J’ai rencontré Laeticia Hallyday « sur le chemin » de l’Unicef et de l’adoption de Jade, au moment même où ma fille Jada est arrivée dans ma vie. J’aimais déjà la personne qu’elle était avant de la rencontrer et je ne m’étais pas trompée… C’est une belle personne, avec une belle âme, sous des allures de femme de rocker, de baby-doll un peu naïve. Elle est l’opposé de cette image qu’on lui attribue. Un feeling immédiat s’est installé entre nous. J’admirais déjà son combat pour les enfants dans le monde. Ensemble, nous avons parlé d’adoption et du sort de ces enfants sans destin, dont la vie tient à une goutte d’eau… qui ne vient pas toujours.
La capacité de Laeticia à partager m’a immédiatement conquise. Je repense notamment à cette période où elle s’est occupée d’un petit garçon qui était condamné par la maladie. Elle lui rendait tous les jours visite à l’hôpital, parfois accompagnée de Johnny. Ce fut une magnifique parenthèse pour ce petit bonhomme aujourd’hui malheureusement décédé. Elle est ainsi, Laeticia, d’une extrême sensibilité, toujours à regarder vers les autres. Marraine de l’Unicef depuis 2005, elle s’investit profondément en donnant des conférences, en démarchant des partenaires financiers, et en soutenant sur place de nombreux programmes comme les campagnes de vaccination. Elle finance elle-même des voyages à Madagascar, au Mozambique, au Burkina Faso, au Sénégal ou au Cambodge, parce qu’elle éprouve un besoin vital d’être sur le terrain. Comme elle, mon attachement aux enfants du monde est inaltérable. Partout où je me suis rendue lors de voyages officiels avec Philippe Douste-Blazy, je suis toujours allée dans les dispensaires, les hôpitaux, les écoles. Cela constitue mes essentiels.
Laeticia est tout sauf une jeune fille légère qui a épousé une star. C’est une femme extrêmement forte quand elle doit traverser des tempêtes. Elle est arrivée à Paris sans connaître les codes de ce monde, s’est retrouvée brutalement en immersion dans la vie d’une rock star, et a su tout gérer seule, sans sourciller, comme elle l’avait déjà fait à quinze ans avec un père en profonde dépression. Elle a offert une résurrection à Johnny Hallyday, lui a sauvé la vie, l’a ancré, a donné un sens à son existence. Elle a remplacé ses démons par des anges. Au baptême de Joy à Gstaad, je le regardais : il avait pris Jade sur ses genoux et lui expliquait patiemment tout ce qui se passait pour sa petite sœur, avec des mots doux, tendres, extraordinaires. Personne ne l’avait jamais vu ainsi. C’était magnifique. La petite fête qui avait suivi ensuite sur une terrasse au soleil, en pleine montagne, était très simple. Johnny avait l’air si heureux. Il sait qu’il le doit à Laeticia. Pourquoi les jaloux s’acharnent-ils donc contre cette femme dans les médias ?
On peut comprendre aisément que la sérénité n’était possible pour eux qu’en vivant loin de la France. Ici, Johnny est une star, et par conséquent il ne peut pas mettre un pied dehors et y être tranquille. À Los Angeles, il a la possibilité de vivre comme tout le monde : se balader, faire du shopping, jouer à la balançoire avec ses filles, les emmener à l’école. À Los Angeles, on laisse les stars en paix. Johnny a rejoint ses rêves de gamin, il a toujours voulu y vivre. Johnny est américain de cœur.
J’ai passé de nombreux moments avec Laeticia et Johnny, mais je me souviens particulièrement de notre virée dans un quartier mal famé de Los Angeles. Une aventure, à jamais tatouée dans ma mémoire ! Pendant les vacances d’été, Philippe Douste-Blazy et moi séjournions une dizaine de jours dans la Cité des Anges, afin de récolter des soutiens et des appuis auprès de personnalités et d’artistes américains pour le projet Unitaid. Un soir, j’appelle Laeticia et je lui propose de dîner tous ensemble, dans le restaurant situé sur le toit de l’hôtel Mondrian.
Au cours du dîner, Johnny nous montre son nouveau tatouage sur le bras, un motif très coloré, quoique pas encore terminé, et en fin de soirée Laeticia nous propose de les accompagner chez son tatoueur, en nous expliquant que la démarche de se faire marquer n’est pas une décision à prendre à la légère, mais un acte fort, qui fait entrer un message dans la peau. Elle-même arbore déjà sur son poignet trois petites étoiles, symbolisant Johnny, Jade et elle, ainsi que le nom de sa fille en vietnamien au bas des reins. Ce soir-là, Laeticia est si convaincante qu’elle me donne envie de les suivre, d’expérimenter le tatouage et de me faire inscrire le nom de mes enfants au poignet. Pourtant la peur de la douleur me retient encore. Laeticia me suggère de choisir, comme elle, des petites étoiles. De son côté, Johnny souffle la même idée à Philippe. Ce dernier réfléchit longuement… Mais on ne résiste pas à Johnny. Il se retrouve donc assis sur la chaise du tatoueur. Le contraste est saisissant entre son impeccable costume de ministre en exercice, et l’endroit où nous sommes, plutôt glauque. Après avoir consulté minutieusement tous les catalogues de motifs disponibles, Philippe retrousse sa chemise blanche et annonce qu’il va commencer lui aussi par une petite étoile. Il opte d’abord pour le bras droit, mais prend conscience l’espace d’un instant qu’un tatouage sur la main d’un ministre peut faire désordre, au moment où il tend la main à un homologue pour l’accueillir sur le perron du ministère ! Ce sera donc le bras gauche, finalement, celui où il porte sa montre, qui pourra cacher le dessin. Johnny surveille attentivement le tatoueur tandis que l’étoile prend forme sur le poignet de mon compagnon.
Quel souvenir inoubliable… Ce moment a été un véritable rapprochement entre Philippe et Johnny, pourtant en apparence aux antipodes l’un de l’autre. Une belle complicité est née entre eux. Quelques heures plus tard, aux alentours de cinq heures du matin, nous sommes rentrés à notre hôtel, le Bel Air. Par la suite, nous nous sommes souvent revus. Johnny est venu au ministère et nous avons dîné de nombreuses fois chez eux, à Marnes-la-Coquette.
L’arrivée de Jade fut un autre bonheur que nous avons partagé. Le cuisinier du Quai d’Orsay avait créé pour l’occasion une sublime glace à la dragée, du nom de l’enfant. Nous l’avons apportée à Laeticia et Johnny dans une bonbonne en argent. Pour l’occasion, mon chauffeur, un fan inconditionnel de Johnny, qui connaît par cœur toutes ses chansons et les écoute à fond dans la voiture, a pu entrer chez son idole, découvrir son studio, ses guitares et même entendre un duo inédit enregistré avec Liza Minnelli. Il a terminé par une photo avec Johnny dans le jardin, pendant que Jade et Jada nageaient dans la piscine. Je crois que j’ai fait le plus grand plaisir de sa vie à cet homme qui toute la journée conduisait les autres…
La dernière fois que j’ai vu Johnny relève du pur hasard. C’était la veille de son opération. Jada sortait de son cours de danse, et je l’emmenais déjeuner au Tong Yen, le restaurant des stars, qui se trouve en bas de chez moi. J’y croise Johnny en compagnie de Laurent Pétin, le dernier compagnon de Romy Schneider, et de son épouse, Michèle Halberstadt. Lorsqu’il m’aperçoit, il m’invite à les rejoindre et prend Jada sur ses genoux. Son portable sonne. C’est Laura, sa fille, qui l’appelle de Suisse : « Alors, ma fille, comment vas-tu ? Ne te fais pas de souci pour moi, je n’ai pas peur : je vais être opéré par le plus grand médecin, le frère de ton amoureux, je ne crains rien. » Lorsque nous nous sommes quittés, je lui ai souhaité bon courage, il m’a répondu : « Ne t’inquiète pas, c’est une formalité. »
On connaît la suite…