BARBILLE VII
Les panégyristes n’écrivent pas sur Barbille VII (1133-1137), ou, pour marquer leur antipathie profonde envers son règne, ils en inversent les dates. On trouve ainsi mention d’une dictature couvrant les années 1133 à 1129. C’est une plaisanterie méprisable de chroniqueurs ; tout en courbettes devant les puissants, ils en sont coutumiers. Barbille VII accéda au trône à la faveur d’une rébellion ouvrière, provoquée par des licenciements excessifs. La reine avait vécu jusque-là comme concubine de Torpe le Vif, qui dans l’émeute fut déposé puis occis ; elle était issue des lies, née Pôchouse, de père inconnu. Sans mandat, mais avec le soutien de la populace, elle s’empara de la couronne et se fixa pour première tâche d’éliminer la noblesse courtisane, ainsi que ses anciennes rivales de dortoir. Puis, par conviction sans doute et pour se rendre aimable aux déguenillés, elle entreprit d’attaquer ceux qui par leur présence superflue alourdissaient l’industrie, et ordonna qu’on réduisît directeurs de fabriques et agioteurs, ainsi que leurs soldats et les écrivassiers qui perpétuaient le capitalisme par leurs fictions. Aussitôt cette gent dominante complota, établissant un plan dont aucun rouage ne grippa. On commença par faire courir de puissantes rumeurs, afin de détacher les masses de leur souveraine ; on la décrivit dégénérant dans l’opulence, alors qu’en réalité elle était restée humble et travailleuse ; on inventa ses débauches ; on la déclara alliée à Balbutiar, prince onirique honni de tous. On favorisa quelques effondrements économiques spectaculaires, dénonçant comme responsables du chaos les nihilistes qui avaient sa sympathie. Toute catastrophe naturelle lui était aussitôt imputée. Aisément la foule se retourna contre elle. Une épidémie de lèpre goutteuse déclencha l’ire plébéienne. Les publicistes racontent qu’un sauveur nommé Jacques Grondin alla à elle et la sabra. Dans l’heure, les chambres patronales firent acclamer la reine Flétanne, qui leur était acquise.
La lame avait seulement entaillé Barbille ; on remit donc la mourante au peuple qui l’écorcha sur la grève. Selon que l’on éprouve ou non de la sympathie pour cette reine, on peut donc la dire exécutée en 1129 ou assassinée en 1137.