Chloé (30 ans)

Te souviens-tu de ta première rencontre physique avec un pénis ?

Ah oui, très bien. (Rires.) C’était pas une super rencontre. (Rires.) Je sortais avec un mec, on était en troisième. Bon, on décide d’aller au cinéma. On arrive là-bas, puis on commence un peu (soupir)… je pourrais même pas dire à se peloter, parce que je crois que tous les deux on était tellement maladroits… en tout cas à se toucher plus que la normale, étant donné qu’on était dans une salle complètement noire et anonyme, en plein après-midi en plus, il n’y avait personne. Et puis, à un moment, il prend clairement ma main, il la pose vraiment au bon endroit. Moi, j’ai pas de frère, j’ai pas de cousins, je n’avais jamais vu de porno, jamais, jamais, jamais de ma vie. Je savais à quoi ressemblait un pénis au repos, parce que j’en avais vu pareil dans les films, mon père, etc., mais je n’avais aucune idée de ce à quoi ça ressemblait en érection. Je savais que les mecs étaient censés bander à un moment, mais je ne savais pas du tout comment ça survenait, si c’était rapide ou lent, ou si c’était spontané, ou s’il fallait faire des trucs exprès… Je n’en avais pas la moindre idée. Qu’est-ce qu’il fallait faire devant un pénis qui bande ? Alors ça : rien. Bon, il m’a montré ! (Rires.) Mais clairement, moi, je n’y prenais aucun plaisir. C’était moite, on était dans le noir, ça me faisait que peur. Ah ! j’en ai un souvenir comme d’un truc dégoûtant, alors qu’aujourd’hui je ne trouve plus ça dégoûtant. Mais sur le moment, oui, je voyais vraiment ça comme une espèce de truc moite bizarre. Bref, il commence à me montrer le mouvement qu’il faut faire. Bon, ben, c’est bien, en même temps il m’a appris ! Donc je fais ça, ne comprenant pas trop où ça nous mène (rires), sauf qu’évidemment ça nous a menés à une jolie éjaculation sur ma main, enfin voilà, dans le cinéma. Moi je ne comprenais rien, alors lui, du coup, il ne me faisait rien du tout, il était en mode « vas-y ma belle », il avait arrêté de me faire vaguement des petites caresses qui m’étaient pourtant très agréables au départ. Et puis voilà, il s’est levé, il est allé aux toilettes, il est revenu, et fin de l’histoire. Je ne l’ai jamais revu. Ça m’a vraiment déplu au plus haut point, mais bon, heureusement, je ne suis pas restée sur cette mauvaise expérience. J’en ai eu des meilleures assez rapidement, si bien que je ne suis pas du tout traumatisée des pénis. (Rires.) Mais traumatisée de lui, ouais.

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Comment as-tu découvert ton point G ?

J’avais compris où c’était et j’avais capté que quand les mecs font des trucs avec leurs doigts, ça donne quand même des sensations que t’as jamais, même lors d’une pénétration standard, au moment où ils appuient vers l’avant. Et j’avais remarqué que les godes « spécial point G » ont cette forme incurvée vers le devant. Donc j’avais bien compris qu’il y avait quand même un truc qui se passait à cet endroit-là, qui est complètement en avant du vagin, qui touche la vessie en fait – on sait bien que l’envie de faire pipi n’est pas complètement décorrélée du désir sexuel… Donc je me suis dit : « Bon, OK, mon gode, il est pas incurvé, mais je peux quand même l’incliner, quoi. » Et quand j’ai fait ça : orgasme immédiat, IMMÉDIAT. C’est quand même étonnant. Vraiment, je suis tombée des nues, ça m’a sidérée. Et je vois quasiment cet endroit comme un bouton ON-OFF. C’est fou. Je trouve ça fascinant.

Par contre, il m’arrive de ne pas forcément montrer où c’est à un nouveau partenaire. Parce que sinon c’est presque trop facile, hop, en deux secondes, tac tac, c’est fait. Non. Il y a un côté désagréable. Même moi je n’y vais pas directement. Mais ce qui est sympa, c’est justement d’essayer de le stimuler autour pour que ça crée un orgasme indirectement. N’empêche, ce point quasi ON-OFF, moi je l’ai en tout cas, chez moi il existe, je le connais, mais j’aurais presque du mal à dire que c’est agréable.

Plus jeune, tu as regardé ton sexe ?

Oui, j’ai fait ça. Quand j’ai eu mes règles, très jeune, j’avais à peine onze ans. J’ai voulu mettre des tampons pour aller à la piscine et compagnie. Mais bon, j’y arrivais pas, voilà. J’avais essayé : impossible, je sais pas ce que je faisais, ça ne marchait pas, j’arrivais pas à les rentrer quoi, physiquement. Je pense que je n’essayais pas dans le bon angle (quand on ne sait pas qu’il y a un angle…). Résultat, une fois je me retrouve vraiment coincée, genre j’ai promis à des gens que j’allais à la piscine, je suis trop contente d’y aller et, le matin même (parce qu’à l’époque, les règles, on a du mal à dire pile quel jour elles vont arriver), le matin je me réveille, et bim ! J’appelle ma cousine au secours et elle me dit : « Si t’arrives pas à le rentrer, mets ton doigt d’abord. Ton doigt, t’arriveras bien à le rentrer. Une fois que tu auras mis ton doigt, tu verras comment c’est et t’arriveras bien à mettre un tampon. » Et j’étais là : « Ah mais c’est dégueu ! Comment tu peux me dire ça ?! » Elle me dit : « Ouais ouais, je sais, c’est dégueu, enfin ça va, c’est ton corps quand même, faut pas exagérer… » Je me suis dit : « Oui, c’est vrai, elle a raison », et j’ai fait ça. Je me suis dit : « C’est malin, j’ai mis mon doigt à l’intérieur (rires) de moi pour la première fois à ce moment-là. » Et j’étais très contente parce que, du coup, j’ai réussi à mettre des tampons et, de fait, ça ne m’a jamais plus dégoûtée par la suite.

Dans mon métier, vu que je suis médecin, ça m’est arrivé d’avoir des patientes qui venaient parce qu’il y avait quelque chose qui était resté coincé, soit un tampon, soit un préservatif, un mouchoir quelconque. Et chaque fois ma remarque c’est : « Si moi j’arrive à l’enlever avec mes doigts, c’est que vous auriez pu le faire, et en plus vous vous seriez évité non seulement la pénibilité d’une consultation, mais un peu l’humiliation, car j’imagine que ça n’est pas très marrant d’aller chez le médecin en disant : “Je crois que j’ai un truc coincé au fond du vagin.” » Il y a vraiment des femmes pour qui ça n’est pas envisageable d’aller voir, de mettre simplement ses doigts, notamment quand un tampon est coincé, que la ficelle s’est coupée ou déchirée. Un tampon, ça peut très bien s’enlever avec les doigts, pas besoin d’une pince ou de je ne sais quoi de ce genre. Or elles me disaient : « Je ne peux pas », alors qu’elles avaient eu soixante ou soixante-dix partenaires. Elles me disaient : « Mais je ne vais jamais trouver le trou, je ne vais jamais trouver le trou ! » Je ne sais pas, je pense que pour certaines personnes c’est une zone qui leur reste complètement étrangère. Et après on peut entrer dans des trucs psychanalytiques, dire que « les garçons ont un sexe et les filles n’en ont pas », enfin c’est comme ça qu’on voit les choses petit et qu’on nous les présente souvent, malheureusement. J’entends encore beaucoup de parents dire ça à leurs enfants. « Tu vois, lui c’est un garçon, il a un zizi, et toi t’es une fille, donc t’en as pas. » Mais non ! T’es une fille, donc t’as une zézette ! Pour moi c’est clair, ça a toujours été comme ça, mais c’est vrai qu’on est encore beaucoup élevé comme ça. J’avais une interne en gynéco qui disait, quand des patientes venaient avec des corps étrangers dans le vagin, que c’était comme si elles avaient l’impression que leur vagin était un gouffre sans fond, qu’on pouvait y « perdre » des choses (rires). Mais non ! (Rires.) Ce n’est pas du tout possible ! Et je ne sais pas quoi en penser, certaines ont besoin que ça reste complètement mystérieux, quelque chose à quoi elles n’ont pas à avoir accès, un truc pour les hommes – et les bébés aussi, un jour. C’est pas un truc pour elles, quoi.

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Comment s’y est-on pris pour te proposer la sodomie ?

J’ai eu de la chance, beaucoup de chance. En fait, le premier mec qui m’a proposé ça, ou qui a osé me le proposer, c’était un mec avec qui j’étais pas depuis longtemps. Donc, très au début de notre relation, il met un petit doigt, doucement, sans le rentrer, juste dessus, et il me dit gentiment à l’oreille : « Tu veux ? » J’ai dit : « Non. » Point. Je ne suis pas montée sur mes grands chevaux, il n’y a pas eu ça. Il me fait : « OK» Jamais rien tenté d’autre. J’ai pris hyper confiance en lui, on est restés ensemble des années. Et du coup, j’avais cette confiance que si je disais non, c’était non. Il n’y avait pas de menaces, de reproches, de malaise, rien du tout, et en même temps je savais qu’il voulait bien. Et puis, petit à petit – il a été très fort, hein, il a été très malin –, petit à petit les cunnilingus allaient de plus en plus, de temps en temps, vers l’arrière… jusqu’à ce que je me dise : « Quand même, c’est très agréable », puis systématiquement, puis je demandais ça… puis un peu les doigts, puis, puis, puis… et effectivement, au bout d’un moment, ça s’est passé. Mais je dirais que ça a pris plus d’un an, voire deux. Mais bon (rires), quand on est restés ensemble des années… Et j’ai toujours dit que je le remerciais de ça, parce que je connais plusieurs de mes copines qui ont eu des mauvaises expériences la première fois, avec un mec beaucoup trop bourrin, elles n’en avaient pas vraiment envie, etc., et qui, du coup, n’ont jamais pu accéder aussi à ce plaisir-là. Encore une fois, il y en a peut-être qui, même bien fait, n’aimeraient pas ça, on a le droit de ne pas aimer. Je pense qu’il y a beaucoup de cas où c’est un peu traumatisant, parce que Dieu sait que ça peut l’être, et je me dis toujours que j’ai eu beaucoup de chance qu’on m’ait initiée à ce plaisir sans me brutaliser et sans que je voie ça comme une torture.

Ça s’est reproduit avec d’autres et il y a eu de moins bonnes expériences, je peux donc comprendre que parfois ça soit mal vécu. Je ne sais pas comment dire, à la fois c’est un plaisir auquel je ne renoncerais pas toute ma vie, je ne me dirais pas « Je veux pas », après c’est comme plein de plaisirs physiques, par moments on ne sait pas pourquoi, il y a des phases où un truc nous attire plus que d’autres, donc il m’est arrivé aussi d’avoir des relations pas hyper longues mais suffisamment, où si le mec n’était pas hyper en demande et que pour moi c’était pas mon truc du moment, ça se passait juste pas, et sans que ça pose de souci. Encore une fois, il y a des mecs qui vivent que par ça, et ça me pose vraiment un souci. Ah, il y a des types qui ont vraiment du mal à finir un rapport sans finir par ça, ça m’est arrivé. Euh là, non. Le côté passage obligé, c’est pas possible. Non, non, de façon générale, dans le sexe, j’aime pas les passages obligés, c’est pas un truc qui me convient. Et pas celui-là en tout cas.

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Et ces hommes, ils étaient épilés en totalité, eux ?

Non, ça j’ai rarement vu. Ah ! ça je peux pas, alors là c’est un truc… ah non, pour moi un mec c’est poilu. Une fille je sais pas, parce que je connais moins, mais un mec c’est poilu. Pour moi, un mec qui s’épile, mais c’est rédhibitoire ! Comme quoi c’est bien des codes que j’ai intégrés, en même temps. Pour moi, un mec qui s’épile, c’est comme un mec qui se mettrait du vernis à ongles. OK, c’est cool, ça me dérange pas, tu fais ce que tu veux, mais par contre on peut pas avoir de rapports ensemble. Moi j’aime un mec qui est un mec, quoi. Ah là là, j’ai honte d’avoir des propos aussi manichéens, les hommes d’un côté et les femmes de l’autre, mais dans mon désir c’est comme ça que je le ressens. (Soupir.) Pour moi, c’est tellement pas naturel que j’y arrive pas, je sais pas comment dire, mais hmm, non. Dans la théorie, parfois, on se dit que ça serait bien qu’il y ait pas de poils, mais c’est comme ça, il y en a, c’est la vie, c’est la vraie vie. Donc, effectivement, du coup pourquoi je m’épile, c’est une vraie question.

Par contre, j’ai eu un mec qui m’a demandé de ne plus m’épiler. Ouais. Un seul. Je m’en souviens bien. Mais c’était assez génial, ça. J’avais adoré. On en avait beaucoup parlé, hein. Il m’avait raconté que son premier souvenir érotique c’était d’aller à la piscine avec les filles de sa classe au collège, donc en sixième, et d’être tout content à l’idée de voir des filles qu’il connaît en maillot de bain. C’est pas comme aller à la plage, où ce sont des filles qu’on ne connaît pas. Une des filles avait dû avoir une puberté assez précoce et il avait vu, en regardant son maillot de bain, la trace des poils à l’intérieur, ça ne débordait pas, mais le volume que ça représentait… vu que c’est frisé, presque crépu, ça se voyait, il y avait une texture et un volume à l’endroit du petit triangle où se rejoignent les cuisses. Et ça l’avait bouleversé d’érotisme. J’ai trouvé ça extraordinaire comme témoignage. Vraiment. Et l’autre chose qu’il aimait à raconter, c’était l’une des lettres qu’il avait lues de la correspondance entre Napoléon et… merde sa meuf, comment elle s’appelait, Augustine, Ernestine, enfin un nom du genre, merde c’est pas ça, Alphonsine, bon je me souviens plus, enfin son adorée, là… et à un moment il rentre de croisades… non, pas de croisades, c’est pas des croisades, je suis bête, de ses batailles… et il lui écrit : « Je serai là dans trois semaines, ne vous lavez plus. » J’arrive dans trois semaines, ne vous lavez plus… Et pareil, ça l’avait complètement affolé d’érotisme. Le fait d’avoir un mec qui pensait comme ça, je trouvais ça formidable. Je sais pas comment dire, il avait dans mon estime une place très importante. Je trouvais qu’il aimait vraiment le corps de la femme tel qu’il est, de façon tellement brute que j’aimais ça. J’aimais ça.