Dans la nuit atroce, les heures coulaient lentement, plus longues que des années. Charles explora la cave en tous sens, sans pouvoir découvrir une deuxième issue. Il souleva Margaret aussi haut qu’il put : ses doigts pouvaient à peine toucher la voûte du caveau. Vainement il essaya d’ouvrir une brèche dans le mur, à l’aide des ciseaux, car il ne fallait pas songer à briser la porte. Il ne leur restait donc plus qu’à attendre…
Pendant longtemps ils causèrent – ils avaient tant de choses à se dire depuis leur séparation. Charles s’aperçut bientôt que Margaret s’était endormie dans ses bras, la tête sur son épaule… L’air était lourd et avait cette odeur particulière que le manque de lumière donne aux pièces. À son tour, Charles s’endormit.
Une soif dévorante interrompit son sommeil. Le mouvement qu’il fit en se redressant réveilla Margaret… Le petit cri de surprise qu’elle poussa en reprenant conscience de son environnement déchira le cœur du jeune homme. Elle avait tout oublié pendant qu’elle dormait et maintenant une nouvelle journée commençait. Que serait-elle ? Laisserait-elle subsister une lueur d’espoir ?… De son côté, Charles avait mesuré combien leurs chances d’être sauvés étaient faibles…
— J’avais oublié… je rêvais… disait Margaret avec un rire ému… et ce rêve délicieux était plus doux que notre situation actuelle… qui, hélas ! n’est pas un rêve…
Charles approcha sa joue de celle de la jeune femme :
— À qui avez-vous rêvé, Meg ?
— Je ne me rappelle pas exactement, je sais seulement que nous étions ensemble et que nous étions heureux, si heureux…
Il serra tendrement Margaret contre lui, mais presque aussitôt il s’écria avec colère :
— Quand je pense que ce petit misérable est en train de partir !
— C’est donc le jour ?
— Oui, il doit être environ sept heures.
Margaret fut envahie par le violent désir de revoir la lumière du jour… Elle avait la vision d’une matinée brumeuse, et d’un avion s’élevant dans le ciel, si haut que le soleil caressait ses ailes claires. Tout son courage s’effondra soudain. Elle cria dans un sanglot :
— Charles, je ne peux pas supporter cette idée ! Si on ne découvre pas aujourd’hui l’endroit où nous sommes, Freddy aura le temps d’arriver à Vienne avant que nous puissions agir… et maman ne sait rien, elle l’attend tranquillement sans le moindre soupçon.
— Nous n’y pouvons rien, ma chérie !
— Cette pensée m’est insupportable… C’est affreux de me sentir ici, impuissante, tandis que je la sais en vie et que je le vois se rapprochant d’elle à chaque minute, plus près, toujours plus près ! sans pouvoir la prévenir… Charles, aidez-moi, je ne peux plus vivre avec cette torture !
Elle se cramponnait, en sanglotant, au cou du jeune homme.
— Elle a tout de même plus de chance que nous, Meg chérie… car il l’aime à sa manière, mais rien ne prouve qu’on ne finira pas par nous découvrir…
Margaret retrouva soudain tout son calme.
— Je ne le crois pas, dit-elle tranquillement.
Charles ne trouva rien à répondre.