Maggie n’a distingué personne parmi les passants ; derrière la vitre c’est un flot disséminé de coupe-vent aux pans flottants se dirigeant vers des activités inconnues, mais tout à coup quelqu’un retient son attention : une femme vêtue d’un pardessus rouge bordeaux, et il y a quelque chose dans le vêtement même et le sourire arrogant, séduisant, qui lui laisse penser que cette femme a couché avec Kurt. Brusquement elle se rappelle quel effet cela fait de se laisser glisser le long de la bite de Kurt, et le désir que cela éveille en elle lui donne un choc. Elle se redresse sur sa chaise, contracte le bassin et, d’un mouvement de torsion, étouffe ce souvenir.

 

Lorsqu’elle est à Nyborg, mais également aussi loin qu’à Odense, elle pense particulièrement à ce que les gens savent et ignorent d’elle. Puisqu’elle n’a pas d’amis, personne d’autre que Sofie à qui se confier, ce que les gens savent, ils doivent le tenir de Kurt.

 

Qu’elle soit l’objet de moqueries, cela ne fait aucun doute pour elle. Une plaisanterie classique veut qu’elle, la jeune mannequin, s’encroûte à la ferme, devenant aussi vieille et ridicule que la précédente épouse. À l’époque, elle ne comprenait pas que Kurt puisse accorder la moindre pensée à cette femme. Personne ne sait que c’est Ulla qui avait demandé à Kurt de se trouver quelqu’un d’autre. Elle ne pouvait plus coucher avec lui, ne serait-ce qu’une seule fois de plus. Elle l’avait donc prié de trouver quelqu’un d’autre et en avait éprouvé un soulagement infime, comme quand, après avoir poussé fort et longtemps, on ne parvient à lâcher qu’un pet bref et discret.

 

La porte d’entrée du Café Blomsten s’ouvre à nouveau. Cette fois, sans avoir besoin de se retourner, Maggie sait que c’est sa fille. Il y a quelque chose de changé dans l’air, une odeur, un rythme bien particulier.