16

Sarah n’aurait su dire combien de temps ils s’embrassèrent. Cinq minutes, peut-être dix. Elle n’avait conscience que de la bouche diabolique de Hugh, et même s’il ne lui avait pas ôté ni dérangé un seul vêtement, de ses mains habiles et audacieuses.

Il éveillait en elle des sensations puissantes, qui prenaient naissance au creux de son ventre et se répandaient dans tout son corps telle une lave incandescente. Lorsqu’il posa les lèvres sur son cou, elle eut envie de s’étirer comme une chatte, d’arquer le dos jusqu’à ce que chacun de ses muscles soit chaud et souple. Elle aurait voulu se débarrasser de ses mules et faire courir ses orteils le long des mollets de Hugh, et creuser les reins pour se presser contre ses hanches, et l’accueillir entre ses jambes.

À cause de lui, elle rêvait de faire des choses dont une demoiselle n’était pas censée parler, ni même imaginer.

Et elle adorait cela. Même si elle ne cédait à aucune de ces envies, elle aimait y penser. Elle aimait cette impression d’abandon, et ce désir insensé de l’attirer contre elle jusqu’à ce qu’ils ne fassent plus qu’un. Elle qui n’avait jamais voulu ne serait-ce qu’embrasser un homme ne pensait plus qu’aux caresses des mains de celui-ci sur sa peau nue, la veille.

— Oh, Hugh ! soupira-t-elle lorsqu’il referma les doigts sur sa cuisse à travers la mousseline de sa robe.

Du pouce, il dessina des cercles paresseux, sa main se rapprochant peu à peu de sa chair la plus intime.

S’il parvenait à la mettre dans cet état à travers une étoffe, qu’en serait-il lorsqu’il toucherait sa peau nue ?

Sarah frissonna, stupéfaite qu’une simple pensée puisse l’exciter à ce point.

— Vous n’imaginez pas combien je souhaiterais être ailleurs que dans cette pièce, murmura Hugh entre deux baisers.

— Ailleurs ? demanda-t-elle, taquine.

Elle enfonça la main dans ses cheveux, qu’elle s’amusa à ébouriffer. Il lui embrassa la joue, descendit le long de son cou, puis s’arrêta sur la peau délicate au creux de son cou.

— Ailleurs avec un lit. Et une porte verrouillée.

Si le cœur de Sarah bondit à ces mots, ceux-ci ranimèrent aussi en elle une étincelle de raison. La porte du petit salon était fermée, mais pas verrouillée. Sarah n’était même pas sûre qu’elle soit munie d’un verrou et, de toute manière, cette porte ne devrait pas être fermée. N’importe qui souhaitant entrer et s’en trouvant empêché exigerait immédiatement de savoir ce qui se passait à l’intérieur. Sauf à être l’un ou l’autre assez brave pour sauter par la fenêtre – à une douzaine de pieds du sol –, ils s’exposeraient à un scandale tout aussi grand que si la personne avait simplement poussé la porte.

Or si Sarah avait bien l’intention d’épouser lord Hugh Prentice, elle ne tenait pas vraiment à ce que leur mariage soit provoqué par un scandale à quelques jours de celui de son cousin.

— Nous devons arrêter, murmura-t-elle sans grande conviction.

— Je sais.

S’il y mit peut-être moins de fougue, il ne cessa pas pour autant de l’embrasser.

— Hugh…

— Je sais, répéta-t-il.

Toutefois, avant qu’il ait eu le temps de s’écarter, la porte s’ouvrit sur Daniel qui entra d’un pas alerte en appelant Anne.

Sarah étouffa un cri, mais il était trop tard pour redresser la situation. Hugh était à demi allongé sur elle, il y avait au moins trois épingles à cheveux sur le sol, et…

— Que diable cela signifie-t-il ? s’exclama Daniel, interdit.

Puis, recouvrant sa présence d’esprit habituelle, il referma la porte d’un coup de pied.

Hugh se releva avec plus de célérité que Sarah ne l’aurait cru possible dans ces circonstances. Libérée de son poids, elle s’assit et croisa instinctivement les bras sur sa poitrine. Même si son corsage était parfaitement boutonné, elle se sentait exposée. Et Daniel la regardait avec un tel mélange de fureur et de désappointement qu’elle ne parvenait pas à soutenir son regard.

— Je vous faisais confiance, Prentice, gronda-t-il, menaçant.

— Pas pour cela, répliqua Hugh.

Sarah elle-même fut surprise par l’absence de gravité de son ton.

Comme Daniel s’élançait vers lui, elle se leva d’un bond.

— Arrête ! Ce n’est pas ce que tu penses !

Après tout, c’était toujours ce que l’on disait dans les romans.

— Bon, très bien, c’est ce que tu penses, corrigea-t-elle comme les deux hommes la fixaient avec incrédulité. Mais tu ne peux pas le frapper.

— Oh, vraiment ? rétorqua Daniel.

Sarah le retint de sa main plaquée sur son torse.

— Non, rétorqua-t-elle. Et vous non plus, ajouta-t-elle à l’adresse de Hugh.

— Je n’en avais pas l’intention, assura-t-il en haussant les épaules.

Sarah battit des paupières. Tout bien considéré, il faisait preuve d’une désinvolture surprenante.

Elle se tourna vers son cousin.

— Cela ne te regarde pas.

Daniel se raidit, et ce fut d’une voix frémissante de colère qu’il lui ordonna :

— Va dans ta chambre.

— Tu n’es pas mon père, riposta-t-elle.

— Je me considère comme responsable de la famille jusqu’à son arrivée !

— Cela te va bien de jouer les outragés, se moqua Sarah.

Il oubliait apparemment que sa fiancée avait vécu chez les Pleinsworth. Sarah savait pertinemment que sa cour n’avait pas été totalement chaste.

Daniel croisa les bras.

— Il ne s’agit pas de moi.

— Il ne s’agissait pas de toi jusqu’à ce que tu fasses irruption dans cette pièce.

— Si cela peut vous rasséréner, Winstead, intervint Hugh, j’avais l’intention de demander la main de Sarah à lord Pleinsworth dès son arrivée.

Sarah fit volte-face.

— C’est cela, ma demande en mariage ? s’exclama-t-elle.

— C’est lui qu’il faut blâmer, répliqua Hugh en désignant Daniel du menton.

Sarah ne s’attendait pas à la réaction de ce dernier. Après s’être avancé vers Hugh, il le regarda droit dans les yeux et articula d’une voix dure :

— Vous ne demanderez pas sa main à lord Pleinsworth. Vous ne lui direz pas un mot avant d’avoir avoué la vérité à Sarah.

La vérité ? Sarah regarda les deux hommes tour à tour. Mais elle aurait pu tout aussi bien ne pas être là, car ils ne lui prêtaient aucune attention. Et pour une fois dans sa vie, elle garda le silence.

— De quoi parlez-vous ? rétorqua Hugh d’une voix qui n’avait plus rien d’amène.

— Vous le savez très bien, rétorqua Daniel. Je suppose que vous n’avez pas oublié le pacte que vous avez signé avec le diable.

— Celui qui vous a sauvé la vie, vous voulez dire ?

Sarah recula d’un pas. Elle ignorait de quoi ils parlaient, mais elle était terrifiée.

— Oui, confirma Daniel, celui-là même. Vous ne croyez pas qu’elle devrait être au courant avant d’accepter votre demande ?

— Au courant de quoi ? demanda Sarah. De quoi parlez-vous ?

Aucun des deux hommes ne daigna la regarder.

— Le mariage est un engagement pour la vie, reprit Daniel d’une voix terrible. Pour la vie !

Les dents serrées, Hugh siffla :

— Ce n’est pas le moment, Winstead.

— Pas le moment ? répéta Daniel. Pas le moment ? Et ce sera quand, le moment, bon Dieu ?

— Surveillez votre langage, aboya Hugh.

— C’est ma cousine.

— C’est une dame.

— Et elle est là, intervint Sarah d’une petite voix en levant la main.

Daniel pivota vers elle.

— Je t’ai offensée ?

— Un jour, tu veux dire ? demanda Sarah, dans une tentative désespérée pour briser la tension qui régnait dans la pièce.

Daniel se contenta de la foudroyer du regard, puis revint à Hugh.

— Vous allez le lui dire ? Ou dois-je m’en charger ?

Les secondes s’égrenèrent, puis Daniel se tourna de nouveau vers Sarah, si brusquement qu’elle tressaillit. Ce fut d’une voix sinistre qu’il lui demanda :

— Tu te rappelles à quel point le père de lord Hugh était furieux, après le duel ?

Elle opina, même s’il n’attendait sans doute pas de réponse. Elle ne fréquentait pas le monde au moment du duel, mais elle avait entendu les chuchotements échangés par sa mère et ses tantes. Lord Ramsgate était devenu fou, disaient-elles. Il avait le cerveau dérangé.

— T’es-tu jamais demandé comment lord Hugh avait réussi à convaincre son père de me laisser tranquille ?

Si Daniel s’exprimait toujours sur le même ton horrible, Sarah se rendit compte qu’il était destiné à Hugh, même si c’était à elle qu’il s’adressait.

— Non, murmura-t-elle en toute honnêteté. J’ai supposé que… Je ne sais pas. Tu étais revenu, et c’était tout ce qui comptait pour moi.

Elle se sentait idiote. Pourquoi ne s’était-elle pas interrogée sur la manière dont Hugh s’y était pris pour libérer Daniel ? L’aurait-elle dû ?

— As-tu déjà rencontré lord Ramsgate ? reprit son cousin.

— Certainement, un jour ou l’autre, répondit-elle en regardant tour à tour les deux hommes avec nervosité. Mais je…

— C’est un salaud.

— Daniel !

Jamais Sarah ne l’avait entendu user d’un tel langage, ni d’un tel ton. Quand elle se tourna vers Hugh, ce dernier se contenta de déclarer :

— Je n’ai aucune objection à l’usage de ce terme.

— Mais… ne put-elle que balbutier.

Elle ne voyait pas son propre père très souvent. Il quittait rarement le Devon alors qu’elle-même vagabondait dans le sud de l’Angleterre dans le sillage de sa mère, qui désespérait de lui trouver un mari convenable. Il était néanmoins son père, elle l’aimait, et elle n’imaginait pas rester indifférente si quelqu’un s’avisait d’employer un terme aussi abominable à son sujet.

— Nous n’avons pas tous un père affable, jovial et heureux avec ses cinquante-trois toutous, fit remarquer Hugh.

— Quel est le rapport ? rétorqua-t-elle, non sans souhaiter s’être méprise sur le sarcasme à peine dissimulé dans ses paroles.

— Cela signifie que mon père est un imbécile, un malade et un fils de pute, qui fait du mal et aime cela. Cela signifie, continua Hugh d’une voix de plus en plus vibrante de colère, que c’est un fou furieux, quel que soit le visage qu’il offre au reste du monde, et qu’il n’y a aucun – je répète, aucun – moyen de le raisonner lorsqu’il a planté ses crocs dans quelque chose.

— Dans moi, en l’occurrence, précisa Daniel.

— Dans n’importe quoi. Mais vous avez raison, vous y compris. Vous, en revanche, reprit Hugh d’une voix redevenue presque normale, vous lui plairiez, Sarah.

Cette déclaration, assortie de ce changement de ton subit, provoqua en elle un profond malaise.

— Le titre de votre famille remonte aux Tudor, poursuivit-il, et vous avez probablement une dot convenable. Mais, plus important, vous êtes en bonne santé et en âge de procréer.

Comme Sarah le fixait, muette de stupeur, il acheva avec un haussement d’épaules :

— Mon père vous adorera.

— Hugh, commença Sarah. Je ne…

Elle ne sut comment continuer. Elle ne reconnaissait pas cet homme dur, cassant, qui la décrivait de telle manière qu’elle se sentait souillée et inconsistante.

— Je ne suis même pas son héritier, reprit Hugh d’une voix sourde. Il ne devrait pas se soucier des capacités de ma femme à avoir des enfants. Il a Freddie. C’est en lui qu’il devrait placer ses espoirs, et je ne cesse de lui dire…

Il se détourna abruptement, quoique pas assez vite pour que Sarah ne l’entende jurer entre ses dents.

Un silence pesant s’abattit dans la pièce. Ce fut Daniel qui finit par le rompre.

— Je n’ai jamais rencontré votre frère.

Il avait froncé les sourcils, et paraissait plus curieux que surpris.

— Il n’évolue pas dans les mêmes cercles que vous, répondit Hugh d’une voix étrangement monocorde.

— Est-ce que… est-ce qu’il y a un problème avec lui ? hasarda Sarah.

— Non ! tonna Hugh en pivotant si brusquement qu’il perdit l’équilibre et faillit tomber.

Comme Sarah se précipitait pour le retenir, il tendit le bras et la repoussa.

— Ça va, grommela-t-il.

Elle ne fut pas dupe. Ça n’allait pas du tout.

— Il n’y a aucun problème avec mon frère, déclara-t-il, le souffle court. Il est en parfaite santé et tout à fait apte à avoir un enfant. Mais… il ne se mariera probablement pas, dit-il après avoir jeté un coup d’œil en direction de Daniel.

Les yeux de ce dernier s’assombrirent, puis il hocha la tête d’un air entendu.

— Qu’est-ce que cela signifie ? s’écria Sarah, qui avait l’impression qu’ils parlaient une langue inconnue.

— Ce n’est pas pour tes oreilles, répliqua Daniel.

— Oh, vraiment ? Parce que « salaud et fils de pute », ça l’est ?

Si elle n’avait été aussi furieuse, elle aurait tiré une certaine satisfaction à voir les deux hommes sursauter.

— Il préfère les hommes, dit sèchement Hugh.

— Je ne sais même pas ce que cela veut dire, rétorqua Sarah.

Daniel jura dans sa barbe.

— Oh, pour l’amour du ciel, Prentice, c’est une jeune fille bien élevée ! Et c’est ma cousine.

Sarah ne voyait absolument pas le rapport, mais avant qu’elle ait eu le temps de le demander, Daniel s’avança vers Hugh.

— Encore un mot, et je vous fais écarteler, le menaça-t-il.

Hugh l’ignora. Il gardait les yeux rivés à ceux de Sarah.

— Là où moi je vous préfère, articula-t-il avec une lenteur délibérée, mon frère préfère les hommes.

Sarah ne comprit pas tout de suite. Puis elle étouffa une exclamation et, sans savoir pourquoi, elle se tourna vers Daniel.

— Mais… est-ce seulement possible ?

Son cousin détourna les yeux, les joues en feu.

— Je ne prétends pas comprendre Freddie, enchaîna Hugh, choisissant manifestement ses mots avec soin, ni savoir pourquoi il est ainsi. Mais c’est mon frère, et je l’aime.

Sarah hésitait sur la conduite à tenir. Et elle ne pouvait compter sur Daniel pour la guider, car il ne la regardait toujours pas.

— Freddie est un homme bon, poursuivit Hugh, et il a été…

Sarah reporta les yeux sur lui. Elle ne se rappelait pas l’avoir jamais vu aussi défait.

— C’est uniquement grâce à lui que j’ai survécu à mon enfance.

Hugh battit des paupières puis, avec un sourire mélancolique, il ajouta :

— Encore qu’il dirait sans doute la même chose de moi.

Seigneur, songea Sarah, quel genre d’homme était leur père ?

— Freddie n’est… Il n’est pas comme moi, mais c’est un homme bien, et vous n’en connaîtrez pas de plus gentil ni de plus honorable.

— Soit, murmura Sarah. S’il est tel que vous le décrivez, je suis prête à l’aimer comme un frère. Mais qu’est-ce que cela a à voir avec… avec le reste ?

— C’est la raison pour laquelle mon père voulait coûte que coûte se venger de votre cousin, expliqua Hugh. Et c’est la raison pour laquelle il le veut toujours.

— Mais vous avez dit…

— Je peux l’empêcher d’agir, coupa Hugh. Je ne peux pas le faire changer d’avis.

Il bougea, et Sarah vit un éclair de douleur passer dans ses yeux. Elle suivit son regard en direction de la canne qui gisait sur le tapis, près du sofa. Alors qu’il esquissait un pas dans sa direction, elle anticipa son geste et s’empressa d’aller la ramasser.

Son expression lorsqu’elle la lui tendit n’était pas de gratitude. Il ravala toutefois ce qu’il s’apprêtait à lui dire et reprit, sans s’adresser à l’un d’eux en particulier :

— On m’a dit que le jour du duel, on ignorait si je survivrais.

Sarah se tourna vers Daniel, qui confirma d’un signe de tête.

— Mon père est persuadé et…

Hugh s’interrompit, et poussa un soupir las et résigné.

— … et il se peut qu’il ait raison, avoua-t-il, comme si lui-même venait seulement de l’accepter, que Freddie ne se mariera jamais. J’avais toujours pensé le contraire, même si…

De nouveau, sa voix mourut.

— Hugh ? souffla Sarah quand près d’une minute se fut écoulée.

Il tourna la tête pour la regarder, puis son expression se durcit.

— Peu importe ce que je pensais. Tout ce qui compte, c’est ce que pense mon père, et il est convaincu que c’est moi qui suis voué à donner un héritier à Ramsgate. Quand Winstead m’a presque tué…

Il haussa les épaules, laissant Sarah et Daniel tirer leur propre conclusion.

— Mais il ne vous a pas tué, dit doucement Sarah. Alors, vous pouvez toujours…

Personne ne parla.

— Euh… vous pouvez, n’est-ce pas ? reprit-elle, car l’heure n’était plus aux convenances et à la pruderie.

Hugh eut un rire bref.

— Je n’ai pas de raison de supposer le contraire, encore que j’avoue ne pas avoir rassuré mon père sur ce point.

— Vous ne croyez pas que vous auriez dû ? risqua Sarah. Il aurait laissé Daniel tranquille, et…

— Mon père n’est pas du genre à renoncer à une vengeance, coupa-t-il.

— Il l’a prouvé, confirma Daniel.

— Je ne comprends toujours pas, dit Sarah.

Quel était le rapport de tout cela avec la manière dont Hugh avait ramené Daniel d’Italie ?

— Sarah, si tu veux l’épouser, dit Daniel, je ne te mettrai pas de bâtons dans les roues. J’aime bien Hugh. Je l’ai toujours bien aimé, même lorsque nous nous sommes affrontés dans ce maudit pré. Je ne permettrai toutefois pas que tu te maries avec lui sans connaître la vérité.

— Quelle vérité ?

Elle en avait plus qu’assez de les entendre tourner autour du problème, alors qu’elle ne savait même pas en quoi il consistait.

Après l’avoir dévisagée un long moment, Daniel reporta son attention sur Hugh.

— Dites-lui comment vous avez convaincu votre père, articula-t-il.

Hugh fixait un point quelque part au-dessus de l’épaule de Sarah. C’était comme si elle n’était pas là.

— Dites-le-lui, insista Daniel.

— Il n’y a rien que mon père aime davantage que le titre de Ramsgate, commença Hugh d’une voix sans timbre. À ses yeux, je ne suis rien d’autre qu’un moyen pour atteindre une fin. Mais il considère que je suis son unique moyen, par conséquent ma valeur est inestimable.

— Qu’est-ce que cela signifie ? demanda Sarah.

Il reporta les yeux sur elle et cilla comme s’il découvrait sa présence.

— Vous ne comprenez pas ? dit-il à voix basse. La seule chose dont je peux user contre mon père, c’est moi-même.

Le malaise de Sarah commença à s’amplifier.

— J’ai rédigé un contrat dans lequel j’explique très précisément ce qu’il adviendrait s’il arrivait quoi que ce soit à votre cousin.

Sarah coula un regard à Daniel, puis revint à Hugh.

— Qu’est-ce que… commença-t-elle, le souffle pratiquement coupé par l’effroi. Qu’adviendrait-il ?

— Je me tuerais.