Des questions reviennent tout le temps quand on parle avec des mecs ou des meufs hétéros. « Mais quand est-ce que vous savez que c’est fini ? » « Mais qu’est-ce que vous faites ? » Le « qu’est-ce que vous faites ? », c’est un peu bizarre, hein. Franchement, les gens qui demandent ce qu’on fait, on ne comprend pas trop leur sexualité à eux. « Quand est-ce que c’est fini ? », c’est la question qui revient super souvent. Alors, des fois, je dis : « Ben, c’est jamais fini. » (Rires.)
« Tu pourrais faire un effort », non. Ou ma mère… (rires) à une époque. Moins maintenant. Mais « tu pourrais essayer », par contre, ouais. C’est fou. J’ai plein de gens qui me demandent : « Mais du coup, t’as jamais essayé avec un pénis, tu peux pas trop savoir si tu l’as jamais fait. » Et là je dis : « Mais toi, t’as déjà essayé avec une fille ? Non ? Mais pourtant tu dis que t’es hétéro. Donc, toi non plus tu ne peux pas trop savoir. » Bon. Mais ça ne marche pas. (Rires.) Ça ne passe pas comme argument. On me dit : « Oui, mais tu pourrais essayer, pour voir. » Mais je ne vais pas essayer un truc dont j’ai pas envie, si j’ai pas envie de le faire, si j’ai pas envie d’être avec un garçon, si je suis pas attirée, je ne vais pas me forcer, ça serait super bizarre. Il se trouve que je n’ai jamais essayé avec un pénis. Le fait qu’on demande toujours : « Mais du coup t’as jamais rien fait avec un pénis », c’est toujours le pénis attaché aux garçons. Et ça m’énerve parce que finalement non, il y a des filles qui ont des pénis et je pourrais avoir été avec une fille qui a un pénis.
Il y a des filles qui sont trans et ont choisi de ne pas avoir l’opération, ou qui ne l’ont pas encore faite, qui veulent la faire plus tard. Et du coup, elles ont un pénis parce qu’elles en ont eu un quand elles sont nées. Et il y en a qui sont gouines, pas toutes, mais il y en a qui sont gouines, j’en connais. Et il se trouve que je n’ai jamais couché avec une fille qui était trans, mais peut-être que ça arrivera, et ça resterait que je coucherais avec une fille. Mais bon, des fois je me dis que c’est trop compliqué pour les gens et qu’ils n’ont pas envie de comprendre des trucs comme ça. Ce n’est pas qu’ils ne pourraient pas comprendre, hein, c’est juste qu’ils n’ont pas envie de les comprendre. Ça sort trop des cases.
* * *
Le problème du porno, même un porno lesbien lambda, c’est que le pénis sera toujours là, il est toujours pensé. Je n’ai rien du tout contre le pénis, mais le mettre tout le temps au centre, je trouve que c’est un problème. Donc, moi, j’ai beaucoup aimé les films où il y a pas mal de cunnis… ou même, dans un porno hétéro, mais si juste on essaie de montrer autre chose qu’une relation avec un coït bite-dans-vagin quoi, c’est un peu triste au bout d’un moment… enfin, c’est dommage. J’aime bien tout ce qui est un peu différent de ça. Après, j’aime beaucoup les scènes de bondage, je trouve ça super excitant. Je trouve que dans la pornographie, le porno SM est des fois plus intéressant. Ça dépend qui le fait et tout, mais ce que j’essaie de regarder, ce sont des scènes où les acteurs vont discuter au début et poser leurs limites, et ils vont en parler avant la vidéo. Et à la fin de la scène, pareil, il y a des gens qui rediscutent de la chose, et du coup – bon je ne pense pas que si j’avais aucun intérêt dedans je regarderais ça, mais en ayant cet intérêt et quelques fantasmes, et en ayant un peu pratiqué le bondage, je trouve que c’est un modèle super intéressant de voir les gens discuter de la relation. Finalement, je trouve que ce serait super bien qu’on mette ça dans des vrais pornos, enfin des pornos beaucoup plus mainstream, que les gens discutent un peu, ça m’intéresserait de voir ça au début d’une scène, en fait. J’ai des problèmes avec les scénarios dans le porno et la manière dont on amène le consentement. Pas le consentement des acteurs au début, mais plutôt comment il est filmé. Par exemple, c’est super fréquent que la fille, dans un porno, elle dise non au début et puis qu’elle finisse par dire oui. Je trouve ça super gênant. C’est pas de l’ordre du fantasme du viol, c’est plutôt que tous les consentements des meufs, enfin quasiment tous, dans les pornos sont filmés comme un « non » qui va devenir un « oui ». Alors que dans le SM, comme il y a les discussions au début, je trouve ça plus intéressant.
* * *
Je réfléchis (rires). Très très malhabile, non, mais qui ne savait pas forcément… Quand t’es avec une fille qui n’a couché qu’avec des mecs, au début ça peut demander un peu d’apprentissage. Même si elle s’est touchée elle-même. Bon, si elle ne s’est jamais touchée – et il y a des filles qui ne se touchent pas –, là ça devient plus compliqué ! Franchement, au début, faut un petit peu dire ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire, parce que ça peut devenir un peu douloureux assez rapidement (rires). Il y a des filles avec qui ça marche moins bien, mais je pense que c’est juste parce qu’on n’a pas le même rythme, on ne veut pas les mêmes trucs. Au début, tu te dis : « Ah, ça pourrait être cool », et puis en fait non.
C’est surtout apprendre à envoyer les signaux. Parce qu’on ne parle pas tant que ça. Il y a des gens qui parlent beaucoup quand ils font l’amour, mais moi ça n’est pas ce que je fais le plus. J’apprends à parler plus et à dire plus « va là, va là », mais il faut que la fille sache décrypter un peu quand tu ne parles pas, parce que des fois juste t’es dedans et tout, et donc lui dire : « Ben non, mais quand je fais ça, ça veut dire ça… » Après, ce sont aussi des trucs ultrapersonnels. Une fille qui s’est jamais touchée peut être persuadée qu’il faut qu’elle te touche un tout petit peu au-dessus du clitoris et c’est pas le clitoris, et tu fais : « Non mais là tu me fais rien. » (Rires.) Effectivement, tu pourrais caresser mon genou, ça serait pareil. Apparemment, il y a des mecs c’est pareil, des filles disent que les garçons ne trouvent pas le clitoris. (Petite voix ironique :) Ça me paraît très bizarre parce que, finalement, le clitoris est assez trouvable, mais bon, des fois on se pose des questions, on sait pas où il est…
* * *
Hum. Non… Non.
Peut-être. Je préfère ne pas m’avancer sur la question parce que moi-même j’ai déjà simulé. Du coup, je pars du principe qu’il y a des filles qui ont déjà simulé. Après je demande, en règle générale. Je sais qu’on peut mentir, c’est totalement possible, mais moi, en général, j’ai simulé parce que, tu vois, la fille se débrouillait bien mais je savais que je n’allais pas avoir d’orgasme, parce que ce jour-là, voilà, c’était pas possible. On va dire qu’on va finir comme ça plutôt que de lui faire : « Ouais, arrête, ça sert à rien », c’était pas plus mal, tu vois. Et c’était pas une histoire de « Ouais, ça n’arrivait jamais », tu vois. C’était plutôt l’histoire de : « Bon, comme ça, ça permet que tout le monde soit content. » Et j’étais contente, donc voilà. J’ai eu deux ou trois trucs où c’était moins bien, et là je ne simule pas, parce que j’ai pas envie qu’on refasse la même chose une autre fois, ça m’embêterait. Mais c’est plutôt des fois où je sais que je ne vais pas jouir… Autant finir sur une note positive. Et puis c’est rigolo de simuler, moi je trouve ça drôle. (Rires.) Peut-être qu’il y a des filles qui ont simulé, mais je n’ai jamais eu une fille qui m’ait dit : « Bon, moi je jouis pas. » Ça serait un peu bizarre, cela étant. Mais j’ose espérer que j’ai au moins fait jouir une fois toutes les filles avec qui j’ai couché. (Rires.)
* * *
Une seule fois. (Rires.) Dans ma relation actuelle, qui est plutôt récente. En soi, ça s’est super bien passé. Sa maman, elle est cool. Et moi j’ai présenté deux copines à mes parents. Et là, la dernière fois, ça s’est passé super bien. Maintenant, avec mes parents, ça va. Ils ont eu le temps de s’y faire. C’était pas gagné d’avance. Comment dire… Mes parents ne m’auraient jamais mise à la porte, ils ne sont pas comme ça, mais je pense que j’ai de la chance car ils étaient vraiment dans l’idée que l’homosexualité n’était pas un bon choix de vie (rires). Des fois ils avaient du mal à penser que si tu étais homo, tu ne l’avais peut-être pas choisi, mais en tout cas il fallait essayer de vivre autrement, peut-être dans le célibat… Et du coup, ils ont vachement avancé. Et ils arrivent vraiment à comprendre que tu peux être bien avec quelqu’un. Bon, après, je leur parle pas de ma vie sexuelle, mais je pense que peu de gens parlent de leur vie sexuelle avec leurs parents. Mais je peux leur présenter quelqu’un et ils sont contents pour moi, ça se passe bien. Et même, la dernière fois que je me suis fait larguer, ma mère était triste. Ça c’était bien. Ça m’avait fait plaisir. Pas de m’être fait larguer (rires), mais qu’elle soit triste, c’était bien. C’est horrible, mais je me dis que si certains parents ne sont pas fans de l’homosexualité de leurs enfants, ils peuvent se dire : « C’est cool qu’elle se soit fait larguer, parce que comme ça elle va redevenir hétéro. » (Rires.) C’est bizarre comme chemin de pensée, mais je suis sûre que des gens pensent comme ça. Et là, ça n’était pas le cas et j’avais trouvé ça bien. Bon, mais je n’ai pas du tout envie de me faire relarguer ! (Rires.)