Frédéric se réveilla en sursaut. Un de ces réveils brutaux, comme lorsqu’un cauchemar nous tenaille et que nous avons l’impression d’y avoir échappé belle : sueurs froides, boule au creux de l’estomac, sensation qu’une catastrophe épouvantable est sur le point — ou vient tout juste — de se produire, cœur qui bat à un rythme effarant, poitrine dans un étau. Bref, un réveil atroce. Frédéric tenta de se relever d’un bond, mais en fut incapable.

« Mais qu’est-ce qui se passe ? » Il remarqua alors le tube émergeant de la surface de sa main et entendit l’horrible « bip, bip » d’une machine à son chevet. Il tenta de comprendre ce qui lui arrivait. Cependant, ses souvenirs émergeaient seulement par bribes floues. Il voyait bien qu’il se trouvait à l’hôpital, mais ne sut pas tout de suite comment ni pourquoi il y était arrivé.

Frédéric fit abstraction de la panique initiale qu’il ressentait et des multiples questions qui assaillaient son esprit, et se rendit bien vite à l’évidence : en dehors de son nom, il ne savait pas grand-chose. Il se rappelait vaguement de cette chambre pour s’y être déjà éveillé — une heure, une journée, une semaine auparavant ? —, et d’avoir vu un médecin l’examiner. Il se souvenait aussi d’avoir tenté d’expliquer à ce même médecin qu’il n’avait que des réminiscences de ce qui lui était arrivé. Celui-ci l’avait alors examiné plus en profondeur, n’avait rien décelé d’anormal et lui avait dit que sa mémoire reviendrait sans doute progressivement. « Vous avez reçu un coup sur la tête… Il faut bien s’attendre, dans ces cas-là, à quelques séquelles. Mais vous êtes jeune, en santé, et je ne crois pas me tromper en vous affirmant que le problème se réglera de lui-même d’ici quelques jours. » Hum ! Un coup sur la tête…

Frédéric tenta de se remémorer un détail, ne serait-ce que fugace, de l’accident. Rien. Il ne se souvenait que d’autres paroles du médecin lui apprenant que c’était une voisine qui avait appelé l’ambulance après qu’il soit tombé, chez lui, en bas d’une échelle, vraisemblablement en coupant les branches d’un arbre. Il avait eu de la chance, paraît-il. Pas d’os brisé ni de problème majeur, à l’exception d’une entorse au poignet et d’une amnésie sans doute temporaire. Bien sûr, il était soulagé de ne pas être blessé plus sérieusement et de ne ressentir aucune réelle douleur. Il se plaignait seulement d’un engourdissement au niveau des fesses et de quelques contusions. Son bras droit, immobilisé à cause de l’entorse, ne lui occasionnait pas le moindre élancement, du moins pour le moment. Le gauche, quant à lui, maintenant orné d’un gros pansement, n’était pas souffrant non plus s’il le gardait immobile. Frédéric s’empressa de faire bouger ses jambes pour s’assurer que tout allait toujours bien de ce côté-là aussi et voulut se lever, mais retomba mollement sur son lit, étourdi et plus confus que jamais. Sa vision se brouilla soudain, et il ferma les yeux, tentant de faire passer le vertige qui l’habitait. Et malgré ses multiples interrogations et l’angoisse sourde qui le tenaillaient, il sombra avec gratitude dans un sommeil lourd qui, il en était certain, lui procurerait le temps nécessaire pour obtenir des réponses à toutes ses questions.

Son second réveil fut ponctué par la voix joviale du médecin, qui ouvrait énergiquement les stores de sa chambre d’hôpital pour laisser pénétrer un soleil de fin d’après-midi. Frédéric s’empressa de chasser les brumes du sommeil de ses yeux, réalisant avant même d’être totalement éveillé que sa mémoire n’était toujours pas revenue. Il savait qu’il s’appelait Frédéric, rien de plus. En revanche, il se portait beaucoup mieux. Après quelques instants, il put se rendre compte que la nausée et le vertige qui l’avaient assailli précédemment s’étaient évanouis. Il avait les sens en alerte, se sentait en assez bonne forme et avait faim. Terriblement faim, même. Il s’éclaircit la gorge et s’adressa au médecin :

— Depuis combien de temps suis-je ici ?

— Eh bien… cela fait maintenant deux jours que vous êtes parmi nous. Vous êtes arrivé lundi en fin d’après-midi, et nous sommes mercredi. Vous avez pratiquement dormi tout le temps… Hier, vous êtes resté éveillé environ une demi-heure, mais c’est tout. Vous vous en souvenez peut-être vaguement ? Nous allons retirer cette intraveineuse, vous n’en aurez plus besoin, et je vais pouvoir vous examiner. Vos bras vous font-ils souffrir ?

— Pas vraiment. Enfin, rien du côté gauche et quelques tiraillements du côté droit quand j’essaie de le bouger, mais c’est tout.

— Très bien. Vous êtes tombé d’assez haut, c’est presque un miracle que vous vous en sortiez avec si peu de dommages ! Bon, maintenant, comment vous appelez-vous ?

— Frédéric… Buissonneau.

— Où habitez-vous ?

Frédéric fit une pause. La réponse semblait là, juste sur le bout de sa langue. Toutefois, elle refusait de franchir ses lèvres. Il fronça les sourcils, mais aucune image ne lui apparut concernant son lieu de résidence.

— Je n’en ai pas la moindre idée. Vous avez mes papiers d’identité ?

Le médecin lui remit un portefeuille que Frédéric ne reconnut pas. Il en examina le contenu et ressentit une étrange sensation. La photo qui ornait son permis de conduire et tous les autres renseignements qui y figuraient semblaient appartenir à quelqu’un d’autre, une personne qui lui était totalement inconnue. Le médecin lui tendit un miroir, et Frédéric constata qu’il était bien l’homme de la photo. Il lut les papiers avec intérêt et apprit qu’il était âgé de trente-huit ans, n’était pas marié, n’avait aucune maladie, acceptait de donner ses organes en cas de décès, possédait plusieurs cartes bancaires et de crédit, une voiture, et qu’il habitait dans une rue tranquille de banlieue.

Frédéric savait tout ce que ces choses représentaient, connaissait le voisinage où il habitait, aurait sans doute su s’y rendre en voiture ; il aurait même pu dire en quelle année, à quel mois, dans quelle ville et quel pays il se trouvait… Mais il n’arrivait pas à se souvenir de l’accident ni de rien d’autre le précédant. Apparemment, il était célibataire. Soit. Mais avait-il une petite amie ? Ses parents vivaient-ils toujours, et qui étaient-ils ? Avait-il de la famille habitant aux alentours de son domicile ? Qui étaient ses amis ? Quel métier pratiquait-il ? Il questionna de nouveau le médecin :

— Est-ce que quelqu’un m’a rendu visite ? Une petite amie, un frère, un collègue ?

— Personne n’est encore venu, et il n’y a que votre voisine, l’infirmière, qui vient régulièrement aux nouvelles. Attendons encore jusqu’à demain, et si votre mémoire n’est toujours pas revenue, nous lui demanderons de venir vous voir. Peut-être cela déclenchera-t-il un déclic et retrouverez-vous votre mémoire.

Le médecin compléta son examen et quitta le patient, en lui promettant de lui faire apporter à manger. Une fois seul, Frédéric s’examina longuement dans le miroir. Il était assez jeune et bien de sa personne malgré la pâleur de son visage et les profonds cernes sous ses yeux, deux éléments qu’il attribua aux circonstances. Il leva son bras le plus mobile et l’examina, puis fit l’inventaire de ce corps à la fois étrangement inconnu et vaguement familier. Il sembla satisfait de ce qu’il voyait : main larges, bras solides, jambes longues et bien faites, ventre plat ; les pieds un peu longs, mais c’était un moindre mal. Puis, il entrevit son membre intime, dont les proportions lui plurent énormément. « Je ne sais pas qui je suis, mais au moins, tout est à sa place ! » se dit-il. « Reste maintenant à voir qui profite normalement de cet engin ! » Comme le médecin le lui avait promis, on lui apporta bientôt à manger. La jeune femme qui déposa le plateau devant lui était vraiment très jolie : un peu en chair, les joues ornées d’adorables fossettes et arborant un sourire éclatant. Le stéthoscope qu’elle portait lui donnait l’allure d’une petite fille jouant au médecin. Son uniforme ajusté laissait deviner de petits seins pointus et de charmantes fesses bien rondes. Frédéric fut alors assailli par un sentiment de déjà-vu puissant et se demanda, plein d’espoir, s’il connaissait cette adorable personne avant son accident.

— Alors, comment se porte le plus mignon patient de l’étage ?

Frédéric rougit un peu, flatté :

— Ça ne va pas si mal, malgré les circonstances… Pardonnez-moi, mais j’ai vraiment l’impression de vous avoir déjà rencontrée quelque part. Est-ce que nous nous connaissons ?

— Ça n’est pas très original comme question ! Mais non, je ne crois pas qu’on se connaisse, du moins pas intimement. Nous nous sommes peut-être déjà croisés, nous n’habitons pas une très grande ville ! Allons, je prendrai seulement quelques minutes pour m’assurer que tout va bien. Je sais que le médecin vient de vous examiner, mais je vais vérifier votre pansement et prendre votre température. Après, vous pourrez manger. Vous devez être affamé !

— Je dois avouer que je mangerais un bœuf, en ce moment. Mais prenez tout votre temps…

Elle prit sa température et s’approcha du bras immobilisé. Elle massa délicatement les doigts de Frédéric, avant de lui demander d’étendre le bras, afin d’examiner que tout allait bien. La main du patient était maintenant appuyée contre la taille de la jeune femme. Or, ce corps était chaud et tendre, et son toucher caressant. La situation en soi n’était pas vraiment érotique, mais Frédéric ne put s’empêcher d’être excité par ce corps si près du sien et par la beauté saisissante de la jeune femme. Il ne porta plus aucune attention à ce qu’elle faisait, jusqu’à ce que sa main soit appuyée, non plus sur la taille de la jeune femme, mais tout contre son sein. Un sein menu bien que ferme, semblable à celui d’une adolescente. Son membre honorable choisit ce moment-là pour se manifester en une érection éclair, si bien que Frédéric rougit furieusement. L’infirmière le remarqua, mais fit mine de ne pas s’en soucier. Le patient se concentra intensément pour interdire à ses doigts de se refermer sur cette chair si tentante, mais ce fut plutôt la jeune femme qui pivota légèrement, feignant de tenter d’attraper quelque chose sur la table de chevet. La main de Frédéric se retrouva donc bien malgré lui sur ce merveilleux petit sein, dont il sentit le mamelon se dresser subitement. Il aurait tant aimé déboutonner cet uniforme contraignant et les palper, les deux à la fois, goûtant cette peau qui semblait si douce !

— Donc, mis à part les petits bobos et la mémoire, ça va ?

— Ou… oui…

— Pas trop de courbatures après avoir été si longtemps couché ?

— Un peu, surtout les fesses…

— Laissez-moi vous aider à vous asseoir, ce sera plus confortable. Quand vous aurez mangé, je vous aiderai à vous lever.

Elle passa une main sous les épaules de Frédéric et le souleva doucement. Puis, elle lui frictionna le bas du dos, palpant les muscles et les os endoloris. Frédéric sursauta quand elle frotta un peu fort le côté de sa hanche, et elle releva le drap pour découvrir à cet endroit une ecchymose à la teinte jaunâtre. Il n’avait pourtant ressenti aucune douleur de ce côté, jusqu’à ce que la charmante infirmière y touche. Elle s’excusa et souleva davantage le drap pour apprécier l’étendue des dégâts. Il n’y avait rien de bien grave, tout compte fait. Toutefois, en jeune professionnelle compétente qu’elle était, elle saisit l’occasion de voir de plus près et plus longtemps un autre organe qui était, celui-là, très en forme. Elle lui tâta les os du bassin, sous prétexte de vérifier le bon fonctionnement de l’articulation, puis glissa doucement ses doigts sur sa peau, jusque sous ses fesses. Frédéric pouvait sentir son membre palpiter d’excitation ; il en était gêné, certes, mais n’y pouvait absolument rien. Cette caresse — qui n’était autre que le geste d’une infirmière particulièrement attentive au bien-être de ses patients ? Il n’en était plus si sûr ! — était irrésistible. Elle lui demanda d’écarter les jambes afin d’être certaine que tout allait bien, et continua son massage, faufilant ses mains de la taille de Frédéric jusqu’à son ventre, ses mains se séparant à nouveau pour saisir le pubis et s’insinuer entre les jambes de son patient, effleurant au passage deux valseuses prêtes à danser toute la nuit. Puis, elle écarta les doigts et lui frotta les cuisses si légèrement qu’une plume n’aurait pas été plus palpable.

Elle se releva finalement, laissant un Frédéric à la fois triste et soulagé. Il espérait ardemment qu’elle revienne vérifier son état dans quelques heures.

— Vous voulez que je vous aide à manger ? Ce n’est pas toujours facile, avec la main gauche, surtout que votre bras doit être un peu sensible…

Frédéric allait refuser, mais prit plutôt un air piteux pour lui signifier qu’il appréciait son offre. Elle s’assit en face de lui et l’aida à manger avec une douceur presque maternelle. Entre chaque bouchée, Frédéric se demandait s’il était en train de tomber amoureux de cette si charmante personne. Il se plaisait à être vulnérable et était prêt à passer de nombreux jours dans cet hôpital pour la laisser prendre soin de lui ! Il n’arrivait pas tout à fait à calmer son érection, qui diminuait momentanément pour s’engorger de nouveau dès que l’infirmière — Annie, n’était-ce pas le plus beau prénom de l’univers ? —lui souriait.

Elle le nourrit lentement, s’assurant de lui donner suffisamment de temps entre chaque bouchée pour bien mastiquer et avaler, bavardant de tout et de rien de sa voix chantante. Frédéric était subjugué, mâchant sa nourriture par automatisme, ne goûtant rien de ce qu’il avalait tant il préférait admirer chaque détail du magnifique visage de sa soignante, écouter son rire cristallin, observer ses lèvres souriantes. Le repas terminé, elle avoua qu’elle avait passé un peu trop de temps avec lui et qu’elle devait s’occuper de ses autres patients. Elle l’aida ensuite à se lever, à marcher en faisant le tour de la chambre, puis le quitta.

De nouveau installé sur son lit, Frédéric sentait ses forces revenir en cette fin de journée. En repensant à son dernier repas, il se demanda s’il aimait auparavant tout ce qu’il avait englouti. Effectivement, la façon dont il avait été nourri était suffisante pour lui faire avaler n’importe quoi. Il ne pouvait cependant s’empêcher de songer à Annie, et chaque fois que des pas s’approchaient de sa chambre, son cœur battait plus fort, car il s’attendait à la voir entrer d’un instant à l’autre. Et anticipation oblige, son membre se gonflait subitement, soulevant le drap qui le recouvrait.

À un moment donné, le téléphone sonna. Surpris, Frédéric ne savait pas s’il devait y répondre ou non. Néanmoins, la curiosité l’emporta et il saisit l’appareil, impatient d’entendre une voix qui lui serait peut-être familière.

— Frédéric ! C’est moi, maman !

— Heu… bonjour.

— Ça va ? Rien de cassé ? Écoute, je suis en Floride avec Larry. Tu veux que je rentre ? As-tu mangé ? As-tu dormi ? Quelqu’un est-il venu te voir ? Où est ton père ? Qu’est-ce qui est arrivé ? Mais RACONTE !

Frédéric demeura silencieux. S’il s’agissait vraiment de sa mère, rien, dans ce ton impérieux, presque hystérique et épuisant ne lui apprendrait grand-chose. Il tenta donc d’expliquer à son interlocutrice que tout était confus dans sa tête :

— Écoutez… écoute, maman. Tout ce que je sais, c’est que j’ai reçu un coup sur la tête. Je ne me souviens plus de rien…

— QUOI ! Tu as reçu un coup sur la tête ! Je savais bien que je n’aurais jamais dû te laisser partir de la maison. Tout ça, c’est de la faute de ton père ! Mais qu’est-ce que tu fabriquais, au juste ? Tu es tombé comment ? Tu as mal ?

— Je t’ai déjà dit que je ne me souvenais plus de rien… J’ignore ce qui est arrivé…

— Mais voyons, c’est impossible ! Tu ne peux pas tout avoir oublié comme ça ! Même moi ? Tu ne te souviens plus de moi ? Allez, tu me fais marcher ! Je reviens tout de suite. Larry et moi serons là très bientôt, tu…

— Ce n’est pas la peine ! Ça va…

— Tu essaies de m’éloigner encore ! Je suppose que toutes tes petites amies sont là pour te soigner, mais je suis ta mère, et tant que je…

— Personne, il n’y a personne. Qui est ma petite amie ?

— Tu veux dire laquelle ! Mon petit Frédéric… tu me racontes toujours que tu en as tellement que tu n’as plus le temps de me les présenter ! Est-ce que je sais, moi, qui est ta véritable petite amie ? Je ne suis que ta mère, voyons !

— Oh…

Frédéric était découragé. Cette femme lui donnait mal à la tête. C’était elle, sa mère, cette femme si bavarde qu’elle ne lui laissait pas placer un seul mot et qui ne semblait pas du tout comprendre le sens des quelques paroles qu’il avait pu prononcer ? Il n’avait pas le courage de soutenir cette conversation plus longtemps.

— C’est ça, maman, on se verra quand tu reviendras, d’accord ?

— Oui, c’est ça. Je t’embrasse, et tâche de prendre soin de toi ! Je te promets que j’arrive dès que possible ! C’est trop fort, ça ! Mon propre fils qui ne se souvient plus de sa maman chérie… Tiens bon, j’arrive !

Frédéric aurait juré qu’elle allait se mettre à pleurer. C’était bien ce dont il avait besoin ! Il lui dit qu’il l’embrassait aussi et qu’il avait hâte de la voir, ce qui n’était pas tout à fait un mensonge. Puis, il raccrocha et se remémora les paroles de cette femme. Il avait cru comprendre que le Larry en question n’était pas son père. Mais en quoi son père aurait-il été responsable de son accident, et surtout, qui était ce Larry ? Quel cauchemar, tout ça !

En revanche, ce qui était réconfortant, c’était qu’il avait, paraît-il, tellement de petites amies qu’il ne se donnait plus la peine de les présenter à sa mère. Eh bien ! Peut-être était-il l’un de ces célibataires qui passaient chaque weekend avec une conquête différente, qui sait ? Cette idée lui plaisait bien. Et d’ailleurs, Annie ne l’avait-elle pas qualifié de mignon ? Voilà qui était encourageant ! Et si sa mère disait vrai, il aurait sûrement de la visite de l’une ou de l’autre de ses petites amies, tôt ou tard. Peut-être n’avaient-elles pas encore appris la nouvelle…

Cette pensée lui mit du baume au cœur, car comme il était incapable de se souvenir de quoi que ce soit, il lui faudrait se débrouiller autrement. Frédéric entreprit donc de déduire, avec le peu d’indices qu’il détenait, le genre d’homme qu’il était. Il ne savait toujours pas quel métier ou quelle occupation il pratiquait, et ce détail l’agaçait. Le fait qu’il se soit trouvé sur une échelle au moment de l’accident ne fournissait aucune piste. Cependant, s’il habitait seul dans une maison de banlieue, il devait être assez à l’aise et donc exercer une profession ou, du moins, un métier bien rémunéré. Il fouilla de nouveau son portefeuille, cherchant une carte de compétences comme en détiennent certains techniciens ou spécialistes, ou alors une carte professionnelle, la sienne, celle d’un collègue ou d’une connaissance. Mais le portefeuille ne contenait rien d’autre que les pièces d’identité qu’il avait déjà consultées.

Il passa finalement le reste de la soirée à attendre des visiteurs qui ne vinrent pas, à espérer retrouver une mémoire qui ne se débloqua pas, à souhaiter retourner chez lui afin d’en apprendre davantage. Cependant, le médecin s’y objecta, préférant lui faire passer plus de tests pour s’assurer que tout allait bien.

Il passa une nuit agitée, se réveillant à plusieurs reprises. Sans doute le va-et-vient de l’hôpital y était-il pour beaucoup. Effectivement, il entendait sans cesse des sonnettes, des chariots aux roues grinçantes, des appels au micro. Il crut se souvenir qu’à un moment donné, on était venu prendre sa température, mais il n’en était pas certain. Il flottait dans une espèce de brouillard peuplé des paroles de sa mère, des observations du médecin et du souvenir d’Annie, sa jolie infirmière. Il rêva à elle sans savoir s’il était réellement endormi. Il sentait son parfum et la douceur de sa main, alors qu’elle glissait le long de sa hanche. Il revoyait ce sourire irrésistible, ces fossettes attendrissantes, la forme des petits seins fermes sous l’uniforme. Il banda de nouveau dans son sommeil, et ce fut à ce moment-là qu’Annie revint réellement dans la chambre, afin de rendre visite à son patient une dernière fois avant la fin de son quart de travail. Silencieusement, ses talons caoutchoutés se glissèrent jusqu’au lit de Frédéric. Elle souleva le drap qui le recouvrait, désirant examiner de nouveau l’ecchymose. Toutefois, son examen fut interrompu par la vue du mât qui se dressait fièrement vers son visage. Ne pouvant résister à cette vision, elle tendit une main timide. Comme cette queue était dure et chaude ! Sa main si délicate glissa lentement le long de la verge offerte. Elle avait tellement envie d’y goûter ! Frédéric gémit dans son sommeil. Quel rêve agréable ! C’était justement à elle qu’il pensait ; il la voyait se pencher doucement sur lui. La main continua de le caresser un peu plus fermement, et des lèvres magnifiques se refermèrent sur le gland reconnaissant. Annie le lécha lentement, savourant la petite goutte de semence qui jaillit, témoignant de l’excitation de son propriétaire. Elle accéléra subtilement le mouvement de sa main, puis y joignit la deuxième, qui effleura les bourses de Frédéric, un doigt glissant délicatement et savamment autour des testicules gonflés. Cela ne devait certainement pas être la première fois qu’elle faisait cela ! Sa bouche exerçait juste ce qu’il fallait de délicieuse succion, alors que sa salive onctueuse réchauffait davantage le membre brûlant du jeune homme, tout en lui permettant de glisser plus facilement au fond de sa cavité gourmande. Frédéric sentit alors qu’il allait jouir. Au même moment, la porte de la chambre s’ouvrit, et l’infirmière sursauta ; elle se releva à la vitesse de l’éclair et s’exclama à l’attention de sa collègue :

— Ça devrait aller, j’ai terminé !

Et elle quitta sa chambre à pas rapides. Frédéric s’éveilla au même moment, bandé comme un taureau, se demandant s’il avait rêvé ou non. Il savait cependant que ce qu’il venait de vivre — qu’il s’agisse d’un rêve ou de la réalité — continuait à l’exciter sauvagement. Il s’apprêtait à s’emparer de son membre si alerte avec sa main gauche malgré la douleur qui se répandait le long de son bras, quand il se rendit compte qu’il était déjà trop tard. Une chaude giclée se répandit sur sa cuisse, avant même que sa main ait pu l’atteindre. Soulagé mais frustré, et vaguement inquiet de la façon et de la rapidité avec laquelle son membre s’était échappé, il finit par se rendormir en priant son cerveau de collaborer pour qu’à son réveil, sa vie soit redevenue aussi normale qu’avant l’accident.

Frédéric s’éveilla tôt. Il faut dire que les chariots du petit-déjeuner semblaient faire une course dans les couloirs. Une dame d’un certain âge lui apporta son plateau, et il se contenta de le regarder, tentant de remettre ses idées en place. Il était vaguement déçu de ne pas revoir Annie, sa charmante infirmière de la veille, mais elle n’était de toute évidence pas sur place vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il ne se sentait, de toute façon, pas très reluisant. La barbe qui envahissait son visage le démangeait terriblement, et cette ecchymose sur la hanche lui rappelait sans cesse la belle Annie, envoyant à sa verge de petits soubresauts de désir. Il trouvait toutefois étonnant, dans sa condition, de passer plus de temps à penser à une parfaite inconnue, aussi jolie fût-elle, qu’à son propre sort. Il n’était effectivement pas plus avancé que la veille quant aux subtilités de sa personnalité, de sa vie professionnelle et concernant les circonstances de son accident. Néanmoins, la possibilité de bénéficier de nouvelles attentions de la part de sa jolie infirmière lui faisait complètement oublier tout le reste, reléguant sa vie antérieure à un statut peu prioritaire. « Je dois être un chaud lapin, alors, pour ne penser qu’à ça ! » se dit-il.

Il s’attendait à ce que l’infirmière qui lui avait apporté son plateau vienne lui proposer de l’aider à manger, d’autant plus qu’il s’agissait de céréales chaudes qu’il aurait du mal à acheminer jusqu’à sa bouche de la main gauche. Il attendit donc, puis attendit encore. Il devint clair au bout d’un moment qu’on l’avait abandonné à son sort. Frédéric souleva par conséquent la cuillère de sa main libre, réussit à la tremper dans le bol et à l’amener jusqu’à ses lèvres. Mais la douleur dans son bras s’accentua, et le peu qui restait dans la cuillère à son arrivée à destination le frustra. Il essaya de nouveau et obtint des résultats aussi désastreux, ne réussissant qu’à vider lentement son bol sur le lit et à accentuer la douleur jusque-là sourde de son bras. Au bout d’un moment, il abandonna, se contentant de morceaux de fruits servis avec les céréales et d’une gorgée de café tiède.

Le médecin entra bientôt dans sa chambre sans frapper.

— Comment vous sentez-vous, aujourd’hui ?

— Oh ! vous savez…

— Toujours rien, hein ? J’ai demandé à un collègue neurologue de venir vous voir. Nous en sommes au troisième jour, et je suis étonné de constater si peu de progrès. Ce n’est toutefois pas alarmant, on a déjà vu des cas d’amnésie comme le vôtre durer beaucoup plus longtemps. Mon confrère devrait venir un peu plus tard.

— Parfait ! Les journées sont longues, ici, quand on ne se sent pas vraiment malade !

— Et moi qui croyais qu’Annie avait bien pris soin de vous. Je lui avais demandé d’être particulièrement attentive durant la soirée, lui expliquant que vous vous sentiez un peu perdu. Je serais déçu qu’elle ait ignoré ma requête…

— Oh ! non… Enfin, je veux dire, elle a été très gentille !

Frédéric détourna le regard, de peur que l’homme l’interroge davantage sur l’effet qu’avait eu Annie sur lui. Le médecin enchaîna :

— Et vous êtes vraiment chanceux, parce que ce matin, du moins pour une heure encore, c’est Gloria qui est sur votre étage.

— Gloria ? Qui est-ce ?

— Une infirmière qui alimente les conversations de tout l’hôpital. Mais vous le verrez bien…

Oh, pour le voir, il le vit. Elle fit irruption dans sa chambre, exhalant un parfum envoûtant. Elle était l’image parfaite de la beauté latine : grande, mince, avec des seins volumineux, des hanches généreuses, une taille minuscule et des jambes à n’en plus finir. Le teint sombre, les cheveux noirs cascadant en boucles lâches jusqu’aux reins et d’immenses yeux noirs. Et une bouche… une bouche sublime aux lèvres charnues recouvrant des dents si éclatantes que Frédéric en fut ébloui. Qu’elle était belle ! Il comprit instantanément comment une telle femme pouvait alimenter les conversations d’un hôpital au complet ! Et une fois de plus, il eut le sentiment de l’avoir déjà vue quelque part, de la connaître de près ou de loin. Toutefois, comme il ne voulait pas avoir l’air idiot en lui posant la même question qu’à Annie, il préféra attendre la suite. Gloria s’approcha, souriant chaleureusement, et lui flatta la joue de ses longs doigts sensuels.

— Comment va notre petit chéri, aujourd’hui ? Annie m’a dit que tu étais mignon, gentil et docile comme je les aime !

— Je vais… Je vais bien, merci.

— Tu verras, Gloria s’occupera bien de toi, ce matin. Nous n’avons pas beaucoup de temps pour faire connaissance avant que je te laisse aux bons soins de mes collègues pour la journée. Enfin, c’est la vie ! Et Annie sera sans doute de retour ce soir. J’ai au moins eu la chance de veiller sur toi cette nuit et de te regarder dormir. Un vrai petit ange ! Tellement que je vais te proposer quelque chose que nous ne faisons pas normalement. Mais nous pouvons faire une exception, parce que nous aimons bien le docteur qui s’occupe de ton cas et que tu es adorable. Il faut bien traiter nos patients préférés ! Alors, voilà… je t’aiderai à te rendre présentable, à te raser et à te nettoyer un peu. Mais d’abord, tu dois manger. Sinon, tu ne guériras pas. Allez, mange !

Incrédule, Frédéric n’osa pas contrarier cette femme superbe et autoritaire. Se sentant comme un écolier, il mangea les céréales maintenant froides qu’elle déposait lentement, par petites bouchées, dans sa bouche. Elle aussi aurait pu lui faire avaler n’importe quoi, de cette façon-là ! Chaque fois qu’il refermait les lèvres sur une bouchée de céréales, elle lui essuyait la bouche d’un doigt léger, s’attardait un peu, puis le retirait délicatement. Sa peau était fraîche et douce, d’une sensualité palpable. Et dire que ce n’était qu’un doigt ! Bon garçon, Frédéric but le verre de jus maintenant tiède qu’elle lui tendit et termina aussi l’insipide café en le buvant à la paille. Satisfaite, Gloria le débarrassa de son plateau et revint, quelques minutes plus tard, avec une grande trousse.

— Voilà, nous avons tout ce qu’il faut pour te remettre à neuf. Et j’ai tout mon temps, tu es mon dernier patient, aujourd’hui ! Ça te dit ?

— C’est que…

— Non, non ! Pas de protestations ! Tu es peut-être gêné ? À ce qu’Annie m’a dit, tu n’as aucune raison de l’être, au contraire ! De plus, je suis habile avec un rasoir et très professionnelle ; je vois un tas d’hommes nus tous les jours, et je te le promets, je serai douce.

N’ayant rien à ajouter, Frédéric se laissa faire. Il eut cependant un moment d’hésitation quand il vit Gloria se diriger vers la porte, chuchoter quelque chose à l’oreille d’une autre infirmière et la refermer.

— Enfin seuls…

Elle s’approcha du lit et déballa ses accessoires. Elle lui frotta tout d’abord le visage avec une débarbouillette fraîche et l’enduisit de mousse odorante.

— Tu ne trouves pas qu’il fait chaud, ici ?

Frédéric n’était pas de cet avis, mais il s’abstint de dire quoi que ce soit. Gloria dégrafa donc les deux premiers boutons de son uniforme, juste assez pour que sa victime puisse admirer son superbe soutien-gorge, si blanc contre sa peau sombre. Un petit crucifix doré ornait la gorge de la belle et fascinait Frédéric. Il le regardait se balancer au creux des seins envoûtants et aurait bien aimé être à la place du bijou. Gloria savait manier le rasoir de façon admirable, mais le lit encombrant et le plâtre du côté droit gênaient ses mouvements. Elle aida donc le patient à se lever et l’installa sur la petite chaise placée au coin de la chambre. Le souffle court, Frédéric la regarda écarter les jambes pour s’installer devant lui, à proximité de son visage, exposant un adorable porte-jarretelles assorti à ses bas. Qui aurait cru que de si jolis accessoires pussent être aussi suggestifs avec d’ordinaires chaussures aux semelles de gomme ? En fait, Gloria aurait rendu n’importe quel vêtement séduisant. Le bas de son uniforme reposait maintenant tout contre le membre de Frédéric, qui s’éveilla en sursaut. Celui-ci n’avait plus du tout sommeil, c’était certain ! Les cuisses de l’infirmière enserraient légèrement les hanches du patient, et elle était si près de lui que Frédéric pouvait admirer le grain de sa peau, sentir sa douce haleine. Ses seins merveilleux se balançaient quant à eux impitoyablement devant les yeux du jeune homme, si bien qu’il pouvait sentir son érection palpiter à la simple vue du porte-jarretelles. C’en était trop ! Il songea à protester, mais Gloria travaillait si fort et si bien qu’elle avait déjà presque terminé l’étape du rasage. Le souffle court, il choisit donc de se laisser gâter.

— Tu me sembles souffrant… peut-être vaudrait-il mieux t’étendre un peu et me laisser faire ?

Cette proposition était bien tentante ! Il se contenta donc de hocher la tête à l’affirmative. L’infirmière l’aida alors à nouveau à se lever, serrant son corps incroyable contre celui de Frédéric, et le reconduisit vers le lit, sur lequel elle le fit s’étendre.

Puis, Gloria partit vers la salle de bain et en revint avec une bassine remplie d’eau. Elle retira la chemise d’hôpital de Frédéric, recouvrit son bas-ventre du drap et entreprit de le savonner doucement. Elle lui nettoya ainsi les oreilles et le cou, frotta en massant les épaules, s’attarda sur sa poitrine, fit descendre l’éponge le long des côtes et sur son ventre. Elle lava ensuite ses mains langoureusement, glissant lentement sur chaque doigt. Elle reprit ensuite son manège et resta de nouveau un moment au niveau de la poitrine de son patient, caressant ses petits mamelons maintenant érigés, car extrêmement sensibles. Elle sourit en apercevant les frissons qui parcouraient le haut du corps de Frédéric et secouaient le drap reposant sur son ventre.

— Tu préfères que j’arrête ? Je peux appeler un préposé pour terminer, si tu le veux…

— Heu, non, c’est très bien comme ça…

Frédéric essayait de trouver des raisons pour lui faire arrêter son manège, invoquant des images d’une éventuelle petite amie à laquelle il devait peut-être être fidèle. Mais son fort intérieur, qui prenait finalement toutes les décisions, intervint. Il vit ainsi plutôt danser devant ses yeux des images d’Annie, l’infirmière de la veille, et de Gloria, toutes deux avec lui sur ce stupide lit d’hôpital. Et lui, Frédéric, étendu là sans bouger, la langue pendante, ne savait plus très bien où donner de la tête. Peut-être qu’après tout, son instinct était bon et qu’il connaissait vraiment ces superbes jeunes femmes… Peut-être même faisaient-elles partie des nombreuses conquêtes auxquelles sa mère avait fait allusion ? Mais alors, pourquoi ne lui révélaient-elles pas la nature de leur relation ? Si tel était le cas, il devait admettre qu’il avait du goût ! Annie et Gloria étaient sans doute les plus belles femmes qu’il fût donné à un homme de connaître et, bien que très différentes l’une de l’autre, elles faisaient naître en lui un désir intense, comme en témoignait son corps de façon évidente.

Gloria sentit son trouble et sympathisa avec lui. Elle retira le drap qui le recouvrait et entreprit de laver le reste de son corps. Elle s’empara tout d’abord simultanément des deux pieds du patient, qu’elle aspergea d’eau tiède et savonna généreusement. Elle massa fermement les orteils, puis les chevilles, et enfin les mollets. Elle se servit de ses deux mains pour attaquer savamment chaque cuisse, avant de retourner doucement le blessé sur le côté. Elle déposa un minuscule baiser sur l’ecchymose de la hanche, puis sa main effleura les fesses endolories et les savonna avec douceur. Mais son autre main glissait déjà subtilement et délicatement sur sa hanche, se retrouvant dangereusement près de son membre au bord de l’éruption. Frédéric poussa un petit gémissement.

— Chut ! Ne crains rien, je t’ai dit que j’allais être douce.

Et elle le fut. Elle déboutonna le reste de son uniforme et glissa le membre de Frédéric entre ses seins. Elle ondula comme un adorable serpent, et Frédéric fut fasciné par la vue du petit crucifix qui suivait fidèlement chaque mouvement, se balançant au-dessus de l’objet de sa fierté. Gloria empoigna solidement un de ses seins dans chaque main, pour les coller l’un contre l’autre et former un somptueux étau. Puis, elle reprit ses ondulations, d’abord tout doucement, avant d’imposer un rythme plus soutenu. Frédéric était fou de désir pour cette femme qu’il connaissait depuis moins d’une heure, et il sentait qu’il allait exploser. Il n’osait toutefois tenter la moindre caresse, la moindre étreinte, de peur que Gloria ne s’arrête et disparaisse pour toujours. Il tenta de se dégager, de la faire cesser son manège, avant de l’inviter à continuer, accélérer, ralentir… sa volonté s’était évanouie en un clin d’œil, et il aurait tout donné pour que Gloria grimpe sur le lit et l’entraîne dans une chevauchée diabolique. Au lieu de quoi, le rythme de la belle infirmière ralentit, son corps s’éloigna d’un Frédéric incrédule… et elle remballa ses affaires.

— QUOI ? Mais qu’est-ce que j’ai fait ? Pourquoi arrêter maintenant ? Tu ne peux pas partir comme ça !

— Oh ! Je reviendrai peut-être, si tu en as toujours envie…

Elle laissa le jeune homme en proie à un désir bouillant contempler son corps époustouflant, avant de reboutonner son uniforme. Frédéric, dont la vue était embuée, l’admirait sans réserve et crut qu’elle hésitait. Elle se pavana devant lui, empoigna ses seins magnifiques, glissa un doigt sous sa culotte et se caressa légèrement.

— Plus tard, peut-être, dit-elle sensuellement.

Puis, elle le quitta. Et ce fut au moment où la porte se refermait que Frédéric sentit à nouveau un jet tiède s’échapper de son membre.

Il ne l’avait pas revue avant la fin de son quart. Il était maintenant près de neuf heures et il comprit qu’elle était partie quand une infirmière entra dans sa chambre. Il était tout excité à l’idée de retrouver Annie plus tard, ce jour-là, et espérait passer cette attente en bonne compagnie, mais la dame qui lui apparut n’avait rien en commun avec elle, ni avec Gloria, d’ailleurs. Elle demeura silencieuse en prenant sa température. Elle ne l’avait même pas salué en entrant, se contentant d’examiner son plâtre et son pansement en faisant des gestes brusques. Ses mains n’avaient pas non plus la douceur de celles d’Annie ; elles étaient sèches, rugueuses. Mais ce n’était pas cela le plus triste. Frédéric se sentait choyé d’avoir bénéficié jusque-là, pour s’occuper de sa petite personne, de deux jeunes femmes d’une beauté sublime, sans doute les plus jolies infirmières de l’hôpital, sinon de la profession entière. Toutefois, il était clair que sa chance avait tourné et que la beauté des deux précédentes soignantes rendaient la déception d’autant plus amère avec celle qui était maintenant près de lui.

Tentant d’être poli et amical, Frédéric essaya de savoir si elle avait vu son docteur et si elle avait une idée du moment où il pourrait retourner chez lui. Elle grommela qu’elle n’avait vu aucun médecin ce matin, qu’ils étaient probablement trop épuisés par leur partie de golf de la veille, et que ce n’était pas à elle de décider combien de temps il resterait là. Frédéric ne fit aucun effort supplémentaire, la laissant continuer son devoir dans un silence qui devint vite oppressant. Elle lui demanda s’il avait envie d’uriner, et la seule pensée d’exposer son sexe devant cette ogresse effraya tellement le jeune homme que sa queue rapetissa au point de disparaître presque complètement. Il était vraiment temps pour lui de se débrouiller tout seul ! Elle le quitta enfin, et il commença à songer à ce qu’il ferait de sa journée.

Il lui était impossible de lire ou de pratiquer quelque autre activité que ce fût. Il aurait sans doute pu téléphoner, mais à qui ? Et il n’avait pas encore de télé. Bref, il s’ennuyait déjà à mourir. Mais après avoir fait le décompte méticuleux de tous les meubles et accessoires qui l’entouraient, et s’être encore creusé la tête pour faire émerger ses souvenirs, il fut étonné de s’apercevoir que quelques heures s’étaient déjà écoulées. Son ogresse d’infirmière lui apporta bientôt un plateau repas en maugréant : « Je suppose qu’il va falloir le faire manger en plus, celui-là ! » Frédéric se sentait néanmoins incapable d’avaler la moindre parcelle de nourriture si elle lui était offerte par cette femme. Il ne prit donc pas la peine de répondre et regarda son plateau. Pas très ragoûtant… Il n’avait pas vraiment faim. Il préféra attendre l’arrivée d’Annie, se contentant de grignoter un morceau de pain et de faire une petite sieste.

L’horrible infirmière n’était revenue qu’une fois, ce qui suffisait amplement à Frédéric. Dès seize heures, il attendit impatiemment l’arrivée d’Annie, qui passerait sans doute le voir en commençant son quart de travail. Mais à seize heures quinze, elle n’était toujours pas là. Frédéric était amèrement déçu, mais se dit qu’il y avait aussi Gloria, qu’il verrait peut-être dès le lendemain matin. De plus, il valait peut-être mieux se reposer un peu. Ainsi, il pourrait se concentrer sur sa guérison, tout faire pour tenter de se souvenir et peut-être enfin retourner chez lui. Il demanderait au médecin de faire venir cette mystérieuse voisine. Annie et Gloria pourraient sans doute mieux profiter de lui et de tout ce qu’il avait à offrir une fois qu’il serait guéri et que sa mémoire serait retrouvée. Ses belles résolutions durèrent exactement quatre minutes, jusqu’à ce qu’une très jolie blonde se présente dans sa chambre.

— Bonjour ! Je m’appelle Élise, et c’est moi qui m’occuperai de vous, ce soir.

Frédéric fut ébloui sur-le-champ. Elle était adorable ! Plutôt petite et menue, elle avait un corps et une allure de sportive. Ses longs cheveux blonds cendrés étaient retenus par une simple queue de cheval qui se balançait au rythme de ses pas. Ses yeux bleus, lumineux, vifs comme l’éclair, semblaient déchiffrer chaque pensée de Frédéric. Sa peau était légèrement hâlée, mise en valeur par un bronzage doré venant davantage du grand air que de nombreuses sessions de rôtissage. De plus, son nez et ses pommettes étaient parsemés d’adorables taches de rousseur. Elle était véritablement à croquer, tout à fait le style de femmes qu’affectionnait Frédéric. Pas maternelle comme Annie ni dominatrice et imposante comme Gloria, mais douce, féminine, pimpante et incroyablement séduisante. Et elle aussi lui semblait étrangement familière.

Frédéric lui retourna son bonjour en balbutiant. Elle s’enquit de son état, lui demandant s’il souffrait et s’il avait vu son médecin. Elle lui apprit qu’il sortirait sans doute de l’hôpital dès le lendemain après-midi, si les examens prévus en matinée étaient conformes aux espérances du médecin et du neurologue. Cette nouvelle emplit Frédéric de joie. Il lui demanda combien de temps il devrait garder le plâtre et le pansement, ce qu’elle ignorait. Tandis qu’elle lui parlait, elle s’était approchée et avait commencé son examen de routine. La température de son patient paraissait normale, et le reste aussi encourageant.

— Mes collègues m’ont dit que vous aviez une vilaine ecchymose sur la hanche. Faites voir cela…

Frédéric souleva le drap juste au-dessus de la partie concernée pour qu’elle puisse regarder l’ecchymose, et fut mortifié de voir son membre insolent se dresser bien haut. Il ne pouvait pas se tenir un peu tranquille, celui-là ? Il n’était pas obligé de se donner en spectacle devant toutes les jolies filles qui passaient, quand même ! Ce faisant, je jeune homme pensa au nombre de jolies filles qui, justement, s’étaient présentées devant lui dernièrement et à leur attitude envers lui… ce qui eut pour effet de faire sursauter sa verge, qui grandit encore plus.

Élise se contenta de sourire et d’examiner l’ecchymose, puis de vérifier l’état de la peau autour du plâtre. Elle suggéra d’y appliquer une crème hydratante, afin d’éviter la démangeaison qui ne tarderait sans doute pas à se manifester. Frédéric s’empressa d’accepter — au point où il en était ! −, et la torture recommença. Il est vrai qu’Élise, puisque tel était le prénom de cette déesse, avait de grandes mains. Elle palpa tout d’abord le haut du bras et l’épaule du patient, puis enduisit énergiquement son ventre et ses côtes de lotion onctueuse, sans toutefois provoquer la moindre douleur. Celle-ci se manifesta plutôt au niveau de ses pauvres testicules, lorsqu’elle étendit la crème sur son torse, ses côtes et son ventre. L’infirmière frotta, frotta, et lui durcit, durcit. Elle se rendit jusqu’aux jambes du patient, s’amusant à dessiner des arabesques à l’intérieur de ses cuisses. Puis, ce fut encore au tour du ventre, de la taille, des reins. Frédéric tentait de se déplacer pour l’accommoder de son mieux, mais il était paralysé par ce que dévoilait la fermeture éclair maintenant abaissée de l’uniforme de la jeune femme. Effectivement, il ne s’agissait pas du tout du type de sous-vêtements aguichants, recouverts de dentelle, qu’arborait Gloria. Non, Élise, elle, portait ce genre de soutien-gorge en coton qui ressemblait presque à une camisole, sous laquelle ses petits seins se balançaient doucement. Leur pointe bien dressée était mince et pointue, et Frédéric eut subitement besoin d’y goûter. Il désirait voir ce corps doré et ferme, ce ventre plat s’ouvrir à son membre exigeant. Il voulait caresser ce sexe qu’il devinait délicat et étroit. Il voulait, il voulait…

Pendant ce temps, Élise avait enduit son membre gonflé à l’extrême de crème. Elle glissait sa main de la base au gland, pressant délicatement la verge comme un fruit bien mûr. La friction était délicieuse, veloutée. Frédéric ferma les yeux un moment, se laissant aller à savourer l’exquise sensation qui s’emparait de lui. Il avait la ferme intention d’être moins passif avec Élise qu’il ne l’avait été avec les deux autres infirmières, et il se demandait quel geste il poserait pour la débarrasser de ses vêtements, afin de sentir ce corps capiteux contre le sien. Il en avait même oublié Annie et Gloria. Non qu’elles fussent moins attirantes qu’Élise, mais Frédéric était subjugué par le moment présent. Il allait étirer le bras vers la jeune femme et l’embrasser, faisant transparaître à travers ce baiser tout le désir qu’il ressentait, quand elle interrompit soudain sa délicieuse caresse :

— Voilà, c’est terminé. J’espère que vous serez ainsi plus confortable.

Frédéric était abasourdi ! Encore une fois, il était en proie à un désir inextinguible. Mais plutôt que de s’arrêter à sa frustration, il se demanda combien de patients avaient une telle chance. Effectivement, quel pourcentage d’hommes, sur la terre entière, pouvait se vanter d’avoir attiré les grâces de trois femmes aussi belles et désirables ? Il devait être béni des dieux et vraiment tout un séducteur ! L’idée qu’il était du type d’homme auquel nulle femelle ne résistait lui plaisait énormément, et il n’y voyait aucun inconvénient. Il trouvait, au contraire, que ce trait de personnalité lui collait très bien à la peau et correspondait à l’homme qu’il semblait être. Cependant, une pensée déplaisante s’insinua lentement dans son esprit, sans qu’il parvienne à l’en chasser. Ces trois femmes, si belles et charmantes, qu’il semblait connaître de près ou de loin… Frédéric espérait qu’il ne s’agisse pas de femmes qu’il avait un jour séduites et laissé tomber pour une autre. Car elles ne méritaient rien de moins qu’un parfait gentleman ! Mais le fait qu’elles fussent si attentionnées envers lui et semblassent prendre plaisir à lui prodiguer tant de soins particuliers lui laissait croire qu’il n’en était rien. Comme l’avait dit Annie, ils n’habitaient pas une très grande ville et s’étaient sans doute croisés dans un bar ou dans la rue. Frédéric les avait simplement remarquées à ce moment-là. De toute manière, il aurait fallu être fou pour ne pas se retourner sur leur passage !

Pour récapituler, Frédéric Buissonneau était donc très populaire auprès des femmes, vivait seul et confortablement dans une banlieue paisible, n’avait pas de petite amie particulière. Cela semblait néanmoins représenter, après les événements marquants des derniers jours, un avantage plus qu’un inconvénient. Les morceaux du casse-tête commençaient à s’emboîter à merveille. Il restait, évidemment, beaucoup de détails à découvrir, mais les choses se présentaient plutôt bien.

Encouragé par ce constat, il décida enfin de demander à son médecin de faire venir sa mystérieuse voisine qui, si elle le connaissait au moins un tout petit peu, pourrait sans doute l’éclairer sur certains points de sa vie. Le médecin accepta de la contacter et lui confirma qu’elle viendrait le voir dès le début de la soirée.

Frédéric attendait sa visiteuse avec impatience. Il espérait tant qu’elle puisse faire resurgir des souvenirs qui, à leur tour, déclencheraient le retour tant attendu de sa mémoire ! Vers dix-neuf heures, Élise revint le voir pour s’assurer que tout allait bien. Puis, lorsqu’elle eut terminé son examen sommaire, la porte de la chambre s’ouvrit sur une Annie toute pimpante. Surpris, Frédéric demeura silencieux et remarqua qu’elle semblait très bien connaître Élise, puisque les deux femmes échangèrent un sourire de connivence. Elle s’approcha ensuite du lit et lui sourit. La porte de la chambre s’ouvrit à nouveau, faisant cette fois-ci apparaître Gloria dans toute sa splendeur. Elle se joignit à Annie et à Élise, et regarda Frédéric en lui adressant un petit clin d’œil. Puis, une quatrième femme pénétra dans la chambre, et Frédéric reçut alors un choc. En voyant sa voisine, la belle Sylvie-Anne, l’accident qui l’avait conduit à l’hôpital et tout ce qui l’avait précédé lui revinrent en mémoire, le désarçonnant totalement.

Sylvie-Anne était une infirmière. Et lui, Frédéric, n’était pas un professionnel, mais plutôt un chômeur. Et la maison… c’était celle de son père, qui l’hébergeait par pitié.

Son père… il n’était jamais venu le voir pendant son séjour à l’hôpital. Peut-être cet accident était-il de sa faute, après tout, comme l’affirmait celle qui prétendait être sa mère. Elle non plus ne lui avait pas rendu visite, d’ailleurs.

Peu importe, il se souvenait de Sylvie-Anne. Cette femme qu’il trouvait si belle ! Il était beaucoup trop timide pour l’approcher. La honte l’envahit lorsqu’il se souvint qu’il l’épiait souvent le soir, lorsqu’elle se déshabillait devant sa fenêtre.

Un chaud lapin, lui ? Il n’avait pas fait l’amour depuis déjà trop longtemps.

Il revit soudain clairement Annie, Élise et Gloria chez Sylvie-Anne qui se baignaient ; et lui, grimpé sur l’échelle pour mieux les voir, admirer ces corps presque nus exposés au chaud soleil de l’après-midi.

Et finalement la chute, quand elles avaient retiré leur maillot. Oui, vraiment, un chaud, très chaud lapin.