image
11

Origan d’Écosse

Il se trouve que Lily leur fut d’une grande aide.

En un seul coup de fil, leur tante avait découvert où ils avaient emmené Origan : dans le grand hôtel en face du bâtiment où se déroulait la convention. Puis, souriant poliment, elle avait convaincu la directrice de l’hôtel de les escorter, Rose, Oliver et elle (et Jacques, caché dans la poche de Rose) vers un ascenseur VIP qui les conduirait directement dans la suite avec terrasse de Bébé Seamus.

La directrice inséra sa carte et la tendit à Lily :

— Veuillez me la rendre quand vous aurez terminé.

Sur ce, elle appuya sur un bouton et les salua alors que les portes se refermaient.

L’ascenseur commença sa montée.

Il s’arrêta au troisième étage, les portes s’ouvrirent.

Oliver regarda à droite et à gauche.

— Y a personne ici, rien qu’un couloir vide.

Les portes se refermèrent, l’ascenseur repartit, puis s’arrêta à nouveau. Un nouveau couloir vide. Sixième étage.

— Je croyais que c’était un ascenseur privé, dit Oliver alors que les portes se refermaient.

— C’est le cas, mais c’est toi qui as appuyé sur plein d’étages avec ton dos en t’appuyant contre la paroi, indiqua Rose.

Un tiers des boutons étaient allumés.

— Oups, dit Oliver.

Il regarda tante Lily, qui tenait avec élégance une assiette contenant une seule et unique île flottante sans coulis.

— Tu sais, ajouta-t-il, si cette île flottante est capable de guérir Origan, alors pourquoi on n’en donnerait pas à tout le monde ? On pourrait en refaire ?

— Si seulement, soupira Lily.

Elle avait de gros cernes violets sous les yeux et sa robe majestueuse était toute froissée, comme si elle avait dormi dedans.

— J’ai utilisé tout mon stock de l’ingrédient principal, et on n’en trouve que lors d’une lune de miel.

— Il y a des lunes en miel, mi hermana ? demanda Oliver à Rose.

— Quand je dis « lune de miel », je veux littéralement parler d’une lune couleur de miel, et non pas d’une escapade entre jeunes mariés, expliqua Lily. Les véritables lunes de miel n’apparaissent que lorsque de gros nuages de poussière viennent teinter de jaune l’atmosphère. C’est sous cette lumière-là que fleurissent les fleurs de l’éveil. La dernière fois, c’était quand ce volcan a fait éruption en Islande. Il n’y a eu que trois floraisons cette année-là, et la Société des Rouleaux à Pâtisserie a tout récolté.

Oliver se laissa choir contre la paroi de l’ascenseur.

— Alors il va nous falloir utiliser autre chose dans le gâteau de la cérémonie de demain.

— Pas forcément, dit Rose avec un petit sourire. Je me souviens très bien d’avoir rangé un truc étiqueté « fleurs de l’éveil » quand j’ai réorganisé la cave. Un Bliss en a récolté après l’éruption du mont Saint Helens en… 1980 je crois.

Elle haussa les épaules et ajouta :

— J’ai rangé le bocal à côté des feuilles tombées d’un cyprès de quatre mille ans.

— Nous, les Bliss, on a tout ce qu’il faut ! s’exclama Oliver. Est-ce qu’elle est dans ta malle, cette fleur, mi hermana ?

— Non, mais je sais qui on peut appeler.

Elle tendit la main pour réclamer le portable.

L’ascenseur grimpa deux étages supplémentaires avant qu’Oliver sorte avec réticence son smartphone de sa poche.

— Je sais que c’est pour le bien de tous, mais une fois qu’on aura sauvé papa et maman, il faudra vraiment qu’ils t’offrent un portable.

Le téléphone de la pâtisserie Bliss sonna trois fois avant que Nini réponde.

— Une douzaine de cupcakes pour seulement six dollars… Attention : offre limitée !

— Nini, tout va bien ? Pourquoi tu vends des cupcakes ?

— Est-ce qu’on devrait les donner ? demanda Nini, très sérieuse.

— Non, je veux dire… Vous n’avez pas encore fermé ?

— Je crois qu’on devrait être fermés, dit Nini, mais Chip arrête pas d’oublier quelle heure il est. Et quel jour. Et puis il arrête pas d’oublier qu’il a fait des cupcakes alors il en fait davantage, puis il oublie à nouveau, et maintenant il y en a plein sur le comptoir, dans les placards… partout !

Rose fit la grimace. Elle aurait dû ne donner qu’un chou à Chip et Mme Carlson.

— Je m’occuperai de ça plus tard. Pour l’instant, j’ai besoin que tu me rendes un service. Descends à la cave et prends un bocal marqué « fleurs de l’éveil », et puis apporte-le-nous aussi vite que possible.

Lily tendit à Rose la carte magnétique de sa chambre d’hôtel et Rose lut à Nini l’adresse figurant au dos.

— D’accord ! Bisous ! Au revoir !

Rose poursuivit :

— Et dis à Chip de…

Elle s’interrompit et se tourna vers Oliver.

— Nini m’a raccroché au nez. Il se passe des choses étranges là-bas.

Lily haussa un sourcil.

— Comment ça, étranges ?

Rose se demandait comment elle allait pouvoir tout expliquer, quand les portes de l’ascenseur s’ouvrirent sur une suite luxueuse aussi immense que la maison de Rose.

— Hé ! Je crois qu’on y est !

Au-dessus de la porte, le chiffre 44 s’était illuminé.

— Enfin !

Rose, Oliver et Lily sortirent, les yeux écarquillés.

— Intéressant, commenta Lily en regardant autour d’elle. La déco est… très spéciale.

Les murs étaient tapissés de papier peint rouge et vert, et les rideaux étaient des drapeaux écossais en dentelle, bleu ciel avec d’énormes croix dessus. Une licorne en peluche grandeur nature trônait dans un coin, sous les portraits de têtes couronnées aux cheveux roux dans de lourds cadres en bois doré. Au centre, un globe en verre de la taille d’un ballon de foot était posé sur un socle. Il contenait un mini paysage des landes écossaises.

Oliver chaussa ses lunettes de soleil.

— On nous observe.

À l’autre bout de la pièce, le faux cousin d’Origan aux cheveux longs, Iain, était assis sur un canapé devant l’écran plat le plus immense que Rose ait jamais vu. Il tenait une manette de jeu vidéo et les regardait en silence.

— Iain ? l’aborda Rose en affichant un grand sourire. On est là parce que…

Soudain, un des gardes du corps bondit dans la pièce. Il planta ses grosses jambes et ses gros bras devant eux en grognant :

— Pourquoi venez-vous déranger les O’Malley ?

— Oh ! toutes nos excuses, souffla Lily en souriant coquettement au garde. Je suis Lily la Fée, la chef pâtissière du CICC. J’étais assise à côté de Seamus pendant la soirée.

L’homme regarda Lily de haut en bas.

— Oui. Je me rappelle.

— Vous vous appelez Dougal, n’est-ce pas ? poursuivit Lily en s’avançant.

Soudain, leur tante était à nouveau la femme glamour qu’ils connaissaient tous.

— Pauvre Seamus a été précipité hors de la salle de réception avant le dessert. J’ai travaillé si dur… j’espérais pouvoir lui en offrir un peu.

Lily lui tendit l’île flottante.

— C’est très gentil à vous, Mademoiselle la Fée, dit Dougal. Mais Seamus n’est pas disponible. Après sa crise, sa grand-mère a demandé au meilleur aliéniste de la ville de venir en aide au p’tit gars.

— Un aliéniste ? répéta Rose.

— Heu… un médecin du cerveau ? reformula Dougal en se grattant le menton. De la tête ?

— On va l’opérer de la tête ? s’exclama Oliver.

Iain poussa un grognement et marmonna quelque chose à Dougal qui hocha la tête.

— Oui. Un psychiatre. C’est ça. On n’en a pas chez nous.

— Mais c’est pour ça qu’on est là, dit-elle. Mon frère et moi faisons partie de la famille adoptive américaine d’Or… de Seamus. Il a grandi avec nous. Il est clair que passer de notre petit monde à celui d’un royaume a été trop pour lui.

Dougal hocha la tête.

— Ce doit être traumatisant pour un mouflet.

— On a pas de moufles, répliqua Oliver.

— Mouflet, répéta Dougal. Un bambin. Un bébé, quoi.

— C’est sûr qu’être arraché à la seule famille qu’il ait jamais connue…

— Non, le coupa l’homme d’un ton prétentieux. Il a été traumatisé d’avoir été élevé avec des gens pareils.

Iain tira sur le kilt de Dougal et fit un étrange signe de la main, avant de retourner à son jeu vidéo.

Dougal se redressa et croisa les mains derrière son dos.

— Le noble Iain O’Malley vient de confirmer que Seamus faisait en effet partie de votre fratrie américaine, et que vous pouvez le voir, dit-il en claquant des talons. Veuillez me suivre.

 

La suite était immense. Ils traversèrent plusieurs pièces, dont une salle de conférence.

— Il y en a même deux, précisa Dougal en les guidant à l’intérieur. Voici la salle B.

Contrairement à l’entrée principale, cette pièce était décorée dans des tons gris, avec une grande table rectangulaire au milieu. Un homme rondouillard en veste de tweed et aux lunettes rondes y était assis.

— Voici le médecin, dit Dougal. Et voici…

— Origan ! s’écria Rose en se précipitant vers son petit frère.

Il présidait à la table, toujours en habit de soirée, le béret gonflé comme une outre encore en équilibre sur sa tignasse rousse.

Rose pensait que son frère serait ravi de la voir. Mais Origan ne réagit pas. Il resta assis, le regard vide, les pupilles aussi minuscules que des têtes d’épingle.

Le médecin toussa dans son poing.

— Mes instructions étaient claires. Personne ne doit nous déranger jusqu’à ce qu’on ait terminé.

— Laissez son cerveau tranquille ! ordonna Oliver.

— Docteur Citronez, dit Dougal. Iain O’Malley a suggéré que ces petits pourraient aider, puisqu’ils ont grandi avec le jeune prince.

— Très bien, les enfants, vous pouvez patienter de…

Le Dr Citronez avala de travers en voyant Lily dans sa robe hors de prix et ses bijoux scintillants.

— Oh ! Heu… Toutes mes excuses, mademoiselle, dit-il en se recoiffant. Je ne vous avais pas vue.

Lily adressa un immense sourire au docteur.

— Nous allons nous asseoir ici en silence, pour observer.

Oliver, Rose et elle prirent place à côté d’Origan, et Rose ouvrit sa poche pour que Jacques puisse sortir et s’installer sur ses genoux.

Dougal poussa un grognement et quitta la pièce.

— Je ne vous demande qu’une chose, ordonna le Dr Citronez en rajustant le nœud de sa cravate. Veuillez garder le silence.

— Bien sûr, dit Lily en passant le pouce et l’index sur ses lèvres pour mimer une fermeture Éclair.

Elle lui fit un clin d’œil.

Le docteur rougit et consulta ses notes.

— Bien. Seamus, essayons à nouveau, dit-il en tapotant son calepin du bout de son stylo à bille. Comment t’appelles-tu ?

Origan ne répondit pas. Il restait mutique, le visage impassible, comme s’il dormait les yeux ouverts. D’habitude, il était bourré d’énergie, et il causait tellement que Rose aurait souvent payé cher pour qu’il se taise rien qu’un instant. Mais le voir comme ça lui fit monter les larmes aux yeux.

— Ta couleur préférée ? demanda le médecin.

Rose ne vit pas ses lèvres bouger, pourtant un murmure s’échappa d’Origan.

Le grand béret d’Origan s’agita comme un sachet de pop-corn dans le micro-ondes, et Rose devina que Serge, toujours coincé dans le large béret écossais, chuchotait à l’oreille de son frère zombifié.

— Heu, docteur, intervint Rose en levant la main. Quand Origan… heu… Seamus… On nous a appris dans la famille à ne répondre qu’à des ordres directs.

Elle avait parlé assez fort pour que Serge entende. Le chat, en effet, ignorait sûrement qu’Origan était sous l’emprise d’un sortilège.

— Nos parents nous ont enseigné ces règles en employant presque des méthodes de sorciers.

— Ahhhh ! bourdonna le chapeau d’Origan. Tout s’explique !

Le Dr Citronez, abasourdi, s’exclama :

— Quelle horreur ! Pas étonnant qu’il soit si perturbé. Seamus, je t’ordonne de répondre à mes questions.

Origan s’éveilla comme un automate qu’on vient de remonter. Une lumière se ralluma dans son regard, un sourire étira ses lèvres. Le béret à carreaux s’agita sur sa tête.

— Je m’appelle Origan Bliss, et ma couleur préférée est… le calicot.

Il fronça les sourcils.

— Attendez. Est-ce que calicot est vraiment une couleur ?

— Ah. Enfin, on avance, soupira le Dr Citronez en brandissant son stylo à bille. Seamus, quel est ton plat préféré ?

Origan se lécha les babines.

— Les souris, bien sûr !

Sur les genoux de Rose, Jacques frissonna.

— Sacrebleu* ! Le chat a perdu la tête !

Rose était bien d’accord. D’habitude, Serge était beaucoup plus fin que ça, mais tout ce temps passé écrasé dans un couvre-chef avait sans doute ramolli le cerveau du pauvre scottish fold.

— Attendez ! dit Origan. Je ne mange pas de souris ! Je raconte n’importe quoi ! Et le poisson ? Oui, les humains mangent du poisson.

Le Dr Citronez haussa un sourcil broussailleux.

— Très intéressant. Qu’aimes-tu faire de ton temps libre ?

Origan hocha la tête tandis qu’un murmure s’échappait de son béret.

— Chasser les oiseaux surtout. Attendez, non. J’aime raconter des « blagues », dit-il en levant les mains pour mimer des guillemets. J’aime aussi… caresser mon chat préféré, l’honorable Serge Bliss. C’est le meilleur félin du monde, avec son superbe pelage et ses oreilles repliées si uniques que tous les autres chats en meurent de jalousie. Si pour quelque raison je me trouve incapable de régner, je le désigne comme mon héritier au trône !

— Docteur, dit Lily, on dirait que ce garçon est guéri, vous ne trouvez pas ?

Le Dr Citronez acquiesça et rangea son calepin dans sa mallette.

— J’en ai assez vu. Seamus est très bizarre, pour être honnête. Au bord de la folie. Mais les comportements dits anormaux chez les gens comme vous et moi sont totalement ordinaires chez les porteurs de sang royal. Ainsi, je n’ai d’autre choix que de déclarer ce garçon en pleine santé.

L’homme lança un dernier regard à Lily, puis tendit à Origan une carte de visite et sortit de la pièce en se dandinant.

La carte était blanche, avec écrit en noir : CERTIFIÉ SAIN D’ESPRIT.

L’instant d’après, Dougal réapparaissait sur le seuil. Il posa une de ses grosses mains sur l’épaule d’Origan.

— Alors, tout va bien dans ta tête, mon petit ? Bien, bien. Tes frères et sœurs yankees ainsi que Lily la Fée t’ont bien aidé alors.

— On t’a apporté du dessert, dit Lily en faisant glisser l’assiette sur la table. Cela te guérira de tout.

— Il te faut absolument manger un peu de cette île flottante, Bébé Seamus, roucoula Rose.

Le béret bougea et murmura. Origan pencha la tête.

— Je n’aime pas les gâteaux, dit Origan après un moment. Dougal, peux-tu, s’il te plaît, aller me chercher des sardines et un verre de lait ?

Lily se leva, prit Dougal par le coude et l’attira vers la porte.

— Il a besoin des acides gras contenus dans le poisson. C’est un remède très courant en cas de traumatisme psychologique.

— Très bien. Je vais lui en apporter.

Rose murmura à Oliver :

— Serge fait des siennes. Il faut qu’Origan mange son dessert, et tout de suite !

Une fois à la porte, Lily se retourna et articula en silence : « Je vais le distraire. »

— Pendant qu’on attend le service d’étage, dit-elle à Dougal, pouvez-vous m’en dire plus sur la licorne qui se trouve dans le hall ?

— Ne savez-vous pas, mademoiselle, que la licorne est le symbole de l’Écosse ?

— Vite, maintenant ! souffla Rose alors que la porte se refermait.

— Ahhhhh !

Oliver poussa un cri et se laissa glisser à plat ventre sur la table. Il atterrit sur les genoux d’Origan, et la chaise sur laquelle il était assis bascula en arrière. Ils roulèrent tous les deux sur la moquette grise. Le béret écossais dégringola au sol, et Serge poussa un miaulement strident.

Origan essaya de se libérer, mais Oliver l’avait attrapé par le bras et l’aidait à se relever en même temps que lui. Rose présenta l’île flottante à son frère.

— Origan Bliss, je te l’ordonne : mange ton île flottante !

Le regard d’Origan devint vitreux. Il engloutit son dessert jusqu’à la dernière miette. Il mâchait et avalait bruyamment.

Serge bondit sur la table.

— Il n’était pas nécessaire de m’envoyer valser à travers la pièce aussi brutalement.

Oliver prit place à côté de Rose, redressa son col et se recoiffa.

— Tu étais en train de te servir d’Origan comme d’une marionnette, gatito. C’est pas cool.

Serge se mit à se nettoyer la figure.

— Je n’allais pas continuer indéfiniment. J’avais juste un petit creux.

Jacques grimpa sur la table, surveillant le chat du coin de l’œil.

— Je t’ai entendu, couina le rongeur. Tu as parlé de manger des souris !

— C’était une blague, mon ami, dit Serge avec une lueur malicieuse dans le regard.

— Chut, les amis, dit Rose.

Origan venait d’avaler sa dernière bouchée d’île flottante. Il ferma les yeux. Quand il les rouvrit, son regard avait retrouvé son éclat.

— Eh bah, c’était super bon.

Oliver lui balança un coup de poing dans le bras.

— Content de te revoir, mi hermano.

Rose prit son petit frère dans ses bras.

— Oh ! Origan ! Tu ne bougeais plus et tu ne faisais plus de blagues nulles. C’était horrible.

— J’aimerais bien que vous arrêtiez tous de dire que mes blagues sont nulles. C’est vraiment pas…

Origan s’arrêta net.

— Tante Lily ? Qu’est-ce que tu fais là ?

Leur tante venait de revenir dans la salle de conférence.

— Dougal pense que je suis allée aux toilettes, dit-elle. On a beaucoup de choses à t’expliquer. Rose, à toi l’honneur.

Rose exposa rapidement la situation à Origan : où les embruns de Vénus avaient atterri, comment tante Lily était maintenant de leur côté et qui était l’abominable comte Caruso de la Société des Rouleaux à Pâtisserie.

— C’est pour ça qu’on a besoin de toi, conclut Rose. Dis la vérité aux O’Malley, renonce au trône, et aide-nous à combattre la Société !

— Pas question ! s’exclama Origan.

— Comment ça ? s’emporta Oliver. Tu n’as donc rien entendu de ce que Rose vient de dire ?

— Vous ne voyez pas toute l’attention qu’on me porte ? C’est le début d’une grande carrière ! Si seulement Serge avait pu me laisser tranquille, toute la salle aurait été morte de rire. Et après ça, qui sait ? J’aurai peut-être ma propre série à la télé. Je partirai en tournée. Les O’Malley cèdent à tous les caprices de Bébé Seamus.

— Mais tu n’es pas Bébé Seamus, assena Oliver en frappant le front de son frère de l’index. Tu es Origan Bliss.

— La célébrité lui est montée à la tête, soupira Lily. Il m’est arrivé exactement la même chose. Et c’est très mauvais. Tu as une famille qui t’aime, Origan, nous voulons que tu viennes…

— Je n’irai pas avec vous, dit Origan d’un ton catégorique. Point final.

Rose sentit la moutarde lui monter au nez. Des vies étaient en jeu, et Origan ne pensait qu’à ses blagues débiles ?

— Ce n’est pas ta vraie grand-mère, et ce n’est pas ta famille. C’est nous, ta famille.

Origan attrapa son béret et le remit sur sa tête.

— Vous ne comprenez pas ? C’est pas juste pour ma carrière… je fais ça pour ma famille. Mon identité royale va nous aider à libérer papa et maman. Les gens font tout ce que je dis.

Un tintement lointain annonça l’arrivée de l’ascenseur.

— Vous voyez ? C’est probablement les sardines et le lait que Serge a commandés.

— Quoi, tu vas juste demander à Dougal d’aller libérer nos parents de prison ? demanda Rose. Même lui en est incapable.

— Ma grand-mère a déjà contacté le gouvernement. Jusqu’à la libération de papa et maman, il faut que je garde mon identité secrète, dit Origan en caressant ses cheveux comme le faisait Oliver. Demain, j’ai rendez-vous avec des princesses magnifiques et d’autres grandes dames. Mais là, tout de suite, je dois aller visiter ce musée débile.

— Des princesses ? répéta Oliver.

À cet instant, Dougal se mit à hurler.

Un quart de seconde plus tard, la porte s’ouvrait brutalement, et une silhouette jaune passa à toute allure dans la pièce, laissant des traces enflammées sur son passage.

— Waouh ! hurla Oliver.

Origan et lui piétinèrent les flammes jusqu’à les éteindre.

Au centre de la table, portant un sac à dos et un pyjama jaune, de la fumée sous les talons, se tenait une petite fille au sourire sans dents.

Rose poussa un petit cri :

— Nini ?