Avant-propos

En 79 après J.-C., une terrible éruption volcanique détruisit Pompéi, Herculanum, Oplontis, Boscoreale, Stabies et le site de Terzigno. Contrairement aux nombreux livres qui cherchent à comprendre comment les victimes ont affronté leur destin, celui-ci raconte la tragédie à travers l’histoire de ses survivants. Car oui, certains ont survécu. Au terme d’une longue enquête, nous savons aujourd’hui que sept personnes au moins ont échappé à la catastrophe.

Qu’ont-ils vu ? Que nous révéleraient-ils s’ils pouvaient nous parler ?

Dans deux célèbres lettres à Tacite, Pline le Jeune est malheureusement le seul à avoir décrit le drame dont il fut témoin. De nos sept rescapés, c’est aussi celui qui en était le plus éloigné, à une trentaine de kilomètres. Il crut néanmoins qu’il allait mourir, terrorisé par les secousses et les nuages de cendre. Beaucoup plus proches du volcan, les autres n’ont laissé aucun témoignage. Nous connaissons cependant leur nom, leur âge ; nous savons où certains habitaient, et pour deux d’entre eux nous sommes même en mesure de reconstituer leurs dernières heures, replongeant au cœur de l’horreur à leurs côtés.

Découvrir la trace de sept survivants près de deux mille ans plus tard représente déjà beaucoup, c’est vrai, mais ce n’est pas suffisant. En s’intéressant à leur entourage, on peut aussi se faire une idée de la vie quotidienne à Pompéi peu avant que sa population soit frappée par l’une des plus grandes tragédies que le monde ait connues. C’est pourquoi d’autres personnages ayant réellement existé évoluent dans cet ouvrage, aux côtés des rescapés. Pour la plupart, nous connaissons aussi leur nom, leur âge, leur métier, parfois même leur apparence physique et l’histoire de leur famille. Mais rien ne permet d’affirmer qu’ils ont été tués pendant l’éruption ou qu’ils ont échappé à l’horreur.

Enfin, il y a ceux dont nous ignorons presque tout, sinon qu’ils ne s’en sont pas sortis, qu’ils sont morts sur place, piégés dans cet enfer. Leurs restes, recueillis par les archéologues, sont conservés avec soin dans les réserves du site ou exposés au public derrière des vitrines.

Ce sont donc les rescapés, les éventuels survivants et les victimes qui vont nous faire revivre ces dernières heures. Notre récit s’articulera autour d’hommes et de femmes « réels » et non autour de personnages de fiction, comme c’est presque toujours le cas dans les films et les livres sur le sujet (le héros, l’héroïne, le méchant, l’esclave bon à jeter en pâture aux murènes, les deux gladiateurs qui finissent par devenir les meilleurs amis du monde, etc.). Pourquoi écrire un scénario ou un roman, alors qu’ont bel et bien existé des personnages dont l’histoire est peut-être plus intéressante ?

Ainsi, nous allons suivre des gens comme vous et moi dans leurs activités quotidiennes au cours des deux jours ayant précédé l’éruption, puis découvrir ce qu’ils durent affronter. Bien entendu, nous ne savons pas précisément ce qu’ils étaient en train de faire lorsque se réveilla le Vésuve (ou plutôt le « Vesuvius », ainsi qu’on appelait alors ce mont qui ne ressemblait pas un volcan). Ce que vous allez lire est une reconstitution logique de leurs journées, de ce qu’ils ont vu et vécu personnellement. Les lieux, en revanche, correspondent à la réalité, qu’il s’agisse des rues, des villas ou des exploitations agricoles disséminées sur les versants du volcan. Les fresques décrites sont elles aussi celles que l’on peut voir aujourd’hui in situ.

Nos protagonistes nous conduiront à Pompéi, à Herculanum, à Oplontis et ailleurs, révélant ce qu’était l’existence à cette époque, une existence différente de celle évoquée dans les romans. Chaque ligne s’inspire en effet des conclusions établies par les archéologues sur la manière dont on vivait dans toute la zone côtière frappée par l’éruption, mais aussi du travail des vulcanologues, des historiens, des botanistes et des archéo-anthropologues.

Deux remarques encore avant de remonter le temps : en qui concerne la date de l’éruption, fixée en général au 24 août 79 après J.-C., j’ai opté pour la thèse automnale, qui la situe deux mois plus tard, le 24 octobre, sur la base de recherches et d’observations précises, ainsi qu’on pourra le lire à la fin de l’ouvrage ; quant à ma description des différentes phases de la catastrophe, elle s’appuie certes sur les sources anciennes et sur l’archéologie, mais elle doit énormément aux travaux des vulcanologues qui ont étudié ailleurs des éruptions plus récentes présentant bien des similitudes avec celle de 79 après J.-C. en Campanie.

Et maintenant, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne lecture.