Justine nageait en pleine obsession. Elle se trouvait dans une impasse depuis plusieurs mois, et comme elle n’avait jamais connu ce genre de situation auparavant, elle était désemparée. Il ne s’agissait pas d’un cul-de-sac tragique aux conséquences graves, du moins en apparence : sa vie n’était pas en danger, elle n’était pas malade, démunie ou menacée par un quelconque fléau. Non, il s’agissait juste d’Adam ; d’Adam qui attendait là, immobile dans sa peinture, rêvant d’être achevé.
Adam, c’était son fétiche, son idéal, son rêve. Elle avait commencé à le peindre deux ans plus tôt, et n’arrivait toujours pas à se résoudre à lui donner la touche finale qui le compléterait. La toile sur laquelle il figurait était immense. L’homme se tenait debout, les jambes écartées et les bras ramenés derrière la tête, ses cheveux bouclés couleur miel caressant ses épaules massives. Ses yeux translucides affichaient un air de lubricité coquine ; celle d’un homme qui se savait irrésistible et qui en profitait, en abusait, même. Son corps ciselé semblait vouloir se mouvoir lascivement et prendre vie. Sa bouche, aux lèvres pleines, avait l’air d’espérer qu’un corps de femme apparaisse pour l’embrasser. Il se tenait là, debout, attendant qu’on le conquière… lui et la montagne d’argent qu’il surplombait.
Justine était convaincue que son tableau d’Adam, si elle se décidait à le terminer, changerait sa vie ou, du moins, qu’il représenterait le début d’une ère nouvelle, le lancement officiel de sa carrière d’artiste. Elle croyait que son talent se dévoilerait dans toute sa splendeur grâce à ce tableau, même si ce dernier était encore inachevé. De plus, elle était souvent bouleversée par d’autres images magiques, des idées de tableaux éblouissantes qui se bousculaient dans sa tête et n’attendaient que sa main pour se manifester. Elle avait tant de projets ! Néanmoins, toutes ces visions merveilleuses refusaient de prendre vie tant qu’Adam était en chantier.
C’était ça, son problème. Justine savait maintenant que tant qu’elle ne l’aurait pas complété, il était inutile de tenter d’amorcer une autre toile. Elle avait essayé de le faire à plusieurs reprises, mais chaque fois que son regard tombait sur Adam, tout nouveau projet devenait fade, inintéressant. Adam l’obsédait, la hantait.
Il ne lui manquait pourtant pas grand-chose, concrètement. Mais même le peu qu’il restait à donner à cette toile devait être parfait. Justine avait effectivement créé Adam avec différentes parties d’hommes qu’elle avait déjà connus et qui avaient été significatifs pour elle. La tête, par exemple, avec ses boucles dorées et son sourire irrésistible, était celle d’Alexandre. Celui-ci était étudiant, en même temps qu’elle, à l’école des Beaux-arts. Elle l’avait remarqué dès le premier jour, désarçonnée par sa beauté si frappante. Justine était en effet une esthète depuis sa naissance ; la beauté, sous toutes ses formes, l’enchantait, l’émouvait. Mais dans le cas d’Alexandre, c’était presque trop puissant, et malgré l’arrogance et l’assurance qu’affichait le jeune homme, elle avait été séduite sur-le-champ.
Après quelques semaines au cours desquelles Justine l’admirait et le désirait de plus en plus, rêvant de lui les soirs de solitude et tentant déjà d’esquisser son visage sublime sur divers petits bouts de papier, Alexandre l’avait accostée, en sortant d’un cours un vendredi après-midi, pour l’inviter à prendre un verre. Il n’avait d’ailleurs pas semblé douter un instant de sa réponse, puisqu’il l’avait guidée sans attendre d’un pas sûr vers l’extérieur du bâtiment. Une fois installés devant une bière bien mousseuse, il lui avait dit tout naturellement : « J’ai autant envie de toi que tu as envie de moi ».
Elle avait voulu protester, mais c’était inutile. Elle le désirait avec une intensité surprenante. Elle n’avait jamais encore fait l’amour avec un homme si beau et était déjà impatiente de découvrir quel genre d’amant il était. Se jetant à l’eau, elle avait simplement répondu : « Alors, qu’est-ce qu’on fait encore ici ? ».
Elle l’avait suivi jusque chez lui sans poser de question. Elle voulait juste être à ses côtés, dans un lit ou sur une surface confortable quelconque, avec le moins de vêtements possible.
Il avait refermé la porte derrière elle et s’était installé lascivement dans un fauteuil, la laissant venir à lui. Elle s’était approchée lentement, s’était agenouillée devant lui et avait déboutonné sa chemise. Puis, elle avait embrassé son ventre et son torse, chatouillé son cou de petits baisers et enfin goûté cette bouche qu’elle possédait en rêve depuis des semaines. Ses lèvres étaient douces et pleines, d’une sensualité divine. Il embrassait comme un dieu, glissant sa langue dans la bouche de Justine délicatement, presque timidement, avant de s’imposer davantage et de devenir gourmand. Il avait bientôt déboutonné la chemise de Justine et embrassé ses seins tendus, les effleurant de sa langue jusqu’à ce que leur pointe se dresse. Justine admirait les magnifiques cheveux d’or de son amant, ses longues boucles lestes se balançant doucement sur ses épaules. Elle les avait caressés, étonnée et ravie de leur douceur, de leur souplesse. Elle avait subitement eu envie de voir si la pilosité de l’entrejambe de l’étudiant était de la même teinte que celle de son cuir chevelu. Elle avait donc défait les boutons de son pantalon et en avait dégagé son sexe, satisfaite de voir l’érection du jeune homme lui sauter en plein visage. La courte toison qu’elle avait découverte sur place était plus foncée, mais contenait des reflets aussi dorés que les cheveux de son propriétaire. Elle avait alors glissé le membre tendu dans sa bouche et s’en était régalée. Sa bouche l’avait agacé, tété, enduit abondamment de salive, avant de le lécher pour l’imprégner à nouveau, puis l’engloutir plus profondément. Alexandre semblait apprécier ses gestes et lui cajolait la nuque de façon encourageante. Justine avait joint une main à sa bouche talentueuse, la faisant glisser le long du membre grossissant, le serrant doucement entre ses doigts agiles. Au bout d’un moment, comme Alexandre ne semblait pas vouloir l’interrompre, Justine s’était relevée et avait à son tour retiré ses vêtements. Puis, elle s’était allongée au-dessus de son amant, pressant le membre gonflé du jeune homme contre son sexe humide. Elle l’avait alors de nouveau embrassé et avait senti la main d’Alexandre s’insinuer entre ses cuisses. Il avait délicatement frotté sa peau frissonnante, jusqu’à ce qu’au comble de l’excitation, Justine le glissât finalement en elle, lentement, délicieusement. Son corps s’était ensuite soulevé progressivement, retombant avec davantage de force sur le membre bien dressé. Elle le chevauchait maintenant avec passion et espérait qu’il continue à la caresser. Qu’il était beau ! Son visage avait pris une expression mi-rêveuse, mi-moqueuse, celle d’un ange taquin. Et ses magnifiques yeux verts aux cils presque trop longs la regardaient si intensément qu’elle se liquéfiait de plaisir. Justine avait senti, en le regardant, qu’il la laisserait se servir de son corps et de sa beauté à sa guise ; à elle d’en profiter, donc. Il voulait qu’elle lui fasse l’amour ? Eh bien, elle ne s’en priverait pas ! Elle s’était alors retirée et avait attiré Alexandre sur le sol, où il s’était étendu sur le dos. Justine avait défait la ceinture de son pantalon et noué ses poignets au pied du divan. Les beaux yeux verts avaient aussitôt davantage pétillé. Voyant là, à sa merci, cet homme trop beau pour être réel, Justine avait senti son ventre se nouer d’excitation. Elle s’était approchée de sa victime et avait placé ses jambes de chaque côté de sa tête. Elle s’était caressée ainsi, juste au-dessus du visage de son amant, glissant un doigt à l’entrée de son sexe moite et en chatouillant sa chair la plus tendre. Puis, elle s’était agenouillée, déposant son entrecuisse sur les lèvres sublimes d’Alexandre, qui l’avait tant et si bien embrassé, caressé, mordillé que Justine s’était crue prête à jouir. Toutefois, comme elle voulait retarder au maximum ce moment merveilleux afin de le savourer davantage, elle s’était relevée, pour ensuite s’asseoir sur le membre érigé d’Alexandre et le chevaucher.
Justine avait alors mis tout son savoir-faire à l’œuvre. Elle avait lentement inséré la verge d’Alexandre en elle, s’abaissant sur lui millimètre par millimètre pour que ses muscles l’enrobent délicieusement. Une fois bien ancrée, elle avait davantage appuyé ses gestes, sentant tout au fond de son ventre une merveilleuse pression l’envahir. Elle s’était ainsi doucement et délibérément balancée, guidant la main d’Alexandre entre ses cuisses ouvertes. Il l’avait docilement caressée, recueillant entre ses doigts une lotion onctueuse. Justine avait vraiment envie de jouir. Elle avait donc commencé à se mouvoir, accélérant lentement sa cadence pour atteindre un rythme effréné. Alexandre la caressait toujours, aussi savait-elle que sa jouissance serait imminente. Toutefois, après plusieurs longues minutes des plus agréables, Justine avait réalisé qu’elle n’atteindrait pas cette jouissance tant attendue. Alexandre s’était alors débattu avec ses liens, pressant autant qu’il le pouvait son corps contre celui de Justine, afin de s’enfoncer davantage en elle. Il s’était rué, les yeux plus brillants que jamais. Ce regard avait bien vite fait oublier à la jeune femme se propre frustration. Elle avait rebondi contre le sexe si invitant d’Alexandre, au point de le faire exploser, et tout à coup senti son propre corps inondé de la jouissance du jeune homme. Elle avait aussitôt défait les liens de son amant et s’était étendue près de lui sur la moquette, reprenant son souffle dans les bras du plus bel homme qu’elle ait jamais conquis.
Justine et Alexandre s’étaient revus à quelques reprises par la suite. Cependant, en dehors de leurs ébats, ils n’avaient pas grand-chose à partager. Justine le trouvait gentil et de bonne compagnie, mais il manquait de profondeur. De plus, il n’avait pas l’intention d’accorder ses faveurs à une seule femme, tandis que Justine, elle, ne tenait pas à se retrouver sur une liste d’attente ni à se plier à ses exigences. Ils avaient donc convenu de se quitter sans trop de remous, chacun retournant à la vie qu’il menait auparavant. Justine gardait toutefois un bon souvenir d’Alexandre, si bien que le visage du bel étudiant s’était tout naturellement imposé lorsqu’elle avait conçu Adam. Néanmoins, elle ne souhaitait conserver de lui que son visage.
Le corps de son sujet, quant à lui, aux muscles parfaitement dessinés, aux jambes longues et solides et aux bras puissants, appartenait à John. Celui-ci était plutôt du genre sportif ; pas un sportif de salon, mais un vrai. Justine l’avait remarqué lors d’une visite à l’immense parc surplombant la ville où elle se rendait régulièrement pour peindre et dessiner. Elle prenait du plaisir à observer les gens qui l’entouraient sur place : une mère et son enfant en train de s’émerveiller en faisant voler un cerf-volant ; un homme âgé assis sur un banc, semblant contempler la nature comme si sa vie défilait sous ses yeux ; un couple enlacé, marchant lentement et s’arrêtant régulièrement pour s’embrasser ; un jeune homme au pas de course, dont les vêtements étaient trempés de sueur. Un jeune homme dont les vêtements trempés laissaient deviner la perfection de son corps. Un jeune homme qui souriait à Justine. Hum… un très beau jeune homme au pas de course, en fait !
La première fois qu’elle l’avait vu, Justine s’était empressée de le dessiner, de peur de l’oublier. Retournant au même endroit plusieurs jours d’affilée, elle l’avait suffisamment croisé pour que son croquis se précise, ses traits de crayon habiles dévoilant la souplesse et la robustesse du corps du sportif. Le sixième jour, ce dernier avait terminé sa course devant elle et l’avait questionnée au sujet de son dessin. Il s’exprimait en anglais et Justine, bien qu’elle ne maîtrisât pas la langue de Shakespeare, avait compris qu’il s’appelait John. Elle lui avait tendu le dessin. Il avait rougi en se reconnaissant, ce qui avait énormément plu à l’artiste, surtout après avoir vécu quelque temps auprès d’un Alexandre si habitué à se faire complimenter qu’il en était blasé.
Le jeune homme avait ensuite pris place à ses côtés et l’avait regardée dessiner. Profitant de sa proximité, Justine avait affiné quelques détails, précisé quelques traits ; un ombrage, une forme, une expression. Puis, elle lui avait montré le dessin achevé et le lui avait offert. Fier, John l’avait roulé méticuleusement, glissé dans sa veste et était reparti au pas de course. Justine ne l’avait revu que le lendemain.
Ce jour-là, il avait débouché du sentier habituel, mais en marchant, cette fois-ci. Il s’était arrêté devant elle, lui avait fait un large et charmant sourire auquel Justine avait répondu aussi sincèrement. Il lui avait alors tendu une main, qu’elle avait prise avec un naturel désarmant, et ils avaient marché ensemble, en silence, jusqu’à la sortie du parc. Justine se sentait bien. Elle déambulait avec un parfait étranger, mais tout ceci lui semblait juste, normal. Le silence qu’ils partageaient n’avait rien de déroutant, au contraire. Les chauds rayons du soleil caressaient le couple, et une douce brise s’était soulevée. Justine avait fermé les yeux un moment, toute à son bien-être, et John avait délaissé sa main pour mettre un bras autour de son épaule. Elle s’était alors appuyée contre le corps solide du jeune homme, avait encerclé sa taille et s’était laissée guider.
Ils avaient marché longtemps, n’échangeant que quelques mots, ça et là, sur le plaisir qu’ils ressentaient à être ensemble. Le silence était d’or : aucune question sur la vie de l’autre, pas d’échange de banalités pour tenter de deviner ses intentions, pas de paroles inutiles. Ils avaient abouti sur une place fort animée où des mimes, des jongleurs et d’autres amuseurs éblouissaient les passants. John s’était arrêté un moment pour offrir une rose à Justine, qui en avait respiré le parfum, avant de la glisser dans ses cheveux. Ils avaient passé quelques instants à admirer la foule et son entrain, puis s’étaient engouffrés dans un petit bistro. Ils y avaient mangé en se souriant, ni l’un ni l’autre ne s’aventurant dans une conversation qui aurait pu être difficile à cause de leur langue maternelle différente. Ils se contentaient de s’observer mutuellement en riant. Ils avaient ainsi mangé et bu, puis bu encore.
La soirée était bien entamée quand un petit orchestre avait pris place sur la scène minuscule du bistro et réchauffé l’atmosphère avec des airs langoureux. John avait invité Justine à danser, et elle s’était blottie tout contre lui, laissant la musique et l’ambiance s’emparer d’elle. Elle était si bien ! John la surplombait d’une bonne tête, et elle se sentait minuscule, protégée dans ses bras. Il dansait de façon admirable et la berçait au rythme de l’orchestre. Quand il l’avait enfin embrassée, Justine avait eu l’impression qu’ils se connaissaient depuis des années. Elle avait immédiatement eu terriblement envie de le ramener chez elle. Elle avait ramassé son sac, pris la main de John et l’avait attiré hors du bistro.
Ils étaient arrivés chez elle en l’espace de quelques minutes et, sitôt la porte refermée, s’étaient retrouvés nus, enlacés, baignant dans la lumière des néons de la rue qui se réverbéraient à travers les immenses fenêtres du loft. Ils s’étaient embrassés passionnément, comme un couple uni qui se serait revu après une trop longue absence. Puis John l’avait soulevée, pour la déposer délicatement sur le lit défait. Il avait pris la rose glissée dans les cheveux de Justine et avait semé les somptueux pétales sur les lèvres entrouvertes de la jeune femme, pétales avec lesquels il avait ensuite dessiné le contour de son visage, parcouru sa gorge, le galbe des seins. Il avait ainsi lentement fait le tour de sa nouvelle maîtresse, effleurant à peine sa peau frissonnante. Puis, il avait posé sa langue sur les mamelons dressés de Justine, qui en avait apprécié le toucher aussi délicat que celui de la rose. Cette sensuelle fleur avait bientôt doucement caressé son ventre, ses côtes, ses jambes, ses pieds… Justine désirait cet homme à un point tel qu’elle en était paralysée. Son ventre tremblait, ses seins gonflaient, ses cuisses s’écartaient. La rose avait, de son côté, de nouveau parcouru ses jambes, chatouillant l’intérieur de ses cuisses ouvertes jusqu’à son sexe avide, où John l’avait embrassée tendrement. Justine se sentait ruisseler sous son haleine, de douces crampes contractant son ventre. Elle ne voulait plus qu’une chose : qu’il la pénètre, son corps immense au-dessus du sien, leur visage l’un contre l’autre. John semblait avoir compris sa demande silencieuse, car il avait alors interrompu sa caresse et s’était inséré entre les jambes de Justine, forçant son membre dans l’antre luisant. Justine avait aussitôt ressenti une sensation de bien-être. Puis, John l’avait soulevée, l’asseyant sur ses cuisses. Elle avait enroulé les jambes autour de sa taille et s’était balancée le long de la verge aussi imposante que le reste du corps du sportif. Le sexe de John l’emplissait magnifiquement, paraissant s’enfoncer en elle indéfiniment et provoquant d’intenses frissons de plaisir qui, elle en était certaine, la feraient jouir d’un moment à l’autre. Mais John avait d’autres intentions. Il l’avait soulevée plus haut, accentuant la force de sa pénétration, si bien qu’après quelques instants, il s’était répandu en elle en poussant un profond et interminable soupir. Justine était un peu déçue, se croyant si proche d’un orgasme retentissant… mais voilà que déjà, la queue de John reprenait vie, se frottant contre sa cuisse chaude ! Effectivement, le sportif l’avait invitée à se retourner sur le ventre et, sans perdre une seconde, s’était enfoui en elle en lui soulevant les hanches. Justine avait très vite senti la tension monter et les frissons revenir. Elle s’était doucement caressée, tentant de trouver le rythme propice avec la fougue de John. Toutefois, l’orgasme tardait à venir. Elle était pourtant comblée, comme en témoignaient la rougeur de ses joues, la fine sueur perlant au-dessus de sa bouche et les palpitations de son ventre. Elle avait alors décidé de se caler davantage contre John, qui s’activait toujours avec une vigueur toute à son honneur. Quand elle s’était finalement soulevée sur les bras et les genoux afin d’offrir une meilleure prise à son assaillant, le rythme de son amant était devenu frénétique. Il s’était violemment rué en elle, lui martelant presque la tête contre le mur. Justine avait l’impression qu’elle ne pourrait pas se contenir longtemps, son sexe broyé au point de fondre littéralement sous l’assaut. Elle avait alors pris une profonde inspiration, afin de se préparer à la vague de jouissance qui… s’était interrompue avec la seconde éjaculation de John.
Il s’était effondré près d’elle et l’avait tendrement serrée tout contre lui. Justine s’était levée, avait mis de la musique, était retournée se réfugier dans ces bras sécurisants et s’était endormie comme une enfant.
Ils avaient refait l’amour quatre fois cette nuit-là, et leurs ébats s’étaient poursuivis jusqu’à l’après-midi du jour suivant. Le moins que Justine puisse dire au sujet de John, c’était qu’il était fringant ! Dès qu’il avait joui, il était en effet prêt à recommencer. Justine souhaitait seulement qu’il ne jouisse pas aussi rapidement, de manière à ce qu’elle puisse, elle aussi, y trouver son compte. Mais c’était inévitable. Dommage, bien sûr, mais pas catastrophique. Justine se disait qu’à force de le connaître, elle trouverait un moyen délicat de lui faire comprendre ce petit détail, qui se réglerait alors de lui-même.
Cela s’était malheureusement avéré impossible. Quelques jours plus tard, Justine avait de plus appris que John n’habitait pas la même ville qu’elle. Il n’était que de passage et devait partir incessamment s’entraîner en vue des prochains Jeux olympiques. Néanmoins, il se prétendait déjà amoureux d’elle et voulait qu’elle le suive… Justine y avait songé un moment, puis s’était rendue à l’évidence : elle ne quitterait pas sa ville natale, celle où elle avait toujours vécu, pour s’installer ailleurs, dans un endroit étranger où l’on parlait une autre langue que la sienne, simplement pour les beaux yeux de John. Elle l’aimait bien, mais n’était pas si impulsive que cela. John était terriblement déçu. Il l’avait finalement quittée, en lui promettant qu’il lui téléphonerait quand il reviendrait dans les parages. Justine se disait maintenant qu’il serait sans doute flatté de savoir qu’elle avait doté Adam de son corps splendide…
Finalement, il y avait eu Antoine. Elle l’avait rencontré à une exposition fort courue. Son nom complet était Antoine-Xavier de Landreville junior. Elle avait presque ri en entendant ce nom prétentieux. Antoine transpirait l’aisance, l’élégance et toute l’assurance que l’argent pouvait procurer. Au cours de la soirée, avouant s’ennuyer à mourir, il l’avait entraînée hors de la galerie et l’avait emmenée manger au restaurant le plus chic de la ville. Le maître d’hôtel l’avait salué cérémonieusement « Monsieur de Landreville » à leur arrivée sur place. On leur avait apporté du champagne, sans même qu’Antoine ait à le commander, et on les avait traités comme des membres de la royauté. Dès cette première soirée, Justine avait pressenti qu’un destin semblable l’attendait, qu’elle profiterait elle aussi, un jour, d’autant de luxe et de liberté.
Elle n’avait pas été amoureuse de cet homme ; c’était sa situation, sa nonchalance envers les petits plaisirs de la vie qui l’excitaient au plus haut point. Elle avait fait avec lui des folies extravagantes — aussi bien sexuellement que matériellement — et cela l’enchantait. Avec lui, elle pouvait se permettre d’être celle qu’il voulait : pute de première classe, petite amie colleuse, amie, confidente, maîtresse défendue…
Ils s’étaient fréquentés durant quelques mois, au cours desquels Antoine avait emmené Justine fêter son anniversaire aux Bahamas. Ce soir-là, le couple avait passé une bonne partie de la soirée au casino de l’hôtel. Ils avaient beaucoup joué, misant des sommes faramineuses. Et cela avait rapporté gros…
Toute la soirée, la chance avait effectivement souri à la jeune femme, et chaque fois qu’elle gagnait, elle sentait son sexe s’ouvrir davantage, laissant perler une petite goutte salée sur sa culotte de satin. Rien ne semblait lui résister, et le magot amassé devenait, heure après heure, plus important. Elle avait continué à jouer jusqu’à ce qu’elle jugeât que ses gains étaient suffisants pour passer à autre chose.
Son but atteint, elle avait insisté pour qu’on fît monter la somme dans leur chambre plutôt que de la garder dans le coffret de sûreté. Devant son air suppliant doublé de son sourire irrésistible, le caissier avait exaucé ses souhaits et fait apporter à leur suite, quelques instants plus tard, un énorme sac rempli de billets, ainsi qu’une bouteille de champagne offerte par la maison. Justine s’était aussitôt emparée du sac d’argent et en avait répandu le contenu sur le drap en satin recouvrant le lit immense. Elle était demeurée immobile un moment, les yeux rivés sur la montagne de rêve. Puis, elle s’était lentement déshabillée devant Antoine. Ne conservant que ses chaussures, elle s’était ensuite langoureusement étendue sur le lit. Son petit air aguicheur s’était rapidement transformé en une joie toute enfantine. Les chaussures avaient volé, et Justine s’était mise à danser et à sauter sur le lit, éparpillant les billets à pleines mains, glissant sur le satin et se laissant tomber de tout son long, chaque pore de sa peau savourant le contact rugueux du papier. Tant d’argent… Justine avait vu en un éclair tout ce qu’elle pourrait s’offrir avec seulement une fraction de cette montagne. Elle s’était peu à peu calmée, s’était étendue, avait écarté les jambes et fait signe à Antoine de venir la rejoindre.
Cependant, ce qui excitait tant Justine, c’était moins Antoine lui-même que la tonne de billets sur lesquels son corps reposait, à tel point qu’elle s’était emparée de quelques papiers et les avait lentement frottés sur sa poitrine, effleurant ses seins généreux. Puis, ses mains en avaient agrippé davantage, recouvrant lentement son corps entier. Avec cette couverture impromptue, elle s’était frottée le cou et le visage, humant l’arôme subtil des billets, avant d’en glisser un presque neuf entre ses cuisses entrouvertes. Le papier s’y était graduellement froissé. Puis, elle l’avait enroulé autour de son majeur et l’avait introduit en elle délicatement, afin de ne pas meurtrir cette chair si fragile. La délicatesse n’avait cependant pas duré et, à peine quelques instants plus tard, son doigt allait et venait au plus profond de son corps, écorchant et labourant son sexe humide. Elle avait alors aperçu Antoine qui la regardait et s’était relevée, le saisissant par la queue, autour de laquelle elle avait enroulé plusieurs billets. Elle l’avait ensuite masturbé, sa main frottant contre le papier, la verge qu’elle tenait grossissant sans cesse. Puis, elle avait écarté les jambes et avait guidé son amant entre ses cuisses ouvertes, accueillant ce membre recouvert de l’étrange condom de papier qui disparaissait rapidement dans sa chair. Les doigts d’Antoine la caressaient profusément, faisant jaillir d’elle de petits jets de sève qui imbibaient davantage sa queue. Justine haletait et gémissait de plus belle.
Elle s’était bientôt retournée, afin d’admirer la substance tant convoitée, de s’y frotter les seins et de s’en caresser. Le bruissement des billets froissés était agréable à son oreille comme à son nez, car ils avaient absorbé l’odeur des deux sexes enflammés. Antoine l’avait alors pénétrée avec force, la projetant vers l’avant sans pitié, jusqu’à ce qu’il se retire et jouisse, répandant son propre jet de jouissance sur des billets de cent dollars. Justine s’en était aussitôt emparée, les avait léchés et déposés sur sa poitrine, se caressant toujours, laissant avec gratitude la langue de son amant asperger ses lèvres intimes meurtries. Toutefois, après plusieurs coups de langue pourtant fort agréables, Justine avait compris que, cette fois encore, elle ne connaîtrait pas les secousses de bonheur qu’elle attendait. Elle avait donc davantage haleté, puis s’était lancée dans une feinte élaborée qui avait convaincu son amant, pour enfin se laisser retomber, quelques billets froissés, trempés et rugueux sous les fesses.
Justine avait adoré cette soirée même si elle n’avait pas joui autant qu’elle l’espérait, et c’était ce qu’elle avait voulu retranscrire quand elle avait peint la montagne d’argent sous les pieds de son Adam.
Cependant, elle n’appréciait pas Antoine autant qu’elle l’aurait souhaité. Elle lui trouvait, certes, de nombreuses qualités, mais son charme principal, même si elle détestait se l’avouer, était son compte en banque. C’était pourtant un homme merveilleux : généreux, respectueux, il savait lui faire plaisir et en avait les moyens. Il était assez attirant et un amant convenable… mais Justine sentait qu’il lui faudrait le quitter pour éviter de le blesser à force de profiter ainsi de ses largesses sans en être amoureuse. Et c’était ce qu’elle avait fait.
Enfin. Voilà pour le passé.
Pour le moment, et comme chaque fois qu’elle se remémorait ces merveilleux souvenirs, Justine n’était pas plus avancée qu’avant. Elle ne flottait pas sur un immense lit recouvert de milliers de billets de cent dollars, n’était en compagnie d’aucun des hommes avec qui elle avait passé de si bons moments, et Adam n’était toujours pas terminé.
Il manquait définitivement quelque chose à celui-ci ; qui plus est, quelque chose de vital : son sexe ! Justine ne l’avait même pas encore entamé. C’était la seule partie de son anatomie qui était encore manquante. L’artiste n’arrivait pas à se décider sur le genre de phallus que son Adam devrait arborer. Elle avait souvent envie de le rendre aussi superbe que le reste, d’une longueur et d’une grosseur digne d’un dieu, mais parfois, elle souhaitait plutôt qu’il soit comme celui du commun des mortels, avec juste ce qu’il fallait au bon endroit. Elle aurait sans doute pu s’inspirer de la verge d’Antoine, convenable, dodue et douce à souhait. Mais la performance de ce dernier au lit n’était pas particulièrement renversante. Elle aurait aussi définitivement pu — et y avait presque succombé à plusieurs reprises — lui donner celle de John, qui était celui des trois hommes dont elle gardait le meilleur souvenir. Toutefois, Justine tenait mordicus à ce que le sexe dont elle doterait Adam soit une copie conforme de celui qui, dans la vraie vie, lui ferait perdre la tête. Tous les Alexandre, John et Antoine de ce monde avaient certes de très nombreux atouts en leur faveur, mais aucun d’entre eux n’était arrivé à la faire jouir… du moins avec cet abandon et cette intensité dont elle entendait partout parler.
Une fois qu’elle aurait connu cet état de grâce, Justine était convaincue que le reste s’ensuivrait. Elle serait alors libérée de son obsession, pourrait enfin apporter la touche finale à Adam et peindre toutes les œuvres inestimables qu’elle se savait capable de réaliser. Elle se demandait, cependant, si elle réussirait à se défaire de ce personnage un jour. Quel prix pouvait-on fixer à une toile qui représentait tant de choses ? Adam lui apportait beaucoup. Même s’il n’était qu’une chimère, une image sortie tout droit d’un rêve, elle lui prêtait régulièrement vie et en tirait un précieux réconfort. Elle faisait en effet souvent appel à lui, le consultant sur telle ou telle conduite à adopter, surtout en période de crise. Il lui apportait sa sagesse muette, son soutien inconditionnel. Et quand elle se sentait seule, elle l’imaginait tout près d’elle, la serrant vigoureusement dans ses bras puissants. Lors de ces moments de solitude, elle forgeait la partie incomplète de l’anatomie d’Adam au gré de ses fantaisies. Ce sexe était alors généralement énorme, presque issu de mythes anciens, tant par sa taille que par son efficacité. Mais elle pouvait tout se permettre, après tout ! En plus de sa perfection sur le plan sexuel, Adam possédait ainsi toutes les qualités qu’elle recherchait chez un homme. Elle était si heureuse avec lui ! Ils formaient un couple parfait, intime, complice, amoureux. Elle était sa maîtresse, sa mère, sa sœur ; il était son amant, son père, son confident. Et l’amant était plus qu’exceptionnel. Adam ne lui faisait jamais l’amour deux fois de la même manière, ce qui était tout à fait concevable… puisqu’il changeait de queue à de chacune de leurs rencontres !
Toutefois, elle ressentait depuis peu un vide cuisant quand elle revenait à la dure réalité de son lit solitaire et froid, et qu’Adam avait repris sa place sur sa toile. Frustrée, elle se demandait quand et de quelle façon elle pourrait rencontrer le partenaire sexuel idéal, celui qui lui ferait assez d’effet pour qu’elle reproduise son organe. Quels souvenirs impérissables cet homme lui laisserait-il ? Qu’est-ce qui le distinguerait suffisamment pour qu’il puisse intégrer le même groupe sélect de ses amants dignes de prêter une partie de leur corps à Adam ?
Le sexe dont elle doterait son personnage devrait représenter le summum, l’apothéose de la virilité masculine. En effet, Justine en était convaincue, seule cette queue ultime pourrait finalement la faire jouir complètement. Si ni celle de John, ni celle d’Alexandre, ni celle d’Antoine n’y étaient parvenues, et elles étaient toutes trois de stature fort respectable, seul un format démesuré, voire époustouflant y arriverait.
À cette pensée, elle s’imagina un beau jour dans les bras de son Adam, le chevauchant follement, sentant son sexe immense lui distendre le ventre. Elle imaginait ses mains puissantes glisser sur sa chair enflammée, pétrir ses seins avec une douceur et une passion étonnantes. Elle pouvait sentir sa queue, dure comme du marbre, glisser en elle de plus en plus rapidement. Puis, elle la retirait et l’enfouissait dans sa bouche, s’appliquant à provoquer chez son amant de tendres gémissements, agaçant le gland si sensible, embrassant et aspirant chaque parcelle de ce membre énorme qui lui emplissait la gorge. Enfin, quand elle sentait Adam au bord de l’orgasme, elle le chevauchait de nouveau, lui imposant son propre rythme effréné et le torturant jusqu’à ce qu’ils connaissent une jouissance mutuelle. Elle se voyait transportée, secouée, abrutie de jouissance, hurlant son plaisir à s’en rompre les cordes vocales, sentant son corps s’abandonner aux délices les plus inimaginables.
Ce fantasme délectable fit aussitôt place à la déprime. Peut-être devait-elle tout simplement inventer un membre à sa hauteur et en finir une fois pour toutes ? Cela enlèverait sans doute un côté mystique à cet Adam idéal, mais elle devait peut-être courir ce risque, après tout.
Presque découragée, elle croyait cependant qu’elle n’y arriverait jamais. Ni à inventer la queue de rêve, ni à jouir à en hurler. Ne voulant pas sombrer davantage dans un miasme de noirceur et de déprime, Justine choisit de se changer les idées et de sortir un peu.
Le soleil se levait à peine que l’artiste était déjà à la tâche. Lui dormait paisiblement, et elle avait retiré le drap qui le recouvrait. Elle était encore abasourdie et se dépêcha d’installer son matériel, afin d’apposer enfin la touche finale à son Adam. Elle était certaine que Jacob ne verrait pas d’objection à ce qu’elle l’utilise à cette fin, mais voulait avoir terminé son opération avant qu’il ne s’éveille, au cas où il en prendrait ombrage. Il serait alors trop tard pour protester, son œuvre serait bel et bien complétée…
La première fois qu’elle avait joui sous les caresses de ce nouvel amant, elle en avait été tellement étonnée qu’elle avait attribué l’orgasme mirobolant qu’elle venait d’avoir aux effets de l’alcool qu’elle avait consommé en quantité déraisonnable. Elle s’en souvenait clairement. Jabob la pénétrait depuis un bon moment, quand il avait fait mine de se retirer. Mais il était resté là, du moins partiellement, ne laissant que l’extrémité de son membre frotter contre les parois de son sexe. Et là, elle avait chaviré. Presque trop doucement, Jacob l’agaçait, la torturait, appliquant juste ce qu’il fallait de pression sur sa chair tendre. L’orgasme était venu sans prévenir et l’avait secouée durant de longs et merveilleux instants.
La seconde fois, elle était déjà beaucoup plus sobre. Plus question de se rabattre sur les effets de l’alcool ! C’était véritablement le membre de Jacob qui provoquait ce délire. Il l’avait à ce moment-là caressée tout en la pénétrant, et Justine s’était laissée aller à une immense vague de jouissance qui l’avait transportée, inondant ses cuisses, aspergeant tout sur son passage.
Et la troisième fois, elle avait enfin su de quoi aurait l’air la queue d’Adam. Elle y avait d’ailleurs repensé toute la nuit, alors que Jacob dormait à côté d’elle.
Justine était maintenant assise devant Adam, les sourcils froncés, le regard allant du lit, sur lequel reposait son sujet, à la toile où Adam attendait patiemment sa virilité bien méritée. Elle haletait, totalement absorbée par son œuvre. Il fallait que chaque détail soit parfait. D’ailleurs, elle déchanta vite. Pourquoi avait-elle pensé qu’un seul organe, qui ne représentait finalement qu’une petite partie du corps humain, serait facile à exécuter, alors qu’il y avait en fait tant de subtilités dont il fallait tenir compte ? Dans ce cas-là en particulier, l’opération était même extrêmement périlleuse. La couleur de cette queue, par exemple, était loin d’être uniforme et prenait au contraire diverses nuances et intensités. Ce membre comportait de nombreux détails fort importants.
Justine avait peine à le croire. De tous les hommes peuplant la planète, il avait fallu que ce fût Jacob qui lui procure tant de plaisir. Au cours de toutes ces années où elle avait été frustrée, déçue de ses amants, Jacob, cet ami de toujours, attendait patiemment son tour sans rechigner, sans insister. C’était finalement lui qui avait réussi ce tour de force. Eh bien ! Elle allait tenir parole et reproduire la queue de Jacob le plus fidèlement possible sur le corps d’Adam. Une promesse était une promesse, et ce qu’il lui avait fait vivre valait largement qu’elle lui rende hommage.
Justine travailla près de deux heures avec acharnement et, à la fin, fut satisfaite du résultat. Elle recula de quelques pas, afin d’admirer le résultat final. L’artiste en elle n’était pas tout à fait convaincue de la perfection de l’ensemble, mais la partie d’elle intimement liée à chaque parcelle de l’homme peint était enchantée. Car Adam arborait enfin son membre tant attendu !
Une queue toute petite, mince et légèrement courbée vers la droite… mais quelle queue !