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Je ne sais pas exactement où nous sommes, mais c’est drôlement calme. Personne ne pourrait dire qu’il y a eu un combat, cette nuit. Il n’y a plus de corps, plus de flèches, juste une pelouse légèrement jaunie, sur laquelle je m’installe. Bien à l’ombre sous un arbre, suffisamment loin de la maison pour avoir la paix. D’ici, je m’assure de pouvoir garder un œil dessus. On ne sait jamais, après tout.

Je somnole quand des pas s’approchent de moi et se figent lorsque je sursaute.

— Oh, pardon. Je ne voulais pas… te déranger.

Juste devant mes pieds, j’aperçois Jonas qui cache les rayons d’un soleil qui se couche doucement. Déjà, ma gorge se serre de le voir là, en plein jour.

— Tu ne me déranges pas, dis-je simplement.

Il hésite. Je le sens nerveux, ce qui n’est pas habituel chez lui, mais il pointe l’arbre contre lequel je suis appuyée:

— Tu permets que je m’assoie?

Mon corps se déplace pour lui offrir suffisamment d’espace et il se laisse tomber à mes côtés, sans chercher à s’adosser contre l’écorce. Probablement que ça le gêne, parce que nous serions très près. Trop pour que mon cœur puisse le supporter. Autant qu’il reste là, tête baissée, à arracher l’herbe et à la rejeter devant lui.

— Martin m’a raconté tellement de choses, dit-il en relevant enfin les yeux vers moi.

— Je présume, oui.

— Et c’est vrai, parce que…? Je n’ai pas le moindre souvenir d’avoir été…

— Un vampire? Oui, c’est vrai.

Il fait une drôle de moue, légèrement dégoûtée, puis il se met à parler avec plus d’entrain:

— Ça n’existe pas, les vampires! Déjà, l’autre avec ses yeux noirs… et la fille, aussi… je n’ai jamais vu des choses pareilles!

— T’as vu bien pire, dis-je, en espérant qu’il ne me demande pas d’entrer dans les détails.

Jonas soupire et hausse les épaules, toujours incertain de croire ce qu’il entend, puis il reporte les yeux sur le sol, où il se remet à arracher la pelouse.

— Et Martin, il… il m’a dit qu’on était ensemble, tous les deux. Qu’on était… amoureux.

Je cogne mon dos contre l’arbre et j’ai une sorte de rire nerveux, incontrôlable:

— Oui, enfin… disons qu’on n’a pas vraiment… qu’on ne s’est jamais dit… ce genre de mots.

— Mais on était ensemble? répète-t-il en relevant un visage curieux vers moi.

— Bien… oui.

— Même si j’étais… ce genre de chose?

Malgré moi, je le fusille du regard:

— T’étais un vampire, pas une chose, OK?

— Non, je… c’est juste que… ça me paraît bizarre qu’une fille… ait envie de… d’être avec un truc qui boit du sang…

Ma gorge s’assèche. Jamais je n’aurais cru vivre assez longtemps pour devoir justifier mes sentiments devant Jonas. À la limite, que Patrick ne comprenne pas, cela passe encore, mais lui?

— J’essaie juste de comprendre, explique-t-il, lorsque ma réponse tarde à venir.

— Tu ne buvais que du sang en sac, dis-je très vite.

— Mais je n’ai jamais… bu sur toi?

— Non. Enfin… oui, mais personne ne le sait, alors il vaut mieux qu’on s’en tienne là.

Il pose une main sur mon poignet et me force à relever la tête vers lui. Il insiste autant du regard que par ses mots:

— Élisabeth. J’ai besoin de savoir. Si tu m’en parles, peut-être que… que ça va me revenir…?

Même si j’en doute, je ne peux nier que son idée est intéressante. Qui sait, après tout? À défaut de fonctionner, son plan me permet au moins de rester plus longtemps en sa compagnie. Quand il retire ses doigts de ma peau, je pince les lèvres et je détourne la tête pour ne pas qu’il remarque que son geste m’attriste.

— Qu’est-ce que tu veux savoir?

— Je ne sais pas. Disons… les histoires de base: comment on s’est rencontrés, comment on est tombés amoureux ou…

Il laisse le reste de sa phrase en suspens. Est-ce qu’il sait au moins ce qu’il me demande? De replonger dans un passé qui n’existe plus et qui risque de m’écorcher vive en sachant que tout a disparu de sa tête? Tant pis. Je me mets à lui raconter tout ce qu’il demande: notre rencontre, comment il m’a sauvé la vie, comment j’ai su qu’il était vampire, combien ça m’a effrayée, à l’époque. Au fond de moi, je garde l’espoir que mes mots fassent resurgir quelques images dans sa tête. Peut-être pas tout, mais… s’il pouvait se souvenir de quelque chose, ce serait déjà bien.

Le Jonas humain ne ressemble en rien au Jonas vampire. Il paraît intrigué par tout ce que je dis et pose des tas de questions. En apprenant qu’il m’a sauvée deux fois, il affiche un air confus:

— Wow. Dit comme ça, on dirait que… j’étais une sorte de superhéros.

— Pour moi, c’était un peu ça, avoué-je.

— Tu m’as sauvé, toi aussi.

— Oui.

Je ne l’ai pas sauvé autant que je l’aurais souhaité, mais en le voyant devant moi, bien vivant, il serait inutile de nier que je referais la même chose si l’occasion se présentait. Autant savoir qu’il y a un Jonas pour qui je n’existe pas, plutôt qu’un Jonas qui n’existe plus.

— Je suis désolé de ne pas me souvenir de toi, dit-il soudain.

— Ce n’est pas grave, mens-je en essayant de retenir mes larmes. Comme tu vois, je ne suis pas quelqu’un de très intéressant.

Sa main se repose sur mon poignet et le secoue doucement:

— Là, je ne suis pas d’accord.

Mes yeux se posent sur ses doigts et il les retire rapidement, probablement parce qu’il voit que mes yeux deviennent humides.

— Tu m’as quand même sauvé la vie. Deux fois. Ce n’est pas rien, quand même.

— Oui, bien… disons qu’on est quittes.

Je renifle et le silence reste entre nous pendant un bon moment avant qu’il tente de plaisanter de nouveau:

— Et puis… je ne veux pas me vanter, mais j’ai toujours eu beaucoup de goût pour les filles.

J’essuie les larmes qui coulent sur mes joues, même si je ne cesse de leur ordonner de retourner d’où elles viennent. À quoi bon lui dire qu’à part Martin et moi, personne ne voulait s’approcher de lui? Peut-être que j’étais son seul choix, après tout.

— J’aimerais vraiment te dire que tout va me revenir, mais…

— Je sais, soufflé-je pour le faire taire. De toute façon, qui dit que le Jonas humain va me plaire autant que le Jonas vampire?

Je feins une moue qui sonne faux, mais qui a le mérite de le faire rire et de détendre l’atmosphère. Profitant du silence qui revient, je me lève et sors la première excuse qui me vient en tête:

— Il va bientôt faire nuit. Tu devrais rentrer.

— OK.

Il se redresse à son tour, mais il m’arrête alors que je tente de m’éloigner en direction de la maison et se place devant moi:

— Si tu veux, on pourrait… se voir? Juste pour… pour vérifier si…?

C’est bizarre. Dans mon ventre, il y a une sorte de joie qui s’installe à l’idée de ce qu’il tente de me dire et pourtant, mon bras se raidit. Dès que Jonas fait un pas vers moi, je pose ma main sur son torse et le repousse avant que ma tête intervienne dans le processus.

— Peut-être que tu serais mieux de rester loin de tout ça, m’entends-je prononcer.

— Mais… pourquoi?

— Jonas, Dieu t’a donné une deuxième chance. Peut-être qu’il vaudrait mieux pour toi que tu t’éloignes de nous et… euh… de tout ça.

— Élisabeth, je fais de mon mieux pour essayer de récupérer mon passé.

Je recule d’un pas, mais j’ai la sensation que je ne le fais pas de mon plein gré et qu’on me tire vers l’arrière, qu’on m’éloigne de lui. Pourtant, c’est ma voix qui fuse dans l’air:

— Peut-être que Dieu ne veut pas que tu retrouves ton passé. Peut-être qu’il considère que tu seras beaucoup mieux sans nous.

Ma bouche se ferme brusquement, parce que mes propres mots me donnent envie de vomir. Jonas serait mieux sans moi? Qu’est-ce qui me prend de dire ça? Sans répondre, il tourne les talons et se met à marcher en direction de la maison. Malgré ce que je viens de lui dire, je me mets à courir derrière et à le supplier avec des paroles ridicules:

— Jonas, attends! Parfois, les mots sortent de ma bouche, mais ce n’est pas moi qui les prononce!

— Ce n’est pas grave. Je comprends.

Je m’arrête et je reste là, les bras ballants, à l’observer retourner à l’intérieur. Quelque chose me retient de courir vers lui. Pourquoi? Je ne peux pas croire que je viens de repousser l’homme que j’aime. Pourquoi ce ne sont pas des mots aussi simples que «Je t’aime» qui sont sortis de ma bouche? Pourquoi ai-je été incapable de lui dire à quel point je suis terrifiée à l’idée qu’il ne retrouve jamais la mémoire? Dieu joue contre moi, à l’intérieur de mon propre corps. Pourquoi m’interdit-il de m’approcher de Jonas? Ne l’a-t-il pas suffisamment éloigné de moi?

* * *

Personne ne dort, mais personne ne parle non plus. Martin passe son temps avec Jonas, au premier, à essayer de le dissuader de partir. Je ne peux pas lui en vouloir d’avoir envie de retrouver sa famille, mais au bout de dix ans, alors qu’il n’a pas vieilli, Martin soutient que c’est imprudent. À mon avis, le prêtre a peur de ne plus jamais revoir l’homme qu’il a aimé comme un fils. Et je ne peux que le comprendre.

Même si j’ai envie de m’enfermer dans la pièce qui me sert de chambre et d’enfouir ma tête sous un oreiller, je reste là, sur la véranda, à écouter le grincement répétitif de la vieille balançoire que je pousse du bout d’un pied pour qu’elle me berce. Patrick et Kevin surveillent le périmètre autour de la maison, mais je ne sens rien d’anormal. Possible que Sam ait raison, après tout. Tant qu’à revenir, autant s’assurer qu’ils aient de quoi me détruire. Peut-être est-ce la fatigue ou le chagrin, mais ma propre mort ne me paraît plus si terrible, aujourd’hui. Ce que je trouve dommage, c’est que les autres s’obstinent à rester là alors qu’ils pourraient simplement filer en douce et me laisser en plan. Je ne vois pas pourquoi il nous faudrait tous mourir…

Sam arrive, s’adosse sur la balustrade devant moi et affiche un sourire las:

— Comment tu tiens le coup?

— Ce n’est pas très compliqué, puisque je n’ai rien à faire.

— Tu devrais aller dormir. Tu tombes de sommeil.

— Comment veux-tu que je dorme quand tout le monde est sur les dents? dis-je en le fusillant du regard.

Il étouffe un rire qui me déplaît et je lui jette le regard le plus noir que j’ai en réserve pour qu’il arrête de se moquer de moi. S’il croit que je suis d’humeur, ce soir, il se trompe lourdement!

— Après ce que tu as fait hier soir, reprend-il plus sérieusement, je doute qu’on veuille encore te tuer. Les connaissant, ils doivent avoir une bien meilleure idée en tête.

— Une idée meilleure que la mort? Chouette! ironisé-je.

— Liz, trouver une arme comme toi relève du miracle. Et je sais ce que je dis.

Je fronce les sourcils et cesse de me balancer, soudain curieuse:

— Ce qui veut dire?

— Ce qui veut dire qu’il y a plusieurs moyens de combattre Dieu, mais un seul pour le détruire: il suffit d’utiliser ses propres armes… toi, en l’occurrence.

J’éclate d’un rire qui sonne faux:

— Quelle idée! Je ne vais pas me battre contre Dieu! Pourquoi je m’opposerais à lui?

Il a un vague haussement d’épaules:

— Qu’est-ce que j’en sais? Il arrive qu’on ne soit pas toujours en accord avec les décisions de notre père. D’ailleurs, le mien est plutôt arrogant, en général. C’est pour ça que je me suis retiré du circuit.

Ses propos me dérangent et je sais très bien pourquoi: Sam insinue que je suis en désaccord avec Dieu parce qu’il m’a pris Jonas. Certes, il y a de la colère en moi et je n’arrive pas à comprendre son geste, mais de là à m’en prendre à lui? Certainement pas!

— Et toi? C’est quoi ton histoire? finis-je par lui demander.

— Bof. La pression, les ordres… j’en avais assez de gérer une bande d’incapables. J’ai seulement eu envie de me remémorer ce qu’était la vie… avant.

— Bien sûr, me moqué-je. En faisant tes courses et en mangeant du riz instantané. Pas banal.

Il rit avant de me pointer du doigt:

— Reste que c’est ce que font les gens normaux: ils travaillent, ils cuisinent, ils voient des amis… Et même si tu trouves ça ridicule, tu serais très étonnée de goûter à ce riz! Le micro-ondes fait des merveilles, petit soldat!

Quelqu’un qui cherche la normalité, dans un sens, ça ne me paraît pas si étrange. Au contraire! Ne donnerais-je pas tout ce que j’ai pour pouvoir le faire?

— Alors quoi? Tu t’es sauvé de la confrérie des démons pour vivre une paisible vie d’humain?

— Je ne me suis pas sauvé! rugit-il. J’ai seulement pris des vacances. Et à voir ta tête, ça ne te ferait pas de mal non plus.

Il a raison, mais je n’ai pas envie d’en débattre, alors je change simplement de sujet:

— Et l’humain? Tu vas le tuer en sortant?

— Ça, c’est une question de petit soldat, se moque-t-il. Vois-tu, quand j’ai pris ce corps, ce pauvre Rémi menait une existence désolante. Au fond, je ne fais que lui donner un peu de plaisir…

— En le faisant manger du riz instantané?

Il pouffe de rire et j’avoue que j’ai du mal à ne pas l’imiter. Ce n’est que lorsqu’il s’installe à côté de moi, sur la balançoire, que je commence à ressentir une étrange nervosité. Sam me fixe pendant d’interminables secondes avant d’annoncer:

— Comment fais-tu pour m’empêcher d’entendre dans ta tête?

— Euh… je ne sais pas. Je ne fais rien, admets-je.

Je me concentre et remarque qu’il y a une sorte de voile autour de moi, ce que je ressentais la première fois que j’ai rencontré Sam, mais que je ne sens plus vraiment, désormais. En y réfléchissant davantage, je me rappelle ce démon, dans le sous-sol, chez Martin, qui semblait lire en moi comme dans un livre ouvert. Intriguée, j’en fais mention à Sam, qui pince les lèvres:

— Il avait bien de la chance, celui-là, mais tu n’étais sûrement pas aussi forte, à l’époque.

Je ne réponds pas, parce que je ne sais pas jauger de ma force et que, par conséquent, je ne peux pas vraiment en témoigner. Je sais bien que j’arrive à faire des choses exceptionnelles, mais je mentirais en disant les contrôler. C’est Dieu qui prend possession de mon corps. À croire que tous ces mois d’entraînement ne m’ont rien apporté en tant que soldat de Dieu.

Avec ses pieds, Sam se met à pousser sur le sol et la balançoire se remet en marche. C’est calme. À part le vent qui s’accroche dans les feuilles et le grincement que nous provoquons, il n’y a aucun son. À l’exception des garçons qui discutent, au loin, et qui rient, parfois.

— Je peux te poser une question indiscrète? demande Sam, sans me regarder.

— Je suppose que oui.

— Ce matin, j’ai dit que je t’avais vue dans un rêve et… ça n’a pas semblé te surprendre…

Je pose mon pied par terre pour arrêter le balancement, mais je ne tourne pas la tête vers lui, car je suis gênée de lui répondre. Mon silence est probablement éloquent, car il se tourne brusquement vers moi:

— Quoi? Toi aussi?

— La veille de notre rencontre, oui, confirmé-je.

— Moi aussi! dit-il en posant une main sur son torse.

Je le toise du regard, surprise de le voir aussi joyeux:

— Ça te fait plaisir, on dirait?

— Hein? Non! Ce n’est pas ça! Mais avoue que c’est bizarre! C’est prémonitoire, tu crois?

Mon visage se durcit et il le remarque.

— Pardon. C’est très indélicat de ma part. Surtout après ce qui s’est passé avec ton vampire. Je ne voulais pas avoir l’air de profiter de la situation, c’est juste que…

— C’est bon. Ça suffit, l’interromps-je.

— OK.

Ses pieds nous poussent plus rapidement et le grincement de la balançoire devient franchement agaçant. Le problème, c’est que je n’ai pas le cœur de l’arrêter. Ce bruit m’est plus agréable que de discuter avec Sam d’un éventuel baiser prémonitoire. Quand il ralentit, je crains qu’il remette le sujet à l’ordre du jour, mais il ne fait que demander:

— Ça veut sûrement dire qu’on va devenir amis, qu’est-ce que t’en penses? Un démon et un soldat… wow! Remarque, pour toi, ça n’a rien de nouveau, t’étais avec un vampire, avant.

Qu’il parle de Jonas au passé, ça m’attriste, mais j’essaie de ne pas le montrer.

— Pardon, répète-t-il en tournant de nouveau la tête vers moi. Quand je suis nerveux, je dis tout ce qui me passe par la tête. C’est seulement que… c’est très excitant. Je vais apprendre plein de choses sur les soldats et les sorcières.

Je reste muette et il reprend, très vite:

— Évidemment, ce sera donnant-donnant. Tu pourras en savoir plus sur les démons, toi aussi. Je pourrais te surprendre, tu sais?

— Tu parles toujours autant?

Ses pieds se figent au sol et la balançoire s’immobilise doucement. Sam me fixe avec un air hébété.

— C’est la nervosité. Enfin, je crois. C’est parce que tu ne parles pas, non plus! J’ai l’impression que je dois mener la discussion tout seul.

— Le silence, ça ne te dit rien?

— Ah. Euh… oui. OK. Va pour le silence…

Il se tait et recommence à faire grincer la balançoire. C’est agréable. Surtout que je suis fatiguée. Ce léger flottement m’endort.

— Si t’as des questions, tu peux me les poser, aussi…

Je soupire et tourne la tête vers lui:

— Mais tu n’arrêtes jamais?

— Pardon. Je te l’ai dit, quand je suis nerveux…

— T’as pas à être nerveux, le coupé-je. Même si tu es un démon, personne ne va te tuer. Et même si tu crois que ton rêve est prémonitoire, t’as intérêt à être patient, parce que je n’ai aucune envie de t’embrasser pour le moment, compris?

— Euh… oui. Compris.

Je me lève et redescends le ton:

— Bien, je suis fatiguée, alors autant aller dormir un peu. S’il y a une attaque, réveillez-moi.

— OK.

Sans lui accorder le moindre regard, je retourne à l’intérieur de la maison et je grimpe l’escalier en quatrième vitesse. Au passage, je jette un œil sous la porte de chambre de Jonas: il y a de la lumière, mais je n’ai pas le courage de frapper. De toute façon, Martin est probablement avec lui. Depuis qu’il est revenu d’entre les morts, c’est à peine s’il a quitté son chevet.

Quand je m’étends sur le lit, je ne peux pas m’empêcher d’espérer qu’on m’enlève des bouts de mémoire, à moi aussi. Plutôt être amnésique que de devoir revivre une journée pareille!