Les seuls qui peuvent nous comprendre, c’est ceux qu’ont mangé dans la même gamelle que nous.
Extrait de la lettre d’une Ukrainienne houtsoul, ancienne zek
Ce qui doit trouver place dans cette partie est inembrassable. Pour en pénétrer, pour en saisir le sens sauvage, il faudrait avoir traîné plusieurs existences là-bas, dans ces lieux où, sans privilège, il était impossible de venir à bout même d’un premier temps de peine, car les camps ont été inventés pour exterminer.
Conséquence : tous ceux qui ont puisé au plus profond, tous ceux qui ont goûté au plus plein, tous ceux-là sont déjà dans la tombe et ne raconteront pas. L’essentiel sur ces camps, plus personne, jamais, ne le racontera à présent.
Embrasser toute cette histoire et toute cette vérité passe les forces d’une seule plume humaine. Je n’ai eu vue sur l’Archipel que par une fente de visée, non pas du haut d’une tourelle d’observation. Mais plusieurs livres, par bonheur, ont déjà émergé et il en émergera d’autres encore. Il se peut que les Récits de la Kolyma de Chalamov fassent ressentir plus sûrement au lecteur tout ce qu’il y a d’impitoyable dans l’esprit de l’Archipel et aussi les limites du désespoir humain.
Mais la mer, pour savoir quel en est le goût, il n’est besoin que d’une gorgée.