DIODONNE V

Plus d’un annaliste s’interroge sur les tenants du pouvoir de Diodonne V, dont on connaît surtout les aboutissants, qui culminent avec sa brusque descente du trône et sa dispersion en vils morceaux. Il est vrai que les mémoires retiennent l’insurrection plutôt que ce qui la prépare ; de la totalité du règne, seul le dépeçage de la reine fut chroniqué dans le détail. La souveraine fut mal aimée par ses peuplades, et, quand les bas-fonds vinrent à elle pour la châtier et sur-le-champ établir les bases d’une éphémère république, les masses se tinrent dans la prudence, en expectative et assez coites pour que l’étripage se déroulât sans accroc. Diodonne V fut hameçonnée aux branchies et, bien que pour sa défense elle donnât du relief à ses piques, les gredins qui l’encerclaient plongèrent des lames dans sa vessie gazeuse et fort bientôt lancèrent des bribes de celle-ci sur l’assistance, en signe de populaire victoire. Clameurs et proclamations égalitaristes suivirent. Parmi les plus célébrés des assassins, il faut nommer Jean Brigantine, dit Fier-Coutelas, et Robur Mitraillette, dont les portraits embellissent encore aujourd’hui les chambres de nos jeunettes. Il y eut ensuite fête au château ; on brûla de la parentèle et quelques cousins par alliance ; des serviteurs finirent dans les douves. Diodonne V était issue d’une famille pie, et, outre la charge royale, elle rêvait de se voir attribuer une tiare papale. Des pourparlers avaient eu lieu avec les hautes-églises, qui n’avaient pas abouti avant le régicide. Certains pourtant répandent que la reine avait été élevée en secret jusqu’au pontificat. Les livres saints parfois la mentionnent en tant que papesse. Quant aux historiens de l’anarchie, de temps en temps ils reprennent cette invérifiable assertion, vantant le coup double de Fier-Coutelas, qui ainsi, d’un unique va-et-vient de son fer, avait débarrassé nos océans d’une tyranne en même temps que d’une théophile.

1012-1015 furent les années que Diodonne V consacra à pressurer iniquement le peuple et à lui faire perdre patience, et 1014-1015 les dates auxquelles on peut la soupçonner d’avoir exercé en tapinois son ministère.