NOTICE
Tardivement découverts, ces textes que les éditeurs regroupent parfois sous le titre « Proses évangéliques » occupent le verso (ou le recto, selon qu'on les considère comme plus anciens ou plus récents) de deux feuillets des brouillons d'Une saison en enfer. Ainsi est-on amené à penser qu'ils furent rédigés sensiblement à l'époque où fut composé ce seul livre publié par Rimbaud. Ils en produiraient non pas le projet, mais comme une manière de prétexte, à un moment où Rimbaud ne savait pas encore très bien ce qu'il allait écrire. Leur publication originale remonte, pour le troisième texte, « Bethsaïda », au 1er septembre 1897 (La Revue blanche), pour le premier et le deuxième au 1er janvier 1948 (Mercure de France)►. Ils n'attirèrent l'attention des chercheurs que ces dernières années. Une tendance de la critique consiste à n'y voir que des textes ironiques contestant la parole évangélique (voir Étiemble et surtout Pierre Brunel). Une autre tendance y perçoit une intention moins ouvertement parodique. De toute évidence, Rimbaud, qui se servait d'une ancienne traduction de la Bible faite par Lemaistre de Sacy, s'interroge sur la présence du Christ (elle est contestée et inefficace à Samarie, ville « protestante ») et sur les miracles qu'il réalisa. S'il se plaît à retoucher l'Évangile, ce n'est cependant pas pour proférer ouvertement des blasphèmes. Les guérisons ont lieu, le Paralytique retrouve bien l'usage de ses jambes, parce que Jésus est aussi présent, en personne. Il reste à voir, à partir de telles proses, pourquoi et comment Rimbaud a de nouveau introduit la figure du Christ dans Une saison en enfer, où lui-même prend position parmi les damnés.
Sur ces Proses évangéliques, on consultera Étiemble et Yassu Gauclère, « Rimbaud chrétien ? », dans Rimbaud, Gallimard, « Les Essais », 1966, p. 51-61 ; Pierre Brunel, « Rimbaud récrit l'Évangile », dans Le Mythe d'Étiemble, Didier Érudition, 1979, p. 37-46 ; Jean-Luc Steinmetz, « Sur les Proses évangéliques », dans Parade sauvage, 2008 (Hommage à S. Murphy), dir. Yann Frémy, p. 527-542, et la livraison spéciale de Parade sauvage, 2011.