Plus d’hommes, c’est du toc. Des amies, se promet-elle en passant une annonce dans le journal où elle précise qu’elle cherche à tout prix une correspondante. Elle commence à échanger avec une fille de Slangerup, répondant au nom de Christina, une longue série de lettres superficielles sur des sujets qu’elle juge appropriés. Elle parle de guitaristes et de robes, et, même si en réalité cela l’intéresse, elle s’efforce tellement d’adopter un certain ton que tout ce qu’elle aime disparaît sur le papier. Elle y consacre des heures, jetant d’innombrables brouillons avant de finir par se retrouver en possession d’une lettre presque identique à la dernière que Christina lui a envoyée.
Un jour, elle se rend à Slangerup et ne sait pas comment on doit se comporter lors d’une visite le week-end. Elle reste plantée derrière sa chaise tandis qu’on apporte le poulet à table, et remarque que le père de Christina retient un sourire en lui disant de s’asseoir. Comment Maggie pourrait-elle savoir ce qu’est une famille ? Elle se sent humiliée et aussi trop grande parmi ces gens qui sont tous de petite taille. Elle n’a qu’une envie : décamper et retourner à la gare ; seule la honte la retient. Je vis à Copenhague, un peu à la périphérie, répond-elle à la mère de Christina en ayant le sentiment que, malgré l’expression embarrassée et servile qu’affiche cette femme pour le moment, elle ne manquera pas de se payer la tête de l’amie copenhagoise de sa fille dès qu’elle sera partie. Si l’on m’ouvrait le cœur avec un couteau, il y aurait marqué JE DÉTESTE SLANGERUP, pense-t-elle dans le train qui la ramène chez elle et cette seule idée la soulage.
Il s’écoule quelques semaines, puis Christina écrit que c’était tellement sympa, qu’elle n’hésite surtout pas à revenir, et Maggie ignore si Christina ment ou s’il peut vraiment exister une telle différence entre les gens.