Gabrielle (18 ans)

En quoi ton sexe est-il différent de ceux des filles du porno ?

Déjà, c’est pas une pêche, c’est pas un truc lisse avec juste une fente, et de toutes mes copines que j’ai pu avoir l’occasion de voir nues, même les filles avec qui j’ai eu l’occasion de faire des choses entre adultes consentants, elles étaient pas comme ça. Je crois que je n’ai jamais rencontré une fille qui était faite comme ça. Mais au début, quand tu vois que t’es pas… bah, que toi, en gros, ben ça dépasse, quoi, pour dire les choses clairement, quand tu vois que ça dépasse, tu te dis : « Elles, elles ne sont pas comme ça, mais pourquoi ? » Du coup, dès que j’avais l’occasion de regarder mes copines nues, j’essayais de voir, je me disais : « Peut-être qu’elles sont comme ça ? Mais qu’est-ce que je vais faire si je suis toute seule ? » Je pense qu’on ne se rend plus vraiment compte de comment on est vraiment les uns les autres, c’est-à-dire qu’on s’en rend compte au moment où on le fait, mais quand on imagine une femme nue, on imagine qu’elle a un sexe en forme de pêche, et quand on imagine un homme nu, on imagine qu’il a un braquemart pas possible, quoi. Ben voilà, il y a des femmes qui ont le sexe en forme de pêche, il y a des femmes qui ont le sexe en forme de fleur, c’est chacun son truc, c’est pas plus ou moins beau. C’est sûr qu’en un sens ça fait plus aseptisé, ça dépasse pas, c’est bien lisse, allez hop (elle frappe des mains), c’est fait ! En même temps, on ne va pas se faire faire de la chirurgie esthétique. Le monde est fou ! Laissez nos pénis et nos vagins tranquilles à la fin ! Il n’y a pas de raison de se dire : « Oui, je vais me faire faire une labioplastie pour plaire aux hommes. » Bah non, ben désolée, ben non. Si la personne est amoureuse de toi, il n’y a aucune raison d’avoir peur qu’elle te dise quelque chose, mais ça je m’en suis rendu compte assez tard.

Je me souviens, j’avais entendu un garçon, on devait être à la piscine, qui disait : « Ah mais moi, une fille avec les lèvres qui dépassent, mais jamais, ça me fait vomir ! » Moi je me suis dit : « Bien, d’accord, je n’aurai jamais de vie sexuelle. » Et finalement si, j’en ai une, et je n’ai jamais eu de problème. Si j’étais productrice de porno, je mettrais dedans des vraies femmes de la vraie vie, avec des vrais sexes, et pas des fleshlights ! Pardon, c’est horrible de dire ça, mais voilà.

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Comment ça s’est passé ?

Hum… Ça devait faire deux mois qu’on était ensemble et bon, moi, je prenais vraiment mon temps, je me disais : « Peut-être, peut-être pas, je ne sais pas, j’hésite… » Je ne sais plus si on venait ou si on allait traverser le pont aux Fleurs, qui est mon pont préféré dans Paris (le sien également), et moi, je voulais lui demander un truc qui n’avait rien à voir, par rapport à une de ses amies ou je ne sais plus quoi, et on marchait dans la rue, on était vers l’île Saint-Louis et il y avait une statue, c’était la nuit, il y avait des arbres, le sol était mouillé, il avait plu juste avant, et à un moment donné je lui dis : « Est-ce que je peux te poser une question ? », et il me dit : « Bah oui, évidemment », et il me pousse un peu contre le socle de la statue, et je commence à ouvrir la bouche pour poser ma question, et il me fait : « Est-ce que je t’aime ? Oui. » Et là… Du coup, la question m’est totalement sortie de l’esprit, je ne savais plus du tout où j’en étais… et le truc c’est que je me suis dit : « C’est peut-être pas une bonne idée de lui dire maintenant que je l’aime, parce que… » J’ai dû dire un truc bateau, du style « ah moi aussi », ou « ahh ». Parce que moi, j’en étais pas sûre et je voulais attendre d’en être absolument certaine pour le lui dire, et donc je le lui ai dit peu après. Et voilà, il m’a dit ça comme ça, et… ah, je ne savais plus où me mettre ! J’étais horriblement heureuse, quoi. J’étais complètement hors du monde, je ne me projetais plus dans rien, quoi. C’est peut-être l’une des rares fois dans ma vie où j’ai vraiment vécu l’instant. Où je ne pensais plus au passé, au futur, à quoi que ce soit, mais à ce moment, au fait que j’étais avec lui, qu’il m’aimait. C’est peut-être l’un des moments les plus impressionnants de ma vie. Impressionnant, ouais, c’est vraiment le mot. C’est-à-dire : « Mais qu’est-ce qui m’arrive ? Mais comment ? Où suis-je ? Qui suis-je ? Qui es-tu ? Qui êtes-vous ? Que faisons-nous là ? »

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T’es-tu déjà forcée à faire l’amour ?

Ça m’est arrivé qu’on me force, d’être forcée, oui. Je venais d’arriver à Paris, j’étais folle, jeune et insouciante. Et j’ai bu, trop. Et ce garçon était très gentil avec moi. Et il m’a dit : « Si tu veux, je te raccompagne chez toi. » Et j’ai dit : « Bah oui, bien sûr, c’est gentil. » Il m’a raccompagnée, etc., il est monté. Au début, j’étais partante pour, quoi. Mais au moment où il a commencé à me toucher, je me suis dit : « Non, ça va pas le faire, ça va pas être possible. » Et il a continué. Je n’ai pas de souvenirs très clairs de ça, mais il me semble que j’ai quand même dit « non » à un moment, je n’ai pas dû le dire de manière particulièrement autoritaire ni particulièrement charismatique, mais j’ai dû le dire, j’ai dû dire : « Non, j’ai pas envie, s’il te plaît, je suis désolée, j’ai pas envie, quoi. » Et il a continué, et j’ai… voilà.

Le pire moment, c’est quand tu arrêtes de lutter parce que tu te dis que, de toute façon, plus tu vas lutter, plus il va te faire mal, donc ça ne sert à rien. Et ça, c’est dur.

J’avais dix-sept ans. J’avais passé une très bonne soirée jusque-là. Après, tout le monde dit : « Ah, mais tu devrais porter plainte », mais non, tu peux pas, non, c’est pas un truc que tu peux faire. Surtout moi, parce que j’ai commencé par me dire : « Si t’avais pas… si t’avais pas bu, si tu t’étais pas habillée comme ça, si tu l’avais pas laissé te raccompagner, si t’avais pris un taxi au lieu de faire n’importe quoi, ça ne te serait pas arrivé. » Tu commences par culpabiliser. Puis tu te dis : « Mais attends, c’est quand même pas… » Et pendant longtemps je me suis dit que j’avais imaginé qu’en fait j’étais d’accord et tout ça, j’ai mis longtemps à accepter que ça me soit arrivé à moi, je me disais : « Non, pas à moi, pas à moi, ça peut pas m’arriver, ça arrive aux autres, ça. Je suis pas une fille qui se laisse faire comme ça. » En fin de compte, bien sûr que si, ça peut arriver à tout le monde, c’est ça que les gens ne comprennent pas. Parce qu’il me plaisait, hein. Il était mignon. Sauf que quand tu dis « non », tu dis « non », il n’y a pas à se poser la question, même si tu es d’abord d’accord. Tout le monde a le droit de changer d’avis. C’est pas parce que tu as dit « oui » d’abord que tu es forcée ensuite de continuer. Par exemple, ça peut arriver de commencer à manger un plat et de se dire : « Finalement non, je vais pas le finir », et bah voilà, c’est pareil. Ce qui est dur, surtout, c’est de se dire qu’en fin de compte, en gros, on ne m’a pas demandé mon avis. En fin de compte, j’étais pas importante dans l’histoire, ça aurait pu être n’importe qui d’autre. Moi, ce que j’ai fait, c’est que j’ai oublié, je ne m’en souviens presque plus maintenant. Je n’ai pas occulté, mais j’ai un peu laissé faire, quoi. Je me suis dit : « Fais autre chose, construis tes trucs par-dessus, construis d’autres souvenirs, oublie. » Et c’est pour ça que tu ne peux pas porter plainte, parce que, quand tu portes plainte, ça veut dire que tu reconnais que ça t’est arrivé, et moi je n’ai jamais vraiment reconnu officiellement que ça m’était arrivé. Quand j’en parle, je n’utilise pas le mot « viol », alors que c’est ce que c’était, mais je n’utilise pas ce mot, je dis : « Oui, bah, on m’a forcée quoi », mais je n’ai pas envie d’y repenser. Après, bon, je me dis que malheureusement c’est arrivé à plein d’autres femmes, j’ai peut-être mieux réagi que certaines d’entre elles qui, au fond, restent probablement traumatisées, moi je n’ai pas fait ça, je ne suis pas restée bloquée là-dessus, je me suis dit : « Pour m’en sortir, je vais faire à nouveau la fête, je vais coucher avec d’autres gens et ça se passera pas comme ça », et ça ne s’est plus jamais passé comme ça, parce qu’ensuite j’ai toujours été très claire. Il m’est arrivé de plus avoir envie, mais je ne suis jamais retombée sur un mec comme ça.

Comment vis-tu les ruptures ?

Quand on se fait plaquer, des mois après on y pense encore. On se dit : « Mais qu’est-ce que j’ai fait ? qu’est-ce que j’ai pu faire pour que… Mais il faut que je le récupère, il faut que je fasse quelque chose. » Surtout quand on est amoureux. Quand on est amoureux, ah, c’est terrible… Même sans être jaloux ou jalouse, il y a toujours un moment où on a peur que l’autre s’en aille, parce qu’on est amoureux, donc on a atrocement peur que l’autre parte, que l’autre ne s’intéresse plus à nous, et quand ça arrive, effectivement… Bon, déjà, on commence par penser que c’est de notre faute, alors que pas forcément. Les gens qui me disent : « Ah, j’aimerais trop être amoureuse comme toi », j’ai envie de leur dire : « Mais non, fuyez, pauvres fous ! » Il n’y a pas pire que d’être amoureux. Quand on est avec la personne, ça fait tellement mal qu’on a tout le temps peur. Ça n’empêche pas de profiter, mais il y a toujours un sentiment de peur derrière. « Eh, mais si ça se trouve, bientôt il en aura marre de toi, bientôt elle va partir ! » Et tu te dis : « Mais c’est pas possible, non mais pourquoi ? » J’ai cru être amoureuse avant, mais quand j’ai compris que j’étais amoureuse de lui, je me suis dit : « OK, ça n’avait rien à voir. » En termes d’intensité, de souffrance – mais souffrance, c’est un peu agaçant comme mot, parce que la souffrance, ça n’est pas forcément négatif, on peut bien aimer souffrir. Moi, quand je ne le voyais pas et qu’il me manquait et que je souffrais, je me disais : « Ah oui, c’est trop bien. Ah, il me manque, oh là là, oh oui ! » Maintenant que je ne suis plus avec lui, je me dis : « Mais qu’est-ce que je faisais de ma vie avant de le rencontrer, qu’est-ce que je faisais ? » Avant de le rencontrer, je n’avais pas de problèmes ! Je ne m’ennuyais jamais ! Je suis fille unique et donc je suis habituée à me divertir toute seule, je m’embarque facilement dans des rêveries qui font que je ne m’ennuie jamais. En fin de compte, disons que ouais, je faisais beaucoup beaucoup de choses avec lui, et finalement, quand la personne n’est plus là, ben t’as juste l’impression que ta vie est vide, que t’as plus rien à faire sur cette terre (pas dans le sens « je vais me jeter dans la Seine », mais dans le sens « qu’est-ce que je fous là »). J’apporte plus rien à personne. Je m’ennuie parce que je n’ai plus rien à faire. J’avais envie de le voir tout le temps (bon, j’ai encore envie de le voir tout le temps…). On ne peut pas forcer les gens à nous aimer.

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C’était qui, cette fille aux gros seins ?

Une fille rencontrée à Montmartre. J’étais allée boire un verre avec un ami et j’arrive dans ce bar, et c’était la serveuse, et elle était très jolie, et elle avait un accent absolument génial de l’Est. Avec mon ami, on commence à lui parler parce qu’elle était sympa, et elle me dit : « Oui, je viens de Pologne » et tout ça, alors moi (elle tape dans ses mains) j’enchaîne sur mes origines polonaises. On a commencé à vraiment sympathiser, elle m’a donné son numéro et, plus tard, je lui ai envoyé des messages en disant : « Écoute, si tu veux, je t’héberge, y’a pas de soucis » (je savais qu’elle avait des problèmes d’hébergement), et elle faisait : « Oh mais t’es trop gentille avec moi » et tout… C’était pas intéressé, hein ! Si elle était venue et qu’elle avait dit « non », je n’aurais pas insisté, j’aurais dit : « OK, pas de problème. » Et une fois, elle m’envoie un message en me disant : « Je suis désolée, je ne sais pas où dormir cette nuit, est-ce que ça te dérange de m’héberger ? » Je réponds : « Bien sûr que non, aucun problème », et voilà, elle est arrivée. Au début, je ne savais pas quoi lui dire, je lui ai fait du thé, on a commencé à parler, tout ça. Et au bout d’un moment… Autant je laisse plutôt les garçons faire, autant, avec les filles, je suis plutôt entreprenante, parce que, déjà, c’est pas souvent qu’une fille accepte. Ce qui fait que je me suis dit : « Bon, vas-y, c’est le moment, essaye, au pire tu verras bien. » Donc je me penche vers elle et je l’embrasse, et voilà, et c’est comme ça que… Et elle avait des seins, et c’était bien, c’était très bien.