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Le pouvoir des pratiques yogiques secrètes

« Ceux qui souhaitent traverser l’océan de samsara (monde de l’illusion) à la nage devraient effectuer ce bandha dans un lieu isolé. La pratique apporte la maîtrise du prâna qui réside dans le corps. Faites-le en silence, avec soin et détermination. Toute léthargie disparaîtra1. » — Gherand Samhita

Dans ce chapitre, vous apprendrez les pratiques yogiques secrètes qui sont restées, jusqu’à tout récemment, cachées dans les cavernes et les forêts de l’Inde. Le mot sanskrit yoga (intégration) dérive de la racine yuj (atteler). Dans l’optique de la kundalini, yoga signifie unifier l’individualité avec l’universalité, ce qui se produit lorsque votre Shakti intérieur s’unit à votre Shiva extérieur dans le chakra sahasrara (chakra couronne).

Les voies du yoga

Toutes les voies du yoga cherchent à atteindre l’intégration par divers moyens :

1. Le Raja (royal) Yoga se sert de la méditation et de la répétition des mantras pour développer l’immobilité à un point de l’esprit.

2. Le Karma (action) Yoga atteint l’union grâce à l’alternance de la méditation et d’une activité quotidienne dynamique, tout en vivant en accord avec les lois naturelles.

3. Le Gyana (savoir) Yoga utilise l’intellect pour discerner la réalité de l’illusion, éliminant par le fait même le voile d’ignorance et atteignant le savoir suprême.

4. Le Bhakti (dévotion) Yoga ouvre le cœur du disciple, apportant un contact divin direct à travers l’abandon à Dieu.

5. Le Yoga intégré cherche à unir le cœur, l’esprit et la volonté d’une manière œcuménique et universelle, tout en honorant toutes les voies et traditions.

6. Le Tantra (expansion, libération) Yoga cherche à voir, à sentir et à connaître l’infini dans le fini et à travers le fini. Il cherche à réaliser la conscience supérieure en vivant pleinement la vie de tous les jours. La déesse énergie, également connue comme la kundalini ou Shakti, est vénérée par les tantristes.

7. Le Kundalini Yoga, le Laya Yoga ou le Kriya Yoga réveillent l’énergie pranique dans le corps en faisant remonter le pouvoir de la kundalini à travers les chakras.

8. Le Hatha (solaire-lunaire) Yoga s’intéresse à la culture physiologique et à l’ascension de la kundalini à travers les asanas (postures corporelles), le prânayama (exercices de respiration), une bonne discipline de vie, une alimentation spéciale et un programme d’élimination énergique.

Parce que ce livre vise surtout à augmenter l’énergie pranique et l’ascension de la kundalini, ses enseignements et ses techniques découlent des anciennes traditions de sagesse de l’Inde : les yogas Tantra, Kriya, Kundalini et Hatha. Il ne sera donc pas question des asanas du yoga ici. Néanmoins, les asanas sont indispensables à l’éveil de la kundalini. Je vous recommande donc la lecture de mon livre Exploring Meditation, dans lequel je vous enseigne les asanas du yoga.

Les anciens yogis de l’Inde gardaient leurs mystérieuses pratiques secrètes. Mais de nos jours, plusieurs de ces techniques sont accessibles à tous. Dans ce chapitre, vous apprendrez quelques-unes de ces méthodes ésotériques, appelées bandhas (retenir, verrouiller ou resserrer) et mudras (gestes), ainsi que des méthodes de purification spécialement conçues pour harmoniser les flux de prâna de l’ida et de la pingala. Ces pratiques affectent votre corps subtil en profondeur. Elles augmentent considérablement le flux d’énergie pranique, réveillent l’énergie de la kundalini et favorisent l’expérience directe des chakras.

Voyons dès maintenant quelques-unes de ces méthodes extrêmement efficaces !

Le jala neti

Si les conduits nasaux ou sinus sont obstrués, l’alternance naturelle du souffle à travers l’ida et la pingala est perturbée. Le jala (l’eau) neti (nez) est une méthode yogique pour nettoyer ces passages avec de l’eau salée.

Vous possédez un système efficace de purification interne qui conditionne l’air avant qu’il n’entre dans vos poumons : vos sinus. Si votre nez est bouché, vous êtes obligé de respirer par la bouche. C’est une dangereuse solution de rechange, car votre bouche et votre gorge n’ont pas le système de filtration de votre nez. C’est pourquoi le jala neti est indispensable. (La seule exception serait les pratiques spécialisées de respiration prânayama par la bouche, comme les sitkara.)

La pratique du jala neti chasse les impuretés, stimule diverses extrémités nerveuses et nettoie votre cerveau et vos autres organes. Le jala neti stimule également le chakra ajna (centre des sourcils).

Apprenons à le faire maintenant.

La pratique du jala neti

Prenez un neti lota (pot conçu pour le jala neti) ou une petite théière avec un bec qui entre aisément dans votre narine. Mélangez environ un litre d’eau tiède pure bouillie ou distillée avec une cuillère à café de sel de mer, ou ½ cuillère à thé d’eau de mer pure et ½ c. à thé de soda à pâte. Laissez la solution se dissoudre complètement. Remplissez votre pot à neti de la solution saline.

Penchez-vous au-dessus d’un évier et tournez la tête vers la droite. Insérez doucement l’extrémité du bec dans votre narine gauche de manière à ce qu’il soit bien fixé. Continuez à tourner la tête vers la droite pendant que vous levez le pot de neti jusqu’à ce que la solution saline coule dans votre narine gauche, qu’elle remonte dans les sinus, puis ressorte par la narine droite. Pendant que vous faites cela, ouvrez la bouche pour respirer. N’oubliez pas de consulter un médecin avant de faire cet exercice !

Si vous tournez trop la tête, l’eau entrera dans votre gorge au lieu d’entrer dans l’autre narine. Si vous penchez trop le pot, l’eau débordera. Ajustez votre tête et le pot jusqu’à ce que l’eau coule comme il se doit.

Si le jala neti est bien exécuté, l’eau n’entrera pas dans votre bouche ou dans votre gorge. Toutefois, si cela se produit, il suffit de la recracher. Laissez la solution couler dans vos narines entre 10 et 20 secondes. Retirez le pot de neti et mouchez-vous.

Ensuite, répétez tout la procédure en plaçant le bec du pot de neti dans votre narine droite et en penchant la tête à gauche, puis en laissant la solution couler dans votre narine gauche. Quand vous aurez complété le jala neti, asséchez vos narines en vous mouchant pour en faire sortir l’humidité.

Cette procédure prend moins de cinq minutes. Et il suffit de le faire une fois par jour, à moins que vous n’ayez le rhume ou le nez bouché.

Méthode sans pot à neti

Préparez la solution saline décrite précédemment. Versez un peu de solution dans la paume de votre main gauche. Fermez la narine droite à l’aide du pouce droit, placez la narine gauche près de votre paume gauche, puis reniflez le liquide pour le faire monter dans votre nez à travers les sinus, puis recrachez-le. Faites de même avec l’autre narine.

N’essayez aucune de ces méthodes sans sel ou avec une eau trop froide ou trop chaude — sinon, vous allez le regretter ! Avec la température appropriée et la bonne quantité de sel, vous éprouverez peu ou pas d’inconfort. Si vous souffrez de saignements de nez chroniques, ne pratiquez pas le jala neti. Quel que soit votre état de santé, consultez votre médecin avant de pratiquer le jala neti.

Le jala neti est excellent pour prévenir ou guérir rhumes, sinusites, affections des yeux, du nez ou de la gorge, amygdalites, cataractes, asthme, pneumonie, bronchite, tuberculose et inflammation des adénoïdes et des membranes muqueuses. Il a un effet subtil sur divers nerfs qui se terminent dans les sinus, tels le bulbe olfactif et les nerfs associés aux yeux et aux oreilles.

Le padadirasana

Un asana (posture) du yoga appelé padadirasana (pose pour équilibrer la respiration) équilibre le flux de l’ida et de la pingala. En appliquant une pression constante sous vos aisselles, vous pouvez influer directement sur le flux de la respiration. Une pression constante sous l’aisselle droite a tendance à ouvrir la narine gauche, tandis qu’une pression sous l’aisselle gauche fait passer l’air dans la narine droite. Dans le padadirasana, pressez sous les deux aisselles comme ceci :

Assoyez-vous dans n’importe quelle position confortable, comme le vajra asana (voir figure 21c, page 321). Croisez les bras sur la poitrine. Placez la main droite sous l’aisselle gauche, le pouce levé devant l’épaule gauche. De même, placez la main gauche sous l’aisselle droite. Fermez les yeux et respirez lentement et profondément. Continuez de presser jusqu’à ce que votre respiration soit égale. Cela prend au moins une minute.

Verrous musculaires yogiques

Les bandhas (verrous ou chaînes) sont de puissantes pratiques yogiques qui sont des préalables pour la pratique du Kriya Yoga. En pratiquant les bandhas, vous vous apercevrez que la contraction de certains muscles affecte consi­dérablement vos corps physique et subtil. Les bandhas ont un effet tranquillisant et augmentent la réceptivité à la conscience supérieure.

Les granthis (nœuds psychiques) sont situés dans le centre pelvien (svadhishthana), le centre du cœur (anahata), et le centre des sourcils (chakra ajna). Ces trois nœuds empêchent le prâna de circuler librement à travers la sushumna nadi, votre principal passage pranique, à travers lequel circule la kundalini. Par conséquent, pour faire l’expérience complète de l’éveil de la kundalini, il faut que les granthis soient enlevés.

La pratique des bandhas peut efficacement chasser ces blocages. Le prâna peut alors circuler dans la sushumna nadi, ce qui conduit à une plus grande réceptivité mentale et à la conscience supérieure. Les bandhas sont donc parmi les pratiques les plus efficaces pour réveiller la kundalini à travers les chakras.

Maintenant, exerçons-nous un peu. (N’oubliez pas de consulter votre médecin avant d’essayer l’un ou l’autre des exercices proposés dans ce livre.)

Le jalandhara bandha : verrou de la gorge

Le mot sanskrit jalandhara dérive des racines jalan (filet) et dhara (source, flux liquide). Le mot adhara (base) fait référence aux 16 centres spécifiques du corps : orteils, chevilles, genoux, cuisses, périnée, coccyx, nombril, cœur, cou, amygdales, langue, nez, centre des sourcils, yeux, arrière de la tête et sommet de la tête (couronne).

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Le jalandhara bandha est un verrou physique qui attache le réseau des nadis dans votre cou. Il bloque la circulation pranique en direction de ces 16 centres et, ce faisant, dirige le prâna dans la sushumna nadi. Par ailleurs, le nectar ou amrit qui s’écoule du chakra talu (voir page 236) est empêché de couler dans la gorge et brûlé par les feux digestifs dans l’estomac.

De plus, ce bandha ralentit le rythme cardiaque parce qu’il comprime les sinus de la carotide. Il augmente la capacité pulmonaire, guérit les affections de la gorge, masse efficacement la thyroïde et apporte équilibre mental, calme et introversion. Les textes anciens affirment que ce bandha peut prévenir le vieillissement et la mort.

Apprenons tout de suite ce simple bandha.

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Assoyez-vous dans une position confortable. Les meilleures positions sont le padma asana (position du lotus), le siddha asana ou le siddha yoni asana (position parfaite). On peut aussi le faire dans le vajra asana, assis dans un fauteuil ou debout, les pieds joints. Si vous êtes assis, placez vos paumes sur vos genoux.

Fermez les yeux et détendez tout votre corps. Inspirez profondément par le nez et retenez votre respiration. Penchez la tête vers l’avant et pressez le menton fermement contre le creux sternal. Placez vos paumes sur vos genoux. Si vous êtes assis, allongez les bras et bloquez les coudes en tenant vos genoux. Le blocage des coudes intensifie la pression appliquée sur le cou. Simultanément, relevez et rentrez les épaules en avant. Cela aide à garder les bras droits et les coudes raides. Gardez cette position tout en retenant votre respiration, tant que cela ne vous occasionne pas d’inconfort. Pendant ce temps, restez concentré sur la région de la gorge. Puis, détendez les épaules, pliez les bras, levez doucement la tête et expirez lentement. Respirez normalement. Répétez l’exercice tant que cela reste confortable.

Pratiquez le jalandhara bandha après les asanas et avant la méditation. En cas d’hypertension ou de problèmes cardiaques, abstenez-vous.

L’uddiyana bandha : le verrou abdominal

L’uddiyana (s’élever, s’envoler) bandha fait remonter votre diaphragme dans votre poitrine. Cette pratique dirige le prâna dans la sushumna et fait monter l’énergie de la kundalini à travers les chakras, jusqu’au sahasrara. Les textes anciens affirment que l’uddiyana bandha est utile pour élargir la conscience, renverser le vieillissement et atteindre l’immortalité. Il améliore l’activité intestinale, calme la constipation, stimule le pancréas, soulage le diabète, équilibre la pensée, apporte aise et calme, et renverse la dépression. Ce bandha agit directement sur votre chakra du nombril (manipura), réserve de prâna. Par conséquent, il stimule et redistribue le prâna dans votre corps et renforce votre système immunitaire.

L’uddiyana bandha peut être pratiqué dans le padmasana, le siddhasana, le siddha yoni asana, le vajra asana ou en position debout. Exerçons-nous en utilisant la méthode la plus facile, c’est-à-dire debout.

Debout, écartez les pieds d’environ 30 centimètres l’un de l’autre. Penchez-vous légèrement vers l’avant à la hauteur de la taille, et pliez légèrement les genoux. Les paumes sur vos cuisses, près des genoux, exercez une pression sur vos cuisses. Expirez complètement et videz le plus possible vos poumons en expirant par coups répétés. Penchez la tête en avant et pressez le menton contre la poitrine, en verrouillant le menton (jalandhara bandha).

Puis, prenez une fausse inspiration. Cela signifie gonfler la poitrine comme si vous inspiriez, mais sans laisser entrer d’air dans vos poumons. Redressez les jambes légèrement. Cela fait automatiquement remonter le diaphragme et l’abdomen prend une forme concave. Relâchez le jalandhara bandha, relâchez les bras et redressez-vous graduellement : vous faites ainsi un tour complet. Effectuez plusieurs tours et augmentez graduellement le nombre de tours en l’espace de quelques semaines. Après avoir pratiqué l’uddiyana bandha en position debout pendant quelques mois, pratiquez-le dans une position de méditation assise.

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Pratiquez ce bandha tôt le matin avant le petit déjeuner, après les asanas et le prânayama et avant la méditation. Il faut avoir l’estomac vide, alors attendez quatre heures après votre dernier repas. Il faut aussi aller à la selle avant de commencer.

Les femmes enceintes et les personnes qui souffrent de problèmes cardiaques, d’ulcères, de colites ou d’autres problèmes abdominaux graves, ne devraient pas pratiquer l’uddiyana bandha. Après l’accouchement, cette pratique aide la nouvelle maman à raffermir et à renforcer son ventre. Cet exercice est excellent pour toutes les personnes dont le bas du ventre a tendance à devenir flasque.

L’ashvini mudra : geste du cheval

Pour bien exécuter le prochain bandha appelé mula bandha, la pratique de l’ashvini mudra (attitude du cheval) est la meilleure préparation qui soit. Dans le système taoïste, on le nomme « exercice du cerf ».

Méthode 1

L’ashvini mudra peut être exécuté dans n’importe quelle position confortable, assis ou même debout. Détendez tout votre corps et fermez les yeux. Respirez normalement tout en contractant et en relâchant rapidement l’anus de manière rythmique. Bien que cette pratique soit réservée aux muscles anaux, d’autres muscles pelviens se contracteront pendant que vous le faites. Répétez l’exercice au moins 20 fois sans effort.

Méthode 2

Dans une pratique alternée, contractez l’anus pendant l’inspiration. Après l’inspiration, retenez votre souffle tout en restant contracté. Contractez les muscles aussi fermement que possible sans faire d’effort. Relâchez la contraction en expirant. Cela fait un tour complet. Répétez autant de tours qu’il vous est possible en tout confort.

Mula bandha : le verrou racine

Mula bandha (contraction du périnée) est dérivé du terme sanskrit mula (base ou racine). Ici, il fait référence au chakra muladhara, siège de la kundalini, ainsi qu’au périnée. Apprenons à le pratiquer.

Dans ce bandha, la région à contracter est le point gâchette physique du chakra muladhara. Chez l’homme, il se situe dans le périnée, entre l’anus et le sexe. Chez la femme, il est dans le point G ou point Gräfenberg, près du col de l’utérus, où le vagin rencontre l’utérus. La plupart des gens pratiquent mal le mula bandha en ne contractant que l’anus.

Les meilleures positions pour effectuer ce bandha sont le siddhasana pour les hommes et le siddha yoni asana pour les femmes. Vous pouvez aussi le faire assis ou debout, en position confortable.

Le siddhasana pour les hommes : assoyez-vous, jambes allongées. Appuyez la plante de votre pied droit sur l’intérieur de votre cuisse gauche. Pressez fermement le talon droit contre le périnée, entre l’anus et le sexe. Placez votre pied gauche sur votre cuisse droite. Si possible, pressez le talon gauche contre le bassin, immédiatement au-dessus du sexe. Poussez les orteils gauches entre le mollet droit et la cuisse droite. Si possible, saisissez vos orteils du pied droit et tirez-les vers le haut, entre la cuisse et le mollet gauche. Placez les talons l’un par-dessus l’autre.

Le siddha yoni asana pour les femmes : la même posture que pour l’homme, mais pressez le talon droit fermement contre les lèvres de la vulve et l’entrée du vagin.

Posez les paumes sur les genoux. Fermez les yeux et détendez tout votre corps. Inspirez profondément. Retenez votre respiration et pratiquez le jalandhara bandha (verrou de la gorge, voir page 320). Pressez fermement votre talon près du périnée. Cela renforce la contraction physique. Contractez fermement les muscles au point gâchette du chakra muladhara, sans trop forcer. Restez attentif au point de contraction. Gardez le bandha aussi longtemps que possible en retenant votre respiration. Puis, relâchez la contraction, relâchez le jalandhara bandha, relevez la tête et expirez. Cela constitue un tour complet. Exécutez plusieurs autres tours, tant que cela est confortable.

Si vous trouvez ce bandha difficile, pratiquez plutôt l’ashvini mudra (voir page 323) jusqu’à ce que vous puissiez maîtriser vos muscles pelviens.

Le mula bandha améliore le ravitaillement en sang dans la région du bassin, stimule les nerfs et revitalise les organes génitaux. Ce bandha suprême qui renverse le vieillissement est indispensable au maintien de la virilité, à la santé de la prostate, et à la régularité de la vessie et du côlon. Il prévient également tous les types d’incontinence.

Ce bandha réveille le chakra muladhara, stimule la kundalini pour faire entrer la brahma nadi dans la sushumna, et transforme l’énergie sexuelle. Selon les anciens, cette pratique attire l’apana vers le haut pour qu’il s’unisse au prâna. L’apana est le souffle vital descendant — la fonction du corps qui expire et expulse les déchets corporels. Le prâna est le mouvement ascendant qui inspire et fournit l’énergie et l’entretien du corps. Le mula bandha équilibre le prâna et l’apana, apportant équilibre aux énergies qui entrent et sortent. Avec ce bandha, l’apana remonte du muladhara et atteint le centre du nombril (chakra manipura), qui augmente le feu digestif. La flamme s’allonge alors et monte jusqu’à l’anahata chakra.

« Grâce à l’allumage du feu, à l’apana et au prâna, la kundalini endormie est éveillée ; elle se raidit à l’instar d’un serpent battu avec un bâton2. »

Le maha bandha : le grand verrou

Le maha bandha (grand verrou) est un bandha puissant qui combine les trois verrous majeurs. Voici comment le pratiquer :

Inspirez lentement en portant attention au muladhara (chakra racine), en imaginant la forme lumineuse de la kundalini dans la conscience. En même temps, pratiquez l’uddiyana bandha (verrou abdominal) et contractez le périnée dans le mula bandha (verrou racine). Quand vous aurez expiré complètement, suspendez votre respiration avec le jalandhara bandha (verrou de la gorge).

Maintenez ces contractions musculaires tout en continuant d’imaginer la kundalini remontant le long de votre colonne vertébrale jusqu’au sommet de votre tête. Suspendez votre respiration aussi longtemps que possible sans inconfort. Ensuite, relâchez le mula bandha, l’uddiyana bandha et enfin, relâchez le jalandhara bandha.

Cet exercice puissant est essentiel pour stimuler la kundalini. (Assurez-vous d’avoir l’autorisation de votre médecin avant d’appliquer l’une ou l’autre des méthodes expliquées dans ce chapitre.)

Le khechari mudra avec ujjayi

De nombreuses techniques de yoga tantrique utilisent un exercice de respiration yogique appelé ujjayi, en combinaison avec un verrou de la langue appelé khechari mudra (sceau de l’oiseau) ou nabho mudra. Ce sont de simples pratiques qui donnent d’importants résultats :

Le khechari mudra

On peut réussir le khechari mudra au terme d’une pratique longue et compliquée exigeant plusieurs opérations chirurgicales sous la langue. Cette procédure consistant à couper le frein de la langue (lingual frenulum) est décrite dans les textes anciens de l’Inde, et ne devrait jamais être tentée sans la guidance d’un maître éclairé. Cependant, cette pratique simple présentée ici ne requiert pas de préparation et convient à tout le monde. Apprenons tout de suite comment l’exécuter. (N’oubliez pas de demander l’avis de votre médecin avant de commencer.)

Roulez la langue vers le haut et vers l’arrière, de sorte que l’envers de la langue entre en contact avec le voile du palais. Tirez la langue aussi loin que possible vers l’arrière pour aller toucher à la luette, sans forcer. En vous exerçant régulièrement, le frein de votre langue deviendra plus flexible, ce qui vous permettra de toucher la luette et même d’entrer dans la cavité nasale au-dessus du voile du palais.

L’ujjayi prânayama

Assoyez-vous dans une position confortable. Cet exercice peut même se faire dans le savasana (figure 23a, page 363), afin de favoriser une plus grande relaxation. Roulez la langue vers l’arrière dans le khechari mudra. Fermez les yeux, détendez-vous et respirez lentement et profondément. Fermez partiellement la glotte en contractant légèrement les muscles de la gorge. Simultanément, vos muscles abdominaux se contracteront un peu automatiquement. Il faut que vos muscles faciaux restent détendus.

Tout en respirant dans cette position, vous remarquerez qu’un léger grincement sort de votre gorge. Ce son, causé par le passage de l’air à travers la glotte serrée, est similaire au son d’un bébé qui dort.

Comme cette technique de respiration, combinée au roulement arrière de la langue, exerce une légère pression sur vos sinus carotides, elle réduit votre rythme cardiaque et votre pression sanguine. Cela induit un calme mental et physique et apaise et harmonise votre corps, votre cerveau et votre corps subtil.

Le shambhavi mudra

Shambhavi (Shakti) est un nom pour la compagne de Shambhu (Shiva). Supposément enseigné à Shakti par le dieu Shiva, ce mudra, également appelé bhrumadhya (centre des sourcils) drishti (regarder fixement), est souvent mentionné dans les textes anciens. Il stimule et ouvre le chakra ajna et le kshetram.

Essentiellement, l’objectif du shambhavi mudra est que vos yeux se révulsent dans leur orbite, puis qu’ils reprennent leur position normale. Lorsque votre troisième œil s’ouvre à l’authentique vision spirituelle de la lumière divine, cela se produit automatiquement.

Voici comment pratiquer le shambhavi mudra :

Version 1

Fermez les yeux et détendez tout votre corps. Puis, ouvrez les yeux et focalisez-vous sur un point entre vos sourcils. Tournez les yeux vers l’intérieur et vers le haut, le plus possible dans cette direction. Si vous le faites correcte-ment, vous verrez deux images incurvées des sourcils en train de fusionner en formant un V. Ne forcez pas vos yeux. Si vous sentez la moindre pression, arrêtez immédiatement et étendez-vous. Recommencez après un moment de repos.

Si vous trouvez cela difficile, placez un doigt sur le bout de votre nez et fixez vos deux yeux sur ce point. Puis, lentement, levez le doigt et ramenez-le au centre de vos sourcils, tout en focalisant bien votre regard sur le bout de votre doigt.

Version 2

Gardez les yeux à moitié ouverts et concentrez toute votre attention intérieure sur le même point, mais sans que vos yeux soient révulsés. Dans ce cas, la focalisation est entièrement mentale.

Version 3

Quand vous aurez maîtrisé cette technique, vous pourrez l’exécuter les yeux fermés. La lumière intérieure baissera et les visions de créatures célestes et de lumières divines apparaîtront dans votre œil intérieur.

Le yoni mudra

Apprenons maintenant la méthode du Nada Yoga afin d’entendre le nada intérieur, le son des sons. Le meilleur moment pour pratiquer cet exercice est tard le soir ou très tôt le matin, quand les bruits extérieurs n’interfèrent pas trop avec la perception sensorielle subtile. On le nomme souvent yoni mudra (invocation de la source), ce qui indique une fusion avec la source du nada. On le nomme aussi shanmukhi mudra (attitude des sept barrières), où les sept portes de la perception extérieure sont fermées à la conscience pour se retourner vers l’intérieur. Un autre de ses noms est baddha yoni asana (posture de la source verrouillée), indiquant la fermeture des orifices de la perception.

On peut pratiquer cet exercice profond dans n’importe quelle position assise ou même debout, pourvu que ce soit confortable. Détendez entièrement votre corps tout en gardant la colonne et la tête bien droites. Levez les mains devant votre visage, les coudes pointés de chaque côté. Puis, avec vos pouces, bouchez-vous les oreilles. Appuyez légèrement vos index sur vos paupières. Ne pressez pas sur les paupières. Fermez bien les narines avec vos majeurs. Encerclez votre bouche, en pressant au-dessus de votre lèvre supérieure avec vos annulaires et sous la lèvre inférieure avec vos auriculaires.

Effectuez ensuite le kaki mudra (geste du bec de corbeau). Voici comment : commencez d’abord par expulser tout l’air qui est dans vos poumons. Faites un petit cercle avec les lèvres comme si vous vous apprêtiez à siffler. Détendez votre langue. Aspirez l’air vigoureusement par la bouche puis poussez l’air dans vos joues pour qu’elles se gonflent. Retenez votre respiration.

Maintenant, bouchez-vous les narines avec le pouce et l’index. Gardez les narines bien fermées, comme vous le feriez à bord d’un avion pour rétablir la pression de l’air dans vos oreilles. Cela obligera l’air à entrer dans la trompe d’eustache.

Effectuez ensuite le jalandhara bandha, en appuyant le menton contre le creux sternal (voir page 320). Retenez votre respiration aussi longtemps que cela est confortable, sans forcer.

Pendant ce temps, notez tous les sons que vous percevez au sommet de votre tête, au milieu de votre tête, dans votre oreille droite ou dans le chakra du cœur. Restez attentif au nada intérieur. Si vous percevez un son avec un son plus subtil en arrière-plan, alors concentrez-vous sur le son plus faible. Continuez d’aller dans les régions plus subtiles du son tout en voyageant plus profondément dans votre être intérieur. Ne vous attardez pas sur un son quelconque, mais continuez à vous déplacer intérieurement.

Quand vous ne pourrez plus retenir votre respiration sans effort, relevez la tête, relâchez les doigts sur vos narines, et expirez lentement par le nez. Cela fait un tour complet. Effectuez plusieurs tours, tant que l’exercice est confortable.

Voici quelques exemples de sons que vous pourriez entendre intérieurement, énumérés dans les ghanta nada (cloches qui sonnent), shankha nada (souffler dans une coquille de conque), tantri nada (luth indien appelé vina), tala nada (cymbales), bansuri nada (flûte), bheri nada (écho de tambour), mridanga nada (double tambour), megha nada (grondement de tonnerre) de l’Hamsa Upanishad.

Ce que vous entendez peut différer de ces sons. Par conséquent, n’essayez pas d’entendre les sons. En lâchant prise, les sons viendront tout naturellement. Pratiquez le yoni mudra plusieurs fois avant de remarquer quelque son que ce soit. Ce mudra vous révèle les profonds mystères de votre être intérieur. Le pratiquer, ne serait-ce qu’une fois, est une expérience inoubliable.

Après avoir pratiqué le yoni mudra pendant au moins un mois, ajoutez-y le mula bandha, élevant ainsi l’énergie pranique de votre chakra racine durant la pratique. Après un autre mois, ajoutez aussi l’uddiyana bandha, pour augmenter l’énergie pranique de votre chakra du nombril.

L’apprentissage de bandhas (techniques de contraction musculaire) et de mudras (gestes) aussi puissants augmente l’énergie pranique, mais ces méthodes sont également des préalables pour des pratiques plus avancées du Kriya Yoga, du Kundalini Yoga et du Laya Yoga. On peut apprendre des pratiques aussi avancées auprès d’un maître spirituel qualifié.