NOTICE
Il est difficile de caractériser le genre précis auquel appartiennent ces textes. Ils sont présentés comme les « écritures » d'un tout jeune homme. L'« Avertissement » dessine une sorte de héros postromantique qui n'est pas sans analogies avec le René de Chateaubriand. Victime de l'ennui, de la déréliction, il s'abandonne à l'univers des songes. Rimbaud, souvent préoccupé par le genre autobiographique, transforme ici les règles du jeu, puisqu'il envisage de décrire la vie d'un adolescent en la plaçant entièrement sous l'éclairage du rêve. Mais l'emploi qu'il fait parfois des temps du passé émousse le présent onirique et donne à ces proses le ton d'une nostalgie.
Delahaye, évoquant Les Déserts de l'amour, assure qu'ils furent rédigés durant le printemps de 1871, à la suite d'une lecture de Baudelaire. Rien à voir cependant avec les Petits Poèmes en prose, même si Baudelaire envisagea lui aussi d'écrire des récits de rêve. Bon nombre de critiques voient dans Les Déserts de l'amour comme un prélude à Une saison en enfer ou aux Illuminations, et c'est bien comme telles que nous percevons ces pages, claires la plupart du temps, mais parsemées d'expressions indécidables.
Premier échantillon, sans doute, sous la plume de Rimbaud, d'une prose poétique, Les Déserts de l'amour témoignent, quelle que soit leur date, d'un projet resté en suspens (si l'on se fie à ce dont nous disposons), mais qui ne dépare pas le monde hallucinatoire que d'autres textes plus délibérément explorent.