Mariette
– Prenez le temps de vous installer tranquillement, a indiqué Jean en me montrant ma chambre. Je vous attends dans mon bureau.
L’Atelier était proche du collège : nous l’avions longé pour y arriver. C’était au moment de l’interclasse, des élèves étaient sortis devant la porte pour fumer et discuter. Ma poitrine s’est serrée lorsque j’ai aperçu la mèche blonde de Zébranski.
Ainsi, il était revenu. Il portait le menton haut, bougeait avec une aisance de rapace, soumettant les autres d’un regard, d’un pied conquérant posé sur une marche. La sueur a coulé sur mes tempes, ma respiration s’est encombrée, j’ai prié pour qu’il ne me voie pas, Plus vite ! ai-je crié au chauffeur.
Judith prétend que l’amour est un arrangement, une relation commerciale, chacun vend sa camelote, tout le reste n’est qu’hypocrisie.
Je pense que l’amour est une lumière, je l’ai vérifié, constaté, l’amour a éclairé ma vie environ dix-huit mois, j’ai vu apparaître tout ce qui m’était caché jusque-là, j’ai su qu’il n’existait pas de sentiment supérieur. Lorsqu’il a disparu, tout est devenu plus terne qu’un automne sans fin. Je peux le dire aujourd’hui : l’amour mort vous terrasse et vous cimente le cœur.
Le temps s’était amélioré depuis le jour de l’accident, que j’avais nommé jour Z, comme Zéro, Zombie et Zébranski. Le ciel s’était éclairci, des groupes d’oiseaux filaient dans un joyeux désordre. Chaque jour, Jean m’accompagnait en promenade. Il connaissait des passages cachés, des ruelles désertes, des façades tourmentées, des squares imprévisibles dont il me racontait l’histoire. Avec lui, je parvenais à fuir les pensées sombres, à repousser les crises d’angoisse. Chaque jour, j’appréciais un peu plus nos échanges, émue de son intérêt. Il réclamait des détails, des anecdotes, multipliait les questions.