6.

La prophétie d’Antialphe

À l’approche de la nuit, Thomas sentit le stress s’emparer de son corps. L’angoisse d’être présenté à l’assemblée des monarques d’Anaclasis en tant que Nommeur lui nouait l’estomac. Il savait qu’il fallait en passer par là, mais il aurait souhaité être n’importe où ailleurs. Étrangement, Pierric semblait aussi anxieux que lui. Il jetait de fréquents coups d’œil par les fenêtres de leur appartement, en direction des nuages massés au-dessus de la ville, de plus en plus noirs et menaçants à mesure que montait le crépuscule. Le garçon semblait se charger d’angoisse au même rythme que les nuées obscures se chargeaient d’électricité. Lorsque Thomas demanda à son ami s’il allait bien, Pierric répondit que quelque chose ne tournait pas rond ici. Il sentait une menace diffuse autour d’eux, comme une malveillance sournoise qui serait attachée au château lui-même. Les adolescents s’en ouvrirent au maître Devin Zarth Kahn, qui garda un moment son regard d’oiseau de proie dardé sur eux.

— Je ressens également une grande tension autour de nous, dit-il en hochant la tête. Mais je crois que c’est parfaitement normal, vu les circonstances. Toutes les délégations sont conscientes de l’enjeu immense du rendez-vous de ce soir. Ne vous tracassez donc pas inutilement.

Les adolescents le remercièrent. Pourtant, ni l’un ni l’autre n’avait recouvré la sérénité lorsque l’heure du conseil arriva. Iriann Daeron débita un flot continu d’instructions à Thomas : que dire et à qui, comment se comporter en présence des autres délégations, comment répondre lorsque des questions lui seraient posées.

— Mais le plus important est de demeurer humble, termina le Guide de la cité. Rappelle-toi qui sont tous ces gens que tu vas rencontrer et témoigne-leur le respect qui leur est dû, même si la réaction de certains venait à te surprendre ou à te mettre en colère. En particulier avec la reine des Mères Dénessérites, dont l’avis est très écouté. Allez, ne reste pas là bouche bée. (Le Guide prit un air ironique.) Ferme ton col et dompte ces mèches rebelles qui te donnent l’allure d’un sauvageon !

Ela vint au secours du garçon, dont elle coiffa les cheveux avec ses mains.

— Tu es très beau, mon petit sauvageon, murmura-t-elle contre son oreille.

— Que je me rappelle qui sont tous ces gens, souffla Thomas, à mi-chemin entre l’amusement et l’irritation. Justement, j’aimerais bien l’oublier, moi, qui ils sont !

— Cesse de râler. Regarde : ta tante vient d’arriver.

Dune Bard adressa un sourire réconfortant à son neveu avant de s’isoler pour discuter en aparté avec Iriann Daeron et Zarth Kahn.

— Et en plus, ils font des messes basses, grogna Thomas. Va pas falloir qu’elle me cherche, la Mère Dénessérite, parce que je commence à être remonté !

— Ne tire pas ton épée le premier, c’est tout ce que je te demande, riposta la jeune fille en parodiant le ton sentencieux de son père. Et surtout, essuie bien ta lame après t’en être servi, et ne mets pas tes doigts dans ton nez. Faudrait pas qu’on croie que tu es un Nommeur mal élevé !

Thomas éclata de rire et serra les mains de son amie.

— Si tu n’existais pas, il faudrait t’inventer, dit-il en sentant son cœur battre la chamade. Au fait… tu verrouilles la porte de ta chambre ce soir ?

L’adolescente lui adressa un regard suggestif à travers ses mèches brunes.

— Il m’arrive d’oublier, minauda-t-elle. Hum ! Attention, mon père revient vers nous !

Thomas se retourna pour se retrouver face au géant aux yeux verts.

— Nous y allons, lança le Guide. Je voulais aussi te dire…

— Je sais, le coupa Thomas malicieusement. Ela a terminé la liste : toujours essuyer mon épée après usage et ne pas me curer le nez en public !

— Très drôle… Je vois que l’éducation que j’ai donnée à ma fille est un cuisant échec ! Mais rassure-moi : tu n’emportes quand-même pas une arme avec toi ?

— Mon épée Excalibur ne me lâche plus d’une semelle, répondit le garçon d’un ton volontairement léger. Son fantôme vibratoire est contre ma cuisse pendant que je vous parle. Mais elle ne quittera la vibration fossile qu’en cas de force majeure. (La voix de Thomas devint un feulement provocateur.) Si la reine des Mères Dénessérites cherchait à me tuer, par exemple…

Le Guide de Dardéa aiguisa le regard qu’il gardait rivé sur l’adolescent.

— Plaise aux Incréés que pareil drame ne se produise pas, dit-il avec gravité. Allez ! On y va.

Au même instant, un coup de tonnerre roula sourdement au-dessus du beffroi, faisant trembler les carreaux aux fenêtres. Thomas rentra involontairement la tête dans les épaules, puis se détendit en se morigénant pour sa nervosité extrême. Ela lui adressa un clin d’œil d’encouragement.

— Hé ! Tu ne marches pas à ton exécution, lui lança Pierric au passage. Mais fais gaffe, quand même. Ne laisse par les Mémères Dénessérites te fourrer dans leur chaudron !

Le ton était léger, mais la lueur fiévreuse de son regard indiquait qu’il ne plaisantait qu’à moitié. Le vaste escalier du donjon était à présent emprunté par un grand nombre d’hommes et de femmes, qui convergeaient vers le dernier niveau. « Des rois, des reines, des diplomates, des seigneurs de guerre… », songea Thomas en coulant de furtifs regards sur les côtés. « Mais qu’est-ce que je fais, moi, au milieu de tout ce beau monde ? » Une dernière volée de marches, et les délégations de Dardéa et d’Épicéane surgirent sous la coupole démesurée de la Sphère Céleste, l’énorme toiture en forme d’oignon qui couvrait le beffroi des Nuages. Des rangées de fauteuils au tissu damassé grimpaient à l’assaut des cloisons sur trois côtés, le quatrième étant occupé par un trône majestueux en bois sculpté, pour l’heure inoccupé. Une vasque en pierre taillée, remplie de lumière liquide et soutenue par quatre pieds en forme de pattes de tigrours, occupait le centre de l’espace circulaire. Un sortilège donnait au plafond sphérique des allures de ciel nocturne, scintillant d’étoiles.

— Son Excellence Iriann Daeron, Guide de Dardéa, et Sa Majesté le prince Fars d’Épicéane ! annonça d’une voix de stentor un héraut posté au sommet des escaliers.

L’homme indiqua l’emplacement réservé aux deux délégations, sur la droite du trône. Le murmure étouffé qui se réverbérait tout autour de la Sphère Céleste, semblable au cacardage assourdi d’un élevage d’oies, suscita un rictus sarcastique de la part de Zarth Kahn.

— Dans peu de temps, ce bavardage feutré va voler en éclats, jugea-t-il d’un ton railleur. Thomas, je crois que ton jeune âge est déjà en train de susciter bien des questions…

Le garçon se serait bien passé d’attirer l’attention. Il avait la désagréable impression d’être le point de mire de tous les regards et de sentir leur poids peser sur sa peau. Il s’efforça d’adopter une démarche décontractée en emboîtant le pas aux deux délégations, mais il se sentait plus tendu qu’un arc sur le point de décocher sa flèche. Il devinait des haussements de sourcils et des hochements de tête et percevait les remous de chuchotements générés dans son sillage. Une fois assis, l’impression d’être un animal de foire s’estompa en partie. Dune Bard se pencha vers lui.

— Regarde l’homme assis en face du trône, entre l’Empathe encapuchonné et le Parfait en armure : je pense qu’il s’agit du roi Jadawin de Villevieille.

Thomas suivit son geste et découvrit un bel homme svelte aux cheveux gris bouclés et aux traits émaciés, dont les yeux bleus étaient si pâles qu’ils en paraissaient presque dépigmentés. « Une vraie tête de prophète ! », songea le garçon. « Dangereux, en plus ! » Cette idée avait jailli spontanément. Peut-être à cause de l’expression indéchiffrable de l’individu qui découvrait légèrement ses dents, un rictus le faisant ressembler à une bête sauvage. Peut-être aussi à cause de son menton relevé, qui lui donnait l’air de considérer les autres avec une certaine charge de mépris.

L’arrivée de la délégation du peuple Elwil détourna l’attention du garçon. Il ouvrit des yeux étonnés : A-jaiah El’Sand, la reine d’Elwander en personne, venait en tête !

— Duinhaïn savait-il que sa mère était présente ? demanda Dune Bard, surprise.

Thomas haussa les épaules.

— Je ne crois pas. Je sais que Duinhaïn devait passer cet après-midi saluer les siens mais je ne l’ai pas revu depuis…

La gracieuse souveraine à l’immense chevelure passa devant la délégation de Dardéa. Sa démarche aérienne lui donnait l’air de flotter au-dessus du sol. Elle gratifia Thomas d’un sourire si fugace qu’il en fut presque imperceptible. Il n’échappa pourtant pas à l’assemblée et certains lancèrent des regards intrigués à l’adolescent, dont la persistance trahissait leur pensée : « Qui est ce gamin à qui la reine du plus ancien royaume d’Anaclasis vient d’adresser un signe de reconnaissance ? »

Dune Bard tira son neveu de l’embarras en commençant à énumérer à son intention l’identité des invités. Le plus haut en couleurs était sans conteste Arbannor, roi de la ville de Forges d’Est. Pratiquement aussi large que haut, engoncé dans un harnachement de guerre déplacé en ces lieux  et qui amplifiait l’air farouche peint sur son visage, il appartenait visiblement à une race d’hommes de petite taille. Le colossal Gotar, souverain de Bleue, sur l’île de Caralain, n’était pas mal non plus dans son genre, avec ses vêtements de fourrure brodés de pierres précieuses et son visage aux durs méplats entièrement peint en bleu. Quant aux représentants de la ville de Hautjardin, les fameux Synchrones qui passaient cinquante pour cent de leur temps en hibernation, ils semblaient plus fragiles que des enfants avec leurs immenses silhouettes dégingandées flottant dans de grandes robes aux teintes pastel.

— Sa Grâce la Reine Mère Dénessérite Inaratti ! annonça soudain la voix puissante du héraut.

La salle de la Sphère Céleste s’était subitement inondée de clarté, la lumière liquide de la vasque aux pieds de tigrours projetant un rayon en direction de la coupole. Une centaine de visages se tournèrent vers la nouvelle venue. Thomas l’aperçut et en ressentit un choc. La reine des Mères Dénessérites était grande et sculpturale, avec une peau d’un blanc d’ivoire, une bouche sensuelle et provocante et des cheveux blond clair nattés au sommet de la tête. Elle avait quelque chose d’une déesse intouchable et éthérée. Mais ce n’était pas sa beauté à couper le souffle qui avait retenu l’attention du garçon. C’étaient ses yeux brillants aux prunelles dorées, étirés vers les tempes. Et puis, l’étrange costume à queue-de-pie qu’elle portait, d’un jaune chatoyant, qui irradiait comme s’il était couvert de diamants. La reine Inaratti ressemblait tellement à l’inconnue à qui, quelques semaines plus tôt, l’impérator Our Quox de Colossea avait fait découvrir le chronoprisme, qu’il ne pouvait s’agir d’une coïncidence ! Quatre Mères Dénessérites suivaient leur reine, aussi éblouissantes, avec les mêmes yeux ambrés. Seule différence : leurs costumes à elles étaient pourpres… en tout point identiques à celui de l’inconnue de Colossea… Our Quox avait donc bien reçu une Mère Dénessérite !

Thomas se sentit soudain nauséeux et tremblant. Il avait la langue collée au palais et son cœur commençait à battre trop vite. Qu’est-ce que cela signifiait ? Les magiciennes de Perce-Nuage avaient-elles elles aussi rejoint la coalition de Ténébreuse ? Ou bien ne s’agissait-il que d’une visite isolée ? Il n’eut pas le temps d’approfondir ses cogitations. La reine Inaratti avait fait sonner sur le dallage le bâton surmonté d’une lumière vive qu’elle tenait dans sa main gauche. Elle parcourut des yeux l’assistance et Thomas tiqua lorsque son regard croisa le sien ; il eut l’impression d’avoir été reconnu, fouillé au plus profond de lui-même. Mais les yeux de la Mère Dénessérite continuèrent leur revue et allèrent se poser sur le héraut qui les avait accueillis. Ce dernier s’inclina profondément et lança d’une voix forte.

— Que viens-tu faire ici, ô ma Reine ?

— Monter la garde en attendant le retour des Incréés, répliqua-t-elle d’un ton suave et impérieux.

— Qui monte la garde en ta compagnie, ô ma Reine ?

— Les puissants de ce monde, qui ont répondu en ce jour à mon appel, et que je remercie du fond de mon âme. Que la magie d’or les baigne éternellement.

Inaratti leva sa main droite et lui fit décrire une gracieuse arabesque en direction de ses invités, immobiles comme des pierres dans les gradins. Puis elle s’inclina à son tour. L’assistance répondit par des claquements de talons et des hochements de tête. Thomas imita ses voisins, en grinçant des dents. Il avait la furieuse impression d’être un poisson dans une nasse, enfermé en compagnie d’une meute de piranhas affamés.

La reine gagna son trône, tandis qu’un homme au crâne rasé, drapé dans une toge dorée recouverte de motifs entrelacés, s’avançait vers elle. Arrivé à deux pas, il tourna sur lui-même pour faire face à l’assistance. Il avait des joues creuses et imberbes, éclairées par des yeux immenses, qui semblaient brûler d’un éclat fanatique. Il sautilla un moment sur place, d’un pied sur l’autre, puis s’effondra brutalement sur le sol, comme si une rafale de vent avait arraché tous les os de son corps.

— Que lui arrive-t-il ? sursauta Thomas.

— Ne t’inquiète pas pour lui, chuchota sa tante. Il est en transe. C’est un raisonneur, une sorte d’oracle par la voix de laquelle s’expriment les prédictions des Mères Dénessérites.

Sur le trône, Inaratti s’agita.

— Vous m’honorez par votre présence, lança-t-elle sans forcer sa voix.

L’acoustique de la salle sphérique était surprenante. Ses paroles se répercutèrent contre les cloisons, comme des vagues déferlantes.

— Les jours sombres sont de retour, poursuivit-elle. Le Ténébreux est plus fort qu’il y a mille ans, bien décidé à abattre les uns après les autres tous les royaumes d’Anaclasis. C’est en unissant les peuples que Léo Artéan, en son temps, a repoussé le Grand Fléau. L’heure est venue d’unir nos énergies et de repousser, à notre tour, ensemble, les armées qui, sinon, causeront notre perte à tous. Je souhaite que chacun d’entre vous s’engage dans cette cause ultime et que nous décidions d’une stratégie commune pour abattre notre ennemi. Je cède la parole au roi Jadawin de Villevieille, dont les initiatives courageuses nous offrent aujourd’hui des raisons d’espérer.

Le monarque aux allures de prophète se leva et parcourut la salle de son regard d’aigle aux yeux bleu glacier.

— Je vous salue, dit-il, presque sans desserrer les lèvres.

Il avait une voix qui résonnait comme s’il criait à pleins poumons alors qu’il parlait normalement.

— L’île de Mehrangarh est tombée, Caralain est assaillie de toutes parts, les Marches Blanches et Karhold seront bientôt entièrement sous le contrôle du Ténébreux. La prochaine étape de notre adversaire va être de débarquer sur le continent, certainement à l’est et à l’ouest au même moment, pour diviser au maximum nos forces. Ce que je vous propose est de renforcer les défenses des villes qui vont être en première ligne et de masser secrètement deux armées près des côtes. Puis de laisser nos ennemis prendre pied sur le continent et s’enfoncer sans peine dans notre piège. Au moment où ils mettront le siège devant l’une de nos cités, nous les prendrons à revers en les coupant de leurs bases arrière et de la mer. Cela exigera de la rapidité, une grande coordination et aussi des troupes en très grand nombre. J’ai déjà levé vingt et une légions d’Étoilés, qui progressent en ce moment vers le nord sous le commandement de mes Parfaits. Cela représente plus de soixante mille combattants, mais c’est très insuffisant pour gagner cette guerre. J’ai besoin de votre aide, massivement et avant qu’il ne soit trop tard !

Le roi Gotar se leva à son tour. Ses yeux étaient deux cailloux noirs au milieu de sa face peinte en bleu.

— Si je comprends bien votre plan, Roi Jadawin, vous proposez purement et simplement d’abandonner les cités de Caralain et de Karhold qui résistent encore ?

Sa voix était grave et assurée, sans trace d’agressivité. La tension qui rigidifiait sa silhouette massive était le seul indice de son mécontentement.

— Ce que moi je propose, au contraire, poursuivit-il, est de porter tous les renforts disponibles au secours des villes assiégées et de ne plus céder un seul pouce de terrain aux pillards de Ténébreuse. La guerre doit se gagner en regardant nos ennemis dans les yeux, pas en leur offrant notre dos !

Plusieurs délégations approuvèrent bruyamment. La reine Inaratti leva son bâton d’un geste péremptoire et le silence retomba. Iriann Daeron se redressa.

— Que le souffle des Incréés vous baigne éternellement, dit-il posément. La parole que je vous apporte est celle des six Animavilles et de leurs populations humaines… (Il laissa passer quelques secondes, en parcourant d’un regard circulaire son auditoire.) Nous allons entrer en guerre à notre tour contre Ténébreuse ! (Un murmure de satisfaction enfla dans la Sphère Céleste.) Mais nous ne porterons pas la guerre là où elle est déjà presque perdue ! Ce serait la meilleure façon de disperser inutilement nos forces. En cela, notre position est proche de celle du roi Jadawin. En revanche… (Il laissa le temps au concert de protestations qui s’était élevé de s’apaiser.) En revanche, nos Animavilles d’Aevalia et d’Éolia vont franchir la mer pour évacuer tous ceux qui le souhaiteront, civils et militaires, et les rapatrier sur le continent. Elles feront autant de rotations que nécessaire pour mettre à l’abri le maximum de personnes. Ensuite, elles pourront se replier de façon à contribuer au piège évoqué par le roi Jadawin.

La reine des Mères Dénessérites intervint à nouveau.

— Tout ceci est encourageant, mes amis, mais je n’entends personne évoquer le péril constitué par Colossea. Pourtant, la ville Mécanique de la Guilde des Marchands est comme une épine plantée en plein cœur d’Anaclasis.

— Je dispose dans cette région de deux légions renforcées par l’armée des Sardokars de Fomalhaut, reprit Jadawin. Mais c’est nettement insuffisant pour envisager d’attaquer Colossea.

A-jaiah El’Sand, la reine d’Elwander, sollicita à son tour la parole.

— Que l’onde et la sylve favorisent vos seigneuries et nos entreprises, dit-elle d’une voix cristalline. Au moment où je vous parle, deux armées de mon peuple ne doivent plus être très loin de Fomalhaut. Elles ont quitté Aïel Tisit et Qenyal Tisit il y a quatre jours et progressent depuis à marche forcée en direction du royaume Sardokar. En unissant nos forces, légions étoilées, Sardokars et Elwils, nous prendrons la ville Mécanique. Une fois ce péril interne écarté, nous engagerons toutes nos forces plus au nord, aux côtés de la coalition du roi Jadawin et des Animavilles.

Un bruissement satisfait roula sur l’assemblée, troué par la voix enthousiaste du gouverneur de La Roque Percée.

— Sur mon honneur, j’engage également mes troupes aux côtés de la coalition ! lança-t-il avec détermination. Elles sont d’ores et déjà sur le pied de guerre et pourront rejoindre Fomalhaut en deux jours.

D’autres monarques engagèrent à leur tour leurs armées, parmi lesquels le prince Fars d’Épicéane et Arbannor, le roi des Nains de Forges d’Est. Lorsque Dune Bard se leva, Thomas sentit un nœud tomber au fond de son estomac.

— Il est plusieurs points que nous devons aborder ensemble, dit-elle d’une voix volontairement sourde, qui força l’assistance à faire silence. Des points d’ordre pratique, tels que celui de savoir qui commandera les troupes coalisées ou encore de déterminer comment les armées communiqueront entre elles. Mais je vous propose de les garder pour plus tard. Le point dont je veux vous entretenir en priorité est autrement plus important…

Thomas vit les paupières d’Inaratti s’entrefermer légèrement, comme si elle s’attendait à l’intervention de l’incantatrice.

— Je pense que la plupart d’entre vous ont entendu parler des prophéties d’Antialphe, le célèbre Devin contemporain de Léo Artéan. La plupart de ses prophéties ont été consignées dans La Complainte du Temps et des Contrées, dont l’exemplaire original est conservé à Perce-Nuage, si je suis bien renseignée…

La reine des Mères Dénessérites hocha imperceptiblement la tête, avec un sourire froid en direction de l’incantatrice. La voix de Dune Bard enfla, jusqu’à captiver tout son auditoire.

— Pour Antialphe, Léo Artéan n’était pas seulement le sauveur d’Anaclasis, il était avant tout le Nommeur, c'est-à-dire celui qui possédait la faculté d’énoncer le nom des Incréés et d’utiliser le pouvoir qui en résulte pour faire le bien. Le roi de Ténébreuse était, pour sa part, le Dénommeur, son opposé en toute chose, doté des mêmes facultés hors normes mais désireux d’en user pour asservir le monde. Pour Antialphe, si Léo Artéan n’était pas parvenu à découvrir le nom des Incréés avant son rival, tous les efforts des armées d’Anaclasis auraient été vains et le Grand Fléau se serait achevé par la victoire définitive de Ténébreuse…

L’incantatrice demeura quelques secondes silencieuse, le corps légèrement penché en avant, comme pour mieux assener ses prochaines paroles.

— La treizième prophétie d’Antialphe parle de la millième année après la chute de Ténébreuse. Elle parle des temps que nous sommes en train de vivre et elle dit ceci  :

L’an mil après l’établissement du bonheur

Verra ressusciter le roi d’effrayeur,

Le septentrional quitter son siège,

Et transpercer du ciel les feux et neiges.

De Reflet en chair resurgira un Nommeur,

Qui cherchera au giron des Incréés

Les fondements de l’ancestrale félicité,

Et rendra au monde éprouvé l’oubli du malheur.

Dune Bard écarta soudain les mains et nombre de rois eurent un sursaut de défiance.

— Antialphe savait qu’un nouveau Dénommeur allait régner sur Ténébreuse, clama la magicienne en scandant avec force chaque mot. Il savait qu’une guerre sans merci allait de nouveau opposer l’île du Nord à Anaclasis. Et il savait également que de ces nouveaux temps sombres allait éclore un autre… Nommeur !

L’incantatrice laissa aux membres de son auditoire le temps de digérer l’information.

— Qui est ce nouveau Nommeur ? demanda le roi Arbannor d’un ton où l’ironie le disputait à l’incrédulité. Est-il aussi insaisissable que les prophéties de ce vieux fou d’Antialphe ou bien est-il de chair et de sang ?

— Il est devant toi, Arbannor, siffla Dune Bard d’un ton cinglant. Lève-toi, Thomas…

L’estomac du garçon se souleva, noyé dans une violente nausée acide, mais il obéit sans rechigner. Il garda les bras le long du corps et leva les yeux vers le roi de Forges d’Est. Comme il s’y était attendu, l’incrédulité fit place à l’amusement sur le visage du monarque. Mais la raillerie jaillit d’autre part.

— Que nous amènes-tu là, ma chère Dune Bard ? demanda le roi Jadawin de Villevieille. Un adolescent arraché du sein de sa mère ? Bien jeune pour revendiquer une gloire égale à celle de Léo Artéan !

Le roi de Villevieille examina le visage de Thomas avec un léger sourire. En dépit de son sourire, sa voix était mordante et son regard d’une acuité dérangeante.

— Qui es-tu et d’où viens-tu, mon garçon ?

Thomas dut s’humecter les lèvres de salive avant de pouvoir parler.

— La lumière des Incréés vous baigne à jamais, noble Reine Inaratti et vous, Gentils Seigneurs et Grandes Dames, expulsa-t-il d’une même haleine. (Il pencha brièvement le buste en direction du trône de la reine des Mères Dénessérites, qui lui retourna un regard indéchiffrable.) Je m’appelle Thomas, Thomas Passelande, et j’arrive du Monde du Reflet où je suis né. Je n’ai découvert que très récemment ma capacité à comprendre de manière innée la langue des origines ainsi que le nom des Incréés…

— Tu dis que tu as découvert les noms des Incréés ? s’exclama Jadawin, interdit.

— Deux seulement, Mon Seigneur. Mais je compte bien découvrir les autres… avant le Ténébreux !

Il avait craché les derniers mots avec une rage palpable. Le roi de Villevieille sourcilla, visiblement surpris.

— Sornettes ! gronda Arbannor. Pareil destin, si tant est qu’il soit avéré, ne peut concerner un gamin ! Vous vous égarez, Dune Bard !

— Elle ne s’égare pas ! intervint la reine des Elwils d’une voix égale. Il est venu à Aïel Tisit et il a accompli la prophétie qui devait me permettre de le reconnaître. Il est le nouveau Nommeur, celui que mon peuple appelle Osgil’At. Et le Ténébreux le sait également, car il a lancé une attaque en plein cœur de ma capitale pour tenter de l’enlever.

— Je savais également que le garçon de la prophétie allait venir, décocha la reine Inaratti en se redressant.

Sa voix semblait subitement curieusement voilée. Elle inclina son bâton vers l’homme chauve étendu à ses pieds et la lumière jaune de la crosse scintilla. Des mouvements incontrôlés agitèrent l’oracle, comme si une main invisible réintroduisait un à un les os de son squelette. Il bondit soudain sur ses pieds et commença à tourner sur lui-même en produisant une inquiétante psalmodie gutturale. Après une bonne minute, il stoppa net et s’ébroua comme un chien après une baignade. Il braquait un regard d’aveugle dans la direction de Thomas et commença à parler d’une voix forte et aiguë, qui n’était visiblement pas la sienne.

— Apprenez que la guerre qui a commencé scellera définitivement le destin des hommes et des non-hommes à travers tout Anaclasis. Les présages de destruction et ceux de victoire s’amoncellent en ce moment même au-dessus de Perce-Nuage et de toutes les autres contrées. Ils sont en nombre égal et il revient au Nommeur et au Dénommeur de déterminer de quel côté tournera la roue. Les augures disent que la Dernière Bataille est proche et que ce sera le garçon venu du Reflet qui la mènera. Les augures disent encore que le garçon chevauchera à la tête des mythiques Djehals, jadis chassés de Ténébreuse par le premier Dénommeur et dont le retour d’exil annoncera la mêlée ultime. Ce garçon est le nouveau Nommeur ! Que personne n’en doute ! Louée soit sa venue ! Louée soit sa venue ! Et de tous nos corps et de toutes nos épées, faisons-lui rempart, pour l’aider à sauver le monde !

Un saut en arrière et l’oracle s’effondra à nouveau comme un pantin désarticulé. Les derniers mots avaient été hurlés avec l’énergie du désespoir. Un silence total s’ensuivit. L’effarement se lisait sur tous les visages, y compris celui de Jadawin de Villevieille. Thomas avait la chair de poule et la gorge sèche. Il avait du mal à accepter l’idée que le garçon de la prophétie, c’était bien lui. Il tenait ses mains serrées l’une contre l’autre pour que personne ne voie qu’elles tremblaient comme des feuilles. La voix de la reine des Mères Dénessérites fut comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage.

— Thomas est le nouveau Nommeur ! lança-t-elle dans un rugissement.

Elle scandait les syllabes comme si elle voulait les inscrire en lettres de feu dans l’esprit de son auditoire.

— Il a besoin de nous comme nous avons besoin de lui. Nous allons nous battre en son nom et il nous conduira à la victoire lorsque la Dernière Bataille adviendra.

La sculpturale souveraine tourna ses yeux dorés vers l’adolescent.

— En attendant, il restera auprès de moi, au beffroi des Nuages, protégé par la magie d’or.

Le cœur du garçon rata un battement. Il ouvrit la bouche pour protester mais la voix de Dune Bard le devança.

— Thomas ne peut en aucun cas rester ici, Reine Inaratti. Son destin est de découvrir les quatre derniers noms d’Incréés, pour être en mesure d’affronter le Dénommeur. Nul autre que lui ne peut mener cette quête. C’est ce qui est dit dans la prophétie d’Antialphe !

— Ce n’est pas ce que dit la prophétie d’Inaratti ! trancha la Mère Dénessérite. Thomas court un grand danger et doit être protégé jusqu’au moment ultime. Il doit rester au beffroi, c’est l’affaire de quelques mois ! Passons aux autres points que tu voulais aborder, ma chère Dune Bard.

— Thomas ne restera pas à Perce-Nuage, gronda l’incantatrice.

La reine des Mères Dénesserites se raidit d’un coup en émettant un son d’exaspération. Elle considéra l’incantatrice d’un air glacial. Le silence dans la Sphère Céleste était total ; chacun semblait retenir son souffle. Thomas aurait pu jurer entendre tourner les rouages dans la tête de la reine Dénessérite. Finalement, la souveraine de Perce-Nuage demanda d’un ton mielleux :

— Qui va m’empêcher de le protéger ?

— Personne ne songe à t’empêcher de le protéger. Mais sache que je ne te laisserai pas lui faire perdre toute chance de NOUS sauver !

— Tu es dans l’erreur, ma chère Dune Bard… Et tu n’es pas de taille…

— En es-tu bien certaine ?

Les mains de la reine devinrent comme des nœuds serrés. Les secondes s’écoulèrent, sans qu’aucune parole ne résonne sous la coupole du donjon. La fixité du regard d’Inaratti glaça soudain le cœur de Thomas. « Elles s’affrontent mentalement ! » Iriann Daeron remua à côté du garçon, visiblement aussi mal à l’aise que lui-même. Thomas tourna le visage vers sa tante. Des gouttes de sueur perlaient sur son front, mais ses yeux brûlaient d’une lueur de défi. À mi-distance entre les deux femmes, la vasque aux pieds de tigrours se fêla soudain, dans un claquement assourdissant. Le rayon de lumière liquide scintilla d’un éclat plus vif, rendant la salle aussi éclatante qu’un plein midi sous un ciel sans nuages. Un vent de consternation et d’indécision souffla sur l’assistance.

— Ça va, Dune ? lança le prince Fars à mi-voix.

L’incantatrice ne sembla pas l’entendre. Elle était à présent aussi raide qu’un piquet, les traits crispés, tendue tout entière en direction de son adversaire. L’expression de la reine Inaratti avait conservé sa fermeté, mais Thomas la vit changer de posture, comme si elle était en train de… perdre pied ? Ses yeux dorés se plissaient sous l’effort ; un pli déformait sa bouche parfaite. Et puis, la situation s’inversa totalement, sans raison apparente. Dune Bard sembla se recroqueviller sur elle-même, chancelant un instant avant de retrouver son aplomb. Sa peau devint d’une pâleur mortelle, et de la buée s’échappa de ses narines, comme si un froid mordant l’enveloppait. Un rictus victorieux apparut au coin des lèvres de la reine. Thomas comprit dans un éclair : les quatre Mères Dénessérites qui encadraient Inaratti se liguaient pour attaquer sa tante ! Son sang ne fit qu’un tour.

— Arrêtez ça, bande de vipères ! hurla-t-il en bondissant comme un diable hors de sa boîte.

Tous les regards se tournèrent dans sa direction.

— Ne t’en mêle pas ! l’avertit Iriann Daeron.

Mais trop tard. L’adolescent avait déjà glissé à travers la vibration fossile, pour se retrouver devant Inaratti, qui ouvrit des yeux exorbités de stupeur. Il s’aperçut seulement à ce moment qu’Excalibur était dans sa main. Et que sa pointe piquait si profondément la gorge délicate de la reine qu’une goutte de sang perlait contre la lame.

— Arrêtez ça immédiatement ! aboya-t-il à l’adresse des Mères Dénessérites… Arrêtez ça ou je tue votre reine !

Il sentit l’attaque implacable des magiciennes se retourner d’un coup contre lui et toute force sembla déserter son corps. Seule sa volonté lui permit de rester debout et de ne pas lâcher son épée. NON ! Il ne tomberait pas à genoux ; il ne leur donnerait pas cette satisfaction ! Un froid glacial l’enserra de toute part, pesant sur sa poitrine et écrasant son crâne dans un étau. Des aiguilles de glace s’enfonçaient dans ses muscles, grinçaient contre ses os, brouillaient sa vue. Il serra les dents pour ne pas laisser s’échapper le hurlement angoissé qui montait des tréfonds de son être. Il se força au contraire à darder sur Inaratti un regard furieux, à travers les cristaux de glace qui germaient au coin de ses yeux. Elle lui sourit comme à un petit garçon qu’elle aurait grondé.

Thomas sentit la frustration éclater dans son ventre et flamber en une rage insensée. Une colère ardente et corrosive, qui sembla tout à coup entrer en résonance avec la vibration d’Excalibur. Une explosion silencieuse s’épanouit en lui, comme un soleil immense et brûlant. Il n’avait plus froid, il n’était plus faible. Il se sentait plus fort qu’il n’avait jamais été. Il allait leur faire payer leur impudence ! Il expulsa un cri inarticulé de bête ivre de vengeance, puissant comme les cris de bataille conjugués d’une armée de Défenseurs. Les quatre Mères Dénessérites s’envolèrent comme des fétus de paille. Elles poussèrent des cris de douleur en heurtant la cloison derrière elles et aucune ne se releva.

Inaratti esquissa un pas en arrière, mais Thomas la devança avec la vivacité d’un félin. Il immobilisa la pointe de son épée à un doigt de sa gorge. Ses mots claquèrent comme des bangs soniques.

— Nous allons faire EXACTEMENT ce qu’a dit Dune Bard, et ce n’est pas négociable !

Toute trace de condescendance avait déserté les traits de la reine de Perce-Nuage. Elle était plus livide qu’un bloc de marbre mais conservait toute sa majesté. Elle écarta d’un doigt manucuré la pointe d’Excalibur, qu’elle enveloppa d’un regard surpris. Sa voix s’éleva, claire et détachée, comme si rien de tout ce qui venait de se passer n’avait véritablement eu lieu.

— Il faudra que tu me dises, un jour, comment une épée des Grands Anciens a terminé entre tes mains, mon garçon. Mais, pour le moment, je ne peux que te féliciter. Tu as démontré ta capacité à assurer ta propre défense. Me voilà rassurée et prête à accéder à la demande de cette chère Dune Bard. D’autres exigences ?

— Non, elles s’arrêtent là, répondit l’adolescent d’un ton neutre.

La reine se tourna vers l’assistance médusée, qui n’avait soufflé mot. Seules Dune Bard et A-jaiah El’Sand étaient dressées dans l’hémicycle, l’une prête à poursuivre le combat, la seconde visiblement prête à l’engager. Les coups d’œil échangés entre ces deux-là et Inaratti furent dénués d’aménité, mais tout le monde finit par se rasseoir. Thomas traversa la vibration pour regagner sa place, sans un regard pour la reine des Mères Dénessérites ni pour ses disciples, que des serviteurs diligents évacuaient discrètement sur des civières de fortune. La rage grondait encore dans ses veines. Il jeta un coup d’œil furibond en direction du roi Jadawin, qui le détaillait sans vergogne. « Je suis le Nommeur », pensa le garçon en serrant les poings. « Que celui qui croit que je suis heureux de mon destin vienne m’en décharger ! »

— Reprenons, fit Inaratti avec une ferveur que l’on sentait de façade. Nous devions encore discuter des questions de commandement des troupes coalisées et de la communication entre les différentes armées…

*

Les débats se poursuivirent sans entrain une bonne partie de la soirée. Curieusement, l’altercation entre Dune Bard et Inaratti avait suffisamment refroidi les participants pour que les plus rétifs d’entre eux acceptent des compromis auxquels, en d’autres circonstances, ils n’auraient pas facilement consenti. Entre autres choses, il fut décidé que le roi Jadawin coordonnerait toutes les actions militaires, mais que chaque armée resterait sous le commandement de son peuple d’origine. Les liaisons entre les différents corps d’armée et l’état-major de campagne seraient assurées par des messagers Passe-Mondes lorsque cela serait possible mais aussi par la remise en fonction des antiques tours des Tambours. Dune Bard obtint des alliés que l’attaque sur Colossea n’intervienne qu’en présence de Thomas et d’elle-même et qu’elle soit menée de façon à mettre la main sur le chronoprisme en état de fonctionnement. De même, une fois que la Frontière située dans la région correspondant à la Roumanie aurait été découverte, une armée serait chargée de la protéger contre toute intrusion du Dénommeur, afin de tenter de donner à Thomas un avantage sur son adversaire. Enfin, la cité de Perce-Nuage fut choisie pour accueillir une nouvelle réunion des délégations coalisées d’ici à quarante jours, pour faire un point sur la situation.

En regagnant l’aile sud, la délégation de Dardéa était somme toute plutôt satisfaite des avancées substantielles réalisées. En voyant venir Pierric à leur rencontre, ses lunettes de travers et un pli soucieux en travers du front, Thomas sut que quelque chose était arrivé.

— Que se passe-t-il ?

— J’ai eu une vision, répondit son ami. C’était confus, mais je sais que nous ne devons pas dormir à cet étage. Sous aucun prétexte !

De nouveau, le froid saisit le cœur de Thomas. Il tourna les yeux vers Iriann Daeron. Le Guide de Dardéa hocha la tête d’un air préoccupé.

— Rejoignons nos amis d’Épicéane, dit-il d’un ton ferme. Ils nous feront un peu de place et ainsi nous serons plus nombreux… si les choses venaient à se gâter…