Les paroles s’envolent,
les écrits restent…

10 000 inscriptions et graffitis à Pompéi

NUGAE NUGAE

Du vent, rien que du vent.

Le promeneur qui arpente Pompéi aujourd’hui est plongé dans le silence, et pourtant il est entouré de milliers de voix. On chuchote, on hurle, on rit, on se moque. Tel est le joyeux brouhaha qui caractérise ces rues pleines de vie, comme dans toute autre cité romaine.

Les Pompéiens ont disparu il y a près de deux mille ans, mais le son de leurs voix résonne encore, clair et cristallin. C’est comme si chacune d’elles était imprimée sur les murs, changée en graffiti. Pas besoin d’oreilles pour écouter ces antiques conversations, les yeux suffisent.

Dans la seule ville de Pompéi, près de 10 000 inscriptions aussi diverses que variées ont été recensées à ce jour. Certaines sont peintes (c’est le cas de celles à vocation électorale), d’autres ont été gravées par des hommes et des femmes comme vous et moi, révélant l’univers quotidien, et souvent intime, des Romains de l’époque.

C’est pourquoi je me permets un conseil. Quand à Pompéi vous entrez dans une maison, que vous visitez des thermes ou que vous êtes simplement dans la rue, gardez toujours un œil sur les murs enduits : vous y découvrirez alors de discrets graffitis. (Mieux vaut profiter de la lumière rasante de la fin d’après-midi, mais vous pouvez aussi recourir à la lampe de votre téléphone portable.)

En fait, il y en a un peu partout, mais personne ne les remarque. La via dei Teatri, qui au sud de la ville débouche via dell’Abbondanza, est l’un des endroits où vous en trouverez le plus. Des milliers de personnes passent par là chaque jour sans savoir que ces murs délavés recèlent une incroyable quantité d’inscriptions et de dessins : des navires, des chevaux protégés par une armure, des gladiateurs au combat, le Grand Théâtre vu d’en haut avec ses gradins en demi-cercle (probablement pour indiquer des places assises) ou encore la caricature d’un homme particulièrement gâté par la nature — et tout cela sur quelques mètres seulement !

Ainsi, puisque nous devons retraverser la ville pour les besoins de notre récit, faisons-le de manière originale en passant d’un graffiti à un autre, mais sans obéir à un ordre précis. Comme par magie, vous allez voir s’animer sous vos yeux des visages et des scènes de la vie de tous les jours. Ce sont autant de situations authentiques qui confèrent aux rues et aux maisons une touche d’humanité souvent surprenante.

Les exemples qui suivent n’offrent bien entendu qu’un tout petit aperçu des inscriptions décryptées par différents chercheurs, dont Antonio Varone et Vincent Hunink. Vous le constaterez peut-être vous-même, mais on note assez souvent des différences par rapport au latin classique enseigné dans les écoles. Elles traduisent l’influence du latin vulgaire et de formes régionales, ce que l’on ne trouve presque jamais dans les épigraphes officielles.