ÉPILOGUE

La philosophie comme thérapie

Comme le dit Lou Marinoff dans Plus de Platon, moins de Prozac : pourquoi ne parlerait-on pas de nos peurs, de nos angoisses, ou de n’importe lequel de nos malaises aux meilleurs cerveaux de l’histoire ! En parlant de la mort avec Platon ou Descartes, nous nous sentirions, sans aucun doute, soulagés. Nous découvririons des nouvelles facettes de notre être si nous avions l’écoute de Kant, d’Aristote ou de Montesquieu.

C’est l’objectif de la consultation philosophique. Ces conseillers d’un nouveau genre estiment que la psychologie et les médicaments ne suffisent pas à traiter les « névroses » de certains patients. Les médicaments ne soignent pas la peur de la mort, et peuvent être, souvent dans bien des cas, contreproductifs.

De plus, la majorité des patients qui vont voir un psychiatre ou un psychologue ne souffrent d’aucune maladie mentale ; ils n’ont besoin d’aucune pharmacopée mais plutôt d’outils pour parvenir à des conclusions.

Bien évidemment, si un conseiller philosophique détecte des symptômes de maladie mentale, il oriente son patient vers un médecin.

Chacun de nous est un peu philosophe, il a juste besoin de quelques conseils et d’un interlocuteur expérimenté. L’être humain est très vulnérable lorsqu’il est en proie à une crise de doute ou qu’il perd un être cher. Ces deux situations peuvent dégénérer en dépression.

Lorsque nous devons affronter ce type de situation, nous pouvons toujours aller voir du côté des applications pratiques développées par les plus grands philosophes pour continuer à vivre.

La consultation philosophique n’est pas une mode passagère ; de fait, cela fait presque trente ans que cette pratique donne de très bons résultats auprès de personnes qui vont de déception en déception avec des psychologues, et qui sont lassés par des traitements longs, coûteux et pénibles, en outre souvent accompagnés de médicaments aux effets secondaires néfastes pour l’organisme.

L’avantage de la philosophie, c’est qu’elle n’a pas d’effets secondaires négatifs et qu’on peut apprendre à l’utiliser sans préalable. Inutile d’avoir suivi des cours de philosophie à l’université ou d’être d’une grande culture, il suffit juste d’ouvrir son esprit et de se poser les bonnes questions.

Les conseillers philosophiques aident leurs clients à identifier le problème dont ils souffrent et à trouver ainsi la meilleure solution dans une pensée philosophique qui s’ajuste le mieux au caractère et à l’éducation du « patient ».

Une des caractéristiques de ces conseillers, c’est qu’ils négligent le passé pour se concentrer sur le présent et l’avenir, considérant que la découverte de traumatismes infantiles n’est pas nécessaire et souvent contreproductrice et qu’évidemment, on ne peut pas changer le passé.

Un autre avantage de ces thérapies fondées sur la philosophie, c’est qu’elles sont courtes contrairement aux thérapies psychologiques qui peuvent souvent s’éterniser.

Malheureusement, nous vivons dans un monde où tout s’étiquette. Il existe un syndrome pour chaque chose. On en arrive presque à inventer des souffrances qui n’existent pas. Les conseillers philosophiques luttent contre cette tendance. Ils refusent de voir des maladies mentales là où il n’y en a pas. Il ne faut jamais donner d’antidépresseurs à une personne qui n’est pas malade. Aucun médicament ne permettra à quiconque de se connaître, pas plus que d’atteindre ses objectifs ou comprendre la société qui l’entoure.

Une personne peut être angoissée émotionnellement en essayant de comprendre le monde qui l’entoure, sans pour autant être considérée comme « malade ». C’est un sentiment que nous pouvons tous éprouver au cours de notre vie.

L’angoisse ou l’anxiété qui surgissent face à l’idée de la mort, ou face à un changement radical, provoquent en nous une infinité de questions. Nous ne sommes pas uniques ; d’autres se sont posé ces mêmes questions et les grands philosophes y ont répondu. Ces réponses ne sont peut-être pas celles que nous cherchons, mais elles peuvent nous aider à trouver une réponse et une consolation qui nous soient propres.

 

Les séances avec un conseiller philosophique commencent habituellement comme une conversation de comptoir sur le sort du monde. Plus avant, le « patient » en vient à formuler des questions philosophiques et comme il sait que ces questions ont déjà été posées antérieurement, il souhaite les approfondir. Finalement, de nombreux « patients » finissent par lire les œuvres des philosophes dont ils se sont sentis les plus proches.

Il est clair qu’il n’existe pas de réponses faciles. S’il y a un problème, on doit lui faire face, le comprendre et le résoudre.

Lou Marinoff affirme dans son célèbre ouvrage Plus de Platon, moins de Prozac que la dépression a quatre causes possibles :

1. Le cerveau ne fonctionne pas bien et est atteint d’une altération génétique.

Dans ce cas, il est clair que le patient a besoin d’une aide médicale et qu’une médication devrait résoudre son problème.

2. Une consommation abusive de drogues ou d’alcool.

3. Un traumatisme infantile non réglé.

4. Une contrariété grave.

Dans les deux premiers cas, la dépression doit être suivie par des psychiatres et traitée médicalement.

Pour les deux autres cas, ce n’est pas nécessaire. S’il s’agit d’un traumatisme passé non réglé, un psychologue sera bien plus efficace que des comprimés. Une thérapie par la parole se révèle bien plus appropriée pour ces cas-là et c’est dans ce cadre qu’un conseiller philosophique peut s’avérer d’une grande aide. Si vous souffrez dans votre travail ou dans votre couple, les médicaments n’y feront rien. Une thérapie par la parole sera bien plus salutaire, et la philosophie constitue alors un outil utile et efficace pour faire face et dépasser cette crise.

Il faut souligner que, souvent, les cachets ne sont pas une solution, car, bien qu’ils fonctionnent, le patient sous l’effet de ces comprimés, a l’impression de ne plus être lui-même. Se pose alors une question : qui suis-je vraiment ? Nous sommes donc devant une question pleinement philosophique.

D’après une série d’études réalisées aux États-Unis, il semblerait qu’un Américain sur deux souffre d’une maladie mentale, résultat profitant clairement aux psychiatres et aux psychologues.

Les conseillers philosophiques essaient de démontrer que ce résultat est faux, et n’est qu’un montage pour effrayer une société déjà très influençable. Bien évidemment, il y a des personnes qui doivent suivre des traitements médicaux et être éventuellement internées dans des centres psychiatriques. La plupart des gens ne sont pas malades mais traversent une mauvaise passe. Ils ont seulement besoin de l’aide que peut leur fournir la philosophie pour dépasser ces périodes de crise.

Lou Marinoff nous parle dans son livre de la technique PEACE (acronyme pour Problème, Émotion, Analyse, Contemplation et Équilibre).

Il faut tout d’abord identifier le problème. La plupart du temps, nous savons de quel problème il s’agit même s’il peut s’avérer relativement complexe.

Ensuite, il faut détecter les émotions que ce problème provoque en nous.

En troisième lieu, il faut analyser les options à notre disposition pour résoudre ce problème, tout en tâchant de le normaliser comme les émotions qu’il provoque en nous.

Puis dans un quatrième temps, il faut prendre de la distance et avoir une vision globale du problème qui nous préoccupe pour finalement atteindre un point d’équilibre.

Une fois que le problème est identifié, que nous connaissons les émotions qu’il provoque, ainsi que les options que nous avons à notre disposition et que nous avons une vision globale de l’ensemble, nous sommes prêts pour prendre les décisions appropriées.

Certaines personnes peuvent effectuer tout ce cheminement en une seule séance avec l’aide d’un conseiller ; en revanche d’autres mettront plusieurs mois à parvenir aux mêmes conclusions. Chacun doit suivre son propre rythme.

Toute personne a sa propre philosophie personnelle – même si la majorité d’entre nous n’est pas prête à l’utiliser. Lorsque les « patients » réalisent finalement le trésor qu’ils ont au fond d’eux-mêmes, ils prennent conscience que leur vie vient de changer et perdent une grande partie de leurs peurs ; ils se sentent moins vulnérables.

Les conseillers philosophiques travaillent non seulement à partir des textes de la philosophie occidentale, mais aussi sur les classiques des philosophies orientales, comme l’hindouisme, le bouddhisme, le confucianisme et le taoïsme.

Ils considèrent que l’Église catholique a dans le passé fait beaucoup de mal, en brûlant des livres, et en condamnant au bûcher de nombreux penseurs, limitant ainsi la connaissance et en inculquant une foi irrationnelle. Cependant, on peut considérer qu’actuellement l’Église fait un effort philosophique considérable pour dépasser ses aspects les plus archaïques.

D’après les conseillers philosophiques, une personne qui ne parvient pas à construire un couple ou à trouver la bonne personne, devrait consulter la philosophie de Bouddha ou de Lao Tsu, ou encore d’Aristote ou de Sénèque.

Si une personne est déjà en couple et souhaite maintenir et améliorer cette relation, Thomas Hobbes, Pythagore ou encore, sans rire, Machiavel ont des choses à dire sur ce sujet.

Si, malheureusement, l’heure des grandes décisions a sonné et qu’on envisage une rupture ou alors de continuer de vivre dans le malheur, Ayn Rand, le Dalai Lama lui-même (Soyez intelligemment égoïste), Emmanuel Kant (S’assurer de son propre bonheur est un devoir) ou Jean-Paul Sartre peuvent être d’un grand secours.

Si nous ne sommes pas satisfaits par notre travail, que notre patron est un tyran ou que tout simplement, notre travail nous ennuie souverainement, nous devrions lire Voltaire, ou Rousseau (« L’homme est né libre, mais partout il est dans les fers ») ou Aristote et tenir compte de la Bhagavad Gita (« Mieux vaut s'acquitter, même médiocrement, de son propre devoir plutôt que du devoir incombant à d'autres, fût-ce à la perfection »).

Confucius et Bouddha doivent pouvoir aider ceux qui ont peur de vieillir.

Si l’on ne sait pas quoi faire de sa vie, si on n’a pas d’objectifs, ou si on sent en soi un grand vide l’on peut éloigner l’idée du suicide grâce aux pensées de Simone de Beauvoir, de Thomas Mann et de Rudyard Kipling.

Nous pouvons aussi dépasser la plus grande des peurs : la mort, la nôtre ou celle d’un être cher. Le fait qu’un jour nous cesserons d’exister, peut nous emplir d’une terrible angoisse vitale. On peut essayer d’éloigner cette angoisse avec une nouvelle fois Simone de Beauvoir, Lao Tsu, David Hume et Confucius.

 

Penser par soi-même tend à disparaître dans la culture de masse, mais dans le même temps on voit surgir réunions et cafés philosophiques pour tous ceux qui refusent l’aliénation. Ces réunions sont souvent organisées par des conseillers philosophiques qui tiennent lieu de modérateurs. Ils sont parvenus à ce que la philosophie alimente tous les jours à nouveau l’esprit de tous. Chacun, sans distinction sociale, discute de tout. Il faut seulement avoir envie de penser, de communiquer et d’oublier la télévision pendant un moment.

 

Le savoir n’est nulle part.

Mettons de la philosophie dans nos vies !