Morses à la baie Washburn.

Mrs. Paulina Barnett ne considéra pas ce nouvelaspect sans une certaine émotion. Elle s’attendait à cela,et pourtant son cœur battit fort. Elle cherchait des yeuxce continent qui manquait à l’horizon, ce continent quimaintenant restait à plus de deux cents milles en arrière,et elle sentit bien qu’elle ne foulait plus du pied la terreaméricaine. Pour tous ceux qui ont l’âme sensible, il estinutile d’insister sur ce point, et on doit dire que JasperHobson et le sergent lui-même partagèrent l’émotion deleur compagne.

Tous pressèrent le pas, afin d’atteindre l’anglebrusque qui fermait encore le sud. Le sol remontait unpeu sur cette portion de littoral. La couche de terre et desable était plus épaisse, ce qui s’expliquait par laproximité de cette partie du vrai continent qui autrefoisjouxtait l’île et ne faisait qu’un même territoire avecelle. L’épaisseur de la croûte glacée et de la couche deterre à cette jonction, probablement accrue à chaquesiècle, démontrait pourquoi l’isthme avait dû résister,tant qu’un phénomène géologique n’en avait pasprovoqué la rupture. Le tremblement de terre du 8janvier n’avait agité que le continent américain, mais lasecousse avait suffi à casser la presqu’île, livréedésormais à tous les caprices de l’Océan.

Enfin, à quatre heures, l’angle fut atteint. La baie

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