Si notre idée d’une influence de l’avenir sur les textes littéraires a quelque justesse, elle ne devrait pas seulement avoir des conséquences sur le système des conjugaisons et sur la pratique de la biographie, mais également sur l’étude plus ponctuelle du style. Il est logique en effet de supposer que l’écriture elle-même, dans ce qui lui confère sa singularité inimitable, exprime les événements appelés à lui succéder.
Peut-être avons-nous trop privilégié, jusqu’à présent, les contenus des œuvres et la transposition en histoires littéraires des grands scénarios de vie. Pourquoi les causes postérieures ne s’exerceraient-elles pas aussi sur la forme même des textes, et jusqu’au détail de leur lettre, c’est-à-dire sur ce qui, précisément, les apparente à la littérature ?
C’est un spectacle terrible que Maupassant offre aux visiteurs dans les derniers mois de sa vie, lors de son hospitalisation à la clinique du docteur Blanche. Réduit à un état presque animal, il n’a plus rien de l’intellectuel brillant et du personnage séduisant qu’il était encore quelques années auparavant. L’homme a cessé de pouvoir dire « je », puisqu’il s’est réfugié en un temps antérieur à ce pronom, où domine la multiplicité.
La communication devient, de ce fait, impossible, faute d’un interlocuteur à peu près unique avec lequel la mener. Et rares d’ailleurs sont ceux qui se dérangent encore pour rencontrer Maupassant, sa mère Laure n’ayant plus la force de venir voir ce qu’est devenu son fils et ses amis se décourageant peu à peu devant le spectacle angoissant qu’il offre aux visiteurs.
Et, parmi les derniers à rencontrer Maupassant, il s’en est certainement trouvé pour penser aux années d’écriture et pour se demander comment un écrivain parvient, non pas à prédire – car ce n’est même plus de prédiction qu’il s’agit à ce degré d’exactitude –, mais à décrire, et avec autant de souci clinique, ce qui lui était arrivera.
Il n’existe malheureusement aucun doute, en effet, sur l’ordre dans lequel les faits se sont produits. C’est en 1887 que Maupassant fait paraître « Le Horla », le plus célèbre de ses récits fantastiques, celui où il raconte le plus précisément sa lente descente vers la folie. Et il meurt fou six ans plus tard, en présentant la série des symptômes qu’il avait lui-même analysés.
Or, à l’époque du « Horla », Maupassant ne souffre d’aucun trouble psychique particulier1 et prend même plaisir à se dire que de nombreux lecteurs le considéreront comme un fou. Pour lui, « Le Horla » est d’abord un exercice de style appartenant au récit fantastique, même s’il puise pour l’écrire, comme beaucoup d’autres, dans quelques expériences personnelles angoissantes.
La relation de cause à conséquence est donc bien, là encore, à lire dans l’autre sens. Les crises de folie des dernières années ne sont pas la conséquence des textes littéraires fantastiques mais leur cause postérieure, puisque ce sont ces textes qui évoquent avec une minutie croissante des événements qui les ont « précédés », mais suivant une autre organisation temporelle que celle à laquelle nous sommes habitués.
Quel est le sujet du « Horla » ? Le narrateur y raconte la progression d’un mal étrange. Un être mystérieux, peut-être arrivé par bateau du Brésil, après s’être manifesté par des comportements singuliers comme celui de boire son lait ou de cueillir ses fleurs, s’empare peu à peu de lui – un « lui » devenu de plus en plus incertain –, au point de le conduire à mettre le feu à sa maison, dans l’espoir vain de détruire son agresseur.
Or, le Horla n’est nullement isolé dans l’univers de Maupassant. Ce que la nouvelle met en scène – la lente prise de contrôle d’un individu par une force qu’il ne parvient pas à maîtriser – n’est pas un accident narratif, mais un thème obsédant qui traverse toute l’œuvre. Et il serait plus juste de parler du Horla comme d’un nom commun désignant un type de texte que comme d’un nom propre.
Cette prégnance du Horla se fait particulièrement sentir dans toute une série de textes qui décrivent des phénomènes apparentés de possession psychique, comme « Lui ? », « Un fou » ou « La Peur ». Et évoquent par exemple cette expérience troublante – dite hallucination négative – où le sujet n’aperçoit plus son image dans le miroir, comme s’il était lui-même en train de disparaître.
Mais le Horla n’est guère moins présent dans une série plus importante de textes qui ne s’apparentent pas au genre fantastique proprement dit, mais à un fantastique du quotidien. Ces textes racontent des épisodes de la vie ordinaire, où se laisse percevoir une angoisse croissante, qui s’apparente au cheminement insidieux du Horla. Significatif de cette veine, par exemple, le roman Pierre et Jean, dont le héros est dévoré par un doute sur sa filiation et celle de son frère. Doute qui n’est au départ qu’une légère préoccupation, mais qui se fait de plus en plus insistant, au point de détruire finalement celui qu’il occupe et de le rendre fou.
Une même figure traverse ainsi l’œuvre avec des variations, celle d’une force hostile qui n’a pas de lieu fixe et exerce la terreur par cette incertitude même. Le Horla n’est ni à l’intérieur du sujet ni à l’extérieur, mais, précisément parce qu’il est insituable, fait disparaître les limites entre l’un et l’autre et en supprime jusqu’à la question. Or, cette thématique du lieu a peut-être aussi contribué à effacer le plus angoissant de cette histoire de folie, qui concerne le temps.
Tout autant en effet, sinon plus, que cette incertitude spatiale, le Horla incarne une incertitude temporelle, qui s’impose à l’attention dès qu’on cesse de le considérer isolément, pour prêter intérêt à sa relation avec la vie de Maupassant. Pour qui connaît en effet les circonstances de son écriture et ce qu’il s’est trouvé annoncer, le Horla pourrait tout autant s’appeler l’après-avant, forme de ce brouillage des temps psychiques qu’une grande œuvre parfois réalise, y compris chez celui qui la lit, jusqu’à la terreur.
Comment dénommer le Horla ? Ce qui se trouve au cœur de cette œuvre est un être littéraire au statut étrange, qui est à la fois un personnage fantastique et le nom par lequel le narrateur essaie de lui trouver une place dans le langage. Une formation discursive paradoxale, donc, dans laquelle on peut voir une allégorie de la folie2, et qui est d’autant plus originale qu’elle n’est pas produite par ce qui précède, mais appelée par ce qui suit. Que faire de ces figures qui ne trouvent pas leur raison d’être dans le passé ou le présent de l’écriture, mais dans le temps à venir d’où elles proviennent ?
Analyser le réseau de figures qui constituent l’univers d’un écrivain revient souvent à les situer au croisement de deux régularités. D’une part l’ensemble des figures en cours dans une certaine culture à une certaine époque, ensemble dans lequel l’écrivain est naturellement amené à puiser. Et, d’autre part, l’ensemble de ses figures personnelles, qui, depuis son enfance, assurent son identité poétique.
Rien de tel avec la figure du Horla et les figures stylistiques apparentées de l’univers de Maupassant. Cette figure ne puise ni dans un fonds commun, ni dans un fonds personnel, en tout cas passé. Elle est bien une mise en forme, mais d’un événement à venir. Elle ne s’inscrit pas sur la ligne directrice ordinaire qui va du passé vers le présent, mais sur une ligne opposée, qui fait du présent de l’écriture la conséquence du futur de la vie.
Sans doute pourrait-on nous répondre que la figure du Horla se situe au croisement de ces deux lignes temporelles et que son pouvoir de dévoilement tient à ce qu’un processus est déjà en cours. Bref, qu’elle ne témoigne pas d’un temps isolé, mais de l’ensemble d’un mouvement, où l’avenir prolonge ce qui est perceptible à l’heure de l’écriture, avec toute la sensibilité qui permet à celle-ci, mieux que la conscience, de capter les mouvements infimes.
Mais que les deux soient évidemment liés – ce dont voudraient témoigner nos nouveaux temps de conjugaison – n’empêche pas que l’avenir, fût-il déterminé par le passé, exerce la pression principale et que c’est de son côté que viennent les forces les plus influentes. Le passé est certes omniprésent dans l’univers de Maupassant, mais c’est le poids de ce qui va se produire qui suscite la peur, sentiment dominant de son univers.
En ce sens, on pourrait qualifier le Horla, cette figure primordiale de l’œuvre de Maupassant de figure-avant, pour la différencier des figures traditionnellement étudiées, orientées vers le passé et méritant à ce titre le nom de figures-après. Les figures-avant, au contraire, tirent leur origine et leurs formes de ce qui va se produire. Et même si elles pourraient tout aussi bien, chez un autre auteur, être porteuses d’espoir, ce sont avant tout, chez Maupassant comme pour nous, des figures de l’angoisse.
Ce qui est valable pour la figure paradoxale du Horla pourrait être étendu à de nombreuses autres figures de la rhétorique, ou, plus largement, de la stylistique. Car il est clair que toutes ces sciences de l’écriture en ont toujours étudié les manifestations comme l’expression du passé et jamais comme la préfiguration du futur, dans sa double dimension d’espoir et d’angoisse. Aussi conviendrait-il que ces deux domaines, exagérément marqués par le passé, soient, après ceux de la conjugaison et de la biographie, renouvelés en profondeur.
Dans le champ de la rhétorique, les images ont une place à part, et d’abord la première d’entre elles, la métaphore. Pensée non plus comme métaphore après – ainsi qu’elle l’est d’ordinaire –, mais comme métaphore-avant, elle peut devenir la pièce-maîtresse d’une science des images de l’avenir, susceptible de transformer notre lecture des textes3. Et il en irait ainsi également de la métonymie-avant, apte à laisser deviner, à partir d’une partie incomplète, une totalité encore absente, appelée dans l’avenir à se constituer4.
Mais il n’y a pas que le domaine des images à être affecté par notre théorie. Aussi bien les figures de son (avec les allitérations-avant) que les figures de construction ou de rythme (avec les anaphores-avant) gagneraient à être pensées par rapport à ce qu’elles préfigurent plutôt qu’à ce qu’elles figurent. Ainsi de nombreux passages du « Horla », écrits dans un style qui semble sans cesse menacé par la décomposition, participent-ils de cette écriture de l’inquiétude, dont le passé ne saurait suffire à rendre compte5.
C’est en effet tout un processus de destruction du langage qui se trouve suscité, chez Maupassant, par la puissance désorganisatrice de l’événement à venir. Beaucoup plus profondément que dans les images, le style même serait ici à comprendre dans sa relation à ce qui le dépasse. L’écriture y est par moments gagnée, dans son rythme comme dans sa ponctuation, par quelque chose qui en menace de l’intérieur la cohérence, et comme minée de l’intérieur par ce fantôme.
Il n’est pas jusqu’à la ponctuation qui ne puisse, elle aussi, être élucidée à la lumière de ce qu’elle annonce. Il en va ainsi, chez Maupassant, de certains signes d’écriture répétitifs, comme les points d’exclamation ou de suspension, qui semblent tenter de représenter graphiquement la rencontre même avec l’horreur. Et dont nous comprenons mieux aujourd’hui, avec le recul que donne le passage du temps, ce qu’ils essayaient au juste de transcrire.
Que certaines figures d’une œuvre littéraire ne puissent s’expliquer que par l’avenir dont elles portent les signes n’implique pas que toute figure ait ce statut – il peut arriver qu’une figure s’explique simplement par le poids en elle du passé –, ni, quand elle a ce statut, qu’elle puisse être immédiatement décryptée comme telle.
De même, en effet, que les figures freudiennes du rêve sont soumises à des processus de transformation, on peut imaginer que des processus du même ordre rendent méconnaissables les figures-avant. L’exemple de Maupassant est caractéristique, puisque c’est souvent à travers de multiples déformations que l’image du Horla se laisse appréhender dans certaines nouvelles.
Si les processus en cause présentent des similitudes, il paraît plus difficile que pour le rêve de parler de refoulement, même si quelque chose est bien, là aussi, advenu. Mais c’est tout autant un processus inverse qui a cours, puisque c’est moins à repousser les traces d’un événement survenu que le psychisme est ici contraint, qu’à empêcher la formation des marques d’un événement encore inaccompli.
Or toute notre représentation des faits psychiques met le passé dans la position cardinale d’être le point de référence autour duquel se constitue tout processus de figuration. La totalité des mécanismes de défense, ainsi, tendent à nous protéger des empreintes du passé. C’est le cas du refoulement, dont la fonction est de nous tenir à l’écart de représentations liées à des événements pénibles de notre histoire, mais tout autant du déni ou de la forclusion, qui visent à jeter le voile sur des souffrances antérieures.
Il conviendrait donc d’inventer des mécanismes de défense originaux, pour exprimer les réactions du psychisme à ce qui n’est pas encore arrivé. On pourrait ainsi imaginer des notions comme celle de précaution pour penser la manière dont il se prépare à ce qu’il pressent. Et une nouvelle théorie de l’angoisse – affect encore mal expliqué par la psychanalyse – serait à construire, qui ne se limiterait plus au passé, mais en situerait plus précisément certains objets dans l’avenir.
Et à ces mécanismes de défense seraient liés des modes particuliers de décryptage, analogues à ceux que Freud a inventés pour lire le rêve. Il n’est pas sûr ainsi que le déplacement et la condensation demeurent valables quand on change d’orientation chronologique et que l’on se dirige de l’avenir vers le passé, tant est grand dans leur conception même le poids d’une ligne temporelle classique. Et les nouvelles lois à construire devraient savoir s’affranchir du temps pour réunir, venant de textes parfois dispersés sur des années, les éléments séparés de symboles annonciateurs6.
Plus encore que les autres faits détaillés jusqu’ici, l’étude des figures de style pose la question de la place de l’interprète dans leur reconnaissance. Dire en effet que « Le Horla » est au cœur d’un réseau symbolique qui annonce le déferlement de la folie chez Maupassant ne peut se faire que depuis un point ultérieur auquel l’écrivain concerné n’a pas accès, puisque le moment où il aurait été le plus à même de comprendre la justesse de la prémonition est celui-là même où il n’était plus en état de le comprendre.
Par ailleurs, indépendamment du cas précis de la folie, le symbolisme à venir ne peut se constituer que par le biais d’une place tierce, où s’établit la conjonction entre les passages écrits et leur réalisation dans l’événement. Comme le symbolisme passé, le symbolisme à venir implique l’acte d’une interprétation. Or celle-ci est plus importante peut-être que pour le symbolisme passé, et ce pour deux raisons.
Le temps a souvent passé, tout d’abord, entre la prédiction et sa réalisation, tendant à rendre les messages moins lisibles. Par ailleurs, comme tout symbole, le symbole à venir est l’objet de déformations, et l’appréciation même qu’il y a symbole implique une prise de position subjective. Hormis des cas où l’événement serait directement décrit, il existe une marge d’appréciation sensible entre cet événement et sa représentation symbolique.
Avec « Le Horla », nous sommes certes proches d’une représentation pure de ce qui va survenir, puisque l’être qui s’empare peu à peu du narrateur s’apparente à une forme de folie, et qu’il semble ne plus y avoir aucun écart entre l’événement et son écriture. Mais, même dans un cas aussi patent de prédiction symbolique, cette parenté ne va pas de soi, mais procède d’une interprétation7.
Il faut donc un troisième terme pour que l’écriture en vienne à produire des prédictions. Ces prédictions ne sont pas contenues en tant que telles dans le texte de toute éternité. Elles n’y apparaissent qu’après coup, quand le travail de l’interprète, procédant à rebours depuis les événements réalisés jusqu’à leur écriture annonciatrice, y dessine des lignes de force pour lui définitives, mais qui auraient été autrement disposées par un autre lecteur.
Reconnaître cette place particulière du sujet dans la formation des figures-avant implique aussi d’admettre – quel qu’en doive être le coût – qu’il est d’autant plus susceptible d’être mobilisé dans sa lecture qu’il perçoit des consonances entre la manière dont l’écrivain a écrit son avenir et la manière dont lui-même, par son écriture sur les œuvres d’un autre, préfigure le sien.
Il n’est pas nécessaire en effet, pour éprouver de la peur, de voir des fleurs se couper dans un jardin désert ou des verres de lait se vider tout seuls dans sa chambre. Si l’après-avant, comme le Horla, est le sentiment, aux alentours de soi, d’une forme obsédante de présence, celle-ci peut se faire plus discrète que chez Maupassant, sans en être pour autant moins angoissante.
Car c’est bien une présence que ressent par moments celui qui, comme nous dans cet ouvrage, travaille sur les prédictions écrites de la littérature. Alors même qu’il peut se protéger en parlant des autres, et d’un grand nombre d’écrivains qui ne lui ressemblent guère, le sentiment lui vient par moments qu’il s’est approché de si près de l’objet de son angoisse que celui-ci en arrive à s’incarner en abolissant toute distance.
Le lieu précis n’en est pas pour autant situable dans le texte, et c’est seulement à ce qu’il ressent que le critique peut se fier : l’impression que les mots qu’il est en train de lire lui sont devenus étranges ou, au contraire, trop familiers, le sentiment que ce n’est plus de l’autre qu’il parle mais de lui-même, la présence d’une atmosphère irréelle, comme s’il ne se tenait plus du même côté du miroir et avait franchi la barrière de la page.
Et surtout comme si ce qu’il vit en cet instant s’était déjà produit il y a très longtemps – au point de donner subitement aux choses environnantes une grande netteté et un air d’évidence – et était sur le point malgré tout, en dépit des détours qu’il pourrait inventer pour en reporter l’échéance, de se produire à nouveau.
1. Voir le témoignage de Robert Pinchon : « Deux ou trois jours après la publication du Horla dans Le Gil Blas du 26 octobre 1886, je déjeunais avec Maupassant. Nous avons parlé de sa dernière nouvelle, et comme je lui dis qu’elle allait révolutionner bien des cervelles, il partit d’un bel éclat de rire, franc, sain, qui attestait que, quant à lui, il n’avait pas la cervelle troublée. Je vous assure que, dans l’intimité de notre tête-à-tête, je n’ai remarqué nulle préoccupation en son esprit du sujet macabre qu’il venait de traiter » (Maupassant, Contes et nouvelles, II, Gallimard, Pléiade, 1979, p. 1615).
2. Même s’il est aussi un personnage, et pas seulement un fait de discours, le Horla a une valeur allégorique, puisqu’on peut l’interpréter comme une représentation imagée d’une entité abstraite, la folie. Et surtout, le nom approximatif que lui donne le narrateur et son caractère insaisissable en font stylistiquement un élément générateur de nombreuses figures de rhétorique – comme les métaphores –, l’écriture essayant sans cesse de trouver les mots pour dire ce qui lui échappe (voir infra).
3. Parmi les métaphores-avant du « Horla », on peut penser à celles de l’animalité, qui viendront ensuite véritablement s’incarner dans les derniers mois de la vie de Maupassant (voir « Le Horla », in Contes et nouvelles II, op. cit., p. 932-934), mais aussi aux images de la pensée sombrant dans l’océan (928), de la « crevasse » (928), des « touches du clavier cérébral » (928), de l’« autre âme » (930), du prisonnier dans son cachot (930), des « Normands qui asservissent les peuples » (931), etc. Métaphore-avant typique également, la métaphore aquatique chez Virginia Woolf. Voir supra.
4. Parmi les métonymies-avant du « Horla », l’éclipse produite par le passage de la créature dans la glace (op. cit., p. 936). Autres exemples de métonymies-avant : le quai ou l’acier chez Verhaeren.
5. « Malheur à nous ! Malheur à l’homme ! Il est venu, le... le... comment se nomme-t-il... le... il me semble qu’il me crie son nom, et je ne l’entends pas... le... oui... il le crie... J’écoute... je ne peux pas... répète... le Horla... J’ai entendu... le Horla... c’est lui... le Horla... il est venu !... » (op. cit., p. 233).
6. Il faut réunir plusieurs romans de Virginia Woolf pour voir se dessiner le réseau symbolique de l’eau et de la fenêtre.
7. Et dans le cas de Verhaeren, où l’écart semble encore moindre entre les textes et la vie, il faut le poids d’une lecture, non certes pour créer tous les trains qui traversent l’œuvre, mais pour leur donner tout un poids de mort qu’ils n’acquièrent qu’après coup. Et ce poids de l’interprétation sera encore plus grand quand les symboles ne sont pas lisibles immédiatement, comme le blanc annonciateur de l’impuissance de Melville ou les blessures au couteau de la cécité de Borges, mais impliquent un véritable décryptage.