Elle décroche le téléphone du mur, compose les premiers chiffres et regrette, regarde droit devant elle et tente de formuler la phrase supposée justifier l’appel. Je voulais seulement savoir comment ça va à Odense, s’entend-elle dire avec déplaisir. Il lui semble être une page arrachée à un catalogue. Comme si quelqu’un avait écrit sur son amour et en avait soudainement fait quelque chose de guindé et de stupide.

 

Elle a vu un canard mort à son retour du supermarché. Il gisait sur le gravier du sentier descendant vers la maison, et il n’y était pas à l’aller, du moins pas à sa connaissance. Elle n’a pas compris pourquoi il était là. Il n’y a pas de lac à proximité, alors d’habitude il n’y a pas de canards. Mais surtout ce qu’elle n’a pas compris c’est pourquoi il était mort. C’est difficile à accepter. Cela l’a troublée. Elle s’est arrêtée pour vérifier que la poitrine ronde et lisse ne se soulevait vraiment pas. Non, la certitude l’a transpercée alors qu’elle tournait le dos au petit cadavre pour continuer son chemin à vélo vers la maison, plus vite qu’elle ne l’aurait fait en d’autres circonstances.

 

Elle décroche à nouveau le téléphone, compose l’intégralité du numéro et attend, tendue. Oui, c’est maman, je viens de voir un canard mort, commence-t-elle.