Je crois que j’ai perdu l’intérêt de la chose au moment où j’ai compris pourquoi on faisait ça, ce qu’il fallait atteindre. Du coup, je n’ai plus vu l’intérêt. Pourquoi on voudrait l’atteindre tout seul ? ça n’est pas intéressant. Enfin, quand on y arrive, c’est intéressant, mais quand on n’y arrive pas, c’est un peu ridicule. Parce que je fais des tentatives quand même, mais à chaque fois ça ne marche pas. C’est comme si mon âme se détachait de mon corps, je me vois de l’extérieur et je me dis : « Mais regarde ce que tu es en train de faire », et ça ne marche pas.
J’arrive pas à… je comprends bien le mécanisme, je comprends bien où il faut appuyer, où il ne faut pas appuyer, mais je sais que je suis toute seule – et toute seule, j’ai pas de… je ne m’excite pas moi-même !
Je n’arrive pas à trouver de stimulant… et même quand j’actionne tous les mécanismes qu’il faudrait actionner… Peut-être qu’il y a quelque chose dans mon cerveau qui dit : « Non non, ça ne va pas marcher. » Donc ça ne marche pas. Tant pis.
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Hum… (Rires.) C’est même pas une question de sentiments – j’aurais bien aimé dire ça, ça aurait été romantique. Moi, je sais que j’ai très rarement atteint l’orgasme. Parfois je suis dans l’abandon à 99 % : ah-oui-là-c’est-parfait. Quand je vois que l’autre a vraiment pris du plaisir, je ne vais pas dire peu importe le mien, mais je n’ai pas besoin d’atteindre l’orgasme pour… déjà je pense que c’est pas possible, un orgasme systématique, ou alors…
Bah… c’est un petit peu différent aussi, je crois, le mécanisme… (Soupir.) Je ne connais pas très bien. (Rires.)
Oh… tu me fais parler ! (Rires gênés.) Si je me mettais à quatre pattes, ça montait vraiment très très vite, très très rapide. (Rires.) C’est tellement intense, comme une perte de son propre corps, je me souviens que je mettais la tête dans le coussin et… une explosion quoi, voilà, je sentais que ça montait, que ça montait, et pour finir ça irradiait dans tout le corps, comme un soleil.
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Ça, par contre… Je ne sais pas trop quoi en faire. (Rires.) C’est tout petit. Je suis tombée sur des garçons qui ne savaient pas très bien s’y prendre. Je n’ai pas vraiment exploré le plaisir clitoridien, on peut dire ça comme ça.
Euh… j’ai eu droit il y a quelques mois à un cunnilingus absolument fabuleux. (Rires.) Voilà, je peux le dire. C’était pas le premier de ma vie, mais c’était de loin le plus réussi. Et c’était par quelqu’un de très timide et réservé et pudique. Quand il a fait ça, de sa propre initiative, j’ai été tellement surprise, j’ai vraiment trouvé ça merveilleux. C’était très bien fait.
Non. Et les fois précédentes, c’était très mécanique et bâclé. Genre : « Allez, je vais le faire trois minutes et puis après on va passer aux choses sérieuses. » Et ça me plaît pas. Et ça me fait rien. Voilà. C’est un don de soi.
Sexuellement, je ne suis pas quelqu’un de très… je n’ose pas y aller franco, je tâtonne un peu. Il y a une petite seconde, ah !, et je trouve ça adorable. Généralement, ça marche. Parfois, ça ne marche pas parce que je veux trop bien faire, je crois. Du coup j’insiste trop, peut-être. Et quand c’est réussi, je suis fière de moi parce que je me dis que j’ai réussi à lui donner du plaisir sans que lui ne fasse rien. Je suis très satisfaite. C’est entièrement moi qui lui ai donné du plaisir. C’est comme ça que je vois la chose.
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Il était très sanguin. Si j’exprimais un désaccord avec lui, tout de suite il se mettait presque en colère parce que je voulais pas abonder dans son sens. Ça me plaisait pas. Après, c’est allé crescendo. On a vécu un petit peu ensemble et lui me laissait les piles de vaisselle sale qui moisissaient depuis trois semaines dans l’évier avec un post-it : « Merci de faire le nécessaire. » Ça a commencé à devenir vraiment malsain quand il a réussi à asseoir cette domination et à se permettre des choses qu’on ne peut pas permettre. Imposer sa libido constamment et quand bien même l’autre en face dit non, on n’entend pas le « non », on dit : « Ben moi j’ai envie, donc tu fais. » Quand on est jeune, qu’on n’a pas d’expérience et qu’on se trouve face à quelqu’un de plus âgé, bah… on obéit un petit peu. Ça s’est terminé parce que c’était devenu des violences verbales, des choses assez rabaissantes. Un jour, j’ai cassé un verre et il a essayé de m’étrangler contre le mur, donc là j’ai dit non, stop. Je m’en vais. C’est fini. C’est pas possible. L’homme qui domine.
À l’époque, j’avais peu d’éléments de comparaison. Quand les choses ont commencé à se faire de manière un peu forcée, ça m’a beaucoup moins plu. On sentait que ce qui comptait pour lui, c’était son plaisir. J’éjacule et puis je dors. Voilà. Je ne lui reproche pas de dormir, moi aussi je m’endors très vite après l’amour ! (Rires.) Sans savoir si j’avais aimé, si j’avais eu envie, si quoi, non non. C’est facile de se laisser manipuler, dominer. Quand on est amoureuse, on ne voit plus grand-chose autour. Un jour, on ouvre les yeux, mais des fois ça prend du temps.
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Parce que… regarde, toute petite on te donne une poupée baigneur pour faire comme si c’était ton bébé, parce que plus tard, qu’est-ce que tu vas faire ? tu vas avoir des enfants, donc il faut savoir s’en occuper. Déjà on t’inculque que ton avenir, c’est d’être mère. Bon. Après on t’achète des jouets pour jouer à la marchande. Bon. Après, on t’apprend que quand t’es une petite fille, il faut avoir de beaux cheveux, il faut bien t’habiller, parce qu’il faut être belle. Les garçons, on leur met un jean et un pull, et puis voilà, ils vont se rouler dans la boue et c’est pas grave. Y’a des femmes qui s’en foutent, qui se rasent pas sous les bras, et elles sont très heureuses comme ça, j’en connais. Elles sont très épanouies et elles n’en ont rien à foutre d’avoir de la cellulite… Elles sont heureuses. Mais elles sont trop rares. Maintenant, on te bombarde à longueur de temps de reportages comme quoi, si t’as des vergetures, t’es moche, t’es dégoûtante. Que faire, mais que faire contre les cheveux gras ? Comment s’épiler les sourcils ? Je ne sais pas à quoi ça rime, tout ça. Pourquoi être belle ? Pour plaire à son homme ? Et si on n’est plus belle, il va nous quitter ? Et lui, qu’est-ce qu’il fait pour qu’on reste ? C’est ça la question. Et pourquoi on reste.