Monsieur Mike
S’il avait voulu sérieusement se débarrasser de moi, le farfadet aurait dû s’y prendre autrement. Quelle idée d’aller cogner un gars en plein jour, à côté d’une supérette – sans parler du commissariat à cent mètres. Les flics sont arrivés en trombe, prévenus par une caissière. Ils ont appelé le Samu et embarqué les quatre mousquetaires, c’est le problème avec la chnouf, ça vous colle un ralenti de série, résultat ils s’étaient fait cueillir comme des pâquerettes, comparution immédiate, menottes, prison.
Tous ces détails, je les ai appris dans ma chambre d’hôpital par l’assistante sociale, après l’opération : la barre de fer m’avait éclaté la rate. À peine sorti du camion, on m’a collé sur le billard et vas-y que je te découpe. En soi, c’était loin de m’affoler, deux cents grammes de bidoche en moins, mais le grand sorcier m’a expliqué qu’il faudrait becqueter des antibiotiques tous les jours, me faire vacciner tous les cinq ans et me surveiller comme le lait sur le feu : à la moindre petite fièvre, ce serait retour direct aux urgences.
Le sorcier m’avait prescrit sept jours de convalescence. Ça me convenait. Un vrai lit, des draps propres tous les matins, j’allais pas cracher dessus ! Les infirmières étaient aux petits soins, ça leur plaisait de cajoler un gars dans mon genre. Elles m’apportaient le journal, chuchotaient quand elles me croyaient endormi, comptaient mes tatouages. Elles me faisaient leur numéro de filles comme si je pouvais être dupe, les connasses. Comme si je connaissais pas l’histoire, comme si on me l’avait jamais faite.
Je profitais des avantages.
– Allez, le corps de ballet, qui va me chercher une petite mousse ?
– Monsieur Mike, on vous a déjà dit qu’on ne peut pas… Voyons… Bon, une seule alors, mais vous ne direz rien, c’est promis ? Juré ? C’est bien parce que vous sortez demain…
Demain, déjà ? En quelques jours, le froid s’était intensifié. Par la fenêtre de ma chambre, je voyais le ciel s’éclaircir et le bitume se couvrir par endroits d’une pellicule brillante de verglas. Il faudrait vite trouver un autre endroit pour dormir, une autre chaudière de préférence.
Éternels recommencements, plaies cachées. Avancer sans connaître l’objectif. Combattre l’ennemi invisible.