Utiliser les mêmes mots n’est pas une garantie de compréhension. Encore faut-il que ces mots soient identiques et recouvrent une expérience partagée avec autrui.
L’exemple suivant tiré de L’amour en minuscule de Francesc Miralles montre qu’aucune expérience ne peut jamais être complètement partagée :
Imagine que je pars pour un long voyage et que je ne connais pas la date de mon retour. Tu viens à la gare pour me dire au revoir. Si après nous nous écrivons, ou nous téléphonons, et parlons de ces adieux… nous n’évoquerons pas la même chose, même si nous faisons comme si. Nos souvenirs seront différents, voire même opposés. Tu te souviens d’un homme qui s’éloigne et agite la main depuis la fenêtre d’un train, en signe d’adieu. Moi par contre, je me souviens d’un homme immobile sur le quai, qui rétrécit. Voilà la seule chose que nous partageons : voir l’autre rapetisser. Cette impression a un écho sur nos émotions. En s’éloignant physiquement d’une personne, sa présence se réduit inconsciemment, progressivement. Peut-être cette impression d’optique est-elle une préparation mentale pour ce qui va se passer dans notre esprit. Mais revenons au début : une expérience ne peut jamais être partagée. Elle est toujours disponible en emballage séparé.