71

Tout le monde est réveillé. Guillem observe Briann immobile dans la lueur des torches. Il ne s’est sûrement pas écoulé deux heures entre le moment où les rebelles sont partis avec Cédric et celui où l’alarme a été donnée, mais le baron n’a pas encore ordonné de poursuite. Les deux gardes qui ont été retrouvés ligotés et bâillonnés se tiennent près du chariot, l’air penaud. Guillem s’efforce de respirer avec calme. Sa joue lui fait mal, il sent la peau tendue et brûlante de sa pommette. Briann se penche, lui prend le menton pour examiner la blessure à la lueur des flammes.

« Ils t’ont bien arrangé », murmure-t-il.

Puis il se tourne vers Rébecca, qui ne le regarde pas : elle cherche parmi les silhouettes debout dans la petite clairière. Mais Guillem a déjà vérifié : Isaac n’est nulle part en vue.

« Et tu n’es pas partie avec eux ? » Il a retrouvé son habituel ton sarcastique.

« Où est mon père ? »

Si elle a peur, elle n’en montre rien. Comprend-elle la gravité de sa situation ?

« Ton père sera traité comme il le mérite.

— Il ignorait tout !

— Allons donc. Tu avais tout manigancé à son insu ?

— M’en croyez-vous donc incapable ? »

Guillem retient une grimace ; elle devrait être plus prudente. Sans doute est-elle de ces gens qui attaquent pour dissimuler leurs craintes. Ce n’est pas forcément un bon calcul pour une femme, avec certains hommes. Mais le baron éclate d’un rire dédaigneux.

« Oh, la rose de Judée a des épines ? »

Puis son expression se durcit : « Fais au moins à ton père la grâce de ne pas le présenter comme un imbécile dupé par sa fille. »

Elle va ouvrir la bouche pour répliquer, mais il ne lui en laisse pas le temps : « Tu es un peu guérisseuse, paraît-il ? Soigne donc Guillem. »

Il se détourne et s’éloigne à grands pas en lançant à la cantonade : « Levez le camp. Nous repartons à l’instant. »