Le buffet

      C'est un large buffet sculpté ; le chêne sombre,

      Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens ;

      Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre

   4  Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants ;

 

      Tout plein, c'est un fouillis de vieilles vieilleries,

      De linges odorants et jaunes, de chiffons

      De femmes ou d'enfants, de dentelles flétries,

   8  De fichus de grand-mère où sont peints des griffons ;

 

      – C'est là qu'on trouverait les médaillons, les mèches

      De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches

      Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.

 

  12  – Ô buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,

      Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis

      Quand s'ouvrent lentement tes grandes portes noires.

Octobre 70. Arthur Rimbaud.