Ce soir-là, quand ils reviennent enfin à la caravane, Stan se couche sur une banquette sous une couverture, à côté du treizième poisson et de ses compagnons. La lune brille derrière la petite fenêtre, il lève les yeux vers elle, et lui transmet ses désirs à travers la nuit. Puis il s’endort, et dans ses rêves un policier en colère lui braque une torche éblouissante dans les yeux, puis le prévient qu’il a intérêt à se conduire convenablement. Un feu rougeoyant s’élève de la terre et se transforme en lune. Des voix bourdonnent, murmurent, rient et chantent. Il voit des géants, des nains et des moutons à trois têtes. Un hercule de foire le soulève, le lance dans le ciel et le rattrape quand il tombe. Un homme portant un tigre sur le dos le poursuit dans la forêt. Des canards volent en formant des cercles autour de sa tête. Il se retrouve dans l’eau profonde, en train de nager, avec une nageoire sur le dos. « Mes compagnons ! s’écrie-t-il. Où sont donc mes compagnons ? » Il voit Annie et Ernie marcher sur la route, le long de la mer. ils ont l’air vieux, ratatinés, et usés. Il les appelle, il tend la main vers eux. Une voix vient alors de loin, de très loin :
– DEBOUT ! ALLONS ! IL EST SIX HEURES, AU TRAVAIL !
Stan s’éveille en sursaut. Est-il revenu à Fish Quay Lane ? Est-ce que la mise en boîte du poisson va commencer ? Non, il est dans la caravane. C’est la voix de Dostoïevski.
– Il est six heures, Stan. Il y a un stand de pêche aux canards à installer. C’est le moment de s’y mettre.