HOMNES NEGO DEOS
Je nie l’existence de tous les dieux !
Loin d’être terminée, la nuit est un véritable cauchemar pour tous. Le panache éruptif s’élève de nouveau et reprend de la vigueur. Vers 1 heure du matin, il culmine à 32 kilomètres d’altitude — sa hauteur maximale. Le volcan éjecte 200 000 tonnes de magma à la seconde. Dès lors et jusqu’à l’aube, la colonne va s’affaisser et se redresser plusieurs fois, provoquant de nouvelles coulées pyroclastiques, dont celles qui enseveliront Herculanum et Oplontis.
De violentes secousses viennent s’ajouter à ces effondrements répétés. La terre tremble avec une telle force qu’on le ressent dans toute la région. Pline le Jeune lui-même est terrorisé, bien qu’il soit à une trentaine de kilomètres du Vesuvius :
« La terre avait tremblé pendant plusieurs jours sans susciter de sérieuses inquiétudes, car c’est monnaie courante en Campanie. Mais les secousses, cette nuit-là, furent d’une telle violence que tout, au lieu de trembler, parut se retourner. »
La surge 2 s’abat sur les villas de Terzigno déjà dévastées. Elle recouvre maisons et cadavres d’une nouvelle couche de sédiments volcaniques.
Revenons à Pompéi. Contrairement à Herculanum, Oplontis et Terzigno, la ville n’a pas encore subi la furie des coulées pyroclastiques. Mais la situation a empiré. Les ponces qui continuent de pleuvoir atteignent maintenant le premier étage des maisons, à environ 2,50 mètres du sol. Les rez-de-chaussée sont définitivement ensevelis.
C’est grâce à cette couche de ponces que l’on peut visiter aujourd’hui la cité. La majeure partie de ce qui a été conservé est ce qu’elles ont recouvert : rues, fontaines et donc rez-de-chaussée. Rares sont les structures plus élevées ayant résisté. Quasiment tout ce qui dépasse sera anéanti par les coulées pyroclastiques.
Dans une ville en train de sombrer sous 3 mètres de pierres, mieux vaut ne pas tenter d’ouvrir les portes d’entrée des maisons, sinon on serait englouti sous une avalanche de ponces. Il faut savoir en effet que les battants ouvrent vers l’intérieur, en particulier pour des raisons légales : il n’est pas permis d’utiliser à des fins privées une zone publique comme la rue ou les trottoirs. De toute façon, les pierres envahissent les habitations par les fenêtres, le compluvium et les toits défoncés. On voit encore en haut des murs des couloirs des marques indiquant le niveau qu’elles ont atteint.
Les maisons sont des voiliers qui « prennent l’eau » de toutes parts. Que faire ? En sortant, on s’expose à la mort sous ce déluge de roches. L’air est irrespirable, les cendres vous collent à la peau, la visibilité est réduite à néant, il est pratiquement impossible de trouver son chemin dans ce brouillard. Monter à l’étage, c’est prendre le risque de voir le toit s’écrouler ; mais si l’on reste en bas, on peut se trouver bloqué dans une pièce à tout moment ou périr écrasé sous un plafond. Ajoutez à cela l’atmosphère délétère et l’air sec qui brûle les yeux et la gorge, sans parler des secousses qui ébranlent les demeures.
L’émotion nous submerge quand on songe à toutes les souffrances qu’ont dû endurer tous ces Pompéiens condamnés à mort. C’est pourquoi un profond respect s’impose lorsque l’on se trouve devant leurs « corps », même si l’on n’en voit que des moulages.
Après des heures et des heures de cet enfer, la pluie de pierres semble enfin diminuer. De nombreux habitants tentent alors de s’aventurer dehors. Ceux qui y parviennent se dirigent par petits groupes (le plus souvent en famille) vers le sud de la ville, le plus loin possible du volcan, vers le rivage ou vers d’autres localités. Ils marchent tels des automates sur l’étendue informe et grisâtre de ponces et de cendres, avançant tant bien que mal sous une chape de plomb. Où sont passés le soleil, le bleu du ciel et de la mer, le vert des collines, la sérénité des jours heureux à Pompéi ?