Ses quinze ans d’expérience avaient grandement simplifié ma formation. Douce et patiente, Marcelle m’avait appris à gérer dix lignes téléphoniques sans m’arracher les cheveux, à répartir le courrier selon les spécialités de chacun des services et à traiter certaines factures. Dès que j’apercevais ses longs cheveux blond doré, son teint de porcelaine et son large sourire, je ne pouvais faire autrement que de me laisser emporter par sa bonne humeur. Chaleureuse et avenante, la réceptionniste principale de la Bourse de Montréal était un modèle de respect envers les clients qui s’arrêtaient à son bureau. Même avec le vieux schnock qui s’amusait à me ridiculiser parce que j’occupais un poste historiquement réservé aux femmes.
— Vous n’avez rien de mieux à faire, jeune homme ?
— Je travaille beaucoup plus que vous pouvez l’imaginer…
— Il me semble que vous ne devriez pas perdre votre temps avec le téléphone, de la petite paperasse et des affaires de femmes. Sans offense, Madame, ajouta-t-il à l’endroit de Marcelle.
— Au contraire… réussir à faire son travail dans la bonne humeur, pendant qu’on lui sert les mêmes remarques plates jour après jour, ça demande un certain talent, vous trouvez pas ?
Incapable de répliquer, le vieillard m’a remis le paquet qu’il transportait avant de disparaître dans l’ascenseur avec des airs de diva effarouchée. Marcelle riait comme une gamine.
— T’avais pas besoin de prendre ma défense. Mais j’apprécie.
— N’importe quand.
Plus tard en soirée, j’essayais de m’inventer des talents pour cuisiner lorsque les souvenirs d’une discussion avec Clara ont refait surface : les pieds dans la mer, un joint de marijuana entre les doigts, une casserole de Kraft Dinner sur les genoux, mon amie m’expliquait une de ses grandes théories sur la vie, et plus particulièrement sur la mienne.
— Moi, je dis que tu vas avoir ta première relation sexuelle vers vingt-deux ans. Mais je peux me tromper, tu sais…
— Pourquoi tu dis ça ?
— Je sais pas… C’est un feeling que j’ai.
À l’aube de mon vingtième anniversaire, la question me préoccupait plus que jamais : allais-je demeurer vierge jusqu’à vingt-deux ans ?
Plutôt crever !
Dans un élan de panique, je me suis emparé du magazine Gay Life qui traînait sur la table pour noyer mes craintes avec un peu de futilité. La revue homosexuelle par excellence du « Grand Montréal » proclamait en page trois que la course à l’homme idéal s’était transformée en pentathlon parsemé d’obstacles. Selon un recensement effectué auprès de la population gaie de la région métropolitaine, auquel j’avais soustrait les lesbiennes, les hommes en couple, les gens ouverts aux one nights et ceux qui n’étaient pas âgés de vingt à trente ans, il ne me restait que soixante-seize candidats !
T’as plus aucune raison de faire le difficile, mon homme…
Visiblement obligé d’alléger mes critères, j’ai pensé donner une deuxième chance à Valéry. Je m’étais juré de ne jamais le rappeler, mais le magazine me forçait à regarder la réalité en face : il était peut-être ma seule option pour assouvir mes bas instincts.
Tu veux frencher ? Ben prends ce qui passe !
À la suite d’un bref texto dans lequel je lui demandais de ses nouvelles, Valéry m’a invité à passer chez lui avant de l’accompagner dans un party. Une heure plus tard, je découvrais la maison cossue dans laquelle il avait grandi : plancher de marbre, cuisine aussi grande que mon appartement, table de salle à manger digne de l’époque des chevaliers, robinetterie en bronze, lustre gigantesque au plafond de la salle de séjour.
— Veux-tu que je te fasse visiter ma chambre ?
— Euh, ouphhhmmm, vvvoui, pourquoi pas ?
C’était ma première fois dans la chambre d’un prospect. Une pièce sans couleur, sans décoration, sans livre, sans CD, sans film. Seuls un lit, quelques vêtements par terre et une table de chevet occupaient l’espace. J’essayais de trouver quelque chose à dire au moment où il s’est approché, yeux clos et lèvres légèrement tendues.
Oh mon Dieu, il veut m’embrasser ! Relaxe, Émile, tout va bien aller. Avance vers lui et prends ça cool.
Les battements de mon cœur s’accéléraient et ma tête s’est mise à tourner. Au pire moment, un filet de salive est apparu sur la lèvre inférieure de Valéry. Mon instinct de survie me suggérait de reculer, mais il a comblé l’espace qui nous séparait : ma respiration s’est coupée, nos lèvres se sont frôlées, et je me suis crispé. Comme je ne voyais aucune autre solution pour améliorer la situation, je me suis mis à remuer les lèvres pour faire disparaître sa super-wonder-duper salive. Il me fallait à tout prix retrouver la pleine possession de mon organe buccal. Malheureusement pour mes projets d’indépendance, mon hôte semblait prôner un fédéralisme d’ouverture et planta sa langue dans ma bouche.
— Qu’est-ce tu fais ? cria Valéry que je venais de repousser brusquement.
— Rien… je veux juste pas aller trop vite.
— Ben là, j’allais pas te violer. Faut pas capoter !
— Je le sais, mais je veux prendre mon temps…
— Bon, un autre à qui il faut tout montrer.
Eille, je suis puceau, pas complètement débile !
Sur cette note de malaise évident, Valéry et moi sommes partis en direction de la Petite-Bourgogne où avait lieu la soirée d’anniversaire de son ami Éric. Au milieu de la trentaine d’invités, impossible de ne pas remarquer l’identité du célébré : des airs de grande folle, maigre comme un pic, des yeux maquillés d’un trait noir, des cheveux décolorés et un t-shirt sur lequel était écrit « I can kiss everyone, it’s my birthday ! ». Éric était un éternel étudiant qui avait obtenu un bac en littérature comparée avant de commencer une maîtrise sur la place de la culture autochtone dans le Québec de l’après-guerre. Pédant, snob, hautain, les synonymes me manquaient pour le décrire. Le roi de la soirée déblatérait sans se fatiguer avec un accent français qui disparaissait au fur et à mesure que se vidaient les bouteilles de vin. Il était l’exemple parfait du gai qui me donne envie de gerber.
Le souper a été servi une heure après notre arrivée. Pendant que je m’empiffrais de fromages, de bouts de pain, de petits pâtés, de saucisses et d’amuse-gueules, Valéry me flattait comme si j’étais devenu sa chose. Incapable de repousser ses avances gentiment, je me suis éloigné vers le salon, où j’ai écopé d’une conversation avec Éric-écoutez-moi-tout-le-monde.
— Alors, jeune homme, tu étudies en quoi ?
— Je viens de finir une technique en photographie.
— Et tu prends une année sabbatique avant de continuer à l’université ?
— Non, j’ai pas envie d’y aller pour l’instant…
— Comment ça, t’as pas envie ? Tout être intelligent doit y aller, voyons !
Je rencontrais pour la première fois un représentant de la mafia universitaire dont Clara m’avait tant parlé : des gens convaincus que l’université était la seule façon de se cultiver et que leurs diplômes faisaient d’eux des êtres dotés d’une intelligence supérieure. « La plupart vont te regarder de haut parce que t’as fait une technique, m’avait dit Clara. Ils verront probablement jamais que t’es aussi brillant qu’eux, sinon plus. »
L’université avait toujours été dans ma mire, mais je ne la considérais nullement comme la source du savoir absolu.
— J’ai pas besoin d’avoir un bac pour me donner l’impression d’être intelligent, répliquai-je en serrant les dents. Tsé, raconter à tout le monde que j’ai quatre bacs, deux maîtrises et un doctorat, je laisse ça à d’autres…
Une fraction de seconde plus tard, le rire d’Éric a retenti partout dans l’appartement.
— Je t’aime bien, toi ! T’as une grande gueule, et ça me plaît ! T’inquiète, j’ai pas dit ça pour être méchant. Je suis seulement un peu déconnecté de la réalité… Alors, tu connais Valéry depuis longtemps ?
— Pas vraiment, non…
— Vous sortez ensemble ?
Je patinais dans ma tête pour trouver une réponse qui sonnerait autrement que : « J’ai décidé de le revoir parce que je suis un peu désespéré. » Comme les surfaces glissantes n’avaient jamais fait partie de mes spécialités, je me suis planté.
— Oui, depuis une semaine environ…
— Vous vous êtes rencontrés comment ?
— Euh… par un ami commun.
Je ne vais quand même pas crier à tout le monde que ma mère a joué les entremetteuses…
— Bon, Éric, tu vas m’excuser, mais je dois rentrer.
Cette soirée avait assez duré. Je suis allé dire au revoir à Valéry avec un baiser furtif et je me suis retrouvé sur le trottoir sans savoir comment rentrer.
Du calme. T’as juste à te rappeler ce que t’as vu en te rendant.
Le fleuve, le dépanneur, la rue Guy où on a marché pendant quinze minutes, le viaduc… et la bouche de métro va apparaître à un moment donné.
Maudit que j’haïs ça pas savoir où je m’en vais !
La tête pleine de ce qui venait de se passer, je tournais dans mon lit depuis une heure. Tous mes sens en éveil. Je distinguais les moindres détails de mon appartement dans l’obscurité. Je sentais l’humidité de la nuit s’infiltrer par la fenêtre. Je percevais le bruit des voitures sur la rue. J’entendais…
Ah non ! Dégueu !
Mes voisins en train de baiser. J’habitais là depuis un mois et je ne les avais jamais rencontrés.
Eurk. Eurk. Eurk. Ça donc ben l’air désagréable !
Je discernais le souffle rauque de Voisin et le gémissement sans conviction de Voisine. Un quart d’heure plus tard, l’appréciation de monsieur s’est intensifiée jusqu’à ce qu’un grand soulagement se fasse entendre.
Bon, maintenant que vous avez eu votre plaisir, pouvez-vous s’il vous plaît me laisser faire de l’insomnie en paix ?
Le lendemain matin, quand j’ai vu Valéry sur Facebook, je me suis dit que je pourrais peut-être démontrer un peu plus d’ouverture que la veille.
— Coucou Valéry, comment ça va ?
— Bien, toi ?
— Super bien. Je voulais te dire… j’ai réfléchi à notre soirée en me couchant hier soir.
— Ouais, moi aussi. Pis ça pourra pas fonctionner.
— Euh… comment ça ?
— Parce que t’as jamais rien vécu et ça me gosse de tout montrer.
— T’es sérieux, là ?
— Ouais, désolé…
Quelques clics et une dizaine de mots avaient suffi pour me mettre au plancher.
Au cours des jours qui ont suivi, mon imagination s’est vengée en confectionnant une poupée vaudou à son effigie, en jouant aux fléchettes avec sa face, en écrivant un message haineux sur son mur Facebook et des commentaires teintés de mauvaise foi sous chacune de ses photos.
En de pareilles circonstances, j’appréciais sincèrement l’idée de travailler pour m’étourdir avec mon baratin : année et contexte de fondation de la Bourse de Montréal, vulgarisation des crises économiques du XXe siècle, transfert des principales activités boursières de Montréal à Toronto, tentative d’explication de ce que sont les produits dérivés dans le monde de la finance, etc. Étonnamment, j’arrivais à me souvenir de la quantité faramineuse d’informations que mon patron voulait me voir transmettre aux visiteurs. « Les gens ne s’intéressent pas suffisamment à l’économie, m’avait-il un jour expliqué. Comprendre l’histoire de l’économie, c’est comprendre l’histoire du monde. Tu ne réalises pas à quel point ton travail est important. »
Mon boulot était probablement plus pertinent que je le croyais, mais il m’ennuyait pour mourir : deux étages à parcourir, une soixantaine de dates à retenir, beaucoup trop de vieux et d’adolescents à divertir. Même l’heure du lunch avait trouvé le moyen de me déprimer. Assis au fond de la cafétéria, des écouteurs sur les oreilles et un livre dans les mains, je refusais de me mêler aux autres employés. Les rares fois où je mettais ma musique sur pause, je captais les conversations des workaholics qui discutaient boulot, des téléphiles qui revenaient sur la plus récente émission de Tout le monde en parle et des foodies qui partageaient des recettes.
Ta courge spaghetti gratinée au bleu, tes choux de Bruxelles saupoudrés d’une épice moyen-orientale obscure, la couleur New Age de ton ketchup maison et l’ail rôti que tu ajoutes à ton bœuf bourguignon chaque vendredi, tu peux pas savoir comme je m’en fous !
Malgré tout ce que je reprochais à ma situation, j’étais ravi de travailler seulement vingt-cinq heures semaine, de quitter le bureau en milieu d’après-midi, d’éviter l’heure de pointe, les hommes en veston-cravate transpirants, les parfums affreusement mélangés et les sacs à dos indélicats. Je n’allais probablement pas endurer longtemps un emploi où je comptais les minutes, mais je n’étais pas encore prêt à démissionner.
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Au cours du mois précédent, Clara et moi étions devenus de fidèles alliés contre la solitude. Afin de ne pas mourir noyés sous une vague d’isolement affectif, nous avions élaboré un concept du tonnerre : chaque lundi, nous organisions des soirées en l’honneur de Jude Law, emmitouflés dans une douillette et réconfortés par de la crème glacée.
1re semaine : The Talented Mr. Ripley (scène de bain totalement ambiguë avec Matt Damon) + Enemy at the Gates (sexe torride avec Rachel Weisz, entourés de soldats endormis).
2e semaine : Nicole Kidman qui rêve à ses retrouvailles (un peu trop chastes) avec Jude dans Cold Mountain + gigolo Jude dans A.I. Artificial Intelligence (bonjour les fantasmes !).
3e semaine : Jude Law au sommet de son capital de séduction dans Alfie (miam) + cent vingt minutes de sensualité et de non-dits dans Closer (on aime).
4e semaine : Londres, Juliette Binoche et adultère dans Breaking and Entering (étrange et beau à la fois) + The Holiday, un film permettant de profiter de la petite face de Jude Law, de l’accent british de Jude Law et de toute autre chose se terminant avec « de Jude Law ».
Lorsque notre hommage au charme et au chic s’est terminé, Clara m’a regardé avec un air repentant.
— Émile, j’ai quelque chose à te dire…
— Tu déménages en Angleterre pour devenir la nanny des enfants de sexy Jude ?
— Ben non, niaiseux… Mais on va être obligés d’espacer nos soirées. J’ai rencontré quelqu’un et je veux vraiment mettre toutes les chances de mon côté. Je pourrai plus te réserver tous mes lundis soir…
— J’ai le droit de te bouder combien de temps pour ça ?
— Une heure, maximum, sinon je vais me sentir mal !
— C’est correct. De toute façon, c’était écrit dans le ciel que tu rencontrerais quelqu’un avant moi.
— On sait jamais, peut-être que mon homme a un petit frère gai à qui je pourrais te présenter.
— Bof, je compte pas trop là-dessus.
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Le mois de mai nous avait quittés depuis deux semaines lorsque Clara s’est décidée à me donner quelques détails sur celui qui l’avait charmée : un policier montréalais, originaire des îles de la Madeleine, qu’elle avait rencontré à l’époque de ses soirées déjantées.
Quelques semaines auparavant, mon amie s’était fait arrêter après avoir refusé de vider une bouteille d’alcool qu’elle buvait illégalement dans la rue. Grâce à ses nombreuses astuces de séductrice, elle avait remplacé d’éventuelles accusations par un numéro de téléphone. Leur premier verre s’était transformé en premier souper et leur premier souper s’était terminé par un baiser. Décidément, Clara avait le meilleur karma amoureux de l’humanité. Elle était tombée sur un homme capable de prendre soin d’elle, sans la mettre sur un piédestal comme tous les autres. Même si son histoire avait tout pour me remplir de joie, un début de jalousie se dessinait derrière mon sourire.
Poussé par l’urgence de rencontrer quelqu’un, j’ai décidé de retourner plus souvent sur ToietMoi.com. Si je n’avais fait qu’y tremper le petit orteil en passant des heures à jaser depuis mon inscription, j’étais maintenant convaincu que j’allais devoir passer à l’étape suivante. En très peu de temps, j’ai suggéré à une de mes cyberrencontres de quitter le monde virtuel au profit de la réalité. Sa photo ne me permettait pas de le décrire comme une grande beauté, mais il m’apparaissait assez sympathique pour un rendez-vous. Lorsque je l’ai vu arriver au métro Berri, ma première impression s’est confirmée : moyennement grand, moyennement beau, moyennement intéressant, bref, moyennement pas pour moi. Malgré tout, j’ai accepté d’aller marcher avec Moyennement-Roux dans le Vieux-Port.
Je suis trop bon, je sais…
J’essayais de me consoler en me disant que si sa discussion était aussi peu séduisante que son visage, je n’aurais qu’à plonger mes yeux dans le fleuve pour fuir jusqu’en Gaspésie.
— As-tu des frères et sœurs ?
— Tes parents sont encore ensemble ?
— Ils savent que t’es gai ?
— Comment ils ont réagi ?
— Tu vis seul ou t’as des colocs ?
Ses questions platement communes m’obligeaient à utiliser mon échappatoire toutes les cinq minutes. Plus il parlait, plus son cas empirait.
— J’avais pensé aller au Musée des beaux-arts. Il paraît que la nouvelle exposition est vraiment intéressante.
— Ouin… mais je suis pas un grand fan des musées.
— Comment ça ? T’as étudié en photo !
— Pis ?
— Ben, si t’aimes la photo, c’est clair que t’aimes les arts visuels.
— Ç’a rien à voir…
— Ben oui. La photo, la peinture, la sculpture, c’est la même chose.
— Pantoute ! J’ai jamais eu envie de faire de la peinture, encore moins de la sculpture…
— Peut-être que tu devrais essayer.
Et peut-être que tu devrais t’étouffer avec tes idées !
Pendant qu’il continuait à mettre en relief mon « manque d’ouverture », j’ai tenté d’imaginer ce qu’un inconnu pouvait penser de moi en se fiant uniquement à certaines informations de base.
INFORMATION DE BASE |
INTERPRÉTATION POSSIBLE |
RÉALITÉ PURE ET SIMPLE |
Je m’appelle Émile. |
Mes parents adhèrent à la mode des prénoms anciens. |
Mon prénom est un hommage au poète Émile Nelligan. |
Je viens de la Gaspésie. |
J’ai un gros accent, je suis né dans une famille de pêcheurs et je sais comment survivre en nature. |
J’ai un petit accent de rien du tout, mon père n’a jamais su pêcher et je vais probablement me coucher en petite boule si je me perds dans le bois. |
Je travaille à la Bourse de Montréal. |
J’ai un penchant prononcé pour le capitalisme. |
Je me demande chaque jour ce que je fais là. |
Je suis enfant unique. |
Je suis gâté pourri. |
Je suis solitaire, j’ai peu d’amis et je pense beaucoup aux autres. |
J’ai quitté la maison familiale à dix-neuf ans. |
J’ai des conflits avec ma famille et je fuis mes problèmes. |
J’ai besoin de nouveauté, d’action et d’une vie sentimentale. |
Je suis passionné de photo, mais pas de tous les arts visuels. |
Je vais finir par comprendre un jour. |
Je rêve de rentrer chez moi le plus vite possible (peut-être que je fuis mes problèmes finalement…). |
— Bon… Je pense que je vais rentrer, moi. Tu iras au musée sans moi. Pis sens-toi pas obligé de m’écrire pour me dire ce que j’ai manqué.
Loin de moi l’idée d’être fermé à toute forme d’argumentation, mais je ne comprenais tout simplement pas comment il avait pu se permettre de me juger ainsi. Les règles non écrites du dating ne stipulaient-elles pas qu’une première rencontre servait uniquement à discuter, observer et alimenter les discussions du lendemain avec nos amis ?
: :
18 h 22 — 8 juin 2010 |
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À : |
Clara Dagenais (la.dolce.clara@hotmail.com) ; |
|
De : |
Émile Leclair (mile_et_une_nuit@hotmail.com) |
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Objet : |
La première impression |
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Bonsoir mesdemoiselles,
Question à un million de dollars. Selon vous, c’est quoi la première impression que les gens ont de moi ?
Émile
18 h 36 — 8 juin 2010 |
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À : |
Émile Leclair (mile_et_une_nuit@hotmail.com) |
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De : |
Lilie Jutras (lilli.guliver@yahoo.ca) |
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Objet : |
Re : La première impression |
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Salut Mile,
Je ne me souviens plus de la première fois qu’on s’est vus, mais je me rappelle que j’ai toujours été impressionnée par ce qui se passait dans ta tête, ton monde imaginaire et tes réflexions. C’est sûr que t’es impatient comme 1000, tête de cochon et que tu oublies toujours ma fête, mais ça vaut quand même la peine de t’avoir comme ami. Tu gagnes à être connu, comme dirait ma mère.
Lilie
00 : 57 — 9 juin 2010 |
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À : |
Émile Leclair (mile_et_une_nuit@hotmail.com) |
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De : |
Clara Dagenais (la.dolce.clara@hotmail.com) |
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Objet : |
Re : La première impression |
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Allô petit loup,
La première fois que je t’ai vu, c’était dans la classe de madame Laliberté en première secondaire. À un moment donné, tu lui posais tellement de questions qu’elle t’avait conseillé de prendre du Ritalin pour te concentrer quand elle parlait. Tout le monde était parti à rire… Toi, tu restais là sans bouger, le visage tout blanc, incapable de répondre quoi que ce soit. Cette journée-là, je me suis dit que j’allais t’apprendre à ne pas te laisser faire.
Je pense que grâce à moi, tu sais à peu près quoi répondre la moitié du temps. C’est quand même un beau progrès. À part ça, j’ai toujours dit que t’étais le gars le plus sensible et le plus spécial de mon entourage. J’aurai jamais assez de toute une vie pour te comprendre. Et c’est tant mieux.
Clara
xxx