Rose, paniquée, n’arrivait plus à réfléchir.
— Qu’est-ce qu’on fait ?
Soudain, les sirènes se turent. Les lumières rouges continuaient leur danse stroboscopique autour de la salle. Rose entendit le grésillement de talkies-walkies et des voix vociférer des ordres.
— Ils arrivent ! s’écria Rose. Cachez la Boule de Neige !
— Tia Lily, vite ! dit Oliver en faisant rouler le joyau géant par terre.
Lily cala la pierre à l’aide de son talon haut, puis la planqua sous sa jupe. Oliver vint se planter à côté de Rose et Lily alors que trois gardes en uniforme entraient dans la pièce.
— Vous ! hurla l’un d’eux en aveuglant Rose avec le faisceau puissant de sa lampe torche. Qu’est-ce que vous faites ici, tous les trois ?
Rose avait la bouche sèche. Comment pouvait-elle expliquer la présence de sa sœur dans la cage de sécurité de la Boule de Neige ?
Heureusement, elle n’eut rien à dire.
— Messieurs ! s’exclama Lily. Nous sommes vraiment contents de vous voir ! On s’est faufilés hors de la cérémonie pour aller visiter le muséum, et soudain, cette affreuse alarme s’est déclenchée.
Lily mentait aux gardiens avec aisance. Rose ne savait pas si elle devait être impressionnée par son talent, ou terrifiée par sa duplicité.
Un deuxième gardien s’approcha de la cage et en frappa les barreaux.
— Quelqu’un était en train de jouer avec la Boule de Neige !
Il exhala un soupir de soulagement quand sa torche vint éclairer le globe que Nini avait mis à la place du joyau.
— Mais personne n’a pu l’emporter… pas avec nos mesures de sécurité.
Nini, en revanche, n’était plus là, observa Rose, le souffle coupé. Où avait-elle disparu ?
Le premier gardien baissa la torche qui éclairait le visage de Rose, et détailla le sol à côté du socle.
Rose faillit éclater de rire : il y avait de toutes petites traces de pieds collantes sur les plaques. Ce qui ne pouvait signifier qu’une chose.
Le pouvoir des Snickers-Stickers !
C’était grâce à eux que Nini avait réussi à grimper aux barreaux.
Un troisième gardien s’approcha tandis que les deux autres analysaient « la scène de crime », comme ils l’appelaient. Profitant de leur distraction, Rose leva les yeux au plafond.
Nini faisait le cochon pendu à côté du projecteur qui éclairait le globe.
En voyant que Rose l’avait vue, Nini lui fit un coucou de la main et était sur le point de l’appeler, quand Rose porta un doigt à ses lèvres pour lui imposer le silence.
Alors que les gardiens discutaient, les lumières rouges s’éteignirent et des néons aveuglants s’allumèrent au-dessus d’eux.
— Pourriez-vous nous dire ce qui se passe, messieurs les agents ? demanda Lily en se couvrant les yeux.
Le troisième gardien, un petit homme qui n’avait pas l’air beaucoup plus vieux qu’Oliver, retira sa casquette pour la saluer.
— Madame, nous ne sommes pas de la police…
— Nous sommes les gardiens du muséum, Raul, lui rappela le type qui avait braqué sa torche sur le visage de Rose.
Le gros homme qui portait la moustache s’agenouilla près des plaques de détection et passa un doigt sur les empreintes collantes de Nini, qu’il renifla sur le bout de son doigt, puis il le suça.
— Du caramel, décréta-t-il en s’essuyant sur son uniforme. À en juger par la taille des empreintes, et le sac à dos d’enfant abandonné, un petit…
— Espion international ? demanda Raul. C’est ça, Don ?
Le gardien moustachu secoua la tête.
— Tais-toi donc, Raul.
Il se tourna vers Lily.
— Comme je disais, une petite couverte de caramel s’est baladée par ici.
— Eh bah ! se moqua Raul. T’as compris tout ça en goûtant à une empreinte ?
— Je ne rigole pas. Tais-toi, ordonna Don.
— Et moi, je peux parler ? demanda le gardien qui avait tapé sur les barreaux.
C’était un vieil homme très maigre qui ressemblait à une branche de céleri rabougrie.
— Bien sûr, Nick. Dis-moi.
— Bah, en fait j’ai rien à dire. Je voulais juste m’assurer que je pouvais dire quelque chose si j’en avais envie.
— Super, ironisa Don. Génial, vraiment.
Il balada le faisceau de sa torche tour à tour sur Rose, Oliver et Nini.
— Vous avez vu un enfant par ici ?
— Non, monsieur, dit Lily. Attendez, maintenant que j’y pense, on a bien aperçu un petit enfant vraiment dégoûtant, qui courait partout ici, mais on ne le connaît pas.
— C’est vrai, ajouta Oliver. C’était un petit garçon avec la bouche pleine de caramel, qui bavait partout et qui touchait à tout. Muy dégoûtant. Muy turbulent.
Les trois gardiens firent la grimace.
Lily secoua la tête d’un air accablé.
— Je n’ose pas imaginer les traces qu’il a dû laisser sur tous ces objets précieux !
— Le sol sera aussi collant que dans une salle de cinéma ! ajouta Rose. Et tous ces gens en habit de soirée ne pourront plus décoller leurs chaussures du sol !
— Rien de grave ne peut arriver sous notre bonne garde, madame, déclara Don en écrasant un poing dans sa paume. On y va, les gars. Il faut qu’on retrouve cet enfant avant qu’il ne mette ses doigts collants sur d’autres pièces du muséum.
Raul salua d’un coup de casquette ses collègues qui prenaient le chemin de la sortie.
— Cette salle d’exposition est fermée. Vous devriez retourner à l’amphithéâtre. Et la prochaine fois, demandez qu’un gardien vous accompagne.
— Sans faute, mentit Lily. Désolée, et merci.
— Attendez ! dit Rose à Raul. Puisque tout va bien, vous ne pouvez pas relever cette cage ? C’est difficile de voir la Boule de Neige à travers ces barreaux.
Il haussa les épaules.
— Le mécanisme de sécurité de ces cages est très complexe… Glen devra tout régler quand il reviendra à son poste lundi. C’est lui le mécanicien de génie.
Il se tourna vers ses collègues et cria :
— Hé ! Attendez-moi !
Une fois les gardiens repartis, Rose s’avança vers les barreaux.
— Nini. Ça va ?
Nini se tordit le cou pour voir Rose en contrebas, ses cheveux retombant tout droit comme un rideau.
— Tout est à l’envers !
— C’est parce que tu es à l’envers, nota Oliver. Comment t’as fait pour grimper là-haut ?
— J’ai escaladé les barreaux, expliqua Nini. Grâce aux Snickers-Stickers !
Mesurant l’espace entre les barreaux d’une main, Oliver fronça les sourcils.
— Zut alors. Je me disais que Nini pourrait peut-être se faufiler, mais ils sont vraiment trop serrés.
— On devrait la cacher avant que quelqu’un d’autre ne nous surprenne.
Lily souleva les plis de sa robe et se baissa pour ramasser la Boule de Neige. Elle passa le bras à l’intérieur de la cage afin de récupérer le sac à dos de Nini, et y cacha le joyau.
Pendant ce temps, Oliver tira et poussa les barreaux, en vain.
— C’est inutile, grogna-t-il. Même moi je suis pas assez fort.
— On ne peut pas laisser Nini ici toute la nuit, protesta Rose, incapable de masquer son anxiété.
Oliver haussa les épaules.
— Au moins elle est en sécurité là-dedans.
— Je vais faire comme si tu n’avais rien dit.
— Tu as une meilleure idée ? soupira Oliver en appuyant son front contre la cage. Parce que moi, je sèche.
Rose ferma les yeux.
L’image d’un garçon aux cheveux blonds avec un peu de sucre sur le menton lui apparut. Il lui tendait un beignet tout chaud devant la porte de la boutique familiale des Stetson.
Devin.
« Une chef pâtissière doit suivre son instinct et tirer des leçons de ses erreurs », lui avait dit sa mère un jour. Rose avait un problème d’ordre mécanique. Elle devait donc faire appel à un mécanicien hors pair.
Elle rouvrit les yeux.
— Tu as une idée, Rose ? demanda Lily.
— On a besoin de Devin, dit Rose. Passe-moi ton téléphone, Oliver.
Puis, à la réflexion :
— Heu. Je veux dire, appelle-le s’il te plaît.
Il lui lança un regard soupçonneux, et sortit son précieux smartphone de sa poche.
— Est-ce que tu vas encore essayer de me le faucher, mi hermana ?
— Dis-lui qu’on a besoin de son aide.
Devin méritait de connaître la vérité. Et peut-être qu’une fois qu’il saurait tout, il voudrait bien leur venir en aide.
— Et dis-lui que je m’excuse et que je promets de ne plus jamais lui mentir.
Quelques secondes plus tard, la voix de Devin s’élevait du haut-parleur du téléphone.
— Comment ça va, Oliver ?
— Salut amigo, je t’appelle pour te dire que Rose est vraiment désolée et qu’elle est complètement idiote.
— J’ai pas dit ça ! hurla Rose.
Oliver couvrit le micro et chuchota :
— Je traduis ! Tu veux de l’aide ou pas ?
Il tourna le dos à sa sœur.
— Laissons les garçons discuter, conseilla Lily à Rose.
— Bref. Mec, continua Oliver en coupant le haut-parleur. En résumé : notre petite sœur est coincée dans une cage… oui, une cage… au Muséum d’histoire naturelle… oui, oui… et Rose a dit qu’elle se prosternerait devant toi si tu voulais bien nous aider… Oui, oui, prosterner.
Il y eut un silence. Rose résista à l’envie de flanquer une claque à Oliver.
— Génial, reprit son frère. Je t’attends à la porte. Essaye de te coiffer un peu. Prends un accent écossais. À tout de suite.
Oliver tapota son téléphone.
— On a de la chance, il était en train de se balader dans le coin, alors il sera là dans cinq minutes… De rien.
— T’aurais pu m’épargner cette histoire de prosternation, maugréa sa sœur.
— T’inquiète pas, intervint tante Lily. L’important, c’est qu’il rapplique en vitesse.
Mais Rose ne pouvait s’empêcher d’imaginer le chagrin se peignant sur les traits de Devin. Il lui avait fait savoir qu’il tenait à elle, et il l’avait aidée quand elle avait eu besoin de lui. Et que lui avait-elle donné en retour ? Elle avait failli à ses promesses. C’était la chose la plus terrible qu’elle ait jamais faite à autrui, en plus à la seule personne en dehors de sa famille qui comptait pour elle.
— Je vais descendre avec Oliver, dit Lily. Un adulte sera plus convaincant qu’un ado… aussi beau soit-il.
— Je vais me cacher ici avec Nini, déclara Rose d’un ton triste. Et je surveillerai le sac à dos.
Lily caressa le bras de Rose.
— Crois-moi. Oublie ce qui s’est passé entre Devin et toi. Ce n’est pas encore la fin de votre histoire.
— Mais j’ai été méchante, prononça doucement Rose.
— Quelques mauvaises actions ne font pas de toi un monstre, dit Lily en regardant Rose dans les yeux. Du moins, je l’espère bien !
— L’heure tourne, señoritas, les pressa Oliver en brandissant son téléphone. Vamonos !
Un quart d’heure s’écoula. Nini se baladait sur le plafond, laissant de grosses traces gluantes de caramel derrière elle. Après avoir fait le tour de la cage deux fois, elle s’arrêta :
— Rosie ?
— Qu’est-ce qu’il y a, Nini ? Ça va là-haut ?
— Je colle plus autant, remarqua sa petite sœur alors que ses genoux se détachaient avec un bruit de ventouse.
Ses jambes pendaient à présent dans le vide.
Rose retint son souffle. Si Nini tombait, elle se ferait certainement très mal.
— Arrête de gigoter, lui conseilla-t-elle.
— J’ai peur, Rosie.
Juste à ce moment-là, elles entendirent des baskets crisser sur le sol : Devin venait de surgir. Il était seul.
Il portait encore son uniforme de serveur, les manches retroussées. Ses cheveux blonds étaient coiffés à la hâte, et retombaient d’un côté. Il ne souriait peut-être pas à Rose, mais il n’avait pas non plus l’air fâché.
Sa présence était familière et réconfortante. Rose avait envie de courir se jeter dans ses bras.
Il jeta un regard à Rose dans sa robe noire. Elle tenait dans sa main le sac violet de Nini. Rose avait eu ce qu’elle souhaitait : Devin était là pour la voir dans sa tenue de soirée. Seulement la scène ne se déroulait pas du tout comme elle l’aurait voulu.
Devin fourra ses mains dans ses poches.
— Salut.
— Où sont Oliver et Lily ? demanda Rose.
Elle regretta tout de suite ses paroles. Elle aurait dû dire : « Merci d’être venu. » Ou alors : « Je suis vraiment désolée. » Ou encore : « Pourras-tu jamais me pardonner ? »
— Ton frère et ta tante, qui, à ce que je vois, n’est plus si maléfique que ça, sont allés chercher ton autre frère, qui n’est plus perdu…
Il haussa les épaules avant de conclure :
— Vous avez vraiment besoin de mon aide ?
Rose se gratta la cheville gauche avec les orteils de son pied droit.
Du plafond de la cage, Nini hurla :
— Salut, Devin !
Devin regarda le socle derrière les barreaux et fouilla l’espace du regard, sans trouver Nini. Il leva enfin la tête, et là, il se figea de stupeur.
— Oh ! dit-il en montrant Nini du doigt. Mais… que… quoi… Comment tu es arrivée là-haut ? Avec des câbles ? Comme dans une pièce de théâtre ?
Il se passa une main dans les cheveux.
— Ou alors t’as utilisé des ventouses ?
Rose prit une grande inspiration et débita d’un trait :
— Devin, la famille Bliss n’est pas comme les autres.
— Sans blague, dit-il sans quitter Nini des yeux.
— Nous sommes des pâtissiers magiciens, avoua Rose, les yeux rivés au sol, incapable de le regarder en face. On ne fait pas que des muffins, des cookies et des gâteaux. On fait de la magie.
L’espace d’un instant, Devin garda le silence. Puis il partit d’un grand éclat de rire qui résonna dans la salle du musée. Il regarda Nini, puis Rose, puis Nini.
— De la magie ? C’est la seule chose que t’as trouvée ?
— Je t’en prie, chuchota Rose. Je te jure que je ne te mens pas cette fois. J’ai juré de ne pas révéler le secret de ma famille et c’est pour ça que je me comportais si bizarrement. Je n’ai jamais voulu te mentir… j’aurais voulu tout t’expliquer, dès le départ, mais j’avais promis à mes parents et j’ai essayé de garder ma parole, mais…
Les larmes aux yeux, elle souffla :
— J’ai besoin de ton aide.
— Des cookies magiques ? prononça Devin, qui ne riait plus. Toutes ces fois où les gens étaient malades et se sont rétablis après avoir mangé vos pâtisseries, c’était de la magie ? Alors quand on dit à la légère : « Oh ! mon acné a disparu comme par magie après avoir mangé un pain de seigle de chez Bliss », c’est vraiment de la magie ?
Rose hocha la tête, soulagée. Cela lui faisait tant de bien de se confier à Devin.
— On n’a rien qui fait disparaître l’acné. Les pains de seigle sont pour les gens qui pètent…
— Je prenais juste un exemple au hasard.
— On aide les habitants de Calamity Falls grâce à nos pâtisseries magiques, expliqua Rose en se rapprochant de lui. Mes parents m’ont laissé la responsabilité de l’établissement quand ils sont partis à la recherche de ma tante, et c’est à moi de garder le secret de la famille.
Elle sentit sa voix se briser.
— Je ne voulais pas te mentir. Mais il le fallait.
— Mon autre pied colle plus, la coupa Nini, qui n’était plus accrochée que par les mains et qui tentait de se balancer pour recoller ses jambes. Je veux descendre.
— Arrête de t’agiter, Nini !
— On reparlera de tout ça une fois qu’on aura libéré ta petite sœur, dit Devin.
— Alors, tu peux nous aider ?
Devin scrutait les barreaux devant lui.
— Vous faites peut-être de la magie en cuisine, mais nous, les Stetson, on est des sorciers de la mécanique, décréta-t-il en faisant craquer ses phalanges.
Dix minutes plus tard, Oliver et Lily revenaient dans la salle d’exposition des pierres précieuses.
— Il faut qu’on se dépêche, mi hermana. Origan est en train de distraire tout le monde avec un nouveau morceau de cornemuse, mais il a le visage rouge comme une tomate, et je crois qu’il risque d’exploser à tout moment.
— On a un souci plus urgent, répliqua Rose.
Nini ne tenait plus que par sa main droite et elle tournoyait comme une piñata dans sa robe de soirée.
— Oh non ! chuchota Oliver. Il faut qu’on la sorte de là !
— Où est Devin ? demanda Lily en jetant autour d’elle des regards affolés.
Rose désigna une porte ouverte au fond de la salle.
Un gros « bing » s’échappa du placard sombre, boum ! des étincelles blanchâtres volaient partout. Devin reparut à la façon d’un savant fou, les cheveux dressés sur la tête, marchant à reculons en traînant un câble électrique. Il s’agenouilla, puis l’accrocha à ce qui ressemblait à une vieille boîte de thon avec une poignée en forme de clé mollette.
— Reculez, leur recommanda-t-il.
— J’aime bien son nouveau look, glissa Oliver à Rose. Mais il a pas intérêt à se faire des épis. C’est ma coiffure.
Une fois que tout le monde fut assez éloigné, Devin abaissa la petite poignée.
Après une série de clics rapides, le câble se mit à vibrer et bourdonner. Rose sentit un courant d’électricité lui hérisser les cheveux sur la tête.
Une énorme machine sembla s’animer de l’autre côté du mur. On aurait dit que les ouvriers d’un chantier venaient de débarquer et faisaient démarrer leurs engins, prêts à attaquer le sol au marteau piqueur.
— Devin ! s’écria Lily, soudain affolée. Qu’est-ce que c’est que ce vacarme ?
Devin se tourna vers eux, un immense sourire aux lèvres.
— C’est la perceuse à tunnel de l’exposition sur l’extraction minière à côté. Je l’ai mise en route.
— Mais… pourquoi ? demanda Lily en faisant trois grands pas en arrière.
Rose serra contre elle le sac qui contenait la Boule de Neige. Le carrelage se mit à vibrer, un bruit métallique vint lui percer les tympans, le plâtre du mur et du plafond se mit à s’émietter et le nez d’une gigantesque perceuse toute rouillée traversa le mur.
— Pour que l’eau et l’électricité soient coupées !
Une seconde plus tard, la perceuse brisait une canalisation, et un torrent d’eau gicla du mur, se répandant sur des câbles dénudés qui crépitèrent et sifflèrent.
— Est-ce que tout va être mouillé ? hurla Rose pour se faire entendre.
Au-dessus d’eux, les néons se mirent à bourdonner, clignotèrent un instant, puis s’éteignirent. Maintenant, la seule lumière provenait des vitrines d’exposition et du projecteur au-dessus du socle de la Boule de Neige. Rose distinguait la silhouette de sa sœur en suspension.
— L’eau devrait provoquer un court-circuit, et les barreaux se rétracter, expliqua Devin.
On entendit un clic au plafond à côté de Nini, et les barreaux se mirent à remonter.
— C’est pas très discret ! cria Lily par-dessus le bruit de l’eau qui se déversait dans la pièce.
— Nan, admit Devin. Mais c’est plutôt drôle.
Si Rose ne voyait pas l’expression de Devin, à sa voix, elle devinait un sourire. Bientôt, des hurlements s’élevèrent dans le bâtiment, alors que de plus en plus d’eau ruisselait dans la salle et inondait le carrelage. Les pauvres gardiens allaient avoir du boulot, et Rose compatissait avec celui qui serait chargé de passer la serpillière.
— Récupérons Nini, dit Rose au bord de la panique. Et déguerpissons.
— Heu… Rosie, dit Nini au-dessus de leurs têtes.
Rose assista avec horreur à l’instant où les Snickers-Stickers cessèrent de faire effet. La main de Nini se décolla du plafond, et la fillette chuta à une vitesse affolante.
Devin lâcha tous ses câbles et courut dans l’eau, les mains tendues.
— Nini ! hurla Rose en regardant sa petite sœur… tomber droit dans les bras de Devin.
Ouf ! Nini éclata de rire, aux anges.
La perceuse n’avançait plus et projetait des étincelles dans tous les sens, aussi éclatantes qu’un feu d’artifice. Rose sentit son cœur se gonfler en voyant Devin, triomphant, porter Nini recroquevillée indemne dans ses bras.
— Alors, je m’en sors pas mal, non ? demanda-t-il en haussant les sourcils.
— Je…, chuchota Rose la gorge nouée. C’était… magique.