Retour en arrière à Hvidovre. Kurt est enfant, et il regarde le pré qui s’étend au loin. Autrefois il y avait des vaches ici, mais le coin a été acheté par l’État, qui va construire une nouvelle route. On est en pleine journée et le soleil dirige sa colère droit sur Kurt, mais il n’a pas l’intention de s’arrêter, il veut marcher jusqu’à la tombée de la nuit.
La veille, son père l’a emmené à l’abattoir où il travaille. Une cigarette aux lèvres, il se fraie un chemin entre les carcasses qui pendent du plafond. Mais Kurt n’avait pas envie de le suivre, ou bien il n’avait pas la force d’entrer dans la maison de la mort, qu’il comprenait seulement à présent être le travail de son père ; les larmes se sont mises à couler. Après s’être avancé dans le hall, son père s’est retourné et a vu Kurt resté sur le pas de la porte, en pleurs. Un bref instant, il a semblé décontenancé, avant d’éclater de rire. De plus en plus de têtes d’hommes sont apparues entre les cadavres suspendus, cherchant qui riait de la sorte, et ils l’ont vu près de la porte. Bientôt, tout le hall résonnait de rires.
C’est pourquoi Kurt traverse maintenant le pré : il ne peut pas pardonner à son père or, si on n’y arrive pas, on n’a plus de foyer. Il se fraie un chemin à travers l’herbe sèche, puis, à l’approche du soir s’assied contre un arbre et pleure parce qu’il a faim. Il lève les yeux vers le ciel, qui se contente de le fixer, tout bleu. Un jour, il pendra tous les adultes, il le promet à quelqu’un qui n’est ni lui-même ni un autre en particulier ; il y aura une grandeur à venir, et ce sera lui qui la distribuera.