Claude écoutait discrètement la conversation émanant de la table voisine, celle à laquelle le « club des jeunes divorcées mal baisées » tenait sa réunion hebdomadaire. Ce n’était pas la première fois que ses oreilles percevaient les propos parfois choquants, parfois drôles et souvent pathétiques de celles qui s’étaient elles-mêmes affublées de ce quolibet. Le hasard voulait qu’elles s’installent toujours à la table voisine de la sienne. Claude ignorait si elles se rencontraient plusieurs fois par semaine, mais le vendredi soir, immanquablement, elles se réunissaient toujours assez près pour qu’il lui soit facile — trop facile, même — de suivre leur conversation. Les quatre commères ne se doutaient pas à quel point il était facile et tentant pour les autres clients de l’établissement de suivre leurs turbulentes mésaventures comme un télé-roman, car elles ne chômaient pas, les divorcées ! Claude se rendait compte que chaque semaine, au moins l’une d’entre elles racontait une histoire récente au dénouement généralement désastreux. Cependant, et ce qui perturbait le plus Claude, c’était que les anecdotes, bien que nombreuses et variées, parvenaient toujours au même constat : l’incapacité chronique des hommes à faire jouir convenablement une femme. Selon les divorcées, les hommes étaient soit trop occupés à démontrer leur endurance — les « pompant » éternellement sans se soucier de leur bien-être ou de leur plaisir —, ou bien il s’agissait d’éjaculateurs précoces, au sens non clinique du terme, qui se contentaient de quelques coups à la va-vite, et hop ! dodo. De plus, aucun d’entre eux ne semblait comprendre ou même admettre l’existence de concepts comme les préliminaires ou la jouissance clitoridienne. À écouter ces quatre commères, tous les hommes auraient été convaincus que leur queue détenait le pouvoir ultime de faire jouir les femmes, peu importait la façon dont ils l’utilisaient. Les oreilles de Claude supportaient tant bien que mal ces boutades.
— Ce con n’a même pas pris la peine d’enlever ses bottes ! La quatrième fois qu’il m’a écrasé les orteils, il a fallu que je fasse semblant de jouir pour qu’il en finisse !
— Ben, le mien, il est venu avant de descendre son pantalon. Il était tellement humilié… J’ai eu beau lui répéter que ce n’était pas grave, que nous pouvions nous amuser quand même et que la prochaine fois serait peut-être mieux, mais non. Un autre qui croyait sa queue essentielle à toute expérience sexuelle !
— Et moi, celle du dernier, elle était tellement petite qu’au début, je croyais que c’était son doigt. Je me suis dit : « Tiens, un bonhomme qui sait qu’il peut s’en servir ! » Mais non, ce n’était que sa queue, et il l’a remuée durant environ trois minutes, sans bouger aucun autre muscle de son corps. Ensuite, il s’est retiré, a mis son pantalon et m’a offert un verre.
Claude trouvait tout cela désolant, même s’il lui fallait bien admettre que ces affirmations s’appliquaient malheureusement à beaucoup d’hommes. Certains étaient effectivement maladroits ou simplement ignorants, d’autres purement égoïstes. Mais de là à généraliser et à condamner la gent masculine toute entière, c’était injuste. Il y en avait quand même quelques-uns qui faisaient des efforts ! Ces femmes avaient juste été victimes d’une malchance inouïe, dommage pour elles.
Cette dernière pensée fit alors germer une idée dans sa tête. Elle se matérialisa peu à peu, prenant une forme de plus en plus attirante et réalisable. Après un dernier verre, Claude choisit d’aller mûrir son plan au lit, en solitaire.
Deux semaines plus tard, les quatre commères discutaient toujours au même endroit. Pour Véronique, cette conversation s’était toutefois transformée en une espèce de bruit de fond sans substance. Elle avait beau tout tenter pour se concentrer sur les paroles échangées autour de la table, rien n’y faisait. Elle n’arrivait à détourner le regard de la porte d’entrée que pendant une fraction de seconde, afin de faire croire à ses amies qu’elle était toujours parmi elles. Mais happée par son désir, elle retournait sans attendre à son observation, dans l’espoir futile de voir Claude apparaître.
Une mince silhouette se dessina soudain à contre-jour, et le cœur de Véronique fit un bond. Était-ce lui ? Était-ce le jeune homme un peu étrange qui lui avait fait passer une nuit si incroyable ? Non. Celui-là était trop vieux et trop bâti. La déception de Véronique était cuisante. Il ne viendrait probablement pas ; après tout, c’est bien connu, les hommes sont tous des salauds. C’était d’ailleurs toujours la même rengaine du « club », qui avait vu le jour presque un an plus tôt et dont les membres s’étaient promis que chaque semaine, beau temps mauvais temps, et à la même table, elles se paieraient la tête des pauvres types qui les avaient tant fait souffrir. Et même si elles savaient toutes que rien de tout cela n’arrangerait les choses ni ne guérirait d’anciennes blessures, ce rituel leur faisait un bien fou.
Ce soir-là, Véronique savait très bien qu’elle pouvait se permettre d’ignorer quelques boutades, puisque de toute façon, la discussion portait toujours sur le même sujet : les hommes et leur bêtise. Certes, elle partageait l’opinion de ses consœurs jusqu’à un certain point. Elles étaient toutes les quatre très différentes les unes des autres, mais toutes jolies, intelligentes, cultivées, drôles et généreuses. Et elles s’étaient toutes fait avoir par quatre crétins très différents les uns des autres, mais tous égoïstes, peureux, menteurs, manipulateurs et la seule tête dont ils savaient se servir (et même ça, c’était discutable !) reposait au bout d’une verge molle et très peu appétissante. Cependant, cela ne voulait pas dire que tous les hommes étaient aussi vils… Claude, par exemple, prouvait le contraire. Véronique se rendit brutalement compte qu’elle ne connaissait, en réalité, presque rien de lui, sinon qu’il était doux, patient, réceptif et que c’était le seul homme qui soit parvenu à la faire jouir trois fois d’affilée sans rien lui demander en retour. Il semblait assoiffé de sexe, mais d’une manière différente des hommes qu’elle avait connus auparavant. Il avait manifesté un zèle et une concentration si intenses en lui faisant l’amour qu’elle avait dû par la suite nuancer son jugement envers la gent masculine. « En lui faisant l’amour » n’était toutefois peut-être pas la formule exacte. « En la faisant jouir, elle » aurait été plus juste, puisqu’il avait refusé de la pénétrer, préférant, disait-il, faire monter le désir en prévision de leur prochaine rencontre. Peut-être avait-il un problème quelconque ? Le cynisme et l’amertume que Véronique éprouvait envers les hommes l’incitaient à croire qu’il y avait sûrement quelque chose qui clochait chez lui. Néanmoins, à la seule pensée du plaisir qu’il lui avait procuré, Véronique ressentit une bouffée de chaleur lui envahir le bas-ventre et lui chauffer les joues.
— Mais qu’est-ce que tu as, toi, aujourd’hui ?
— Oh ! rien… Ce n’est rien.
— Ma parole, tu es toute rouge ! Ton regard fuyant et cette façon que tu as de fixer la porte… Tu attends quelqu’un ?
— Peut-être…
Il n’en fallut pas plus. Le « club » avait beau pester contre les mâles, ses membres étaient toujours à l’affût d’une nouvelle romance ou d’un potin juteux. Elles cuisinèrent donc Véronique tant et si bien que celle-ci dut tout raconter.
« Il s’appelle Claude. Je l’ai rencontré à l’épicerie… imaginez ça ! Devant les boîtes de sauce tomate ! » Elle ne leur dit pas tout, au départ. Mais après maintes plaisanteries et de longues minutes de torture, elle finit par leur avouer qu’il avait fait naître en elle un désir si puissant et si sauvage qu’elle l’avait invité chez elle le même soir. Elle leur raconta même que sitôt la porte entrouverte, elle s’était laissée choir dans ses bras et avait été étonnée de l’étreinte douce, chaude et presque maternelle qu’il lui avait réservée.
— Est-ce tout ce qu’il y a eu d’inhabituel ? demandèrent les commères.
— Oh non ! Il n’a même pas essayé de me faire l’amour… enfin, pas de la façon dont je l’anticipais. Après m’avoir excitée à coup de baisers plus enflammés les uns que les autres, il m’a conduite dans ma chambre et m’a étendue sur le lit en me retirant mes vêtements. Ensuite, il a retiré sa ceinture et a lâchement ligoté mes chevilles aux pattes du lit. Puis avec la mienne, il a fait la même chose avec mes poignets. Il m’a longuement regardée et, en voyant que j’étais un peu tendue, il m’a simplement dit : « Tu es belle… N’aie pas peur… »
Elle fit une pause, remarquant que les trois autres membres du « club » buvaient littéralement ses paroles. « Continue ! On veut tout savoir ! », lui demandèrent-elles en chœur. Véronique ne se fit pas prier. Elle raconta qu’elle avait pris une longue inspiration, réalisant tout à coup qu’elle avait peut-être commis une grave erreur en invitant Claude chez elle. Elle avait en effet toujours fait confiance à son instinct, mais s’il avait fallu que… « Eh bien, ça m’apprendra ! », s’était-elle dit. Son appréhension s’était cependant calmée lorsque Claude avait commencé à caresser ses cuisses du bout des doigts. Tout à coup, elle avait été traversée de délicieux frissons. Les mains de son amant avaient glissé, légères et caressantes, le long de ses jambes et de ses côtes, puis s’étaient tendrement emparées de ses seins, qu’elles s’étaient amusées à chatouiller, avant que la douce bouche ne les embrasse goulûment. Ces lèvres merveilleuses avaient ensuite fait le chemin inverse et parcouru son corps frissonnant, pour finir leur course entre ses cuisses écartées. Là, une langue sublime l’avait léchée, tétée, mordillée avec un talent fou. Elle n’avait pas tardé à succomber à un premier orgasme, faisant sourire son tendre agresseur. Elle avait lentement repris son souffle, la tête de Claude posée sur son ventre, sentant les doigts de son amant agacer son sexe ruisselant d’une main si douce qu’elle semblait presque distraite. Il avait continué de la sorte un moment, puis son toucher s’était affermi. Il avait soudain glissé un doigt en elle, puis un deuxième. Elle l’avait alors prié de la posséder ; elle le voulait tant en elle ! Mais Claude s’était contenté de la caresser de plus en plus vite, jusqu’à ce qu’elle jouisse. Il l’avait ainsi laissée attachée au lit durant de longues heures de supplice, entrecoupées de quelques courts répits durant lesquels il lui apportait à boire, entre deux orgasmes. Elle était subjuguée. Chaque fois qu’elle était convaincue qu’il lui serait impossible de jouir de nouveau, il modifiait subtilement ses caresses pour lui arracher d’autres soubresauts de plaisir. Il l’avait ensuite quittée au milieu de la nuit, lui refusant le plaisir de sentir son corps nu contre le sien. Elle s’était finalement endormie, tout à fait comblée.
Les trois autres divorcées étaient pendues à ses lèvres. Était-il possible qu’un homme si merveilleux existe ? Elles tentèrent d’en savoir davantage, de nourrir leur fantasme de détails plus concrets, mais Véronique n’avait rien d’autre à leur offrir. Ce soir-là, les quatre « divorcées mal baisées » eurent de nouveau recours à leur propre main pour s’endormir.
Claude s’observa une dernière fois dans la glace. Un visage anguleux, mais aux traits doux, de même qu’une élégance et une finesse qui possédaient le charme d’un autre âge. Ses cheveux soyeux flottaient librement sur ses épaules bien découpées, quoique étroites. Sa taille haute, mince, était mise en valeur par un veston à la coupe élancée et un pantalon lâche. Mais c’étaient ses yeux, surtout, qui attiraient l’attention. Des yeux gris, lumineux, entourés de cils épais qui faisaient l’envie de plus d’une femme. Ces prunelles avaient bien l’intention d’en séduire plus d’une, d’ailleurs. Claude avait en effet un but ; un but audacieux, certes, mais valable et né d’une situation imprévue : démontrer à tout prix à chaque membre du « club » qu’il n’y avait pas encore lieu de désespérer des mâles de ce monde. Elles devaient connaître, au moins une fois dans leur vie, un partenaire inoubliable, une aventure brève mais entièrement consacrée à leur jouissance ultime. Il ne serait pas question d’une queue qui banderait peu ou mal, ou bien d’un amant qui n’aurait que faire de leur corps. Claude en avait fait sa mission, et son opiniâtreté était légendaire. Il lui faudrait, cependant, faire preuve de prudence, car les femmes étaient si généreuses en confidences ! Claude avait donc planifié sa stratégie avec soin. Ce soir, il était temps de passer à la deuxième phase de son plan.
En ébouriffant ses cheveux d’un geste machinal, Claude constata l’heure tardive. Il lui fallait maintenant choisir sa seconde proie. Véronique devait déjà l’attendre avec impatience ; la tentation de passer un autre moment agréable avec elle était forte, mais cela ne ferait pas avancer sa cause. Il était indéniablement préférable d’en séduire une autre. Un sourire presque machiavélique éclaira son visage, et sa langue humecta ses lèvres à la manière d’un loup flairant un lièvre.
En le voyant arriver, Véronique avala une gorgée de son martini de travers et s’étouffa bruyamment. Embarrassée, elle tenta de garder son calme et d’afficher un air innocemment étonné de le voir là. Après les présentations d’usage, Claude commanda sa boisson préférée et, ne pouvant s’empêcher de remarquer les regards appuyés que les copines lui lançaient, il ressentit une certaine fierté. Véronique n’avait donc pas été capable de se retenir de tout leur raconter ! Et de toute évidence, cela les avait fortement impressionnées. Tant mieux ! La partie serait ainsi plus facile à gagner que prévu ! Se calant dans un siège, Claude sirota tranquillement son verre en essayant de déterminer quelle jeune divorcée serait la plus susceptible de céder à ses charmes, malgré son amitié pour Véronique. Les femmes, c’était bien connu, aimaient prétendre qu’elles étaient loyales envers leurs amies, jusqu’à ce qu’une conquête particulière vienne semer tous leurs beaux principes aux quatre vents. Après les avoir observées discrètement l’une après l’autre, une candidate s’imposa à son esprit. Dans la jeune quarantaine, jolie et rondelette comme un bon fruit bien mûr, Joannie parlait un peu plus fort et plus vite que les autres, cherchant visiblement à faire bonne impression sur Claude. Elle ricanait à la moindre blague, au moindre prétexte, simplement pour lui lancer une œillade aussi discrète qu’éloquente… Ah ! Mais c’était une championne ! Elle s’était entretemps rapprochée de Claude si subtilement que personne ne s’en était rendu compte. À force de rires et de gestes soutenus, elle était parvenue à se glisser, millimètre après millimètre, si près qu’elle lui touchait la jambe. Elle avait maintenant la cuisse appuyée fermement contre la sienne et s’y frottait doucement et discrètement. Véronique n’avait encore rien vu, trop occupée à contrôler son envie d’exprimer ouvertement son désir. Quant aux deux autres amies, Pascale et Lina, elles placotaient autant que des pies de basse-cour.
Claude ne se fit pas prier et rendit la pareille à Joannie, qui ne laissa rien paraître. Le couple flirta ainsi une bonne heure, jusqu’à ce que les deux autres divorcées manifestent leur intention de les quitter. Le cerveau de Claude fonctionna alors à toute allure, afin de gérer la suite des événements. À l’instant même où Pascale et Lina se levèrent de leur siège, il devint délicat pour Claude et Joannie de poursuivre leur opération de séduction. Puis survint l’éclair de génie :
— Je vous raccompagne, Mesdames ? demanda galamment Claude à Véronique et à Joannie.
— Oh ! Nous pensions prendre le métro, mais si ça ne t’ennuie pas, comme il est déjà tard… répondit Véronique.
Après avoir bien calculé l’itinéraire à prendre, tout rentra dans l’ordre. Claude raccompagna tout d’abord Joannie, en prenant soin de lui faire mentionner son numéro d’appartement, puis ce fut au tour de Véronique. Devant l’immeuble de cette dernière, Claude l’embrassa longuement et tendrement, puis prétexta un service à rendre à un copain le soir même pour s’éclipser. Déçue, Véronique lui fit promettre de lui téléphoner sous peu. Et sitôt qu’elle fut rentrée, Claude fit démarrer sa voiture et refit en sens inverse une partie du trajet parcouru, retournant chez Joannie qui attendait sa prise, sans aucun doute, à bras ouverts.
Elle était effectivement prête à l’accueillir et ouvrit la porte bien grand, dévoilant une demi-nudité fort attrayante. Ruisselante, elle sortait à peine de la douche. Sa peau, envahie par la chair de poule, se laissait cajoler par la douce brise que son négligé ne protégeait guère. Ses mamelons dressés appelaient la caresse, et de ses cheveux mouillés coulaient des gouttes langoureuses, s’amusant à s’accrocher à ses seins.
Claude entra sans dire un mot et s’empara des fruits si savamment offerts. Ses mains s’appliquèrent à les réchauffer, puis ses lèvres prirent la relève. De petits coups de langue en mordillements, Joannie s’abandonna rapidement à ses voluptueuses attentions. Elle sentit la chair délicate entre ses jambes s’humecter, gonfler et s’ouvrir lentement. Elle eut une pensée pour Véronique juste avant que Claude ne s’agenouille devant elle. Mais celle-ci, éphémère, s’envola lorsqu’elle sentit la langue de son nouvel amant lui écarter doucement les cuisses et l’envahir de sa chaude haleine. Elle s’étendit là, devant la porte d’entrée qu’un coup de pied distrait avait refermée, et laissa sans remords la langue étrangère la déguster lentement, lui arrachant de délicieux soupirs et halètements. Claude la contempla un moment, puis déposa de doux baisers sur sa gorge, son ventre et ses hanches dressés de plaisir. Joannie ne fut pas déçue. Elle sentit tout d’abord la langue de son amant bien écarter ses lèvres et en dessiner les contours méthodiquement, comme si elle tentait d’en apprendre par cœur les moindres détails. Puis, elle devina qu’un doigt s’insérait dans chacun des replis, sondant sa chair avant de franchir le seuil ultime de son corps. Ce doigt timide devint vite plus frondeur, fouillant son corps frénétiquement, jusqu’à ce que la main presque entière n’envahisse cet espace. Puis, la langue refit son apparition, léchant et suçant au rythme de la pénétration manuelle. Joannie n’en pouvait plus. Elle se savait près de la jouissance et tentait l’impossible pour la retarder. Ce furent à cet instant que les caresses changèrent de rythme. Après avoir réalisé des poussées presque sauvages, Claude devint tout à coup subtil, doux… trop doux, peut-être. La main se retira, la langue recula, et ce ne fut plus que son souffle qui vint attiser, agacer le sexe flamboyant de Joannie. Claude en écarta alors les lèvres à nouveau et souffla doucement, comme pour tenter d’assécher ce clitoris luisant d’excitation avant de prendre une certaine distance, planant au-dessus de la femme, la faisant presque crier de désir. Elle appelait de tout son être ce corps qu’elle connaissait à peine et qui allait sans doute se dévêtir, avant de la pénétrer sauvagement. Mais elle se trompait ! Son amant se redressa plutôt, s’installa le long de son propre corps et, à l’aide du négligé abandonné, lui banda les yeux.
Claude retira ensuite ses chaussures, s’étendit en sens inverse de Joannie, puis laissa son pied glisser le long de la cuisse veloutée et s’appuyer contre le sexe humide et invitant. De douces rotations s’ensuivirent, encerclant lentement la chair tendre, puis un orteil se posa au seul endroit susceptible de la faire jouir. Elle sursauta de surprise, avant de se laisser pétrir.
— Je n’en peux plus… viens plus près, c’est ta queue que je veux ! cria-t-elle.
Ce cri du cœur sembla encourager l’orteil de Claude, qui s’appuya encore davantage entre les lèvres béantes. Ses mouvements devinrent plus exigeants, plus brutaux. Joannie pensa même qu’il était entré en elle. Claude s’étendit alors au-dessus d’elle, l’embrassa à pleine bouche, fouillant sa gorge de sa langue délicieuse, et la pénétra une fois de plus de sa main gourmande. Elle pouvait deviner chacun de ses gestes… les quatre doigts fouillant sa chair presque douloureusement, alors que son pouce s’acharnait sur le tout petit bout de chair si vulnérable. Quelques minutes à peine suffirent. Claude sentit les muscles de Joannie se contracter violemment, avant de se libérer en de délicieux spasmes qu’il lui fallait absolument goûter. Sa bouche s’enfouit entre les cuisses brûlantes de sa victime, et Claude eut, une fois encore, un triomphe inégalé.
Véronique ne tenait plus en place, et son humeur était massacrante. Il y aurait une rencontre du « club » le même soir, et elle était toujours sans nouvelles de Claude. Ses « joyeuses divorcées » de consœurs ne manqueraient sûrement pas de s’informer au sujet de son « idylle », et elle aurait l’air ridicule. Pas le moindre coup de fil ! Le salaud ! Il l’avait bien eue, avec ses histoires de faire monter le désir jusqu’à la prochaine fois ! Elle s’était fait avoir comme une adolescente. Mais le pire, dans toute cette amertume, c’était qu’elle nourrissait encore pour Claude un désir totalement inexplicable. Elle savait que s’il lui téléphonait là, maintenant, elle serait tout sourire et prête à le recevoir sur-le-champ, et cela la mettait encore plus en rogne. Comme elle se détestait ! Depuis leur première rencontre, elle n’arrêtait pas de faire des rêves éveillés dans lesquels elle le déshabillait complètement, saisissait sa verge à pleine main et la glissait en elle. Elle se voyait onduler langoureusement, broyant le membre énorme de son amant bien enfoui en elle, l’entendait gémir comme elle-même l’avait fait la semaine précédente. Elle le chevauchait, accélérant dangereusement sa cadence pour l’emmener au bord de l’orgasme, puis ralentissant pour le faire languir davantage. Cette vision provoqua des fourmillements dans son bas-ventre, tandis qu’une colère sourde l’envahissait. « Eh bien, tant pis pour lui ! » se dit-elle, achevant les préparatifs de sa sortie.
Elle arriva au restaurant en avance et ne vit que Joannie au bar, en train de siroter un martini. Elle s’approcha de son amie et lui trouva la mine défaite.
— Qu’est-ce qui ne va pas, Joannie ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette…
— Merci, c’est gentil ! Bof… ça va, rien d’important. Et toi ? Quoi de neuf ?
— Oh ! tu sais, toujours la même chose… Les hommes sont tous des salopards.
— Ah, ça, Véro, j’en sais quelque chose ! Laisse-moi deviner, le beau Claude n’a pas redonné signe de vie ?
— J’aurais dû le savoir.
— J’aurais pensé que… en te raccompagnant l’autre soir…
— Eh bien non ! Il devait donner un coup de main à un copain, pour je ne sais plus quoi…
— Ah ! les copains…
Joannie poussa un long soupir avant d’ajouter :
— Ils nous prennent pour qui ? Un copain, ouais…
— Quoi ? Tu crois qu’il voyait quelqu’un d’autre ?
— J’en sais rien. Peut-être…
Joannie rougit furieusement. Elle était soulagée de savoir que Véronique n’avait pas revu Claude, et qu’elle ne savait donc rien de ce qui s’était passé entre eux. Elle éprouva même une petite joie en réalisant que sa copine n’avait pas non plus eu le plaisir d’une « deuxième fois ». Néanmoins, elle avait peur d’en avoir trop dit, même si sa remarque n’avait rien d’exceptionnel. Elle prit par conséquent une longue gorgée de son cocktail afin de se ressaisir, et feignit de ne pas remarquer le regard chargé de doute que lui lança son amie. Heureusement pour elle, les deux autres divorcées firent au même instant leur apparition. Après avoir appris la déprime de Véronique et formulé les commentaires d’usage, elles se dirigèrent vers leur table habituelle. Ce fut Joannie qui, cette fois-là, retint l’attention du groupe par son attitude songeuse. Ses copines tentèrent de lui soutirer des informations, mais durent conjuguer leurs efforts, et ce, durant presque tout le repas, avant de réussir à la faire parler.
— Bon, moi aussi j’ai rencontré quelqu’un, et moi non plus, je n’ai pas eu de nouvelles depuis un bon moment. Voilà, je ne dirai rien de plus.
Les trois autres se regardèrent, ébahies. Joannie était sans conteste la plus coriace des quatre divorcées, mais aussi la moins entreprenante. Elles ne lui avaient en fait connu aucune aventure depuis son divorce et étaient complètement dépassées. Il n’était donc pas question qu’elles la laissent s’en sortir si facilement. Elles questionnèrent, harcelèrent, blaguèrent ; rien n’y fit. Son silence devint même suspect lorsqu’elle menaça de partir après une remarque des plus anodines de Véronique. Ses amies ne la prenaient toujours pas au sérieux, alors elle se leva et attrapa son sac à main. Véronique intervint une fois de plus :
— Allez, ne te fâche pas ! Donne-nous au moins des miettes pour nous satisfaire. Après, on te laissera tranquille ! Là, en ne disant rien, tu nous fais croire toutes sortes de conneries…
— Bon ! vous l’aurez voulu. Ce n’est vraiment pas si excitant que cela. J’ai rencontré un type, il m’a fait perdre la boule. On a passé presque une nuit ensemble et je n’en ai plus entendu parler. Satisfaites ? C’est tout ce que vous saurez.
Mais elle ne pouvait pas s’en tirer à si bon compte. Fidèles à leur habitude, les divorcées la bombardèrent de questions : il était comment au lit ? Il avait l’air de quoi ? Avait-il une grosse queue ? Joannie s’impatientait. Elle était visiblement mal dans sa peau et finit par exploser :
— Je ne sais pas s’il avait une grosse queue, il ne m’a pas laissé y toucher ! Il m’a fait jouir comme ça ne m’était pas arrivé depuis trop longtemps ! Il ne m’a pas fait l’amour parce qu’il voulait faire monter le désir pour la prochaine fois ! Mais la prochaine fois n’arrivera pas, alors maintenant, laissez-moi tranquille !
Sa réponse tomba comme un couperet, et un silence de mort l’accueillit. Seule Véronique la regardait, ou plutôt la dévisageait. Le teint livide et la bouche grande ouverte, elle était littéralement pétrifiée. Joannie, réalisant qu’elle venait de se compromettre, se leva si brusquement qu’elle en renversa sa chaise et s’enfuit, l’œil humide et rouge de honte.
Pascale et Lina n’en revenaient pas. Elles osaient à peine respirer et laissèrent de longues minutes s’écouler avant de s’aventurer à parler. Ce fut Pascale qui, la première, brisa le silence :
— Véro… Eh, Véro… ça va ?
Cette dernière se retourna lentement vers son interlocutrice. Elle semblait lointaine et tremblait de colère :
— La garce ! Comment a-t-elle pu…
— Comment a-t-il pu, tu veux dire ! N’oublie pas qu’il a sa part de responsabilité là-dedans, lui aussi ! Un salaud de plus, je te le dis !
Lina s’en mêla :
— Oui, pour être un salaud, c’en est un vrai !
Elles marmonnèrent pendant un bon moment. Véronique était quant à elle totalement obsédée par l’idée de découvrir le moment où le crime avait pu se produire, et comment elle aurait pu agir pour l’empêcher. Elle imaginait aussi ce qu’elle aimerait faire à cette salope de Joannie. Quant à Pascale et à Lina, en toute honnêteté, elles étaient ravies de la tournure des événements. Après presque un an, quelque chose d’excitant s’était enfin produit ! Il n’y avait aucun doute que le « club » venait de radier indéfiniment l’une de ses membres, mais l’action que ce drame venait de générer valait largement les désagréments !
Ce fut à la librairie près de chez elle que Pascale revit Claude. Elle y venait tous les vendredis, après le travail, y bouquinant tranquillement pour voir si un nouveau roman attirerait son attention. Elle tenta de l’éviter mais, comme il s’avançait déjà vers elle, elle décida que la froideur et l’arrogance lui montreraient clairement à quel point elle désapprouvait le sort qu’il avait réservé à ses deux amies. Il était de son côté tout sourire et d’une parfaite assurance. Le pantalon ajusté qu’il portait le faisait paraître encore plus mince. Sa démarche était fluide, comme s’il dansait vers elle, et Pascale ne put s’empêcher de sentir — bien malgré elle — une intense bouffée de désir l’envahir. Les paroles de Véronique lui revinrent alors en mémoire : en regardant les mains de Claude, elle imaginait leur contact sur sa peau. Puis, il y avait eu Joannie, qui avait avoué n’avoir jamais joui de la sorte auparavant. Mais qu’avait-il donc de si spécial ? Rien qu’elle pût identifier, plutôt une impression. L’impression qu’on pouvait s’abandonner aux caresses de cet homme sans courir le moindre danger, hormis celui de mourir de plaisir, si elle en croyait ses deux amies. Ses deux amies… elle était presque en train d’oublier quel salaud il était. En y repensant bien, elle se dit que le « club des jeunes divorcées mal baisées » était probablement en voie de dissolution. Véronique n’était effectivement pas prête de pardonner à Joannie sa traîtrise, qui n’avait d’ailleurs donné aucune nouvelle depuis la dernière rencontre. La voix charmeuse de Claude la tira de sa rêverie :
— Bonjour ! C’est Pascale, je crois ?
— Euh… oui ! C’est bien ça. Comment ça va ?
— La grande forme !
Pascale était abasourdie. Cet homme ne semblait avoir aucun remords. Pas la moindre petite gêne, ni le plus infime embarras. Elle ne put s’empêcher de le mettre à l’essai.
— Comment va Véronique ? Je ne l’ai pas vue depuis la semaine dernière…
— Ah ! je ne sais pas… Je ne l’ai pas revue non plus.
— Oh ! je croyais que…
— Que nous nous fréquentions ? Non, rien de tel. C’est une copine.
« Plus maintenant », se dit-elle avant de poursuivre avec un petit sourire méchant :
— Et Joannie ? Elle se porte bien ?
À ces mots, son interlocuteur resta bouche bée. Elle avait compté un point. Claude prit une longue inspiration, puis ajouta :
— Ce n’est pas ce que tu crois…
— Dire que tu as presque créé une nouvelle catégorie au sein de notre club, celle des gars corrects !
— Bon, écoute, j’étais heureux de te revoir, mais puisque c’est comme ça…
— Non, excuse-moi. Je n’ai pas pu m’en empêcher.
Claude hocha la tête et réfléchit pendant un moment, avant d’ajouter :
— Tu as mangé ?
Pascale lui fit son plus beau sourire, et le couple se dirigea vers un petit café non loin de là. Le repas fut très agréable, et sa fin aurait pu être obscène si la nappe n’avait pas recouvert suffisamment les jambes des deux convives. Les réserves de Pascale s’étaient en effet évanouies lors du service de la soupe ; au plat principal, elle trouvait son compagnon fort séduisant ; au dessert, sa culotte était trempée ; et au digestif, comme s’il fallait étirer le supplice le plus longtemps possible, Pascale tremblait de désir pour cet homme si peu prévisible.
Ils quittèrent le restaurant bras dessus, bras dessous, et lorsque Claude suggéra une promenade en voiture, elle s’empressa d’accepter. Elle laisserait la sienne garée à l’endroit où elle l’était pour le moment.
Ils demeurèrent silencieux durant le trajet. Pascale tenta de s’emparer de la braguette de Claude pour dégager ce sexe qu’elle rêvait de découvrir sous l’étoffe rugueuse de son pantalon, mais en fut incapable. D’un geste à la fois tendre et ferme, Claude éloigna sa main, l’embrassa langoureusement et inséra sa propre main entre les cuisses brûlantes de Pascale. Elle écarta les jambes, lui laissant entrevoir l’ampleur de son désir et tentant de lui rendre l’accès à son intimité plus aisé.
Claude quitta bientôt l’artère principale et se dirigea vers la montagne qui surplombait la ville, et dont le sommet procurait une vue imprenable sur celle-ci. La voiture serpenta le long de la route, avant de s’arrêter dans une des aires de stationnement. Claude coupa le contact, sortit une épaisse couverture du coffre, prit la main de Pascale et la guida le long d’un sentier qui lui semblait familier. Après seulement quelques minutes de marche, Claude étendit la couverture sur le sol et demanda à sa nouvelle flamme de se tenir debout et d’admirer le scintillement de la ville, plus bas. Elle obéit sans un mot et en proie à une moite anticipation. Claude s’agenouilla devant elle et remonta la jupe qui lui enveloppait les hanches. Puis, la culotte de la jeune femme disparut. Pascale écarta légèrement les jambes pour laisser une main la caresser si délicatement qu’elle se demanda si on la touchait réellement, ou bien si cette sensation était seulement due à la brise exceptionnellement douce de cette merveilleuse soirée d’automne.
Lorsqu’elle sentit un doigt s’insérer en elle. Pascale put constater à quel point elle avait besoin de ce contact. Elle était si lubrifiée qu’elle en fut presque embarrassée, l’espace d’un instant. Car Claude avait glissé un deuxième doigt en elle et s’abreuvait maintenant de sa jouissance, dardant furieusement sa langue sur le minuscule point de chair qui la faisait frémir. Elle sentait ses fesses broyées, tandis que la bouche s’écrasait sur son clitoris. Claude devint plus gourmand, aspirant la chair entre ses lèvres, l’écorchant de ses dents. Pascale ne savait plus très bien ce qu’il lui infligeait, mais peu lui importait. Elle avait maintenant les cuisses et les fesses inondées d’un liquide onctueux que Claude insinuait entre ces dernières. À tel point que lorsqu’un autre doigt s’inséra derrière, Pascale fut agréablement étonnée de l’absence de douleur et du plaisir qui l’assaillit. Claude fouillait son corps de partout, l’envahissant jusqu’au plus profond de son être. Elle se sentait balancée par le mouvement alternant des deux mains qui jouaient avec son corps comme du plus exquis violon, et bientôt, elle jouit avec une intensité écrasante. Chancelante, elle s’étendit sur la couverture, n’ayant que faire de la vue splendide qui s’offrait à elle. Elle ne voulait plus qu’une chose : lui arracher ce pantalon qui gardait prisonnier un membre sans doute fort agréable à manier. Toutefois, ce souhait ne semblait pas être partagé par Claude, qui se contenta de s’étendre au-dessus d’elle, obligeant le sexe assoiffé de Pascale à se frotter seulement contre la toile de son pantalon. Elle n’avait même pas repris son souffle que, déjà, il revenait à la charge d’une main pressante. Il roula sur le côté et s’empara de son sexe gonflé de désir en l’écartant doucement, puis appuya d’une façon étonnamment précise un doigt sur son organe le plus sensible, ce qui déclencha chez Pascale un nouveau torrent de plaisir. De petits chocs électriques parcoururent le corps entier de la jeune femme, qui abandonna aussitôt toute idée d’initiative, se laissant bercer au rythme des assauts que son amant lui imposait. Il prenait son temps, narguant, mordillant, caressant. Il devait être musicien pour avoir tant de talent au bout des doigts ! Elle sentait sa jouissance imminente la soulever comme une vague de fond. Puis, elle perdit tout sens de la réalité et vécut un gigantesque orgasme. Elle mit plus de temps à récupérer et pensa même s’être assoupie. Elle ouvrit les yeux, vit que Claude avait déboutonné son corsage et embrassait maintenant ses seins avec une douceur extrême. Cette tendre attention, à l’opposé de la précédente agression, excita Pascale de nouveau.
Puis, Claude sourit et se releva brusquement.
— Je reviens tout de suite… Ne bouge surtout pas, j’ai une idée.
Pascale le vit courir vers la voiture et en retirer une paire de solides gants de cuir, qu’il glissa sur ses mains. Leur contact sur sa peau la fit frissonner, comme si quelqu’un d’autre venait de se joindre à eux. Elle ferma les yeux et se laissa caresser par ce toucher étrange, rude, mais combien agréable. Claude s’agenouilla entre ses cuisses trempées et laissa la main gantée parcourir ce corps brûlant. Puis, l’un des doigts de cuir pénétra la douce chair. Le noir du cuir contre le blanc des cuisses et le rose des lèvres était tout simplement saisissant. Pascale souleva les fesses de plaisir devant cette invasion surprenante, un plaisir qui fut décuplé lorsque l’autre main gantée compléta les caresses à l’entrée de son sexe accueillant. La jeune femme ne songea même pas à le réclamer en elle, se contentant de jouir, une fois de plus, sous cet assaut.
Il était près de minuit quand Claude raccompagna Pascale à sa voiture. Ils échangèrent un tendre baiser, et Pascale ne put s’empêcher de penser qu’elle ne le reverrait sans doute jamais. C’était dommage, mais sûrement mieux ainsi. Les quelques heures qu’elle venait de passer en sa compagnie demeureraient inoubliables, elle en garderait un excellent souvenir. D’ailleurs, qu’aurait-elle attendu de plus de la part de Claude ? Ils n’avaient tous les deux aucun point commun. Elle lui reconnaissait certes un talent merveilleux, pour ne pas dire exceptionnel, voire extraordinaire. Si extraordinaire qu’elle ne put s’empêcher, l’espace d’un instant, d’avoir une idée saugrenue en tête. Elle regarda son amant partir et suivit sa voiture de vue le plus longtemps possible, avant de mettre la sienne en marche. L’heure tardive lui permettrait de l’espionner à une bonne distance, c’était parfait. Elle le suivit ainsi jusque chez lui, convaincue d’être restée invisible et qu’il ne se doutait de rien. Elle nota l’adresse et partit enfin dormir d’un sommeil réparateur.
Claude, de son côté, se coucha ce soir-là avec le sentiment agréable du devoir accompli. Sa mission avançait plutôt bien. Trois « jeunes divorcées » sur quatre, c’était pas mal en si peu de temps ! Peut-être que bientôt, ces quatre femmes pourraient se revoir, se réconcilier et avouer que les mâles n’étaient pas tous aussi pourris qu’elles le pensaient. Claude savait pertinemment qu’elles avaient toutes joui de façon suffisamment spectaculaire pour oublier le fait qu’elles avaient partagé le même homme. Ce détail pourrait même, éventuellement, les aider à redevenir amies. Tout était donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, et Claude considérait avec fierté avoir contribué à redorer le blason de la gent masculine.
Il ne lui restait plus qu’à trouver une idée géniale pour séduire la quatrième, Lina. Mais à en juger par la facilité avec laquelle les autres avaient succombé…
— Je te le jure, Lina, c’était absolument incroyable !
— Voyons, à ce point-là ?
— Je comprends maintenant pourquoi Véronique voulait le garder pour elle toute seule !
— Donc, il n’y a finalement que moi qui n’ai pas profité de ce fameux Claude…
— Oui. Pour le moment, du moins…
Pascale était intarissable, et Lina en avait plus qu’assez de l’entendre répéter tout ce que Claude lui avait fait. Oui, Pascale était sa meilleure amie. Oui, elles se racontaient tout. Oui, elle était heureuse pour sa copine. Mais là, Pascale commençait à l’énerver. Jusqu’à ce qu’elle lui fît une suggestion alléchante :
— Dis, pourquoi n’irais-tu pas lui rendre visite, à ce cher Claude ? Je sais où il habite, et d’après ce qu’on peut constater, il n’en est pas à une conquête près…
— Tu veux que j’aille chez lui ? Et quoi, ensuite ? Que je lui sorte une phrase intelligente, du genre : « Bonjour ! Il paraît que tu as fait jouir mes amies de manière exceptionnelle. Et comme je ne me suis pas amusée depuis des années, pourrais-tu m’aider ? ». Non, je ne crois pas que ce soit une bonne idée.
— Idiote ! J’avais plutôt pensé à quelque chose du genre : « Bonjour. C’est Pascale qui m’a donné ton adresse, et j’étais dans le coin. Oui, elle prenait le même chemin que toi pour rentrer chez elle, l’autre soir, et a vu où tu habitais. Et elle voulait absolument que je te remette ceci ».
Joignant le geste à la parole, Pascale exhiba l’un des gants que Claude avait utilisé pour la faire jouir, la troisième fois. Lina était étonnée par la débrouillardise de son amie. Cette dernière lui jura bien que ce n’était qu’un hasard, que ce gant avait dû tomber de sa poche quand Claude l’avait raccompagnée jusqu’à sa voiture. « Hum… ça pourrait bien marcher… », se dit Lina, songeuse.
Elle pensa et repensa au scénario mis au point par Pascale. L’idée était bonne, pour ne pas dire géniale, et elle aurait été stupide de ne pas en profiter. De toute évidence, Claude n’avait pas d’attache particulière, et avec un peu de chance, la soirée se terminerait de façon agréable. Le pire qu’il pourrait lui arriver, de toute manière, ce serait de retourner chez elle et d’oublier toute cette histoire. C’était décidé, elle mettrait le plan à exécution mercredi soir, assez tard pour avoir de bonnes chances que Claude soit chez lui et assez tôt pour qu’il ne soit pas trop fatigué, au cas où…
Le mercredi venu, elle s’habilla avec soin et revêtit ses plus beaux sous-vêtements, porta une attention particulière à sa coiffure et n’oublia surtout pas de déposer quelques gouttes de parfum à quelques endroits stratégiques. Elle stationna non loin de l’immeuble dans lequel résidait Claude, prit une profonde inspiration et sortit de sa voiture. Elle tentait tant bien que mal de se détendre, quand elle réalisa qu’elle ne connaissait pas le numéro de l’appartement visé. Elle vérifia les plaques postales des quatre résidants et lut, sur la seconde : « Claude Paré, 2B ». Comme il n’y avait pas d’autres Claude dans l’immeuble, celui-là devait être le bon. Elle monta l’escalier et se retrouva devant la porte du logement 2B. Une douce musique s’en échappait, si bien que Lina faillit tourner les talons. « Et s’il n’est pas seul ? » se demanda-t-elle. Une petite voix lui souffla alors : « Il a fait assez de conquêtes dernièrement, donc il est seul. Si ce n’est pas le cas, remets-lui le gant et pars, c’est tout ! Il ne devinera pas nécessairement tes intentions, après tout ! ».
Lina écouta ce conseil et frappa discrètement à la porte. Rien. La petite voix lui dit, cette fois-ci : « Tes coups étaient si faibles que même moi, je ne t’aurais pas entendue ! ». La jeune femme cogna donc plus fort et entendit rapidement des pas s’approcher.
Claude vint enfin lui répondre. Semblant tout juste sortir de la douche, son corps n’était recouvert que d’une serviette, retenue d’une main sur la poitrine.
— Claude, excuse-moi, je te dérange…
Lina était confuse. Elle aurait dû penser qu’elle avait de la chance de trouver Claude chez lui, qui plus est en tenue si légère. Toutefois, quelque chose clochait sans qu’elle puisse tout à fait identifier de quoi il s’agissait.
Ce fut à cet instant que Claude la reconnut… et échappa la serviette, révélant enfin à Lina ce qui lui avait échappé : les « jeunes divorcées mal baisées » s’étaient encore fait avoir. Claude n’était effectivement pas comme tous les autres hommes qu’elles avaient rencontrés. Dans sa fébrilité, elle n’avait pas remarqué à l’entrée de l’immeuble la mention « Mme » devant « Claude Paré »…