Sofie appelle pour lui annoncer la mort de Maggie. Elle trouve que Kurt doit savoir que Maggie a souffert et gémi, que ce n’était pas paisible, si c’est ce qu’il croit. Il ne croyait pas ça, mais il ne croyait pas non plus autre chose. Il n’a pas voulu penser que la mort commence son œuvre dans un corps qui vit encore. Pour lui, la vie et la mort étaient deux choses complètement différentes et sans lien. Surtout, il a évité de penser à ce qui se produisait à l’intérieur de Maggie. Il s’est efforcé de penser à elle comme à une coquille vide. Maintenant il doit aller aux W.-C. pour vomir. Cela continue quand il n’a plus rien à rendre. Ensuite il reste penché au-dessus du lavabo et voit la brosse de Maggie, toujours là avec plein de cheveux. C’est fou que ces cheveux n’appartiennent désormais plus à personne. Il saisit la brosse et s’assied dos au mur en la tenant dans la main ; c’est dans cette position que Sofie le trouve quand elle arrive plusieurs heures après. Il ne sait pas quoi lui dire et lui tend la brosse en l’air, comme pour se protéger. Elle la lui arrache de la main et l’oblige à se relever. On pourrait croire qu’elle a envie de le frapper, mais elle devient toute molle et s’assoit sur l’abattant des W.-C. Ils restent là un moment, en silence, puis se traînent tous deux sur le canapé. Kurt allume la télé ; un animateur n’arrête pas de virevolter dans une chemise très colorée. C’est un transport de douleur. Du père et de la fille vers la télé, et de la télé ça revient vers eux sous forme d’une voiture flambant neuve, sous les acclamations du public.