) — et, de l’autre, de l’expression d’une souffrance sociale mise en lumière par certains chercheurs indépendants comme le géographe social Christophe Guilluy, dont les victimes ont fait le choix de deux variétés du radicalisme déconcertantes pour une doxa progressiste : le populisme et le fondamentalisme. En attendant ce petit miracle sorti des entrailles d’un intellectual people16, l’essai le plus vendu en librairie au cœur de Janvier 15 n’est plus dans ce pays Le suicide français mais le Traité sur la tolérance.

1. Pascal Ory, Jean-François Sirinelli, Les intellectuels en France, de l’affaire Dreyfus à nos jours (1986), Paris, Perrin, dernière édition (poche) : 2004.

2. Jacques Julliard, Michel Winock (dir.), Dictionnaire des intellectuels français, Paris, Le Seuil, 1996, dernière édition : 2009.

3. Cf. la conférence de Jean-Paul Sartre au Japon en 1965, « Qu’est-ce qu’un intellectuel ? », reprise dans son Plaidoyer pour les intellectuels de Situations, VIII.

4. Qui restera sans doute la plus convaincante figure d’intellectuel ayant accédé, au XXe siècle, à un véritable exercice du pouvoir politique, dans une assez large indifférence des commentateurs, surtout français, ce qui ne surprend pas.

5. Le pouvoir intellectuel en France, 1979 ; Le scribe, 1980.

6. Formule lancée en 1983 par le porte-parole du gouvernement à direction socialiste, Max Gallo.

7. Jean-François Lyotard, 1984.

8. En 2006, Dominique de Villepin fustige les « déclinologues ». La formulation « déclinisme », supposée sans doute plus objective, est lancée dans la foulée (Le printemps du politique. Pour en finir avec le déclinisme, ouvrage collectif, Robert Laffont, 2006).

9. Thèse défendue dans Pascal Ory, Paul Nizan. Destin d’un révolté, Paris, Ramsay, 1980, réédition : Bruxelles, Complexe, 2005.

10. Cette lecture fera significativement l’objet de l’ouvrage que publie Philippe Val en avril 2015, Malaise dans l’inculture (Paris, Grasset).

11. Jérôme Dayre, in Jérémie Lamothe, Le Monde. fr, 13 mai 2015.

12. Exemple : « 2500 ans de liberté d’expression », Hors-série Le Point.

13. Exemple : « Guide d’autodéfense contre le fanatisme », Philosophie magazine, mars 2015.

14. Exemple : « Faut-il brûler Voltaire ? », dossier de Lire, mai 2015.

15. « Lettre à ma fille », Le Monde, 14 janvier 2015.

16. Miracle que cherche en vain Sudhir Hazareesingh, professeur d’histoire à l’université d’Oxford, dans un livre, sorti en Angleterre comme en France en 2015 mais terminé avant les attentats. (How the French Think : An Affectionate Portrait of an Intellectual People. Traduction française, plus flatteuse : Ce pays qui aime les idées, Paris, Flammarion.)